"Exiger l’égalité : en quoi est-ce illégal ?
Si la loi anti-boycott est jamais appliquée, les premiers cas peuvent donner encore plus d’élan au mouvement BDS.
Tandis qu’Israël ne cesse
d’annoncer la construction de nouvelles colonies dans les territoires
palestiniens occupés, et notamment dans une zone politiquement et
géographiquement sensible dénommée zone E-1 (EPA),
des ONG israéliennes ont fait appel à la Cour Suprême d’Israël pour
abroger la loi de juillet 2011 qui criminalise les militants israéliens
qui participent à la campagne "Boycott from Within" (Boycott de l’intérieur)
Ces ONG soulignent que cette loi va à l’encontre des libertés de
parole et d’opinion, de la liberté d’expression politique et du droit à
s’organiser. Un procès a début le 5 décembre dernier à Jérusalem-ouest
et la Cour doit rendre son jugement dans les prochains jours.
D’un point de vue moral, la
Cour suprême israélienne est un axe important de l’occupation
israélienne et de l’Apartheid. C’est cette même Cour qui refuse
systématiquement de s’occuper des violations israéliennes de la loi
internationale alors que dans le même temps elle autorise Israël à
continuer le nettoyage ethnique non seulement dans les Territoires
occupés mais aussi à l’intérieur d’Israël.
Le processus consistant à pousser dehors les gens du pays, qui a
commencé par la force brute dès la création de l’état est appliqué
aujourd’hui par des moyens légaux et ayant l’apparence de loi. Telle est
la situation dans Jérusalem-est occupé et dans les villages non
reconnus du Naqab (désert du Néguev).
La Cour de Justice s’est
prononcée à plusieurs reprises en faveur du siège de Gaza qui est
illégal et des politiques criminelles qui sont responsables du
rationnement des citoyens de Gaza et du fait que 95% de l’eau à Gaza est impropre à la consommation.
En conséquence, faire appel à
une cour qui a elle-même légalisé dans le passé la torture et tout ce
qui s’en approche —faisant d’Israël le seul pays au monde qui ait
légalisé cette pratique— n’est pas une décision à prendre à la légère.
D’un point de vue pratique, faire appel peut très bien avoir l’effet
contraire à celui qu’on espérait.
Comme il est arrivé dans le passé, la Cour peut très bien invalider
certaines clauses de la loi tout en réaffirmant le reste ; sanctionnant
ainsi une version révisée de la loi avec un sceau d’approbation.
Affectés par les lois israéliennes
Moi en tant que militant juif-israélien du boycott qui travaille pour
mettre fin à l’Apartheid israélien, je pense que la loi en fait sert
notre lutte.
Il y a une longue liste de lois discriminatoires contre les non-juifs ou ceux qui sont affectés par les lois israéliennes.
La plupart de ces lois ont été promulguées durant les premiers jours
de l’Etat d’Israël suite au nettoyage ethnique qui visait à créer
artificiellement une majorité juive sur cette terre. De telles lois
racistes furent mises en place pour légaliser ainsi que pour
institutionnaliser ce crime.
Puis vint l’occupation militaire de 1967 qui a marqué un tournant
radical dans des lois militaires répressives visant principalement les
palestiniens sous occupation. Des Tribunaux militaires, avec un taux
écrasant de 99,7% de condamnations, sont présents jusqu’à ce jour.
C’est pourquoi la loi anti-boycott a été reçue avec une telle
violence lorsqu’elle est passée l’année dernière avec de fortes
critiques venant des défenseurs mêmes d’Israël comme AIPAC. Ce jour-là,
« Boycott de l’Intérieur », un groupe de citoyens israéliens qui
approuve et soutient le BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions)
publia une déclaration « Nous ne resterons pas silencieux ».
Dans cette déclaration, nous réitérons notre engagement dans la lutte
pour les droits fondamentaux des Palestiniens –droit au retour, égalité
des droits à l’intérieur d’Israël et fin de l’occupation- ainsi que
rendre Israël responsable de ses actions.
La loi est en fait un signe de succès puisqu’elle montre l’efficacité
du BDS, une campagne menée par les palestiniens qui a obtenu une
reconnaissance internationale et qui est devenue un mouvement de
conscience mondial directement inspiré du succès obtenu par la lutte
anti-apartheid contre le régime d’Afrique du Sud.
De telles actions législatives menées par le régime israélien servent
seulement à mettre en lumière le vrai visage de l’état dit « juif
démocratique » et rassemble la communauté internationale ainsi que des
personnes mondialement connues.
