- On se souviendra que les mots "droite" et "gauche" ont une vieille histoire en France, au point d'ailleurs que certains autres pays les ont repris pour leurs propres clivages politiques - quitte à y apporter un sens un peu différent de celui qui prévalait en France. En effet, c'est en août-septembre 1789, il y a 225 ans, que les députés de l'Assemblée Nationale Constituante ont indiqué ainsi leur "préférence", ceux de la droite du président de séance étant partisans du veto pour le roi, et ceux de gauche le lui refusant.D'aucuns, à propos des partis qui utilisent encore cette différenciation dans le positionnement politique, préfèrent parler de "relativisme", indiquant sans doute par là que, selon les dossiers abordés, chaque formation n'avait pas la même place sur l'échiquier."Relativisme" gauche-droite ? Le mot est faible, très faible à mon sens. En fait ce concept a perdu absolument tout sens, et (là je vais faire dresser les cheveux sur la tête) le clivage n'est plus là du tout. Il est entre pour ou contre l'européisme, pour ou contre la mondialisation, et aussi pour ou contre l'Internationale (qui évidemment est une fraternité de NATIONS).
Valmy, par Horace Vernet
Au gré des déclarations on s'aperçoit alors que presque tous, du FN à Lutte Ouvrière, ne se réfèrent plus aux nations et à l'hymne de Pottier (même si parfois ils le chantent, sans écouter les paroles). Je le rappelle, le FN est un partisan de l'union européenne, même s'il s'en défend. Dans ces conditions, ressortir ces mots de droite ou de gauche ne peut que cacher les vrais enjeux. Pour mémoire, on ne saurait trop insister : rester européiste, c'est permettre aux vrais "inventeurs" de l'union européenne de continuer à devenir de plus en plus puissants en France. Il s'agit bien entendu de Washington qui, grâce à la pince de crabe économique (Commission Européenne ET Conseil Européen), et à la pince de crabe militaire de l'OTAN, nous serre de plus en plus dans son emprise. Hélas, les atlantistes convaincus sont puissants en France.Ne restent plus de l'autre côté de la barrière, là où l'on ne veut pas de cette emprise, que quelques rares défenseurs de la souveraineté de la Nation, donc du Peuple (les deux sont intimement liés). Encore l'UPR a-t-il fait une infidélité (tactique) à cette règle en présentant des listes aux élections pour le parlement de Strasbourg, au risque de légitimer l'illégitime.Ne restent donc guère que le PRCF, le M'PEP, et quelques isolés comme Philippe de Villiers malgré ses inclinations loin du Peuple. Qui n'est pas avec le Peuple, qui n'en est pas l'émanation "actuelle", ou "actualisée" comme on voudra, est l'un des ADVERSAIRES de celui-ci quand il n'en est pas carrément l'ennemi. La lutte des classes, on n'en parle plus guère dans les médias : signe qu'elle fait rage plus que jamais. C'est même Warren Buffet qui le rappelle. Un des grands pontes de "l'autre bord".Parmi ceux qui se réclament "de la gauche", voire "de la gauche de gauche", certains se positionnent pour la fondation d'une Sixième République. Une sixième république ? Certes, pourquoi pas, mais il faut commencer par virer l'union européenne, et tous ceux qui la prônent en France, afin d'avoir les coudées franches. Sinon cela ne servira à rien.
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vendredi 14 novembre 2014
Les notions de DROITE et de GAUCHE ont vécu
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jeudi 21 novembre 2013
"La pensée est le langage de la vie réelle" (Karl Marx) - Le Grand Soir
Grâce au Grand Soir, découvrons ensemble les arcanes de la pensée, de son siège, de ses mécanismes : en avoir cette connaissance aide à comprendre bien des situations. L'auteur du texte nous amène à des découvertes surprenantes.
