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dimanche 27 novembre 2011

Europe terrassée


On ne sait pas bien qui a utilisé pour la première fois le terme de "ventre mou de l’Europe" à propos des Balkans, à la toute fin du XIXe siècle. Aussi longtemps que perdura l’empire ottoman, avec ses avantages et ses faiblesses, cet "agrégat inconstitué d’éléments désunis" tint sa place sans soubresauts particuliers. S’il y avait des heurts, ce sont les janissaires, les propres fils des opposants, qui étaient mandatés pour rétablir l’ordre.. . avec peu de douceur en général, ce qui limitait les contestations.

europe-mondePlus tôt l’empire austro-hongrois avait tenu ce rôle dans une bonne partie de l’Europe de l’est. A la différence d’une France unifiée depuis longtemps, quel pays peut se glorifier d’une centralisation unitaire, même aujourd’hui ? Cela explique les constants mouvements centrifuges, parmi des populations qui sont souvent des mosaïques, villages après villages, de provenances, de religions, de cultures, de langues différentes. Voilà, incidemment, une Europe que des bruxellois enfermés dans la commission ad hoc prétendent gouverner souverainement. D’aucuns s’étonnent de dérapages ? Ceux-ci sont naturels, et quasi-obligatoires.

Il se trouve que ces pays les plus à l’est ne sont pas encore tous sous le joug financier institué par la zone Euro, et que certains osent encore relever la tête. C’est pourquoi le courroux de la presse bien-pensante se déchaîne contre la moindre incartade qui ne va pas dans le sens voulu. Des Hauts Penseurs de la Haute Pensée déchargent leurs traits ravageurs et aux cibles mal ciblées. La dictature étend son manteau de plomb sur un amas de peuples à terre. Bientôt il n’en restera plus rien. Est-ce une punition lancée sur cette minuscule Europe, qui un temps se crut la maîtresse du monde, par un pays d’outre-océan issu souvent de ses rejetons les moins recommandables, et qui à son tour s’imagine avoir conquis la suprématie ?

Doucement, une accrétion aurait pu se faire, rendant cette Europe de plus en plus unie malgré (et non grâce à) des gouvernements jaloux de leurs prérogatives. Le nivellement économique rendra ce processus probablement inutile. Dommage, sans doute.

mercredi 23 novembre 2011

U. S. A . - Du «gendarme du monde» au semeur de violence



yaltaC'est à la fin de la seconde guerre mondiale que les USA, jusque-là cantonnés dans un attentisme se résumant à être le pourvoyeur de tous les belligérants, ont "choisi leur camp", ou plus exactement l'ont fabriqué. Une raison pourrait être que Yalta, bien loin de contenter les militaires, les a irrités en raison de la prestation assez faible de leur président. Malade, Roosevelt a mal supporté le choc d'un Staline au sommet de sa puissance. Car cette guerre, c'est son pays qui l'avait gagnée, au prix de cinq millions de citoyens soviétiques. C'est même pour éviter que les troupes de Moscou n'envahissent plus de terrain, que les bombes de Hiroshima et Nagasaki ont précipité une capitulation nippone inéluctable.

De là est née la Guerre Froide, ainsi (mal) nommée parce que les deux grands protagonistes ont continué à guerroyer, mais par l'entremise d'autres acteurs, d'autres pays, d'autres diplomaties. D'un côté, dès 1949 les USA ont fédéré une "défense commune" avec la plupart des pays de l'Europe de l'ouest (l'OTAN), de l'autre en 1955 les Russes ont dû mettre en place avec les pays de l'Europe de l'est, généralement slaves, un traité similaire appelé Pacte de Varsovie, pour se défendre de ce consortium soit-disant défensif.

lundi 21 novembre 2011

Par le peuple, pour le peuple


tendances politiquesQuel chef de parti osera proclamer "Il faut rendre réellement le pouvoir au peuple, à tous, relancer une vraie démocratie !" ?
Une vraie démocratie est celle où chacun sait que ce qui a été décidé, l'est pour la bonne cause : il le sait pour avoir participé aux discussions qui ont précédé la décision, et il sait que cette décision reflète l'opinion de la majorité éclairée par la discussion justement.
A droite, la question ne se pose pas : tout fonctionne par des rapports de force, où l'argent est roi, que dis-je, empereur. C'est lui que courtisent maints financiers qui le font fructifier, comme ils disent (en fait ils l'inventent au fur et à mesure), maints politiciens qui en ont besoin pour agrandir leur influence, maints personnages influents dont il facilite la tâche en les aidant à abuser du bon vouloir de subordonnés grâce à des promesses aussi mirifiques que vaines. Le $Y$T€M fonctionne sur des relations entre inégaux, par définition. Quelques happy few discutent entre eux, se partagent les plus hautes prébendes, les plus hauts postes, des plus ronflants aux plus délicatement possesseurs de pouvoir, selon les tempéraments.
Ce ramassis de Hauts Requins distille, selon le bon adage diviser pour régner, des divisions entre des corps de métiers, entre des "couleurs de peau", entre des faciès, des "origines", des "religions", et en rabâchant ses venins il réussit effectivement à dresser les uns contre les autres des gens qui auraient tout pour s'entendre, s'entendre contre lui naturellement. Comme c'est lui qui possède ce qu'on appelle pudiquement les moyens d'information, alors que ce ne sont que des outils de propagande, il a tout loisir pour remettre constamment au premier plan violence, immigration, "différences", langages, rites (toujours ceux des mêmes). Il procède internationalement, ce qui lui donne une force terrible.
La gauche est sensée rendre la main à tous : qu'en est-il réellement ?

jeudi 17 novembre 2011

Le bipartisme, ennemi des citoyens

On rit, on rit ! Car bien entendu, on le voit encore avec le nucléaire : Sarkozy ou Hollande, sous des stratégies différentes c'est le même candidat des lobbies, des industriels, de la finance, de Goldman Sachs, du chômage regretté mais assumé, des inégalités toujours plus grandes.

C'est clair : pour l'avenir de nos concitoyens, il ne faudra pas plus voter PS qu'UMP ou FN à ces élections qui viennent, qui viennent ! Pour le reste, laissons le choix des armes selon les sensibilités de chacun, à condition d'éviter ces trois écueils aussi dangereux les uns que les autres.

Ah mais cela voudrait dire, s'aventurer chez des candidats qui ont moins le droit à l'accès dans les médias, dans des émissions où la possibilité de parler sans être interrompu toutes les minutes est garantie. Pour une fois, ce serait faire preuve de responsabilité citoyenne, cela demanderait un effort, des efforts, quelques recherches même ! A tout hasard, déjà le programme du Front de Gauche est dans toutes les librairies à un prix quasi-symbolique. Les écologistes multiplient les déclarations quand ils le peuvent, avec une Eva Joly déchaînée et magnifique. A chacun de chercher sa voie hors de ce qu'insufflent les Journaux de Vingt Heures (j'ai encore quelques majuscules pour faire bonne mesure).

Citoyens, étonnez-moi, étonnez-vous : faites honneur à votre titre, dont les politiciens de la droite élargie se gardent bien de vous parer. Cela pourrait tant se retourner contre eux ! Si vous voulez voter, sachez où sont vos ennemis : ce sont eux qui votent les lois qui vous ruinent. FN, UMP, PS. Promis ? Ceux-là, à éviter absolument. Et vive la République.

