27 mai 2012
Grèce : le coup de poker des marchés
Caleb IRRI
La
partie qui se joue actuellement en Europe est digne de figurer dans les
annales du poker, et le coup de la Grèce semble être la carte-maîtresse
qui donnera au « vainqueur » d’après ce grand coup de bluff un sérieux
avantage pour la suite du jeu. En effet avec la rumeur concernant les
travaux de l’Eurogroupe sur une sortie possible de la Grèce de la Zone
Euro et la tenue d’une réunion « informelle » des dirigeants européens,
les marchés espèrent à travers ce « coup de poker » faire « se coucher »
son adversaire, la démocratie.
Car il ne s’agit pas seulement de la Grèce. Après ce coup, s’ils le
gagnent, ils montreront clairement au reste de l’Europe (ainsi qu’à
leurs dirigeants) que le choix des urnes n’a de valeur que s’il
correspond à leurs attentes, et que par conséquent il est possible de
contraindre un pays soi-disant souverain à accepter des directives que
le peuple refuse pourtant. Et les marchés ont tout misé sur la Grèce,
« tapis ».
Cela signifie aussi qu’ils risquent gros. En exigeant de la part du
peuple grec des sacrifices qui, s’il les refuse, est menacé de se faire
« sortir de l’Euro » (alors qu’aucune loi ne le contraint, il faut que
cela se sache !), les marchés parient en réalité sur les résultats des
législatives grecques ; en espérant que cette menace suffise à dissuader
les citoyens grecs de se choisir des dirigeants rétifs.
Mais pour le moment rien n’est certain. Sauf que si les Grecs se
couchent, alors il est fort possible que tous les autres se couchent à
sa suite. Et les marchés comptent bien jouer sur la peur du chaos
qu’engendrerait une Grèce qui refuserait et de payer et de sortir pour
lui faire perdre l’envie de se choisir une « autre » Europe.
Pourtant, s’ils veulent éviter de laisser les banquiers trop exposés
dans l’embarras, les marchés se doivent de conserver l’Europe unie.
S’ils veulent imposer à ses peuples une cure d’austérité drastique et
supprimer les élections libres pour les remplacer par un gouvernement économique autoritaire
directement choisi par le monde de la finance, ils n’ont aucun intérêt à
laisser sortir leurs débiteurs hors des frontières qu’ils contrôlent.
Ils ne le feront donc pas…
Et si du coup les Grecs ne se couchaient pas ? Et si les élections
législatives en Grèce étaient l’occasion de montrer à tous que
l’austérité n’est pas une fatalité, que aux marchés qu’ils ne peuvent
pas tout ? Et si en France nous soutenions également (et le même jour !)
cette idée non pas de la fin de l’Europe mais d’une autre Europe ?
La plupart des Européens se sentent européens, et ne veulent tout
simplement ni austérité ni ingérence extérieure, ni fermeture ni
compromission, ni injustice ni corruption. Cette dette n’est pas la
notre. Que les véritables responsables se ruinent s’ils le doivent mais
nous ne paierons pas pour eux. Ils ont plus à perdre que nous d’ailleurs.
Austérité et dictature ou effondrement de la bourse et liberté,
qu’avons-nous peur de voir les financiers ruinés ? Il faudra bien un
jour prendre le risque de détruire ce monde de la finance si l’on veut
en construire un moins injuste… Pourquoi ne pas le faire maintenant,
alors qu’il est encore temps ?
Que les Grecs et les Français refusent un peu de se soumettre à ce
bluff grossier, et alors nous pourrons enfin retourner les autres
cartes, voir le jeu de chacun. Que l’on voit un peu qui, de la finance
ou du peuple, à le plus besoin de l’autre pour prospérer…
Le moment est historique, et les élections qui arrivent sont
cruciales : nous avons le devoir de montrer aux autres peuples, aux
Espagnols, aux Italiens, aux Portugais et à tous les autres, qu’une
autre voie est possible. Et alors nous pourrons peut-être enfin rebattre
les cartes. Ensemble. En Europe. Sans la dictature des marchés
financiers. Tapis.
http://calebirri.unblog.fr
URL de cet article 16785
http://www.legrandsoir.info/grece-le-coup-de-poker-des-marches.html
http://www.legrandsoir.info/grece-le-coup-de-poker-des-marches.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire