Monsieur le président de la
République,
Le 17 mai les urnes vous ont donné
cette dignité, sinon légitimement, au moins constitutionnellement.
Sur 46 066 307 inscrits (tant pis pour les non-inscrits) vous avez
obtenu 18 000 668 bulletins, face à votre adversaire, 16 860 385
voix. Avec ces dix-huit millions de choix qui se sont portés avec
plus ou moins de réticence sinon en votre faveur, au moins contre
votre concurrent, vous n'hésitez pas à déclarer donner à notre
pays l'orientation que vous avez décidée personnellement. Cela a
été bien clair.
Or 3 982 822 suffrages se sont portés
au premier tour sur une vision de l'avenir non seulement différente,
mais disons-le tout net, opposée. Il se trouve que par discipline
républicaine ces suffrages se sont reportés en grande majorité sur
votre nom au second tour, face à ce qu'on pouvait à juste titre
nommer "la Droite Dure". Sans eux, bien évidemment c'était
l'échec assuré. Malgré tout, malgré votre détermination à
mener la barque selon votre goût, ces voix vont vous demander des
comptes. Il ne suffit pas de renvoyer dans les cordes l'adversaire,
gouverner autrement est nécessaire.
Vous
avez développé en 60 points votre projet de politique. Le moins
qu'on puisse dire est qu'il est bien modeste sur tous les plans. Les
volets les plus importants supposent l'accord de vos partenaires
européens, accord que vous savez fort bien ne pas pouvoir obtenir.
C'est facile. Ne restent que des retouches anecdotiques, que les
médias se feront une joie de faire mousser.
Je ne vous ferai pas l'injure de penser
que vous n'avez pas lu vous-même l'intégralité du programme
du Front de gauche, abondamment diffusé depuis longtemps y
compris dans toutes les librairies (le vôtre fut nettement plus
tardif, et plus confidentiel). Point par point, vous noterez combien
il diffère du vôtre. En particulier les citoyens sont bien plus mis
en avant, et les institutions européennes mises en demeure
d'accepter des différences de points de vues fondamentales, ainsi
que les applications de celles-ci. Quitte à ce que ces applications
aillent à l'encontre des traités, quitte même à casser ces
traités inappropriés (pour prendre exprès un terme bien faible).
J'ajouterai, et ceci est une touche personnelle, que pour moi ce
programme "L'Humain d'abord" est sur certains points encore
peu hardi.
"Votre" majorité
parlementaire a récemment eu le courage insensé de s'abstenir au
débat sur le MES, premier volet de la Nouvelle Austérité
Perpétuelle. Que va-t-elle faire, alors qu'approche l'échéance du
vote de ratification du TSCG
qui bloquerait à jamais toute dérive même involontaire de la
politique budgétaire des États européens ? Assuré d'avoir
dans tous les cas une majorité qui vous est acquise, vous pliez la
tête sous les injonctions de la chancelière allemande. Or elle est
en mauvaise posture, avec le constat que toutes ou presque les
élections régionales partielles conditionnant sa majorité au Bundesrat ont
été pour elle de cuisants échecs. Elle sait aussi, ou elle devrait
savoir, que la prospérité apparente non des citoyens allemands,
aux conditions de salaire et d'emploi déplorables, mais des
entreprises d'outre-Rhin, est due à la balance des paiements avec
les autres pays européens pour une grande part. Si ces pays
n'achètent plus, son pays aussi s'effondre. Lui rappeler ces vérités
évidentes serait un grand service pour tous, à condition bien sûr
que son obstination ne confine pas à un entêtement catastrophique.
Automobile Club de France, lieu rencontre du Siècle 1 fois par mois |
Si vous tenez à être soutenu, par une
Gauche qui est tout de même l'un des pôles de la nation, et qui
représente des forces vives affaiblies considérablement par un
contexte très défavorable, il est de l'intérêt de (presque) tous
de relever le défi d'un vrai redéploiement drastique des richesses.
Car des richesses, il y en a. Il suffit, mais il faut les mettre en
œuvre quitte à tordre quelques bras trop luxueux, français ou
étrangers. Quitte à désavouer dans les faits des actionnaires sans
scrupules.
Quant à l'indépendance nécessaire à
la sérénité républicaine, il faut la concrétiser en se retirant
complètement d'une OTAN simple bras supplétif d'une politique
agressive d'outre-Atlantique. C'est très important. Et cela fera
bien entendu de substantielles économies. J'aurais bien aimé que
vous soyez prêt à sortir aussi de ce salmigondis totalitaire qu'est
la pseudo-Europe qu'on voudrait nous vendre à travers les médias,
mais je crains que vous n'y voyiez quelque inconvénient pour des tas
de raisons fort loin des intérêts de nos concitoyens. Ou du moins,
de 99 % d'entre eux...
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