Yann
LARGOEN
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20 novembre 2013
"La pensée est le langage de la vie réelle" (Karl Marx)

Digressions iconoclastes sur l’autonomie conquérante et autres
sujets qui fâchent ... Mais au fait, d’où nous viennent nos
idées ?
Voilà une question intéressante en soi, mais plus encore pour
ceux qui entendent faire partager leurs idées au grand nombre dans
une visée politique. La réponse qu’apporte le sens commun à
cette question est que notre esprit ferait une sorte de tri entre
toutes les idées disponibles et assemblerait méthodiquement, avec
une sorte d’honnêteté intellectuelle, celles qui seraient les
mieux fondées, étayées et documentées.
La conséquence qui découle de cela est que pour diffuser nos idées, il faudrait se montrer imparable du point de vue de l’argumentation, batailler pied à pied pour démontrer l’infériorité objective des idées contraires, les battre aux points en quelque sorte, sur le ring de la Raison. Le débat politique serait alors une sorte de match sans fin entre les idées dont seules les « meilleures » d’entre elles auraient les plus grandes chances de sortir vainqueurs de la confrontation.
La victoire du non au referendum sur le Traité constitutionnel a ainsi souvent été présentée comme résultant de l’extraordinaire qualité critique des analyses du texte, menées notamment sur internet, lesquelles sont entrées dans chacun de ses détails techniques pour en montrer la nocivité. Cette vision, défendue le plus souvent par les militants sur-scolarisés qui avaient méritoirement mené ce travail à bien, est assez mal fondée.
Les analyses en question ont sans doute joué un grand rôle, mais davantage par l’image générale de sérieux qu’elles donnaient des partisans du non et surtout par le fait qu’elles ont en partie privé l’adversaire du choix des thématiques de campagne. Mais elles ont davantage mobilisé (et donc incité à voter) un électorat déjà largement hostile à l’Europe telle qu’elle se faisait, qu’elles n’ont réellement fait changer d’avis ceux qui y étaient foncièrement favorables.
D’ailleurs sur un plan plus général et personnel, si on veut bien se souvenir de la manière dont nos idées nous sont venues à nous-mêmes puis on grandi et évolué en nous, on se rend compte qu’au départ nos grandes options fondatrices ne doivent pas grand-chose à l’analyse intellectuelle de notre environnement, quelques soient les efforts que nous ayons produits en ce sens. Mais que cette analyse est venue dans un second temps du développement de notre conscience politique, pour justifier et conforter des options que nous avions déjà prises.
Car contrairement à une conception répandue, notre esprit n’est pas rigoureusement séparé entre des lieux où s’exercerait la pensée rationnelle, pesant et soupesant les arguments réfléchis pour en faire la synthèse et produire des idées, et d’autres lieux qui seraient ceux des émotions des sensations et des rêves, bref des sentiments.
Lorsque nous sommes d’accord avec quelque chose, c’est d’abord parce que cette chose nous plaît et nous séduit, parce qu’elle trouve sa juste place dans l’environnement émotionnel que nous nous sommes construit depuis notre enfance pour nous protéger de l’adversité, parce qu’on est raccord avec elle comme on dit, qu’elle nous donne du bien-être intérieur en quelque sorte.
Ce n’est que par la suite que notre cerveau va construire des théories pour créer des rapports entre toutes les choses qui nous font du bien, fabriquer ainsi des idées dont c’est comme la raison d’être de nous permettre d’en parler aux autres dans un langage commun les faisant réagir, et ainsi peut-être de conforter nos sentiments pour se sentir mieux encore au monde.
Tant et si bien que sous cet angle aussi, pourtant très éloigné de ce que voulait signifier Marx « la pensée est le langage de la vie réelle ».
Mais au fond de nous-même et sans savoir pourquoi, quelque chose nous dit que c’est mal, on préfèrerait qu’il en aille autrement, que les idées ne soient pas polluées par les sentiments et c’est pour cela qu’on s’obstine dans cette croyance en leur caractère purement intellectuel et d’une certaine façon en leur altérité au sein de notre altérité. C’est peut-être parce qu’on nous a bien endoctrinés à l’école avec ces histoires à dormir debout de lutte entre la passion et de la raison, comme si les deux moteurs de la pensée travaillaient en opposition l’un à l’autre.
Pourtant, on n’hésite pas à dire qu’on « a le sentiment que » ou bien qu’on « aime cette idée » ou encore qu’on est « séduit par un raisonnement » alors même qu’on essaie de construire un discours intellectuel avec force arguments se défiant précisément de toute sentimentalité et de toute subjectivité. C’est que le cœur a ses raisons que la raison ignore, lesquelles finissent toujours par prévaloir dans la formation et l’expression de notre pensée.
Dans un registre assez voisin, il est mal vu de s’en prendre aux personnes quand on est en désaccord avec leurs idées. C’est considéré comme un signe de faiblesse, d’incapacité à démontrer le bien-fondé de notre position. Cependant on a tous fait l’expérience dans des discussions, que cette façon de procéder est bien plus efficace (en tous cas pour "convaincre" l’auditoire) que celle qui consiste à démonter l’argumentation de notre contradicteur à l’intérieur de son propre registre.
Lorsqu’on dit que Moscovici est un salopard quand il tranche comme on sait avec sa bande dans l’affaire de Chypre, chacun comprend qu’on est au cœur du sujet, bien mieux que si nous disputions tel ou tel aspect technique de la position qu’il soutient et dont on sent bien qu’elle nous ferait perdre notre âme si on s’y laissait enfermer.
Un peu comme bien souvent, alors qu’on ne partage pas le point de vue de notre contradicteur, la compréhension « d’où il parle » de même que la compréhension de « qui parle » nous permet de contrôler la situation dans laquelle sa rhétorique cherche à nous enfermer. Tel expert financier invité par la télévision est payé par le système bancaire à titre de consultant : cela nous suffit pour ne plus porter aucun intérêt à ce qu’il dit. Et l’on aura beau surmultiplier les arguments rationnels, c’est toujours le jugement de valeur final (Hollande est le caniche de l’Empire, par exemple) qui emporte l’adhésion, plus que les bavassages sans fin autour des idées.
Les luttes collectives pour des idées sont apparues en même temps que les luttes visant à libérer l’homme des croyances religieuses, condition et conséquence des progrès démocratiques. Mais on peut se demander si cette survalorisation du rôle des idées, dans la confrontation politique notamment, n’est pas devenue aujourd’hui instrumentalisée par l’idéologie dominante pour affaiblir l’impact de la contradiction qu’on lui oppose. Il est en effet beaucoup plus facile de contrôler les idées que les ressentis et les valeurs qu’elles expriment.
Cette façon de surprivilégier les idées en disqualifiant a priori ce que nous appelons ici les sentiments lui donne un avantage concurrentiel indéniable. Notamment en ce qu’elle favorise les milieux sociaux qui du fait de l’éducation qu’ils ont reçue, ont acquis la capacité de formuler leurs idées, l’interdiction de parole des autres étant dès lors définitivement actée.
La diabolisation du populisme procède de cet intérêt des puissants à circonscrire le débat à l’intérieur du champ qu’ils ont eux-même périmétré autour des seules idées et dans lequel ils sortent vainqueurs de toutes les controverses. La sacralisation de la réussite scolaire à l’inverse, et le recrutement de plus en plus exclusif des élites de toutes sortes dans le seul vivier des premiers de la classe (y compris là où on s’y attend le moins) constitue la garantie la plus sûre de la perpétuation sociale des représentations idéologiques qui assurent l’hégémonie de la pensée dominante.
Il ne peut en effet y avoir de réussite scolaire sans une grande capacité à se lover dans les constructions intellectuelles pures qui servent aux puissants à masquer la trivialité des intérêts qu’ils poursuivent. Et cette capacité ne peut généralement s’avérer sans un excellent niveau d’adhésion au référentiel psycho-affectif qui en constitue la petite musique sous-jacente. Car on ne peut réellement comprendre ces constructions sans entrer dans une sorte de relation de connivence avec ce terreau infra-politique sur lequel s’opèrent donc en dernière analyse les processus de sélection dans l’enseignement.
C’est l’intérêt du parler "cru et dru" que de faire une meilleure place aux sentiments et aux valeurs dans l’expression des conceptions qui ne sont plus alors des ectoplasmes asexués ressemblant comme deux gouttes d’eau au discours de l’adversaire, même lorsqu’on croit dire le contraire. Ce parler-là capte l’attention, fait réagir, parce qu’il s’adresse aux couches profondes de notre personnalité, celles qui abritent nos valeurs et les assument, contrairement au robinet d’eau tiède du parler conforme qui ne les atteint pas, ou seulement à raison de 1,9 % du corps électoral comme à la présidentielle de 2007. Sa musique est d’une certaine façon en harmonie avec ses paroles.
Arrêtons-nous un instant sur cet aspect. On nous dit parfois qu’on est assez d’accord avec ce que nous disons mais pas avec notre façon de le dire. Tout se passe alors comme si notre interlocuteur nous suivait dans notre cheminement intellectuel mais se trouvait arrêté par la forme de notre énoncé jugée excessive, voire agressive ou pis encore vulgaire. Au fond, il nous reproche essentiellement de ne pas solliciter de la grande bienveillance de notre adversaire le fait d’avoir l’obligeance raffinée de bien vouloir avec élégance et courtoisie nous céder sa place. Autant dire qu’en fait, il n’a rien saisi du fond de notre propos puisque celui-ci énonce fondamentalement notre intention de lui prendre sa place, au besoin de vive force démocratique.
On voit bien là qu’on est dans un dialogue de sourds dans lequel notre interlocuteur fait semblant de nous comprendre mais ne nous comprend pas. Il est en fait d’accord avec tout le monde [comme c’est extrêmement fréquent] et toute son activité intellectuelle est comme transcendée par son unique objectif d’apaiser les tensions entre les camps quels qu’ils soient. Et quel que soit le sujet de la controverse. Un autre jour, il défendra l’idée inverse parce qu’il lui apparaîtra à ce moment-là que la source principale des tensions vient de l’autre côté.
C’est d’ailleurs ce qui nous garantit à terme son ralliement à notre camp lorsque les rapports de forces auront changé, un peu à la manière [toutes choses égales par ailleurs] de ces gens acquis à Pétain qui ont volé au secours de la victoire au moment de la Libération.
Parce que le paradigme dans lequel il fonctionne lui enjoint de n’entrer en conflit avec rien ni personne de plus fort que lui, c’est l’alpha et l’oméga de tout le processus de socialisation qu’il a connu et il n’en démordra jamais. Ses idées superstructurelles ne lui servent, comme tout un chacun, qu’à conforter ses fondations infrastructurelles, lesquelles lui enjoignent ici de protéger sa relation à l’ordre établi, d’être « du côté du manche » comme dit le bon sens populaire dans l’infinie clairvoyance de son imaginaire.
Il s’agit bien sûr de beaucoup plus que quelques avantages ou indemnités qui corrompraient son jugement : c’est tout son rapport au monde qui est en jeu dans ce positionnement et tout le bien-être que celui-ci lui procure qui joue un rôle déterminant, bien davantage que les avantages matériels que peuvent lui conférer les fameuses places. Il n’est pas non plus déterminé par une conception intellectuelle ou une vision stratégique dont il est, de l’une comme de l’autre, assez largement dépourvu si ce n’est utilitairement comme habillage a posteriori et dans une forme socialement valorisante de ses besoins psycho-affectifs.
