Essayons de répondre à quelques considérations.
La « morale », voilà un terme auquel je ne trouve
aucun sens, même si les religions tentent d’y introduire des
évidences dites « naturelles » de ce qui se fait, et ce
qui ne se fait pas. S’y enchevêtrent des interdits à peu près
communs à des civilisations très différentes, et d’autres
prescriptions bien fluctuantes. C’est dire l’intérêt pour cette
notion. On va pourtant oser parler, parfois, de « morale
capitaliste » : le mot est gros, tant il peut prêter à
caution.
Oui, pour un capitaliste, le seul critère valable est « ce
qui se vend », ce qui veut dire qu’un gadget parfaitement
inutile pour les simples individus, mais qui se vend bien grâce à
des artifices de propagande, est utile pour le chiffre d’affaires,
donc pour l’actionnaire. On voit là combien la notion
« d’utilité » peut avoir des impacts différents.
Toutes ces choses dites « utiles » sont créées par le
travail.
Le travail est-il un concept utile ? Pour l’actionnaire,
oui, s’il accroît son profit - sachant que ce n’est pas lui qui
l’accomplit. Pour le travailleur, astreint à donner son temps, ses
efforts, une partie non négligeable de sa vie à un actionnaire que
la plupart du temps il ne connaît pas (et réciproquement), c’est
bien plus discutable. Même si une petite partie de sa contribution
lui est restituée sous forme de salaire, différé ou non, la
frustration la plupart du temps inconsciente est grande. Ce n’est
pas pour rien que le mot travail renvoie à des notions de torture,
de pénibilité, loin de l’effort librement consenti en vue d’un
but que l’on s’est fixé. Bien entendu, le pire des travaux est
celui du chômeur astreint à des attentes interminables au Pôle
Emploi, inutiles mais obligatoires, qui augmentent ses frustrations
tout en le gardant conscient que ces efforts contraints n’ont
d’utilité pour personne. Sauf que pendant qu'il est astreint à
ces obligations, il ne peut contribuer par désespoir à des
désordres qui pourraient perturber Messieurs les Actionnaires. Un
bel exemple de contradiction susceptible de rendre fou.
Je ne sais pourquoi les capitalistes continuent à obliger les
gens à travailler, ou à tenter de décrocher une place d'esclave,
puisque cet argent qu’ils révèrent se multiplie à l’infini par
la grâce des banquiers et des "montages financiers", sans
recourir à la main du travailleur. Qu’ils aillent donc s’installer
dans un coin, pour jouer tranquillement, et que les travailleurs
enfin libérés puissent vaquer aux tâches importantes pour eux,
pour leur famille, pour leur voisinage, pour des projets "régionaux"
(géométrie très variable) devenus nécessaires... Au lieu
d’échanger, partageons les fruits de la Terre et des
efforts de tous selon leurs moyens, pour tous selon leurs besoins.
Là, les capitalistes n’ont point accès à un système pareil, où
la notion de profit individuel disparaît.