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dimanche 12 janvier 2014

Le retour des polices de la pensée et de la force : 1934, 1984, 2014

Mille neuf cent trente-quatre. Les hordes de la Force se prenant pour le Droit ont failli réussir leur coup d'État. Le 6 février leur tentative échoue. Dans la même période, les mêmes, ou leurs cousins proches ont réussi en Italie, en Espagne et en Allemagne. En Grande-Bretagne aussi, bien que leurs adhérents atteignent 50 000 en 1934, et 100 000 sympathisants,  ils ont connu l'échec.


Mille neuf cent quatre vingt-quatre . C'est l'année où est censé se passer un livre devenu incontournable, le 1984 de George Orwell (édité en 1949). Le hasard ? Ce livre, que le fournisseur tous azimuts Amazon proposait aussi bien sur papier que sous forme dématérialisée vient d'être retiré de la vente numérique, au prétexte que la firme n'en possédait pas les droits. Réaction plutôt lente. Serait-ce que le côté subversif et prémonitoire de l'ouvrage pourrait donner des idées à son lectorat, alors que les révélations Snowden ont donné un relief tout particulier à un Big Brother bien réel ?

Deux mille quatorze.  Le forcing sur tous les plans de la paranoïa chez les politiciens et leurs sponsors banquiers et industriels, peut-être exacerbée par le déficit colossalement abyssal du pays résolu à être le patron du monde entier, se révèle au grand jour malgré les efforts d'agences d'espionnage pléthoriques. Plus elle sont chères, plus les armées sont abreuvées de nouvelles armes souvent à usage "civil". Les maîtres espions et leurs sponsors politiques ne respectent plus aucune liberté, aucun droit fondamental et évident comme celui à la vie, excepté dans les encore nombreux endroits où la possibilité d'avortement des femmes et de départ dans la dignité n'est pas reconnue. Un vrai paradoxe. Massacrer une noce au Pakistan est parfaitement légal. Débarrasser d'un apport encombrant une fillette violée ne l'est pas. Cherchez l'erreur.

C'est dans ce contexte, dont on rappelle qu'il est quasi mondial, que la liberté d'expression n'est plus reconnue dans notre pays pour des prétextes décriés par tous les spécialistes du droit. La censure a priori a fait son hideuse entrée dans un contexte légal très controversé. Un arrêt du Conseil d'État, élément important de l'État républicain, bâclé en moins de deux heures par un unique juge au profil pas forcément incontestable dans le cas de figure en question, voilà qui ne donne guère de légitimité à une décision contrevenant à nos textes fondamentaux.

Que l'amuseur public mis en cause se montre imprudent et provocateur, voilà qui peut se juger a posteriori "sur pièces", dans l'ambiance feutrée et sereine d'un palais de justice. Qu'un  ( )inistre apparemment en rage oblige pratiquement la Justice au plus haut niveau à se déjuger, voilà une attitude grave, et dont je crains qu'elle ne soit irresponsable. Autant avouer alors franchement que nous sommes en dictature. Dictature dont on peut mesurer la portée, avec des interventions en "OPEX" dans différents endroits du monde.

Ce fut la Libye, où "un dictateur" préférant utiliser l'argent du pétrole pour apporter le bien-être à ses compatriotes au lieu de le laisser aux multinationales, est assassiné, et son pays par la même occasion. L'encadrement et les commandos français étaient là. L'assassin également, qui vient de décéder "violemment" en France. Ce fut la Syrie, où la capture d'officiers français encadrant des djihadistes rend difficile à jouer une certaine neutralité.  Ce fut la Côte d'Ivoire, où "nos" soldats ont aidé un sanguinaire Ouattara à prendre le pouvoir, parce que les antécédents de celui-ci au FMI assuraient d'une meilleure souplesse envers "nos dirigeants". Son prédécesseur Gbagbo était trop défenseur de ses compatriotes, un peu à la manière de Kadhafi. C'est le Mali, où les mêmes djihadistes, ainsi que ceux armés en Libye, se heurtent désormais aux troupes officielles françaises, celles qui défendent l'approvisionnement en uranium du Niger pour Areva et EDF.

Nous nous retrouvons dans une position où l'extérieur, dirigé directement la plupart du temps depuis l'Élysée, est une réplique assez fidèle de celle de Washington. Cette politique, à une période où les citoyens français sont de plus en plus précaires, coûte très cher, présente une légitimité catastrophique, et vire vraiment à l'inacceptable.

