Le Comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde vient d'écrire ce texte important, et qui résume bien la situation. Merci à Jocelyne, de Cap 2012, de m'avoir fait découvrir ce document.
Annuler les dettes illégitimes, créer une société post-extractiviste
28 avril par Nicolas Sersiron
L’organisation du monde repose sur quatre
piliers : l’extractivisme, le productivisme, le consumérisme et les
profits. Une sorte de plateforme est posée à leur sommet à la manière de
celles qui servent à extraire le pétrole, l’énergie principale de ce
système. Ni en pleine mer ni sur la terre, les piliers sont maintenant
tellement hauts que la plateforme est au-delà des nuages. Là, une très
petite partie de la population - que certains nomment oligarchie – vit
comme dans un paradis (fiscal), totalement déconnectée des problèmes
quotidiens de la majorité des habitants et des questions écologiques.
Bien sûr, ce monde organisé par et pour ces gens vivant au-dessus,
produit des déchets, des pollutions et du réchauffement. C’est le
cinquième pilier, « l’alien », celui que l’on ne veut pas voir, celui
des externalités négatives.
L’extractivisme est le plus imposant, celui sans lequel les autres
n’auraient pu être érigés, ni la plateforme montée si haut. Il est
constitué par le pillage des matières premières fossiles, minérales,
agricoles, sylvicoles et halieutiques : l’appropriation, par quelques
uns, des 4 éléments que sont l’air, l’eau, la terre et le feu (pétrole,
uranium, charbon), des biens communs appartenant à tous. Il a été
construit avec le pillage de la force de travail des esclaves et des
peuples colonisés de l’ancien temps comme celui des employés et des
petits producteurs d’aujourd’hui qui n’ont pas les moyens de nourrir,
éduquer et soigner leur famille. A l’image de ces ouvrièr(e)s de Foxconn
qui fabriquent les i phone, i pod, etc. en Chine. Ou, pire encore,
celles du textile au Bangladesh qui travaillent - pour Zara et bien
d’autres marques connues - plus de 200 heures, pour 30 ou 40 euros par
mois. Des femmes, voire des enfants de moins de 15 ans, qui périssent
trop fréquemment dans l’écroulement de leur usine mal construite ou dans
l’incendie de ces ateliers dont les portes sont cadenassées afin de les
contraindre à travailler devant leur machine , tard le soir.
Privatiser les ressources naturelles, sous payer le travail, et
surtout ne jamais porter la responsabilité des pollutions et des
désastres environnementaux, impliquait de trouver une solution de
remplacement après la fin de l’esclavage puis la décolonisation de
l’après dernière guerre. Alors l’endettement des pays et la corruption
de leurs élites dirigeantes ont été soigneusement organisés par les
gouvernements et les oligarchies du nord aidés par les institutions
internationales à leurs soldes, Banque Mondiale, FMI, OMC pour assurer
la continuité de l’extractivisme. La grande crise de la dette des années
80 a permis de parfaire le travail en imposant le libre échange à
tous : une vraie concurrence faussée. Aujourd’hui les pays les plus
riches en ressources naturelles ont les populations les plus pauvres. La
malédiction des matières premières s’est abattue sur le Congo RDC avec
une telle violence que selon le NY Times c’est près de 7 millions de
congolais(es) qui sont morts assassinés depuis 15 ans dans l’est du
pays, là où les sous sols sont les plus riches du monde, là où l’IDH
(indice de développement humain) est un des plus bas au monde. Les PED
(pays en développement) ont été envahis et conquis par les
transnationales extractivistes. Elles laissent si peu de miettes que le
remboursement de la dette publique, cet outil de l’asservissement des
peuples, n’en finit jamais.
Au nord, l’extraction, par les actionnaires des plus values produites
par les salariés, avait déjà fortement augmenté depuis la contre
révolution conservatrice entamée dans les années 80. Mais la grande
crise de la dette privée qui a débuté en 2007 avec les prêts
« subprimes », conséquence de l’appauvrissement des salariés, a permis
de renforcer encore ce processus. Pour sauver les banques privées,
obèses et malades de leurs créances toxiques, les états les ont
transformées en dettes à rembourser par les contribuables. La majorité
des états associés en Europe à la BCE et au FMI, ont imposé ce
transfert. Traduction, baisse des salaires et des retraites,
détérioration et privatisation accélérée des services publiques, hausse
de la TVA, baisse des impôts des plus riches, maintien des paradis
fiscaux, augmentation de la dette publique sont quelques aspects de la
croissance de l’extractivisme au nord au profit de l’oligarchie protégée
par l’opacité des nuages qu’elle fabrique. Cela contre l’avis de grands
penseurs de l’économie comme Paul Krugmann ou Joseph Stiglitz qui
connaissent la spirale récessive que ces décisions créent.