Ô toi Milton Friedman, merci pour tous tes bienfaits

Je ne pouvais manquer de répercuter ici un appel qui a été envoyé à des personnalités, politiciens, journalistes, économistes... qui soutiennent le $Y$T€M dont nos pays meurent.

Merci Annie, à qui j'ai emprunté ce texte pour le transmettre à mon tour.

Milton Friedman
Milton Friedman
Tu es mort le 16 novembre 2006. Tu nous laisses des cadeaux magnifiques qui nous font penser à toi tous les jours que Dieu nous donne. Malheureusement, comme nous le rappelle si bien les Tea Party aux Etats-Unis nous n’avons pas su appliquer jusqu’au bout les préceptes si bien réfléchis et pensés par toi, malgré tous les efforts déjà effectués par Ronald Reagan, Margaret Thatcher, Pierre Beregovoy.
Aussi la communauté a pensé, en ton honneur, faire une lettre de remerciement à tous ceux qui t’honorent, pas jusqu’au bout et sans les résultats escomptés, ils sont :
Margareth Thatcher
Margareth Thatcher
Ronald Reagan
Ronald Reagan
Jean Quatremer, Eric Le Boucher, Sophie De Menthon, Laurence Parisot, Jean-François Copé, Michel Godet, Agnès Verdier-Molinié, Alain Madelin, H16, Jean-Michel Aphatie, Hervé Novelli, Laurent Wauquiez, Hugues Serraf, Jacques Attali, Jean-Marc Sylvestre, Franz-Olivier Giesbert, Pascal Salin et Monique Canto-Sperber; liste non close.
Voici la lettre :
Madame, Monsieur,
Vous vous définissez vous-même comme étant de sensibilité « libérale » sur le plan économique et c’est bien évidemment votre droit le plus strict. Vous ne verrez donc pas d’inconvénients à être sollicité afin de répondre à une simple question.
Nous, blogueurs et citoyens de sensibilité de gauche, sommes depuis une bonne trentaine d’années face à votre discours nous assurant que le libéralisme économique – ou néolibéralisme si vous préférez – va être rien moins qu’une promesse de bonheur et de liberté pour tout un chacun, humbles comme aisés, et qu’un passage, certes douloureux, mais que vous nous assurez « nécessaire », par une période de temps plus ou moins difficile où serait mise en place une sévère, mais juste « rigueur » économique, finira, à terme, par porter des fruits dont tout le monde sans exception profitera… Disons le net : nous sommes sceptiques.
Non pas que nous mettions en doute votre bonne foi quant à ces affirmations : votre sur-présence médiatique depuis tant d’années nous a convaincu de votre sincérité. Mais tout de même, tout le monde finit par se demander, à force :
Parce que dans un pays comprenant 8 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté et des salariés pressurés comme des citrons en permanence, et où malheureusement il semble bien qu’une fraction fort malhonnête de personnes trouvent à s’enrichir en se contentant de siéger dans des conseils d’administration, il est quelque peu délicat de percevoir les bienfaits de ces fameux « marchés » que vous défendez pourtant mordicus en dépit du bon sens.
Comme toujours, vous répondrez à cela qu’il faut « poursuivre les réformes » parce qu’on a « pas assez libéralisé » ; mais soyons sérieux : il vous faut clairement admettre que vous vous êtes plantés. Qu’en 30 ans vous n’avez pas été foutus de faire quelque chose de bien. Et que le néolibéralisme n’a conduit qu’une fraction infime de gens très riches à encore plus s’enrichir au détriment de tous les autres.
Notre question sera donc : pourquoi ne pas admettre que votre idéologie est nuisible pour la majorité, que vous vous êtes plantés, et que dans l’intérêt général vis-à-vis duquel vos idées sont objectivement nuisibles, il serait mieux que vous laissiez tomber et passiez à autre chose ?
Dans l’attente de votre réponse, veuillez Madame Monsieur agréer l’expression de nos salutations distinguées.
et nous rajoutons un paragraphe spécialement dédié à ceux-ci :
Pierre Beregovoy, Delors, DSK, Lamy, Valls, la fondation Saint-Simon, Terra Nova, Hollande est en bonne voie, rejoint récemment par les Verts qui font tous les efforts possibles, mais nous en oublions sans doute.
Trop théorique, la démonstration aurait mérité de pointer quelques mesures phares, par exemple la loi n°73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France, les lois libéralisant les marchés financiers en France entre 83 et 86, ou le traité de Lisbonne, soit autant d’éléments qui impactent nos vies…
Trop sectaire, curieusement aucun-e politique de gauche n’est cité-e dans la liste. Parce que l’idéologie néo-libérale, il n’y a pas que la droite et le centre, hélas… Nos ami-e-s sociaux-démocrates ont activement participé à l’édification du paradis néo-libéral qui porte les doux noms de la mondialisation, forcément heureuse,du libre-échange sans entrave, ou de l’Europe sociale qui protège.
Pour conclure cette digression, ajoutons qu’en 2012, il faudra non seulement se débarrasser de Sarkozy, de la droite extrême mais aussi de tous ceux qui collaborent à l’ordre néo-libéral…
sur une idée des pas perdus, et de Monolecte.

MOX : les diktats des lobbyistes tournent-ils à la farce ?


Les collusions des gens de droite avec les groupes industriels font partie du paysage politiquusine la haguee : chacun en a l'habitude. C'est d'autant plus logique, que des dirigeants de grands groupe font la navette entre le public et le privé : ce qu'on appelle le pantouflage. Souvent, il s'agit des lauréats des Grandes Écoles, comme on les appelle : les X-Ponts, les X-Mines, les Énarques, toutes gens qui se serrent les coudes.
Or hier, le site Médiapart nous a révélé qu'un accord, signé après d'âpres discussions entre Martine Aubry et Cécile Duflot, a été modifié après cette signature sur l'insistance de Henri Proglio, le patron d'EDF. C'est la version modifiée, et donc non valable, qui a été apportée au bureau du PS pour approbation.
De quoi parlait le paragraphe retiré du texte ?
- Une reconversion à emploi constant de la filière du retraitement et de fabrication du MOX, et des moyens de stockage des différents types de déchets notamment le laboratoire de Bure, en centres d'excellence du traitement des déchets et du démantèlement.
En somme, il s'agissait d'acter la mort de la filière MOX, ce mélange entre de l'uranium ordinaire et du plutonium extrait des déchets des centrales. Car le plutonium, plutôt à usage militaire en raison de sa dangerosité, se forme naturellement en petites quantités dans les centrales de production électrique. Malgré tout, à force ce métal est trop produit, et c'est une façon de le recycler. Dans une centrale où il est réutilisé, il s'en dégrade un peu, mais à partir de l'uranium il s'en reforme d'autre, un peu moins. On ne peut pas s'en débarrasser malgré ce recyclage qui coûte très cher. Deux usines en France produisent ce MOX : La Hague, très connue pour ses départs de convois de déchets qui retournent après traitement dans les pays d'origine, et Marcoule, qui en fait un peu aussi. Jusqu'à présent le Japon en achetait un peu, entre autres pour le réacteur 3 de Fukushima Daiichi. Bien entendu, c'est fini.
Quels pouvaient être les prétextes de Proglio, pour se prévaloir de mettre le hola à l'arrêt de la filière ? Cela mettrait au chômage deux millions de personnes. Il a probablement beaucoup gonflé les chiffres. D'autant que ces personnes pourraient être employées dans la mise en place accélérée d'autres sources d'énergie, plus propres, entraînant beaucoup moins de pertes de transport puisque situées plus facilement près des lieux d'utilisation. Actuellement, un dixième de la production est dissipée par effet Joule dans les réseaux électriques.
Hypothèse : EDF n'a pas intérêt à voir les écologistes réussir à se constituer un groupe parlementaire à l'Assemblée.
En tout cas, cela confirmerait que vis-à-vis du PS les Grands Corps ont autant d'influence que vis-à-vis de la droite. Et que voter Hollande ou Sarkozy ou Le Pen au second tour aboutirait au même résultat qu'actuellement. Chacun sait ce qu'il en est de la Grèce et de l'Italie : désormais, sauf si tous les citoyens se ressaisissent, c'est notre tour, une fois les élections passées.
Tout le monde est libre de son choix :  maintenant on sait ce que, de toute façon, il ne faut pas faire.