Nous nous retrouvons dans une position où l'intérieur est sous la coupe de plus en plus arbitraire d'un homme qui dicte ses propres ordres pardessus toutes nos lois, au mépris des droits de nos compatriotes et en conjonction avec des extrémistes qui font la même chose dans le pays qu'ils dirigent. Il est vrai qu'il se prévaut de "son lien éternel" avec ces gens-là, quitte peut-être à s'asseoir sur les lois de son propre pays (ou en est-il encore citoyen, s'il l'a déjà été ?).

La situation est désormais claire. Les instances supérieures en France sont dans les mains de personnages qui n'ont rien à voir avec nos concitoyens.  C'est vrai dans le domaine bancaire, dans la grande industrie et l'économie en général, c'est vrai en politique intérieure et extérieure. Faudrait-il désormais un coup de balai ? Pour la petite histoire, face aux "forces de l'ordre" qui apportent toujours le désordre (mais sur ordre) là où elles interviennent,  on peut noter l'attitude responsable, citoyenne, des personnes jeunes et plus âgées venant pourtant parfois de quartiers à la vie difficile. L'hôte de Beauvau attendait des troubles, il a vu les citoyens chanter la Marseillaise. Aïe, raté !



10 commentaires:

  1. Synthèse magistrale!!! Merci Bab', je diffuse!!!
    Jocegaly

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  2. Je ne partage pas le point de vue de Jocegaly.
    Il y a bien sûr des vues très justes, en particulier sur LE FAIT que nous soyons sous DICTATURE... comme tant et tant d'autres pseudo "Démocraties" à commencer par les USA, la GB, et autres BRICS (Brésil Russie Inde Chine Sud Afrique) + divers (Syrie et autres régimes arabes comme l'Arabie, le Maroc, l'Algérie, les Émirats), Israël et autres Turquie Iran, etc, etc.
    Mais je suis TRÈS réservé sur ton opinion sur des Khadafi Gbagbo, qui ne valent pas mieux que d'autres, voire pires, et ne furent dégommés que par le hasard de valses-hésitations de plus puissants qu'eux : le POUVOIR - FRIC, le Big Brother aveugle et cruel qui tape au p'tit bonheur la chance, affolé, SANS Cohérence !
    Et je reste très déçu par des tournures de phrases compliquées pour ne pas nommer Valls, Dieudonné, et reste ignorant de l'identité de l'assassin de Khadafi récemment mort en France de mort violente...
    Quant à laisser entendre que Valls serait de nationalité française douteuse, cela ressemble à un cocorico d'ultra nationalisme de très mauvais goût ...

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    1. Rappel :
      Le roman "1984" a eu beaucoup de mal à se diffuser, c'était d'abord un fiasco commercial. Il ne fut d'ailleurs édité que par une minuscule maison d'édition londonnienne, car refusé toute l'année 48 (date d'achèvement) par de grands éditeurs. Orwell en est mort, épuisé, peu après, restant sur cet échec.
      Il a circulé SOUS le manteau dans les pays de l'Est à partir de 53 (émeutes ouvrières de Berlin Est) et surtout de 56 (le coup de Budapest) et 68 (le coup de Prague). Et de proche en proche, en Pologne, Ukraine, Russie...: ce fut le 1° Samizdat...et le meilleur !
      Cela mérite d'être rappelé, par rapport à cette bagarre d'arrière garde qu'est l'histoire actuelle d'Amazon!

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    2. L'assassin de Kadhafi s'appelait Omran Jubaa Chabane. Satisfait ?

      Pour Kadhafi, Gbagbo et d'autres, je sais que tu n'es pas d'accord, depuis longtemps. Je préfère un dictateur indépendant à un dictateur inféodé aux puissances Occidentales, c'est mon choix dont je ne changerai pas. De deux maux, je choisis ce que je considère comme le moindre.

      Oui, pour Valls, je considère que sciemment il bafoue une nationalité qui aurait pu lui être refusée.

      Je pense que tout est clair.

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    3. La Ferme des Animaux était à mon avis encore plus subversive que 1984.

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    4. @Rem*

      Pour ce qui est de 1984, s'il a été refusé par les grands éditeurs c'est tout simplement parce qu'ils en avaient compris toute la portée, et qu'on ne voulait pas que ce livre soit diffusé : censuré !
      que se passerait-il aujourd'hui avec un tel livre à l'heure du numérique ?

      @ bab

      Comme à la lecture de ton article, on se demande parfois si finalement ce ne sont pas les gouvernants qui lisent 1984, mais d'une autre manière que le lectorat "normal" : c'est comme s'ils s'inspiraient de ce livre comme un exemple de dictature à mettre en place plutôt que comme un danger à éviter.

      Sinon, pour la ferme des animaux, elle est pour moi le "premier jet" de 1984, peut-être plus subversif en effet, plus direct, mais moins abouti je trouve ; Pas beaucoup de failles dans son anticipation, il avait même prévu internet avec le télécran !

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    5. Bien d'accord Caleb. De ces deux ouvrages de Huxley, il faut les avoir lus tous les deux. Et précisément, Amazon ne propose plus déjà sous forme numérique qu'en anglais en un seul volume la Ferme combinée avec 1984. Ce n'est sans doute pas anodin. Ce dernier n'est pas encore retiré.

      Oui, certainement "Les Maîtres" ont-ils fait leur miel, à l'envers, d'Orwell, Huxley et d'autres sans doute comme Georgiu.

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    6. Je suis entièrement d'accord, Caleb et bab, "La Ferme des Animaux" est LE chef-d’œuvre d'Orwell (pas d'Huxley!!). L'ami lediazec s'en souvient bien, puisqu'il y a été un principal acteur (le chef cochon) dans une adaptation théâtrale...
      Orwell avoue lui-même qu'il a été amené à bâcler la rédaction de "1984", entre ses crises de tuberculose dont il est mort,de désespérance. Dû aussi à l'échec de ces 2 livres - aux quels rajouter le magnifique "Hommage à la Catalogne" sur sa dure expérience de la guerre d'Espagne (avec les anarchistes). Mais le fait est que "1984" a joué et joue un grand rôle politique positif depuis 70 ans, même si - c'est l'avis de Caleb - certains de nos gouvernants stupides se rêvent devenir Big Brother !

      Sinon, Bab, tu t'enfermes dans une erreur grave de préférer "un dictateur indépendant à un dictateur inféodé aux puissances Occidentales" : va dire ça à n'importe quel citoyen qui devient de plus en plus miséreux pour la gloire et le trésor de son dictateur "indépendant" !!! Et ça pullule d'exemples.
      Une seule réponse : Liberté et Justice Sociale partout, à bas le ROI-FRIC. Occidental ou pas !

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    7. D'accord Rem* : pourquoi ma plume s'est-elle trompée de nom pour l'auteur ? On est distrait parfois....

      Quant aux dictateurs : demande aux Libyens s'ils préfèrent leur situation actuelle, ou celle sous la dictature de Kadhafi ! Demande aux Irakiens si parfois ils ne regrettent pas Saddam Hussein ! Oui, c'était terrible, mais aujourd'hui c'est pire. Et ce n'est pas près d'en sortir, parce qu'une engeance bancaire, on ne peut pas la détruire comme un homme seul. Le problème est bien là ! On est obligé de penser planétaire, malheureusement.

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  3. Rem* m'a envoyé directement cet ajout, qui a toute sa place ici.


    "On est obligé de penser planétaire, malheureusement." écris-tu en fin d'échanges de commentaires (hier).

    Je t'ai laissé "le mot de la fin", puisqu'il s'agit de TON blog, où je n'ai pas à prolonger la réflexion...ce que je fais ici : Je suis attristé de ton point de vue résigné, finalement.

    Il est évident qu'il faille "penser globalement"... et c'est bien ce que j'ai toujours essayé de le faire.
    Mais TOUJOURS en partant de le nature de l'animal-humain, de son besoin absolu de liberté. Quelques soient les chaînes. Dictature bancaire, oui... le moindre dictateur comme le plus grand n'est qu'un pion dans cette ignoble machinerie de DIEU-FRIC, le capitalisme global. Tu le sais comme moi...
    Oui, tactiquement, selon les rapports de force des classes "dominant/dominés", on doit louvoyer, plier, oser...
    Non, nous, anarchistes, ne pouvons pas entrer dans une "froide logique" (??) de pseudo-stratégie, à en encenser un dictateur (Kadhafi... ou Staline!) au nom d'une hiérarchie du pire et du moins pire ("blocs").
    C'est du délire !

    Ici, depuis la Commune De Paris (et encore...: elle a eu tort de ne pas oser s'emparer de l'or de la Banque de France) il n'y a eu que... la Banque de France au pouvoir. Et maintenant la Banque "européenne", pire !

    Dans le monde global, désormais, il y a triomphe du Capitalisme. Non pas uniforme, mais en guerres de rivalités (dollar/Yuan...) sur le dos de toute l'humanité : guerres civiles suite aux échecs de rébellions populaires armées (Libye, Syrie, Mali, Centre-Afrique... le pire étant la RDC).
    Ce triomphe est miné de l'intérieur et faible par rapport à la masse des pauvres. IL A PEUR... pas nous.

    Voilà, en très résumé, ma façon de penser le global, avec les deux pieds (fatigués!) dans la merde quotidienne!

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