Faire tomber la plateforme, un rêve ! Voyons plutôt comment nous, les
99%, pourrions déconstruire les piliers. D’un côté les ressources
naturelles sont de plus en plus limitées, on commence à voir le fond de
la corne d’abondance. De l’autre, l’emploi sera de plus en plus rare
sous l’effet des gains de productivité issus de la techno-science et
aussi des délocalisations. La fabrication de multitudes d’objets à la
durée de vie de plus en plus courte, et surtout de plus en plus
inutiles, est une mauvaise réponse pour l’emploi comme pour la planète.
Car si l’extractivisme est le premier pilier, il est aussi le plus
fragile. Il repose sur les monopoles et la centralisation du pouvoir qui
sont en opposition aux principes démocratiques. Or le productivisme et
les profits dépendent de nous, de notre consommation ! Alors ne faut-il
pas imaginer une société post-extractiviste sans pilier ni plateforme ?
Plus de temps à perdre !
En premier, il faut annuler la part illégitime des dettes du sud.
Depuis 1985, en 25 ans, un transfert net au titre du remboursement de la
dette publique de 700 Mds$ s’est produit, des populations pauvres du
sud, en majorité à travers la TVA, vers les très grandes banques et les
pays du nord. De même, il faut annuler les dettes illégitimes des états
du nord qui opèrent le même type de transfert des 99%, vers les 1%, dont
une bonne part de ceux qui les détiennent sont les grands actionnaires
des banques. En France c’est près de 50 Mds euros par an qui sortent de
la poche des contribuables pour enrichir le plus souvent de grands
utilisateurs des paradis fiscaux.
Un mouvement très important pour des audits citoyens est en cours dans de nombreux pays européens : www.audit-citoyen.org.
Comment accepter que des gouvernements dont les budgets sont
volontairement en déficit chronique depuis plus de 20 ans, baissent
chaque année les impôts des plus favorisés et des entreprises les plus
profitables comme celles du CAC 40. Les « Merkosy » qui demandent à la
population de se serrer la ceinture pour sauver les états endettés, en
réalité les banques privées (voir la catastrophe Dexia) sont les
complices de la grande hémorragie financière : l’escroquerie nommée
dette. Roberto Lavagna, ex ministre des finances argentin en 2002,
explique dans Libération du 22 fév. 2012, titré « On préfère sauver les banques que les gens »,
comment son pays, dans un état aussi catastrophique que la Grèce
aujourd’hui, a été sauvé par la décision unilatérale de non
remboursement de la dette et le décrochage de la parité peso-dollar.
C’est ce que la Grèce fera, j’espère très vite, avant que les désastres
ne soient irréparables, et surtout, que les banques du nord aient eu
assez de temps pour se désengager, ce à quoi travaille le gouvernement
non démocratique Papademos en complicité avec l’Europe du centre.
En second, nous savons que l’énergie à très bas prix - principalement
le pétrole - est la base du développement de la société
thermodynamique, capitaliste et centralisée qui privatise et marchandise
tout. Or ce système est responsable du réchauffement, de la faim et des
désastres environnementaux. Jérémie Rifkin, dans « La troisième
révolution industrielle » (ed. Les liens qui libèrent) propose une
sortie des énergies fossiles. « Grace à l’internet, l’énergie créée
sera partagée de la même manière que l’information en ligne aujourd’hui.
Quand des millions d’immeubles produiront localement une petite
quantité d’énergie, ils pourront vendre au réseau leurs excédents et
acheter ce qui leur manque grâce à ce partage coopératif et décentralisé.
A long terme, l’énergie deviendra quasi gratuite et l’accès à ces
services l’emportera sur la propriété pour devenir le moteur essentiel
de l’économie. » Pour ne pas être coresponsable de cette
catastrophe, nous devons dès maintenant résister au gâchis de l’énergie
dans les transports, les bâtiments passoires et l’hyper consommation de
biens matériels.
Pour finir, nous devons comprendre que c’est notre alimentation qui
détermine le modèle agricole productiviste dans lequel 70% des terres,
souvent à l’autre bout de la planète, sont consacrées à la production de
protéines animales, car pour en produire une seule, il faut en moyenne
7-8 protéines végétales. Or, l’agro…
industrie-chimie-distribution-spéculation, le plus puissant lobby du
monde, est le premier responsable de la destruction de la biodiversité,
des forêts, des eaux douces, et surtout de la pauvreté, de la faim et de
la dégradation de la santé des peuples. Ainsi le combat pour remplacer
les protéines animales par des protéines végétales dans notre
alimentation permettrait de casser ce modèle alimentaire
consuméro-productiviste responsable de 50% de tous les GES émis. En
supprimant la pression sur les terres agricoles dédiées à l’élevage, tel
le soja OGM d’Amérique, sur les grandes forêts tropicales, il ferait
aussi disparaître la spéculation sur les denrées alimentaires et sur les
gigantesques accaparements de terre, créateurs de misère en Afrique
plus particulièrement.
La suppression du système dette, la relocalisation, l’agroécologie,
la diminution de nos besoins alimentaires et matériels inutiles, la
recherche d’autonomie coopérative, le partage et le retour à la gratuité
des grands services publics sont des moyens de saper durablement
l’assise des piliers en haut desquels dansent nos maîtres.
la dette illégitime... Faudrait informer Hollande ;-))
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