Plutôt que d’analyser les finasseries de la loi anti boycott, il vaut
mieux clarifier le caractère de l’Etat qui fait de telles lois. Ce
n’est ni une loi « anti démocratique » ni une loi « anti
constitutionnelle » comme beaucoup voudraient nous le faire croire, pour
la simple raison que cet Etat n’est pas une démocratie et n’a pas de
constitution.
L’état, en fait, est profondément opposé aux valeurs démocratiques
telles que l’égalité, et les droits des minorités. Une constitution ne
serait d’aucun service puisque cet état s’oppose aux droits de tous.
C’est dans ce but que l’Etat me définit comme appartenant à la
nationalité « juive », cherchant ainsi à donner des privilèges à un
groupe élu par rapport à ceux qui sont privés de droits. S’il existait
une nationalité « israélienne » il ne serait pas possible, en théorie,
de légaliser les différences entre citoyens.
Etant donné les violations de la loi internationale, le non respect
absolu des droits humains universellement reconnus et la mobilisation du
public à travers le monde contre de telles violations, la question qui
se pose est comment les gouvernements peuvent continuer de traiter avec
Israël comme si de rien n’était.
Législation israélienne anti boycott
La législation israélienne anti boycott qui consiste à étouffer toute
tentative qui pourrait la rendre coupable de violations de la loi
internationale, est un problème sérieux. C’est pourquoi il est
inquiétant que tout récemment encore plusieurs gouvernements européens
aient essayé de couvrir Israël en refusant de le tenir responsable de
ses actions. Leur vote aux Nations unies s’est fait en niant aux
Palestiniens le droit de recourir à la Cour Pénale Internationale auprès
de laquelle les Palestiniens peuvent se mettre sous la protection de la
loi internationale.
Depuis lors cependant, de nouvelles voix se font entendre parmi
quelques pays européens. Ils expriment leur colère devant la dernière
décision d’Israël qui vise à construire une nouvelle colonie dans les
Territoires occupés de la Palestine, c’est à dire dans une zone
politique et géographique très sensible connue comme zone E-1.
De telles voix, que l’on pourrait considérer comme les premiers
signes d’un changement, menacent de rappeler leurs ambassadeurs en
Israël et mentionnent même de sanctionner ou de geler les précédents
accords commerciaux avec Israël. De tels actes signifieraient plus
qu’une simple critique de l’expansionnisme israélien.
Un exemple de la complicité en cours de tous les états membres de
l’UE peut être trouvé dans l‘Accord d’Association entre l’UE et Israël
qui comporte une clause d’engagement, article 2 de l’Accord, disant que
les « relations entre les parties ainsi que les clauses de l’Accord
lui-même sera basé sur le respect des droits humains et des principes
démocratiques,… et constitue un élément essentiel de l’Accord ».
La nature légale de cette clause est consciencieusement expliquée
dans un rapport du Professeur Takis Tridimas qui affirme que les
gouvernements européens sont obligés de geler l’Accord selon les lois de
la CE et les régulations en plus de leurs autres obligations imposées
par la loi internationale.
Roger Waters, qui a fait partie du jury du quatrième Tribunal Russel
en Palestine s’est adressé récemment à l’Assemblée Générale des Nations
Unies pour discuter les verdicts du tribunal qui conclut qu’Israël est
coupable d’une longue liste de violations de la loi internationale y
compris celle du crime d’apartheid.
Waters a également évoqué la nécessité d’un changement parmi les
instances internationales, incluant les Nations Unies elles-mêmes, de
façon à ce que de telles organisations maintiennent leur légitimité et
soient capables de représenter la volonté du peuple.
Si la loi anti boycott est un jour appliquée, les premiers cas
peuvent donner un plus grand élan au BDS. Il incombera alors aux
gouvernements du monde de mettre en application ce que beaucoup des
citoyens ont compris depuis longtemps : le fait qu’il est non seulement
légitime de prendre le train du BDS mais qu’il convient d’attendre de
ces mêmes citoyens qu’ils soient au coude à coude avec tous ceux qui
parmi nous se battent pour l’égalité, la liberté et la justice pour
tous. "

Ronnie Barkan
Publié en anglais sur :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
*objecteur de conscience et co-fondateur de « Boycott de
l’Intérieur »(« Boycott from Within »), un groupe de citoyens israéliens
et de résidents qui soutiennent l’appel des palestiniens pour le
boycott.
Follow him on Twitter : @ronnie_barkan
(Traduit par Annie et Pedro pour CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine