Rechercher dans ce blog

samedi 23 juin 2012

Le cas Grec n'est pas un sacré CASSE-TÊTE !

Mon copain Rem*, sur Ruminances, avait sorti un excellent billet il y a quelques jours. Je ne peux manquer de le reproduire ici.

 

Source image
Entendu sur F-Inter (J. Lebrun : la Marche de l'Histoire, le 19 juin) un entretien passionnant avec Georges Prévélakis, auteur, dans la revue de philosophie «Esprit » de avril-juin 2012, d'un long article intitulé : « Le no man's land de la culture grecque ».

L'article n'est pas encore disponible sur internet sinon l'extrait que voici : « La Grèce, berceau de la culture européenne, se trouve en marge de l’Europe. La culture grecque a pourtant connu une riche période quand elle associait l’héritage antique, les feux historiques du croisement Orient/Occident et les formes contemporaines de la culture populaire. Mais cette culture « à trois étages » s’est aplatie au profit d’une culture officielle subventionnée au nom du patrimoine. La crise sera-t-elle l’occasion d’un sursaut ? »

Je me base sur ces quelques notes prises lors de l'audition, ainsi que sur mes cogitations personnelles. D'abord l'auteur «prend du champ» pour aborder l'actualité. Il oppose 2 perceptions : la perception, pour lui très déficiente, car trop exclusivement historique, que l'on a, à l'étranger, de la Grèce, même chez des gens cultivés : celle d'un lointain passé très glorieux devenu, dans une régression terrible, un petit pays compliqué et ruiné «de sa faute» aujourd'hui. Cela d'une part. D'autre part, une conception du peuple grec beaucoup plus géographique et donc bien plus juste, qui va d'avant-hier à demain : cas si particulier de ce peuple très pétri de sa culture !

Les Grecs savent, par exemple, que le territoire actuel de l’État grec n'a RIEN à voir avec la Grèce antique, dont ils gardent un trait typique : ce sont d'abord des marins et des marchands ! Leurs sciences et leurs arts sont très liés à cette vocation maritime. Née sûrement de l'archipel inouï des îles grecques, unique au monde, entre lesquelles il faut apprendre à naviguer, à en inventer la cartographie, etc. Et vocation maritime affirmée par leurs villes, le plus souvent liées aux ports, un peu partout en bordures des mers Méditerranée et Noire : Athènes ne fut longtemps que l'une de ces villes-ports, capitale du petit royaume de l'Attique, avant de devenir lentement «capitale culturelle», après bien des guerres contre d'autres petits royaumes puissants (ah, la Macédoine, Thèbes, Sparte &Troie !!)

La «Grèce éternelle», existe donc aussi bien à Athènes-Le Pirée, qu'à Byzance (devenue Constantinople puis Istanbul), Alexandrie et beaucoup d'autres villes-ports, dont Massilia (Marseille) ; ceci jusque sur certaines côtes de l'Atlantique : un très grand empire maritime souple, sans cette notion moderne d'impérialisme-dominateur, qui part d'un pôle de «grande puissance», né plus tard avec Rome. Là, la puissance (disons en image : «girondine» et non «jacobine») grecque était basée, outre ses armes, sur son habileté de marchands-marins ainsi que – et c'est très lié - l'immense rayonnement de sa culture et de sa langue à peu près unifiée (merci le poète Homère!) et très savante : un peu comme le rayonnement, désormais mondial, de l'anglais de nos jours !

Il a fallu, après bien des victoires, encore bien des siècles de défaites : contre Sparte, puis notamment l'Empire Perse, bien plus terrien que marin, puis le nouvel Empire Romain. Mais la Grèce, même absorbée par Rome, a encore longtemps dominé, en transmettant beaucoup de sa culture savante à la fruste culture romaine.

Ceci y compris avec l'avènement de l'époque chrétienne, avec ses schismes entre Églises d'Occident et d'Orient. Suivent 4 siècles de conquête ottomane et les aventures et mésaventures, avant et depuis la naissance de la Grèce moderne. Dont la terrible occupation hitlérienne, puis l'atroce dictature des colonels... et les héroïques résistances à ces fascismes. Nul doute que les grecs sont bien rodés à savoir résister au nouveau fascisme des banques !
*
C'est tout ça (en très résumé) qu'il y a dans la tête et le cœur des résistants Grecs d'aujourd'hui, plus les musiques de Hadjidakis ou Théodorakis, les voix des Mélina Mercouri, ou La Callas, les mots des poètes Séféris ou Ritsos, etc.

Les Grecs ce ne sont pas du tout ce qu'en fait la propagande grossière, haineuse, en cliché méprisant, du fainéant au soleil qui tend la main au fric de l’Europe. Cette Europe «à la concurrence libre et non faussée» ( !?) dont les banquiers cherchent encore à aggraver la ruine totale pour «la soigner» : comme les médecins du temps de Molière pratiquaient cruellement «la saignée» jusqu'à ce que mort s'en suive !!

G. Prévélakis, pour conclure, fait d'audacieuses comparaisons avec d'autres diasporas. Par exemple juives et arméniennes. La diaspora grecque – tradition qui remonte donc à l'antiquité – a toujours une diaspora très importante, numériquement et culturellement, un peu comme ces autres «cas particuliers», des populations de très grande culture, juive ou arménienne. Mais une différence persiste : les Grecs sont surtout d'une tradition de «nomades de la mer», comme cela exista - et revient (?) - pour les chinois commerçants-marins. Et sûrement comme cette nomade «civilisation des peuples de la mer» des îles du Grand Océan Pacifique : d'une audace et habileté incroyables – malgré le lourd handicap de n'avoir pas vraiment d'écriture : raison pour laquelle on commence à peine à arriver d'en faire un peu l'Histoire, dispersée sur cet espace géographique maritime fabuleusement immense !

A toute époque, par proximité géographique et culturelle, on a constaté la richesse des relations entre grecs et égyptiens, les premiers surtout «nomades de la mer» et les seconds surtout «sédentaires du Nil» si fertile. Même si la Grèce avait aussi ses royaumes de «sédentaires terriens», du Péloponnèse ou de Macédoine, etc. Tout comme l’Égypte avait aussi ses «nomades du désert saharien», dont sont issus les Bédouins, voire les Touaregs !

Je me souviens très bien, enfant et adolescent en Égypte, de l'importance quantitative et surtout de la familiarité d'entre ces deux populations méditerranéennes, égyptienne et grecque, pourtant de religions très différentes ! Dans un quartier arabe d’Ismaïlia j'ai par exemple eu un aimable professeur gec de leçons particulières de mathématiques, dans son atelier de menuisier : il y avait – en grec ancien – à l'entrée : «nul n'entre ici s'il n'est géomètre» (formule de Thalès, sauf erreur). Il m'a beaucoup appris, pas tant par ses cours officiels, mais sur l'essentiel : l'art de travailler le bois (avec sa tête de géomètre avant ses muscles adroits), l'art d'avoir de très bonnes relations de voisinage (nombreuses visites d'amis arabes pas spécialement géomètres) et finalement, surtout, «l'art de l'école buissonnière», sur l'«agora arabo-grecque» de son quartier !

Cette anecdote date d'environ 60 ans : c'est à dire à peine tout à l'heure par rapport aux dizaines de siècles de bonnes relations entre ces deux grands peuples, si voisins et différents !

Cela pour dire l'essentiel : les actuelles crises politiques si graves (et de même origine : le vicieux pouvoir du pognon), actuellement en Égypte ou en Grèce, ont ou auront la même solution : le courage, la fraternité populaire, la RÉSISTANCE jusqu'à la victoire contre la BARBARIE du capitalisme !

La victoire de la justice sociale et de la solidarité des peuples !


-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-

Je n'avais pas manqué de commenter :
En fait, la Grèce, comme la France des Lumières, est un concept avant d'être une région géographique. Un ami chez qui je suis passé l'an dernier m'expliqua le principe du commerce grec : par exemple un navire chargé d'huile partait de Rhodes, cinglait jusqu'à Marseille, déchargeait, en échange reprenait du vin, continuait sur Agde (fondée par des marchands gréco-marseillais il y a déjà plus de 2000 ans), puis sur Barcelone, par sauts de puce successifs grosso modo de la même distance... quitte à dépasser les Colonnes d'Hercule. Du grand art !

Quant aux capitalistes qui fustigent la supposée paresse grecque, ce ne sont que des criminels ignorants. Il suffit de se souvenir du nombre de villes (plus de 50) dans le monde nommées Alexandrie, qui autrefois commerçaient toutes entre elles. Faire retomber sur un peuple les fautes des tyrans (les colonels après les Nazis) qui l'ont pressuré et souvent massacré décèle une cruauté sans nom.

Encore une fois, Rem*, merci pour ce billet magnifique.
 
Et il avait alors précisé :
 j'ai tellement « bricolé » d'une seule main (et de mes quelques neurones) ce texte, dont le sujet « m'a pris aux tripes », que j'avais l'impression d'y avoir travaillé bien 2 ou 3 jours! : hors, je te l'ai envoyé, lediazec, à peu près 28 heures après l'avoir commencé ! Mais c'est vrai que, à part les moments accordés aux soins à domicile, aux « repas » de taosts-fromage, et quelques (trop peu) d'heures de sommeil, j'ai bossé dur, comme seuls paraît-il, savent le faire les flemmards (dont je m'honore d'être), à l'occasion !
J'ai ré-écouté tout à l'heure tout cet entretien entre le géographe grec et Jean Lebrun : si cela avait pu se faire plus tôt, j'aurai sûrement infléchi quelque peu ma rédaction ; mais c'est pas grave ! L'essentiel y est ; qui est la perception trop « historique » des étrangers sur la Grèce, alors que les grecs ont une perception plus juste, « géographique » et culturelle : à la fois savante et populaire !

2 commentaires:

  1. Et profitons-en pour donner un lien intéressant suggéré par l'amie Clomani de Ruminances également.

    RépondreSupprimer
  2. Blogger Rem* a dit...

    merci l'ami de cette reparution de cet article sur ton blog ; bonne idée d'y avoir ajouté nos 2 commentaires cités ; pour préciser les choses à tes lecteurs qui ne sont pas être sensés tous le savoir : j'ai eu un accident du bras gauche, qui va mettre des mois à guérir, d'où mes difficultés évoquées ci-dessus à "pianoter" sur le clavier (et ici l'absence de majuscules !

    RépondreSupprimer