Hier nous étions nombreux, déplacés à Saint Nazaire comme moi, ou gens du cru, qui avons organisé un joli charivari devant les grilles du tribunal.
Au mois de juin, une manifestation devant la mairie de Notre-Dame des Landes avait dégénéré par mégarde. Sylvain Fresneau, le président de l'association ADECA, Association de défense des exploitants concernés par l'aéroport, était là avec son tracteur et sa remorque, et en manœuvrant l'engin un peu maladroitement il avait déclenché l'ire des "forces de l'Ordre" (quel ordre ? celui des riches ?). Tirs multiples de lacrymogènes, bousculade... Il avait écopé de plus de dix heures de garde à vue, et son matériel avait été séquestré pendant des semaines. La punition était déjà lourde.
Cela ne suffisait pas pour les Défenseurs de la Loi. Il avait été assigné au tribunal pour avoir, cela ne s'invente pas, « volontairement commis des violences n'ayant pas
entraîné d'incapacité totale de travail sur les Gendarmes avec ou sous
la menace d'une arme, en l’espèce un tracteur et sa remorque, et
d'avoir participé à un attroupement illicite ».
Était appelée en jugement une autre personne, un squatteur sur la ZAD (Zone d'Aménagement Différé ou Zone A Défendre, selon les interprétations), arrêté chez lui, placé en garde à vue lui aussi, pour "refus
d'obtempérer, violence sans arme et refus de prise d'ADN". Sur de telles accusations, tout citoyen pourrait bien un jour ou l'autre connaître de tels "désagréments". On notera que, quand il y a désordre, de loin le plus souvent ce sont les bleus, les amis du Grand Capital, qui ont commencé. Mais dans les journaux du Nouvel Ordre, donc à peu près tous, l'affaire se traduira en une diatribe contre les rouges ou les verts qui se seront inquiétés d'un processus tendant à les pressurer toujours un peu plus.
Donc hier, environ 500 personnes "selon les médias" se sont déplacées, soutenues par l'arrivée en fanfare de cent cinquante tracteurs de l'Ouest (au moins : je les ai vus garés pendant la pause déjeuner). S'étaient déplacées des personnalités nationales, comme Martine Billard (co-présidente
du Parti de Gauche), Jean-Claude Bossard (maire EELV de Chefresne, il a
été mis en garde à vue lors d'un rassemblement contre la ligne THT),
José Bové (député européen EELV du Sud-Ouest, vice-président de la
commission Agriculture et développement rural au parlement européen et
figure de la lutte du Larzac), Annick Coupé (porte parole de l'union
syndicale Solidaires), Christophe Dougé (conseiller régional EELV des
Pays de la Loire), François Dufour (vice-président EELV du Conseil
Régional de Basse Normandie, paysan dans la Manche en lutte contre la
ligne THT), Yannick Jadot (député européen EELV de l'Ouest), et des délégués de la Ligue des Droits de l'Homme et de la Confédération Paysanne Nationale.
En soutien aux militants et la lutte contre l'aéroport, la
Confédération Paysanne de l'Aveyron organisait au même moment un pique-nique devant le camp militaire du Larzac.
Malgré une présence policière pesante et omniprésente, aucun incident n'a été signalé. Dommage, sans doute, pour les "autorités", qui auraient pu prendre prétexte de cette manifestation pour fustiger un peu plus encore le mouvement. Rappelons combien il est exemplaire : le plus acharné des défenseurs de cet aéroport inutile, catastrophique pour l'environnement d'une zone bocagère, horriblement coûteux, difficile d'accès par son éloignement de l'agglomération, n'est autre que l'ancien maire de Nantes, désormais premier ministre.
Est-ce un signe du Destin ? Les procès sont mis en délibéré au... onze septembre. Quelle qu'en soit l'issue (Sylvain Fresneau risque tout de même la prison), l'opposition à ce Grand projet Inutile ne faiblira pas. En tout cas, j'aurai pu profiter de l'occasion pour saluer Martine Billard, dépourvue du badge métallique contre l'aéroport. C'est une amie qui lui en a donné un.
Je remercie Jean, le nazairien dont les photos ont permis d'illustrer ce billet.
Bel article présentant et résumant au plus près la journée d'hier (où nous nous sommes revus, pour l'occasion). Une petite erreur vers la fin : Mais oui, les flics ont eu l'occasion de se "défouler", contrairement à ton affirmation, et d'une façon grotesque (comme l'ensemble de ce procès) : ils ont profité d'une petite escapade de la fanfare de percussionnistes dans les rues adjacentes du tribunal pou intervenir contre ces joyeux lurons! : au prétexte qu'ils occupaient un instant la rue, empêchant un camion de fonds d'accéder à une banque (tout un symbole de "l'Ordre" à garder par eux), les flics ont balancé sur ces musicos quelques lacrymos et interpellé le dernier de ce groupe, du moins quelque temps et sans suite !... : Résultat ? Je croise un habitué de bistrot qui me dit à peu près : "la manif des excités s'est terminée dans les lacrymos, na!" !!!
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord, Rem*. J'ai même entendu un des musicos le raconter. C'est pourquoi j'avais parlé de présence policière lourde.
RépondreSupprimerLe premier qui me dit que nous vivons en démocratie, je lui en colle une (et je finis en taule évidemment). Mais la réaction de ce pilier de bistrot nous rappelle aussi que "les peuples ont les gouvernements qu'ils méritent", indépendamment du fait que restera toujours une frange (bien mince, la frange) de citoyens conscients des droits et devoirs de chacun, conscients de la nécessité de se prendre en main, et non de laisser quelques caciques imbus de leur pouvoir tout régler au mieux pour eux-mêmes.
L'avenir n'est pas serein.