On perd son temps à vouloir le convaincre car son mode de pensée est le plus souvent aux antipodes du nôtre, alors que son expression nous donne au contraire l’illusion d’une grande proximité. En fait nous sommes victime d’un leurre qui nous fourvoie dans l’interprétation que nous avons qu’il appartiendrait à un segment de l’opinion facilement ralliable à nos conceptions et notre combat.
Il n’y a sans doute pas plus éloigné de nos bases que l’électeur moyen de Montebourg à la primaire socialiste, ni que les militant de l’aile gauche socialiste ou les tenants de la ligne Hue au sein du PCF. Ce qui nous différencie de la majorité d’entre eux et du même coup nous fédère, c’est que [sans qu’on puisse se l’expliquer] nous ne sommes pour notre part jamais parvenus à développer les stratégies mentales nous permettant d’être en osmose avec le monde tel qu’il est. La manière que nous avons de le comprendre ne nous a pas conduits à l’accepter.
C’est d’ailleurs également ce qui nous oppose aux membres de l’élite (et ne les y opposent pas) dont les positions sociales procèdent exclusivement de cette sorte de faculté mystérieuse qu’ils détiennent d’être « bien au monde », d’où notre façon extrêmement juste de les qualifier de « satisfaits ».
Nous faisons donc erreur en nous fiant à des apparences de cousinage idéologique alors que le discriminant essentiel, la rage que nous inspire le monde tel qu’il va et le besoin vital d’y résister qui va avec, les positionnent beaucoup plus loin de nous que d’autres groupes socioculturels auxquels nous hésitons davantage à nous adresser. Nous nous enfermons là dans une sorte de géographie politique finalement très superficielle et pour tout dire encore une fois platement scolaire, qui nous fait gaspiller en pure perte notre énergie.
Nous sommes beaucoup plus forts et efficaces dans nos campagnes républicaines radicales et dans nos combats frontaux contre les politiques libérales, antisociales, impérialistes, sécuritaires et racistes que dans nos tentatives de séduire cette gauche purement verbale qui n’a pas de parole. Et qui nous fera toujours défaut car elle plonge ses racines profondes dans l’acceptation de sa propre domination, vécue et pratiquée sans pour autant être pensée ni exprimée, comme procédant d’un ordre éternel des choses qui fondamentalement lui convient.
La conception mortifère selon laquelle les idées gouvernent les comportements politiques ne tient décidément pas et nous mène à des impasses. D’ailleurs la plupart des représentations politiques fondamentales se laissent difficilement enfermer dans des constructions intellectuelles. On peut sans doute démontrer avec force arguments rationnels que la justice sociale est la condition du progrès humain. Mais le contraire est également vrai dans certaines séquences historiques et on sent bien que ce n’est pas fondamentalement la Raison qui nous conduit à militer en sa faveur.
Nous ne sommes pas que des êtres rationnels, sinon les pauvres ne voteraient pas à droite. Le poète nous dit bien plus de choses sur nous-même que le psychiatre et celui-ci bien plus que l’éditorialiste. Et les plus grandes découvertes scientifique ont souvent été réalisées à partir de recherches fondées sur l’intuition que quelque chose d’important se cachait dans tel champ d’investigation, sans que les chercheurs soient en mesure d’énoncer rigoureusement pourquoi à partir d’une argumentation construite.
Et puis enfin, si nous étions tellement soucieux de fonder rationnellement nos engagements politiques, nous n’aurions de cesse de nous repaître des analyses qui les contestent alors que nous sommes spontanément enclins à les confronter dans l’entre soi des cercles qui en partagent l’esprit. Les idées et singulièrement les idées politiques sont des constructions intellectuelles nécessairement réductrices, qui nous permettent d’entrer dans une relation gratifiante au monde, telles des médiatrices bienfaisantes et protectrices entre lui et nous-mêmes.
Cela ne signifie évidemment pas que les batailles d’idées seraient inutiles. Elles permettent simplement (ce qui est très important) de cultiver les champs qui sont prédisposés à accueillir ces cultures mais n’ont aucune autre portée que celle-là. Pour rendre les grandes plaines propices à la germination de notre projet politique, c’est la bataille des valeurs qu’il faut mener (comme le font nos adversaires avec grand succès) les rapports de forces idéologiques et politiques suivront alors nécessairement.
Car nos idées politiques ne sont jamais que l’expression domestiquée de ce curieux bruit de fond qui nous habite, fait de bruit sans doute, mais aussi de fureur, de tumulte et de fracas ... et qui constitue au final l’identité même de notre camp.
Le Front de gauche est ainsi traversé par deux visions fondamentalement différentes de la situation politique, très largement masquées par des analyses convergentes sur l’essentiel, de même que par son unité de pensée et d’action autour d’un programme partagé.
L’interprétation de l’abstention électorale à gauche dans la période récente offre un terrain particulièrement propice à la compréhension de ce clivage quasi anthropologique qui ne tient pas tant à une analyse différente de la situation politique qu’à un différentiel profond du rapport au monde des divers protagonistes.
Pour les uns, les électeurs de gauche ne se déplaceraient plus car ils seraient déçus des politiques poursuivies par un pouvoir de gauche qui renierait toutes ses promesses, trahirait ses soutiens, lesquels ne les auraient pas élus pour ça, etc. Cette vision débouche logiquement sur l’idée qu’il faudrait et suffirait que le gouvernement opère un amarrage à gauche pour que se trouvent refondés des liens de confiance et un appui électoral qui ne demanderaient alors qu’à se réactiver au profit de toute la gauche dans une dialectique vertueuse pour chacune de ses composantes.
De là à penser qu’il faut exercer des pressions à la base pour mettre fin à cette dérive droitière « dans l’intérêt des populations (sic) » et l’on se retrouve avec la stratégie du rassemblement à gauche aux élections municipales, contre les politiques d’austérité.
(Notons au passage, le diable se cachant toujours dans les détails, à quel point l’usage de l’expression « les populations » nous parle à leur insu de la réalité du ressenti de ces sujets quant à leur présence au monde.)
Cette vision a sans doute le mérite d’une certaine cohérence interne et rend compte d’une sorte de compréhension de la façon classique dont on pouvait faire évoluer les rapports de force politiques dans les années soixante-dix. Elle pêche toutefois d’évidence par une sorte d’anachronisme en regard des mutations qui se sont produites dans la société depuis ces temps lointains de la politique.
Car dans cette représentation, rien ne semble avoir changé dans la relation que le corps électoral entretien avec les institutions politiques et leurs représentants élus. On a toujours à faire ici à des représentants légitimes et respectables d’un système politique faisant relatif consensus, offrant toutes possibilités aux classes pauvres de jouer leur partie et finalement assez satisfaisant dans l’ensemble.
Cette adhésion plus culturelle que politique au système s’est manifestée dans la période récente sur d’autres plans. Par exemple dans les réticences à mettre en avant l’exigence d’une VIème république dans le programme « l’humain d’abord » qui s’est de fait retrouvée reléguée au sixième chapitre sans que cette décision fasse l’unanimité.
Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour comprendre que les trois quarts des mesures préconisées par ce programme nécessitent des dispositions législatives contraires à la Constitution dans l’interprétation de classe qu’en fait le Conseil constitutionnel. Et que la disparition de celui-ci en tant que chien de garde juridictionnel ultime des intérêts des puissants est la condition-même de la mise en oeuvre de notre politique.
Mais pour eux ce problème ne se pose pas car dans leur "for intérieur", lequel n’est évidemment pas plus gouverné que le nôtre par l’analyse rationnelle des situations, ils ne se mettent pas dans une trajectoire de conquête du pouvoir d’Etat et encore moins dans la perspective de l’application du programme partagé. Le pouvoir local est le seul horizon borné de leur ambition politique, avec éventuellement une participation minoritaire au gouvernement, le jour où on voudra bien les appeler à ce qu’ils prendront pour un honneur.