dimanche 13 novembre 2011

Berlusconi est parti : pourquoi lui seul ?


berluHier samedi, en fin d'après-midi, Silvio Berlusconi est allé enfin déposer sa démission devant le président de la République, Monsieur Giorgio Napolitano. En raison de l'hostilité de la foule qui a accompagné sa voiture, il a dû quitter le Quirinal par une porte dérobée. Ainsi se termine la carrière de cet homme qui avait l'Italie dans sa main en raison de ses multiples casquettes. A 75 ans, continuera-t-il à gérer son empire audiovisuel ? De toute façon, désormais il ne pourra pas se dérober pour des raisons politiques à ses assignations aux procès en cours.

Il est en effet accusé de corruption, fraude fiscale et prostitution de mineure. De tels chefs d'inculpation laissent des traces.

Dans la foulée, il serait tellement souhaitable que son quasi-homologue parisien fasse la même chose ! Tôt ou tard celui-ci sera rattrapé par de multiples casseroles, bien qu'il en soit encore protégé par son statut plus que très particulier.  C'est avant la fin de son mandat qu'il devrait partir, car cet homme ne doit pas, il ne doit pas se représenter devant le peuple. Indépendamment des multiples dossiers où son nom apparaît de plus en plus malgré ses efforts, il laisse un pays volontairement exsangue, grâce à des dépenses somptuaires énormes à son bénéfice propre, et à celui de son entourage, et grâce à des cadeaux fiscaux colossaux aux grands chefs d'entreprises hexagonaux qui ont vidé les recettes de l'État de façon délibérée. Cela n'empêche aucunement le chômage d'exploser malgré les tripatouillages de chiffres que PôleEmploi a dû constamment effectuer pour limiter les dégâts apparents.

Oui, le palais de l'Élysée doit retrouver sa virginité, grâce au départ volontaire d'un homme qui s'y accroche plus qu'aucune bernicle ne l'a jamais fait sur son rocher. Il y va de la santé du pays tout entier, dont tout le monde sait que ce n'est pas sa tasse de thé.

hollande
Lui parti, le débat sera plus ouvert : est déjà en place un homme que les "journalistes" et les "sondeurs" bien en cour poussent en avant de toutes leurs force, faute de leur poulain désormais hors course, quoique rentré d'un prix d'Amérique un peu rance. Il a l'avantage de ses inconvénients : n'ayant jusqu'à présent rien fait que dire "oui, sans doute" à tout le monde et personne, il n'a commis aucune faute, puisqu'il n'a rien fait qu'assurer sa réélection en Corrèze (comme par hasard le fief d'un ancien président parfois controversé). Et de toute façon il est tout acquis aux causes néolibérales de Bruxelles dont il a assuré, avec ses collègues députés et sénateurs PS le succès le 4 février 2008.

Face à lui, légèrement à sa droite se retrouveront des sommités de l'équipe en place actuellement, dont on ne dira rien puisqu'elles ne faisaient qu'appliquer sur le terrain les diktats de l'homme entouré de ses redoutables conseillers - redoutables par leur hargne à briser et démolir tous les rouages de l'État. Des casseurs en somme, comme les petites frappes du samedi soir.

m-lepenPlus redoutable, la fille de son père (!) a su se faire un prénom et un nom de façon adroite, et en cachant que son engagement néolibéral est aussi aigu que celui du parti actuellement majoritaire à l'Assemblée. Son credo : bloquer toute immigration de personnes dites "étrangères", chasser les entrants récents, mais surtout pas empêcher aux capitaux d'aller et venir. Ce ne serait que la continuation du chaos actuel, en pire certainement.

Se grefferont peut-être à cela quelques autres candidats dits "de droite", anecdotiques en fait.

Face à cette forteresse de la droite, assumée ou honteuse, restent les Forces de Gauche.  Philippe Poutou, malgré son évidente bonne volonté et son honnêteté sans faille (signe qu'il n'est pas politicien), aura du mal à promouvoir ses idées et un parti sur le déclin. En raison de la défection de Gérard Schivardi, qui ne pourra donc exposer ses idées et celles de ses amis, ne reste que le Front de Gauche. Sur lui repose tout le poids de la responsabilité d'un vrai changement (hors descente dans la rue évidemment). Jean-Luc Mélenchon a réussi à entraîner les militants du vieux PC à sa suite sur une nouvelle donne. Souhaitons-lui bonne chance, car c'est lui, ou la fin de notre pays et de ses idées universelles, ainsi que sa ruine. Rappelons que son programme est disponible dans toutes les librairies.

meluche
Citoyens, désormais le choix va vous appartenir. Vous avez trois possibilités : la rue, tous et jusqu'au bout ; le Front de Gauche, qui portera les couleurs de tous ceux qui souffrent de manque de travail, ou d'un travail inhumain ; ou au hasard les nombreux candidats de droite - assumée ou non comme je disais plus haut.

Quelqu'un soulèvera certainement la question : et EELV ? C'est simple, objectivement leurs projets sont tellement plus proches de ceux du Front de Gauche que leur intérêt est de s'allier avec lui, et certainement pas avec un PS qui les méprise.

jeudi 10 novembre 2011

Se souvenir des guerres, pour les rejeter


st_barthelemy

Le 11 novembre sera une fois de plus le jour de repenser aux morts et disparus d'il y a bientôt un siècle. Actuellement, beaucoup d'entre nous encore ont connu des témoins directs de ce qui s'est passé là, avec une violence inouïe dont la terre est a jamais marquée comme du côté de Verdun.

Quand ceux qui ont connu les rescapés de cette guerre de 1914-1918 si meurtrière auront disparu, soit dans quarante ou cinquante ans, que deviendra le souvenir de cette boucherie ? Dans notre pays, c’est également le souvenir des guerres d’Indochine et d’Algérie qui sera marginalisé, ainsi bien sûr que la mémoire de l’occupation. Ce seront des cerveaux vierges qui resteront, ouverts à toutes les propagandes faute de repères. Si l’Histoire n’est pas correctement enseignée aux nouvelles générations, toutes les manipulations deviendront possibles.

Or cette matière essentielle est désormais considérée comme un luxe superflu par les ignares au pouvoir, puisque, comme la philosophie, elle entraîne à réfléchir. Le relèvement de la TVA sur la culture n’est pas un fait anodin : devenue trop dispendieuse pour des citoyens de plus en plus appauvris, elle sombrera dans un néant d’où il sera très difficile d’émerger à nouveau.

C’est pourquoi plus que jamais, un jour du souvenir des conflits, de tous les conflits, devra être au contraire renforcé. Le 11 novembre est une bonne date : peu de temps après la commémoration des morts en général le 2 novembre, ce point d’orgue nous rappellera que c’est par dizaines, voire centaines de millions que la folie de quelques hommes ivres de pouvoir et de culte de l’argent aura conduit au trépas nos frères humains. Il faudra que cette commémoration tienne compte de toutes les guerres, les plus fratricides comme les guerres de religions, aussi bien que les plus lointaines comme l’invasion de l’Amérique par l’homme blanc.

mardi 8 novembre 2011

De la rigueur à la disette


voix au chapitreLa rigueur est en route.

Le gouvernement vient de passer un nouveau plan d'urgence pour sauver les finances, et financer les nuits d'hôtel de l'OCCUPANT de l'Élysée en déplacement à Cannes (37 000 euros au Majestic).  On s'appesantira sur la TVA en particulier.
Presque touts les produits et services qui bénéficiaient d'un taux réduit à 5,5% vont se retrouver ainsi à 7%. Ne sont pas concernés l'alimentaire, l'approvisionnement en énergie (gaz, électricité) et les prestations pour handicapés.
De ce fait, un secteur fragile va se trouver encore plus en difficulté, c'est celui du livre. Déjà beaucoup de libraires tirent le diable par la queue pour tenir le coup, cette différence va encore plus leur donner la pression. Pour certains, ce sera la goutte d'eau qui fait déborder le vase, et ils fermeront. Je pense en particulier aux librairies thématiques de province, dont seule l'abnégation du libraire leur permet de rester encore ouverte, par militantisme.librarie resistances
Militantisme, le mot est lâché ! N'y a-t-il pas bientôt des élections, où le pouvoir qui est en place veut à tout prix y rester ? Mettre en difficulté ce secteur sera certainement une bonne chose pour une horde qui ne s'embarrasse guère de culture. Les ouvrages spécialisés seront d'autant plus difficiles à trouver, que les librairies correspondantes auront fermé.
La culture, c'est la nourriture de l'esprit. Il est logique de lui conserver le même taux que celle du corps. Il va falloir se battre pour conserver cet acquis important, en particulier pour nos enfants.
Une pétition vient d'être mise en place, pour soutenir cette exigence. Pourquoi les produits vraiment de luxe (bijoux, grosses voitures, tableaux) qui autrefois avaient une TVA spécifique à 33%, ne sont-ils affectés en rien ?

lundi 7 novembre 2011

Jean-Claude Ponsin est toujours vivant



Ce 5 novembre, une vibrante commémoration a été rendue à Jean-Claude Ponsin. Homme simple et discret, il avait été emporté cet été en quelques jours, d’une intoxication par champignons. Désemparés en pleine période estivale, ses amis ont donc attendu cette date pour le fêter dignement. Non, pas lui rendre hommage, il n’aurait pas aimé, mais réaffirmer que son œuvre, ses œuvres continueront malgré sa disparition.

C’est pourquoi de nombreux parents et amis se sont succédés, pour raconter, chacun à sa façon, les multiples facettes de l’homme et de son œuvre.

Né en 1929, enfant en 1940 il avait cousu lui-même une étoile jaune sur sa blouse pour aller à l’école. Sa famille communiste l’avait élevé dans cet esprit. Un peu plus tard, en 1953 il sortira ingénieur d’une École Polytechnique où il avait animé la cellule communiste, peu appréciée dans ce milieu. De son diplôme, il fera un tremplin pour réaliser de nombreux grands travaux dans le monde, au Brésil, en Amérique Centrale, en Israël, en France aussi. A chaque fois, c’est son esprit militant qui le poussait à réaliser des choses pour le bien de tous. C’est pourquoi les deux années passées en Israël, qui en était à ses balbutiements, lui ont fait découvrir la réalité du peuple palestinien, et de l’oppression qui s’abattait sur lui progressivement.

En France, il a lancé une association de réinsertion de bâtiment, pour réinsérer au départ des alcooliques, puis élargissant la palette des paumés en général, anciens drogués, taulards ayant payé leur dette, toutes gens qui ont une très grande difficulté à retrouver une dignité par le travail. Cette réalisation pourtant exemplaire, où malgré ses autres activités il venait souvent mettre la main à la pâte, dut pourtant fermer ses portes quand l’État cessa de la subventionner.

Conscient de tant de souffrances, à un âge où certains commencent à penser à leur retraite, il a fait ses études de médecine. En 1980 il a commencé à exercer entant que généraliste et hospitalier. Cela l’a mené en 1982 à Beyrouth-ouest, en plein conflit. Mais aussi au Salvador, où il est retourné sur le terrain, pour soigner dans des conditions souvent précaires.

Conscient de la misère de la Palestine, où il continuait à aller, il a fondé alors au camp d’Aïda, près de Bethléem, une troupe de très jeunes comédiens, soutenue en France par l’association "les amis d’Al Rowwad". Ceux-ci rentrent depuis peu de leur tournée 2011 en France, où il se sont produits dans de nombreuses villes. Cette activité leur donne à la fois confiance en l’avenir, maîtrise d’eux-mêmes et le sentiment d’être utiles.

Pour compléter cette réalisation, il a créé sur le même modèle la ligne de vêtements Palextile, dont une boutique à Paris vend les réalisations de Palestiniennes de Bethléem, encadrées par une jeune experte en tissus parisienne.

En même temps, il a co-fondé les Amis du Théâtre de la Liberté de Jénine, dont le 4 avril de cette année le directeur sur place Juliano Mer Khamis a été assassiné.

Cette avalanche d’activités aussi indispensables que prenantes ne l’a pas empêché de mener une vie de famille exemplaire, entouré de ses deux filles et ses deux petites-filles. Sur la fin, à force de volonté il avait pourtant dû lutter, avec succès, contre un cancer qui l’avait laissé, à 81 ans, moins capable de tout mener avec autant de fougue (physique) qu’auparavant. C’est sans doute ce qui lui a coûté la vie : expert en champignons, qu’il avait ramassés dans le monde entier à l’effarement de ses proches, c’est dans une forêt qu’il aimait bien, du côté de Rennes, qu’il a cueilli l’amanite phalloïde qu’il ne fallait pas.

Dans l’arrière-salle bondée de la librairie Résistances, l’émotion était palpable en ce 5 novembre. Son épouse, minuscule et à la fois si grande, a accueilli maints témoins de ce que fut ce géant humble. Géant par les réalisations bien sûr. Humble, parce que c’est son engagement communiste profond ( il n’était d’ailleurs plus au parti) qui "l’obligeait" ainsi à aller au-devant de toutes les peines. C’est d’ailleurs ce que souligna un de ses compagnons en militantisme, qui se disait catholique pratiquant pourtant.

