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lundi 7 mai 2018

Le 10 mai 1968, une journée inoubliable

Le 10 mai 1968, j'étais étudiant à Poitiers.


Je participais comme je pouvais aux forums de discussion (enfin, à certains : il y en avait trop) à la fac, sur le devenir des étudiants. Certes, cela n'a pas abouti : combien de projets n'ont pas abouti !

En même temps (eh oui) j'étais membre d'un parti de gauche présidentielle pour jeunes (paradoxe, oui, cela aussi existait dans cette période folle). Le 10 mai notre petit noyau local avait depuis déjà deux ou trois semaines invité Léo Hamon à discourir à la Maison du Peuple (nan, pas du tout dans un endroit sélect). 




Nous avions réussi à nous cotiser (en raclant copieusement les fonds de poches) pour tirer des affiches, et nous avions passé nos nuits à les coller un peu partout, à Poitiers et à l'extérieur.




Ce 10 mai est arrivé : nous avons mis en forme la salle, longtemps à l'avance. Léo Hamon est arrivé un peu en retard (grève des trains entre autres), et puis il n'a pas du tout parlé de ce qui était prévu, parce que ce jour-là les barricades étaient en train de se dresser à Paris (nous ne le savions pas, bien entendu) et il a discouru là-dessus. La salle était fort peu pleine. Puis nous avons dîné ensemble. C'était un homme agréable, mais il n'était plus étudiant, et le décalage était visible.

Mai 68 ? Un mythe. Une brume chargée de cacher l'important : ce mouvement n'avait RIEN de spontané, comme je l'ai lu plus tard. Si, ce qui fut spontané, c'était la grève des employés de Sud-Aviation à Nantes dès le 9 avril, qui dura jusqu'au 30 mai.



Puis les autres grandes entreprises suivirent, surtout à partir du 13 mai, Renault, la SNCF, les fournisseurs de carburant, l'audiovisuel (public, il n'y en avait pas d'autre sauf une ou deux radios)... l'un dans l'autre, ce fut assez inoubliable.  Comme ce pont de l'Ascension (23 mai) où je retournai le lundi 27 au matin à Poitiers : les voitures, rares, prenaient assez volontiers des stoppeurs. Un autre point d'orgue magistral fut la manifestation le 31 mai de ceux qui commençaient à en avoir assez, qui eut lieu à Poitiers le lendemain de celle de Paris : c'est raconté dans le bouquin que j'ai écrit, page 97. Ce jour-là un jeune homme très timide, mais conscient de ses responsabilités, a retenu par le col un monsieur qui aurait facilement pu être son père, voire son grand-père, et qui soudain voulut se jeter sur les contre-manifestants malgré le service d'ordre solide de la CGT.

On a beaucoup parlé de mai 1968, souvent en mal : pour qui n'avait pas connu le contexte antérieur, certes, cela peut présenter bien des aspects négatifs. Il faut dire que cela correspondait à un basculement de la société résolument patriarcale, vers une bouffée d'air. La France sortait de la reconstruction après la guerre, et commençait à relever la tête après l'avoir eue à fond dans le guidon : un grand nettoyage de printemps s'imposait vraiment. C'est d'ailleurs pour cette raison entre autres, que j'avais sorti ce livre racontant un autre monde gris, dur, de plus en plus insupportable.

En revanche, l'évolution de cette même société aujourd'hui nous rapproche à nouveau d'une vie dure, sombre, grise, et en plus, dangereuse. A terme, si cette pente continue, dans quelques années ce sera pire qu'en 1950. Pour certains, de plus en plus nombreux, ce l'est déjà.




Ce court métrage de 23 minutes date de 1954. Tout y est authentique, malheureusement. Cela correspond avec le début des grandes actions de l'abbé Pierre.

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