L’homme n’est plus, son œuvre reste. Mais il en faudra, des bénévoles, rien que pour le remplacer sur les multiples fronts où il a bataillé pour les autres humains.

http://www.amis-alrowwad.org/index.php
http://www.atljenine.net/spip.php?page=quisommenous
http://www.amis-alrowwad.org/boutique/achat/index.php?id=56
http://www.europalestine.com/spip.php?article6591
http://www.orleansloiretpalestine.org/spip.php?article1721

vendredi 4 novembre 2011

Les lavandières

mercredi 2 novembre 2011



C'est de loin qu'on les entendait. Les lavandières étaient alignées, le long des bords en pente du lavoir, et paf ! paf paf ! elles battaient le linge avec leurs battoirs de bois, grosses spatules épaisses, blanchies et polies par le travail. Elles se faisaient face, car deux lignes de ces blocs de granit noir bordaient le bassin d'eau claire et courante. Une source alimentait ce bassin, source qui alimentait un ruisseau en amont et en aval de ce lavoir sûrement ancien. Abondante, une partie de son cours régulée par une sorte de petit barrage longeait à l'extérieur le lavoir, se déversant dans un lit serpentant. Juste à la hauteur de l'entrée du lavoir, une rangée de pierres délimitait une profondeur un peu plus importante. Juste au-dessus une sorte de barrière métallique empêchait les animaux de remonter le ruisseau, et régulièrement bovins et caprins venaient là boire avant de rentrer à la ferme. Il était même amusant de rencontrer ces troupeaux faisant la queue vers sept heures du soir, maintenus par leurs bergers en attendant que le troupeau précédent ait terminé. Chacun de ces groupes d'animaux ne comportait guère que de trois ou quatre unités, jusqu'à une douzaine pour les "grosses fermes".

Et pendant ce temps (enfin, c'était en général plus tôt dans la journée) ces dames maniaient avec détermination leurs battoirs, retournant et retournant le linge qu'il fallait rincer dans l'eau froide. Un passage dans l'eau, elles tordaient un peu, paf ! paf ! un retour à l'eau, elles battaient à nouveau, puis passaient à la pièce suivante. Malgré la roideur des tissus, parfois filés et tissés sur place, les chemises, jupons, et autre pièces de lingerie n'arrivaient pas au poids des draps, épais et cartonneux souvent. C'est pourquoi elles n'avaient pas vraiment des silhouettes de mode : au contraire, leurs bras robustes se comparaient avantageusement avec ceux des hommes, malgré le côté essentiellement manuel des travaux des champs.

Bien entendu, ces assemblées, qui duraient des heures, étaient l'occasion de discussions animées, puisque c'était le seul moment où elles avaient le temps d'échanger ragots et nouvelles locales. Il fallait les voir bla bla, paf paf, bla bla, les paroles rythmées par les mouvements des bras ! C'était ainsi que se constituait la gazette, seulement orale bien entendu.

Ce passage au lavoir n'était que presque la fin d'un long processus. Dans un coin de pièce de la ferme, une énorme "pouëloune" de fonte était chauffée par un feu de bois dans une sorte de gros réchaud adapté, de fonte également. L'eau y bouillait, additionnée de lessive plus ou moins artisanale, et de "boules de bleu" qui gardaient la blancheur au linge, alors que naturellement il avait tendance à jaunir. Quand l'ensemble avait bouilli deux ou trois heures, c'est là que les ménagères essoraient sommairement literie et vêtements, et les entassaient dans une brouette, avec leur genouillère, cette sorte de caisse où elles posaient leurs genoux le long de la pierre à laver. Elle y mettaient en général un coussin, pour que l'épreuve soit moins rude.

Au retour de l'expédition, une fois par semaine, ou par mois, selon les besoins, le linge était essoré le mieux possible - à la main bien entendu - et étendu sur de longues cordes étendues dans les jardins, ou sous des hangars quand ils étaient vidés de leur paille. Il y restait souvent plusieurs jours, s'il ne pleuvait pas. Sinon, il fallait le rentrer précipitamment s'il était dehors, puis l'étendre à nouveau dès que l'averse avait cessé. En hiver, ces travaux étaient pénibles, avec le froid, bien que l'eau de source fût souvent plus "chaude" que l'air, le bassin "fumait" par les petits matins gris quand les écoliers le longeaient.

Dans mon village, pourtant bien petit, quatre lavoirs se partageaient la faconde des lavandières, chacun alimenté par une source différente. L'employé municipal, périodiquement, en nettoyait fond et bords afin que l'eau reste propre. Les sources existent encore aujourd'hui, mais les nappes phréatiques sont désormais beaucoup plus profondes en raison de l'eau courante pour tous, alimentée par un château d'eau couvrant douze communes. C'est pourquoi, désormais, les lavoirs ne sont plus abreuvés que par des filets d'eau, et le fond des bassins s'est un peu embourbé avec le temps. Qui, aujourd'hui, oserait encore s'en servir comme les "dames du temps jadis" ? Ce n'est pourtant pas si ancien, puisque pendant des années j'ai vu et entendu ces gestes sans doute millénaires.

"Mais où sont les neiges d'antan ?"

Au lycée caca, au lycée toto, au lycée catholique

lundi 16 mai 2011



Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, imaginez ce qu'était un lycée "libre", comme y disaient, il y a une bonne quarantaine d'années.

D'abord, vos parents et vous-mêmes, jeune ado en pleine croissance, vous présentiez devant le Rrrévérend Père Supérieur, chanoine de l'église du cru, apologiste renommé, et tutti quanti. Nous passerons sur sa difficulté à ne point postillonner abondamment, tare physique qui peut arriver à tout le monde. Sa retraite abondamment pourvue de livres pieux, d'images qui ne l'étaient pas moins, rappelait plus celle d'un vieux philosophe chenu que du fringant manager d'une Sup de Co de luxe. Sa soutane fatiguée soulignait l'ascèse certainement réelle à laquelle il se soumettait.

Le cher homme nous avait alors convié à une visite des lieux, essentiellement l'internat pour les Secondes, le petit parc, le labo assez vétuste pour les sciences physiques, le réfectoire des "grands" car l'institution avait aussi une partie Collège. On peinait pour lui de le voir s'essouffler en raison d'une corpulence manifestement due à une maladie. La salle de classe, unique (ce sont les professeurs qui se déplaçaient, non les élèves) n'était pas accessible.

C'est ainsi que je me suis retrouvé dans un nouvel environnement d'internat, plus discret qu'auparavant puisque j'avais connu les longs dortoirs anonymes du collège auparavant, dans une autre ville. Là, au moins, chacun avait son box spartiate, mais intime.

C'est ainsi que j'ai connu les joies de la vie de lycéen. La seconde année, les box étaient aménagés "au Carmel", un ancien carmel de religieuses où le couloir des classes s'intégrait dans le promenoir des nonnes. Celui-ci avait été isolé du jardinet central par des vitres, précaution précieuse en hiver. Cela n'empêchait pas de devoir parfois subir les offices et les complies du dimanche soir à la chapelle, comme il se doit dans un pareil environnement. Seule différence avec le collège : les fins de semaines se passaient désormais à la maison en général.

Nos enseignants, qui donc se déplaçaient entre les classes exception faite des sciences physiques ou naturelles, étaient généralement des "pères", prêtres non curés, avec la longue soutane qui les couvrait entièrement. Ils étaient en short en-dessous, comme avait lâché l'un d'eux arf arf... Très sympathiques, du moins ceux qui étaient intelligents, ils avaient très souvent des conversations avec les élèves pendant les récrés, et ils n'hésitaient pas à convier des groupes à venir les voir chez eux, dans les chambres où ils avaient leur quartier de vie. C'était plein de bouquins, souvent spécialisés. Le prof d'anglais, qui utilisait son salaire à passer tous les ans un mois chez les British (ouf la nourriture), avait non seulement un accent parfait, mais aussi un vrai attirail de peintre (il était aussi prof de dessin), et des flûtes traversières magnifiques dont il jouait comme un pro.

Quant au prof de sciences physiques, sa tanière était emplie de musique. Il possédait, chose rarissime à l'époque, une chaîne stéréo de bonne facture et une belle collection de disques de tous genres, que nous pouvions écouter sans problème quand il était là. Bel homme, il faisait un malheur sur les plages de la région. Je n'ai pas été surpris, plus tard, d'apprendre qu'il avait défroqué pour vivre une vie "normale" avec femme et enfants.

Il y avait aussi "la" prof de sciences nat, une vieille dame sans doute ancienne étudiante en médecine (elle avait épousé un généraliste) qui était un sujet d'étude à elle toute seule. Ses commentaires étaient émaillés de mots tout faits, du genre "entièrement", "à ce moment-là", dont les plus facétieux notaient la fréquence pendant les cours. Sa compétence était sans faille. Bénéficiaire (sic) d'une section sans doute oubliée, M prime, j'avais comme d'autres les sciences nat (on doit dire aujourd'hui sciences de la vie et de la terre) renforcées, avec beaucoup d'heures par semaine, souvent deux heures consécutives, à la place d'une seconde langue. Bizarre, non ?

Enfin, il y avait le prof de maths. Science ingrate pour moi, dont cet homme estimable avait décrété que je ne serais jamais matheux un jour où dans un exercice, je n'avais pas décelé que le truc pour résoudre celui-ci était le théorème de Pythagore. Cela n'avait pas empêché cet homme estimable de me proposer une soirée astronomie pour moi tout seul : il avait apporté une lunette astronomique (il savait que la chose m'intéressait beaucoup), et jusqu'à plus de 10 heures du soir nous avons ensemble traqué étoiles et planètes. Grâce à lui j'ai pu voir les satellites de Jupiter, du moins les plus gros. Remarquable, non ?

Pour mes condisciples, rien de remarquable. A partir de la Première j'ai pu me lancer dans les joies et les affres du Bridge, le jeu de cartes, pendant que d'autres s'éclataient avec des ballons de caoutchouc souple sur les cours de récréation. Chacun son truc. Un type de Terminale s'escrimait, récré après récré, à sculpter un visage sur un angle de mur de la limite de ce terrain de récré. L'année suivante, un autre tentait à tout prix à se prendre pour la vedette sur le terrain de sports. Plus tard, leader politique, il dut s'éclipser modestement (un comble pour lui) en raison de graves accusations sexuelles entre ses fils.

J'ai connu ainsi plein de gens, des plus normaux, à des pointures qui osent se lancer dans l'arène nationale. Ainsi, un ami, qui depuis a été maire d'une ville importante, sénateur, mais aussi dont la mère, le jour de l'oral (obligatoire alors) du Bac que nous avons passé ensemble, m'a offert un café en attendant de passer l'épreuve dans la préfecture de région, reste précieux dans ma mémoire. Dans le petit journal (très) périodique des élèves, il avait osé apprécier positivement un texte que j'y avais proposé.

La coussotte

lundi 11 avril 2011



Ah petits malins ! J'en vois ouvrir des yeux ronds : mais qu'est-ce donc qu'une coussotte ? Je parie que lapecnaude sait, mais des difficultés de santé la privent momentanément de clavier.

Comment réglait-on l'absence d'eau courante, autrefois ? Cela obligeait à utiliser plusieurs ustensiles dont certains ne seraient guère nécessaires aujourd'hui. Il fallait un puits, avec de l'eau potable dedans. En raison des captages urbains, qui aspirent les nappes phréatiques, ces puits aujourd'hui sont quasi secs, et souvent infestés de nitrates. Il fallait un seau. On en trouve encore. Il fallait un manche, pour y accrocher ce seau avec une sûreté anti-décrochage. Les paysans savaient en fabriquer eux-mêmes, à partir d'une petite branche bien droite. On plongeait le seau dans le puits, pour ramener cette eau, bien fraîche même en été, dans la cuisine familiale.

Là, comment faire, pour tout simplement se laver les mains, ou boire à la régalade, ou... ? Intervenait cet instrument que, dans le Poitou récemment encore (une bonne quarantaine d'années), l'on nommait la coussotte. Il s'agissait d'une sorte de petite casserole métallique (on en a même faites en plastique) à laquelle était fixé un manche rond, long, effilé et creux. A la soudure entre les deux, la casserole était percée.

Cette coussotte , il suffisait de la plonger dans l'eau pour la remplir, et de la poser sur les deux bords opposés du seau, lui-même installé dans l'évier familial. S'échappait un mince filet d'eau, comme d'un robinet. Il suffisait de replonger la chose dans l'eau, pour la remplir à nouveau. Combien de fermiers autrefois, pressés par le labeur, se contentaient le plus souvent de ce robinet primitif pour leurs ablutions quotidiennes, et ne se lavaient sérieusement que le dimanche le plus souvent !

La coussotte, c'était plus qu'un petit ustensile, c'était un élément de civilisation.

Collège collège

mardi 1 février 2011




Il faut avoir une idée de ce que voulait dire, il y a plus de 50 ans maintenant, "aller en Sixième". Seuls quelques-uns, ceux qui avaient les meilleures notes, pouvaient espérer sauter le pas. Les autres continuaient après le Cours Moyen, à suivre ce qu'on appelait le Cours Supérieur pendant trois ans, jusqu'au légendaire Certificat d'Études Primaires. Dans le cas le plus simple les gamins se retrouvaient au Cours Complémentaire, au chef-lieu de canton, pour quatre ans. Un car de ramassage faisait donc le tour de toutes les communes, une douzaine, qui le composaient.

Pour ceux, nettement moins nombreux encore, qui "optaient" (comme si on leur demandait leur avis) pour "l'école libre" (traduisez confessionnelle, qui de toute façon dans ma région n'existait pas en Primaire), il fallait aller jusqu'à la ville, en l'occurrence le chef-lieu du département (mazeeeette). Vingt kilomètres, le bout du monde, quoi, pour des enfants qui ne connaissaient au mieux leur environnement qu'à sept ou huit kilomètres de rayon, ce qu'on peut faire en vélo.

Ce fut pour mes parents, qui ne démordaient pas de leur "école libre", l'occasion d'acheter leur première voiture, une 4CV d'occasion. Ce fut pour moi, à qui il fallait toutes les chances de mon côté, l'occasion de découvrir l'anglais chez une fille qui en connaissait un peu plus, et qui m'a fait des cours pendant toutes les "grandes vacances" deux fois par semaine. Je dus aussi, sur le conseil appuyé du directeur en soutane du futur collège, m'astreindre à des pages et des pages d'écriture, que dis-je, de calligraphie, en anglaise droite, seule façon d'écrire correctement selon ses dires.

Pendant ce temps-là, tout le "trousseau" imposé fut avec minutie étiqueté avec mon nom en toutes lettres, par ma mère qui souvent râlait à ce propos. Il y en avait, des pièces obligatoires !

Arriva le jour de l'emménagement. Arrivée dans ce vieux collège froid et encore désert (il était tôt). Les rares parents déjà arrivés montrèrent à des parents plutôt désorientés les différents endroits où aller, la "salle des chaussures" aux relents indélébiles, le dortoir immense avec les lits tout petits (quelque chose comme 140x70) alternant avec de petits meubles à vêtements, le réfectoire aux noms déjà indiqués sur une pancarte, par tables de 6...

Tout ce chambardement terminé, il ne resta plus qu'à prendre congé, avec des au revoir un peu mouillés. Direction la cour de récréation, où déjà je portais la tenue obligatoire, la grande blouse grise si gaie et si sympathique. Tout le monde se regardait avec curiosité, sachant que les habitués arrivaient plus tard.

C'est ainsi que je me suis retrouvé en pension. Tout était minuté par la sonnerie déclenchée par la grande horloge électrique. Tous les matins à 6h30, c'était le réveil et la toilette, à 7 heures la descente en étude jusqu'à 7h30 : direction la messe. A 8 heures, c'était le petit déjeuner, puis la récréation. 8h30, les cours commençaient jusqu'à midi, avec une pause d'un quart d'heure. Dès le déjeuner fini, c'était le retour en étude pour encore une heure. Une demi-heure de récréation faisait la coupure, jusqu'à la fin des cours à 17h. Encore une "récré" d'une demi-heure, et c'était la "grande étude" jusqu'à 19h. Le repas du soir terminé, soit on repartait en étude, soit une fois par semaine (le jeudi) c'était le retour à la chapelle (du couvent?) pour les Complies. Puis à 21 heures, après une brève toilette, c'était l'extinction des feux. Été comme hiver.

Le samedi était un jour comme les autres. Le jeudi (pas le mercredi), après les cours du matin et le déjeuner, certains profitaient d'une brève sortie avec les parents qui pouvaient venir. A 17h 30 il fallait être rentré. Il y avait aussi la possibilité d'une sortie pour le dimanche, après 17 heures le samedi, avec rentrée là aussi pour 17h 30 le dimanche.

Ceux qui ne partaient pas avec leurs parents avaient "droit" à aller jouer au football le jeudi après-midi, sur un stade assez proche. Je détestais le "foot". Je préférais me geler sur le bord du terrain. Je n'étais pas le seul. Le dimanche, c'était le matin la grand-messe, et l'après-midi la promenade. Elle nous emmenait un peu n'importe où. Parfois on atterrissait au stade de foot où des "grands" jouaient "pour de bon". L'équipe locale était selon les années en première ou seconde division amateur. Il arrivait aussi que nos pas nous portassent au stade de Rugby : c'était déjà plus amusant. Mais bah ! je n'ai jamais été sportif.

Quand on sortait le dimanche, il fallait enfiler l'uniforme : costume bleu, chaussures noires type "richelieu". Parfois on croisait le troupeau des filles, d'un autre collège-lycée voisin, en bleu elles aussi avec une sorte de... bouse ? bleue sur la tête. Gloussements de part et d'autre. Mais attention ! Pas trop fort, sinon on rentrait directement au pas cadencé à l'étude !

Une fois par an, c'était la fête, les Portes Ouvertes. Stands débiles, musique... on connaît la chanson ! Nous étions tous ce jour-là en culotte courte, chemise blanche, petit ruban bleu noué en guise de cravate. Cette fête permettait de financer des améliorations, comme la télévision qui est apparue un jour, vers la fin de mon "séjour". Le matin, comme c'était en mai, le collège entier défilait en ville, par rangs de trois espacés de deux mètres en largeur et en profondeur, au pas cadencé. Un petit orchestre placé en tête, que les méandres des rues ne permettaient pas toujours d'entendre, donnait la mesure comme il le pouvait. Heureusement, les voitures étaient encore assez rares.

Je ne garde pas du tout un souvenir ému de mes quatre ans chez les "frères Quat'Bras", comme on les appelait. C'est au contraire pour une sorte de catharsis que je rapporte ici ces quelques souvenirs. Brrrr...

Les sources jaillissent, et emplissent le cœur

mardi 18 janvier 2011




Il n'y avait pas que la dureté de la vie autrefois. Quand j'avais une quinzaine d'années, il m'arrivait d'aller à la pêche. La veille, j'allais au tas de blé prévu pour le réensemencement de l'automne, et j'y prélevais une petite, ô bien petite poignée de grain. Je la mettais à bouillir doucement dans une petite casserole, avec de la menthe. Pendant ce temps-là, je préparais mon vélo avec plusieurs lignes différentes à utiliser selon les états de l'eau, et puis mes deux cannes à pêche. Le blé cuit allait au frigo en attendant le lendemain. Comme on ne sait jamais quelle météo on va trouver, j'y joignais un imperméable, et un chapeau de paille.


Le lendemain, le réveil sonnait très tôt, à quatre heures en général, ce qui ferait trois heures aujourd'hui, heure d'été. Je prenais mon vélo, prêt de la veille, bien avant le lever du soleil, je faisais deux ou trois kilomètres, en m'enfonçant dans le « marais mouillé », ce labyrinthe de petites « conches », de « rigoles » (chaque largeur de fossé ou de canal avait un nom différent), de petits chemins dont beaucoup étaient sans issue et aboutissaient justement à une rigole.


Après un certain coude du chemin, je descendais de vélo, ouvrais une assez symbolique barrière avec des barbelés, refermais derrière moi pour le cas où le terrain où je m'aventurais était peuplé de bétail. Je traversais ce terrain, herbu, odorant, entouré de peupliers bruissants et frémissants sous la brise nocturne. Il ne faisait pas vraiment chaud à cette heure-là, dans un milieu toujours humide. J'arrivais sur le bord opposé du pré, bordé de frênes têtards qui plongeaient une partie de leurs racines directement dans l'eau de la rigole. Je vérifiais l'état de celle-ci. Souvent l'eau était claire, mais il arrivait que des lentilles d'eau fassent une couche vert clair à la surface : il fallait prévoir les lignes lestées, avec beaucoup de plombs et des bouchons plus gros. Je déballais sans bruit mon matériel, plantais mes supports de lignes, assujettissais des grains de blé décortiqués au bout des lignes grâce à une petite lampe à pile, étendais les lignes, et mon bouchon était à l'eau alors que l'est commençait à peine à s'éclaircir (en été bien sûr).


J'attendais, immobile. Les oiseaux commençaient leur chant matinal, voletaient d'arbre en arbre. Le ciel blanchissait en face de moi à travers les rideaux successifs d'arbres. Je commençais à voir mes bouchons blancs sur le noir de l'eau, ou le vert des lentilles. Souvent, c'est là que commençaient les prises. Les poissons allaient sans doute en quête d'un petit déjeuner. Gardons, tanches, ablettes parfois venaient goûter mes grains de blé. Je les mettais dès la prise dans un panier métallique plongé dans l'eau, et accroché à la berge. Parfois je ne prenais rien. Mais cela n'avait pas d'importance, car cette ambiance suffisait au bonheur. Le soleil continuait à monter, j'en profitais pour me découvrir. Les insectes reprenaient leurs ballets, nombreux papillons dont un bleu qui n'existe nulle part ailleurs, facétieuses libellules qui se posaient sur mon bouchon parfois, abeilles affairées. Si des veaux étaient présents, ils venaient me flairer parfois. La matinée s'avançait ainsi. Les senteurs de menthe sauvage et de beaucoup d'autres herbes aromatiques emplissaient l'air avec l'arrivée de la chaleur.


Je rentrais vers midi dans un nuage d'insectes, de papillons, de libellules... Je repliais tout, reprenais le vélo, parfois un oiseau effrayé s'envolait à mon approche. C'est ainsi qu'un jour, j'ai vu passer juste au-dessus de moi un magnifique faisan tout effrayé, dans le petit chemin entouré de grands arbres. Un froissement dans les feuilles : les plombs. Un coup de fusil. Le chasseur ne m'avait pas vu. Heureusement, il ne m'a pas eu, le faisan non plus. C'est pourtant si beau, un faisan !

Retour aux sources

mercredi 12 janvier 2011



« All' ont ben changé, les affaires, oui dame, dans nos coins pardus.
Si nos défunts grands-pères retourniont, le s'y reconneuteriont pus. »

Yves Rabault, poète patoisant, Barde poitevin, que j'ai bien connu, avait écrit ce petit sketch il y a pas loin de cinquante ans. Je me souviens mal de la suite, dommage !

Il y a peu, j'ai eu enfin la chance de revenir sur les lieux de mon enfance. C'était l'époque où la télévision n'existait pas, où l'eau venait du puits de chaque maison. Il fallait pomper, avec la pompe à balancier. Chaque matin, le premier travail en hiver consistait en l'allumage du feu, dans la grande cheminée. Keuff ! Keuff ! Keuff ! Au départ, cela fumait, toute la maison était imprégnée de cette odeur, au fil du temps.

Pour se déplacer, à part de bonnes chaussures ou un vélo soigneusement révisé, la seule façon de se déplacer était le char à bancs, attelé sur le petit cheval de la ferme. Par temps de pluie, on relevait la capote, qui ne protégeait guère quand le vent poussait les gouttes presque à l'horizontale. Mais n'y avait-il pas le « grand parapuie biu », cette immense ombrelle bleu charrette dont les « baleines » étaient vraiment taillées dans des fanons de baleine ?

Tout le monde connaissait tout le monde, dans le village et les autres communes environnantes. On ne se déplaçait pas, les mariages (obligatoires) se concluaient entre voisins, à quelques kilomètres à la ronde. Tout le monde était un peu le cousin de tout le monde. Et si par hasard il fallait aller plus loin, n'y avait-il pas le petit train à voie étroite, qui rejoignait la « grande ligne » à une dizaine de kilomètres ? Si l'on était un peu en retard, il suffisait de courir : un peu plus loin que la gare veillait la « côte de la beurrerie », qui obligeait la poussive locomotive à rouler presque au pas. Qui perdait son chapeau (tout le monde était couvert) en raison du vent descendait en marche, et remontait un peu plus loin, le galurin vissé sur le crâne. Hasard des correspondances, pour faire les vingt kilomètres aller et autant au retour vers la préfecture, il fallait prévoir une nuit d'hôtel. Autant aller à pied...

Dans cette fameuse « beurrerie » était traité le lait de la commune. Quelques ouvriers s'en occupaient, l'un d'eux allait collecter le lait chez les habitants. Avec sa carriole à cheval, il s'arrêtait à chaque ferme. Le précieux liquide avait été transvasé du seau de traite dans d'autres seaux plus grands, en aluminium épais. Le laitier versait le contenu de ces récipients dans de grands bidons, après avoir mesuré la quantité fournie avec son décalitre. Oui, cela faisait beaucoup de transvasements. Mais le beurre qui en résultait était excellent, il avait même obtenu la médaille d'or au salon de l'agriculture de Paris, en 1902. Comme il était vivant jusqu'au bout, il se défendait très bien contre les agressions microbiennes, à la différence du lait industriel qui est tué tout de suite.

Le temps n'avait pas la même valeur qu'aujourd'hui. Plus jeune, mon grand-père n'hésitait pas, une fois par an, à prendre à pied le chemin d'un village éloigné, à une trentaine de kilomètres, pour la foire aux bestiaux. Il partait très tôt, bien avant le lever du soleil. A la nuit tombée, il était revenu. Les journées étaient longues, dès six heures c'était la traite du matin, et on ne se couchait guère avant vingt-trois heures. Sieste recommandée.

Aujourd'hui, les lieux n'ont pas tellement changé. La petite ferme où je suis né, ainsi que ma grand-mère, son propre père le menuisier-charpentier, et ainsi de suite, abrite aujourd'hui de jeunes artistes qui font des cours de dessin, de peinture. Cela s'appelle « Le balet des Arts ». Avec un seul L, c'est le mot local pour un hangar. Les volets ont tous été repeints au fameux « bleu charrette » célébré par une autre maison placée au bord de la Sèvre, que l'on retrouve sur tant de dépliants touristiques.

Juste à côté de la maison, une fuye se dresse toujours là, restaurée à l'initiative de l'ancienne députée du coin (SR) : elle n'abrite plus de pigeons « fuyants » (sauvages) depuis longtemps. Maintenant, elle se visite librement, mais autrefois elle appartenait à la vieille voisine de l'autre côté de la rue, une rentière qui n'avait jamais travaillé, qui avait appris le maintien, la broderie, toutes ces choses si importantes auxquelles s'adonnaient les jeunes filles « de bonne famille » de la fin du XIXe siècle.
Cette vieille dame, chez qui j'étais toujours très bien accueilli par elle, et sa servante à tout faire, habitait une demeure typique des grandes fermes saintongeaises. C'est entouré de grands murs, on aperçoit difficilement le corps principal du bâtiment. Les ouvertures très chiches côté rue sont compensées par celles, bien plus abondantes, du côté jardin. Pendant que la maîtresse lisait son journal, passait avec délicatesse un chiffon sur les meubles et les bibelots, priait, recevait des « personnalités », élus locaux, notables, même un sénateur, la servante gérait l'immense jardin potager, celui d'agrément avec ses pelouses et ses allées, le poulailler, les lapins, faisait la cuisine, cirait les escaliers (une savonnette), ne s'arrêtait presque jamais. C'était presque l'autarcie. Dans une dépendance, l'alambic dont une partie avait été confisquée par les allemands pour son cuivre, était de la taille de ses cousins d'un petit peu plus au sud, là où le vin local a le droit d'être transformé en Cognac. Sans doute la fortune des maîtres des lieux venait-elle de là.
Même la lessive était une affaire importante, et peu fréquente. Le linge et la literie étaient enfournés dans de grandes « ponnes » de pierre, des récipients de plus d'un mètre de large, sous lesquelles on allumait du feu. En guise de lessive, c'est de la cendre qui était ajoutée au linge. Une fois la « cuisson » terminée, le tissu lourd et trempé était sommairement tordu, puis déposé sur une brouette en direction du lavoir le plus proche. Mon village, pourtant bien petit, en comptait quatre, qui ont été récemment restaurés comme la fuye. Les femmes, qui ne manquaient pas de muscles, s'y déplaçaient, et pièce par pièce plongeaient leur chargement dans l'eau souvent glacée, puis le battaient comme les lavandières de partout afin de le rincer. De retour chez elles, elles l'étendaient pendant des jours. Le tissu des draps, souvent de fabrication locale, était généralement très lourd, très épais et très rêche. Elles l'avaient filé à la veillée avec leur rouet, et des tisserands installés dans des moulins à eau transformaient ce fil, de laine, de chanvre, en toile.
Dernier point remarquable, près du vieux château féodal qui autrefois prévenait les incursions des Vikings, quand la mer arrivait pratiquement jusque-là, le port était un point de passage obligé pour les paysans allant chercher du bois dans les marais. Des bestiaux empruntaient les « batais » comme les humains, mais plus grands, pour changer de pré. Des chasseurs aussi avaient leur petit « six pieds » pour le gibier d'eau. C'était, si l'on se réfère à des photos dont je ne sais pas ce qu'elle sont devenues, des allées et venues continuelles. Ces photos avaient été prises par mon arrière-grand-père, à une période où peu de gens pratiquaient ce loisir.
J'ai pratiquement connu tout cela. Peut-on seulement imaginer combien les conditions de vie ont évolué depuis ?