D’où leur attachement extrême à conserver des positions municipales implicitement considérées comme des fins en soi et non pas comme des moyens de gagner des batailles politiques futures, fusse au prix de quelques pertes. Leur ébahissement affiché devant le succès populaire de la manifestation du 5 mai 2013 centrée sur ce mot d’ordre en faveur d’une VIe République, à laquelle ils ont fini par se rallier après avoir cherché à en infléchir le sens politique, offrait du point de vue de leur coupure d’avec les mutations sus-évoquées, un tableau clinique d’une éloquence rarement rencontrée.
Un autre moment révélateur de leur irrésistible adhésion au système a été la contestation très vive de l’antiélitisme assumé (« qu’ils dégagent tous ! ») qui parcourait les discours de notre candidat à la présidentielle ou encore plus nettement à propos du balai. Tout se passe comme si les tenants de cette vision se trouvaient émotionnellement à leur aise dans la représentation apaisée qu’ils se font du système politique et pour certains d’entre eux, de la valeur qu’ils attribuent à la place qu’ils y occupent. Ils croient sincèrement appartenir aux élites et la dénonciation de celles-ci retentit réellement en eux comme une remise en cause de leur propre identité. Ce n’est évidemment pas eux qu’il s’agissait de balayer, mais contre toute attente, ils l’ont pris comme ça et ce n’est pas fortuit, cela atteste de la nature des liens qui les unissent à leur environnement.
Cette sorte de fixation hystérique sur des modèles de représentation périmés pour des raisons de confort psychoaffectif touche dans notre camp au-delà des élus qui sont matériellement et psychologiquement intéressés par le maintien de leur position dans la représentation qu’ils se font de la hiérarchie sociale, au point que cette situation surdétermine leur positionnement politique.
Elle tend également à se maintenir marginalement dans le rapport sous-jacent que des militants apparemment désintéressés entretiennent avec un système politique qui d’une certaine façon répond finalement à toutes leurs attentes, exceptées leurs attentes politiques sans doute, mais là n’est pas l’essentiel à leur yeux.
Ce syndrome est encore plus répandu dans la masse des électeurs socialistes qui ont trouvé dans la gauche à une étape de leur construction personnelle (très éloignée pour certains d’entre eux mais pas toujours) un référentiel culturel dans lequel ils se sont sentis tellement bien qu’ils n’ont jamais pu se résoudre à s’en séparer. D’autant moins que les contenus réels grâce auxquels ils ont éduqué leur rapport intime au monde ont été jetés par-dessus bord par les pratiques du socialisme de gouvernement à mesure où eux-mêmes, la réussite sociale aidant, adoptaient les angles de vue adéquats à leur nouvelle classe.
En dedans du système qu’ils n’analysent d’ailleurs jamais en tant que système car ils n’en imaginent pas d’autre possible, « intégrés » et dans l’incapacité ontologique de penser qu’il existe un au dehors depuis lequel d’autres liens beaucoup plus gratifiants avec le monde peuvent être tissés en substitution à leurs anciennes amours. Ils poursuivent ainsi leur existence atemporelle en parvenant à se convaincre de la validité toujours vivante de leur engagement, tels des canards décapités qui poursuivent leur course longtemps avant que la mort ne finisse par les surprendre.
Chacun sent bien en lui-même que le « rassemblement le plus large de toute la gauche contre les politiques d’austérité » ressemble à l’union des poules avec le renard pour défendre la paix dans le poulailler, eux non. C’est qu’en-deçà de toute analyse cette image nous bouleverse émotivement, nous rend mal à l’aise, nous dérange et nous irrite au point de la récuser d’instinct, sans-même que nous ressentions le besoin d’échafauder dans l’immédiat une théorie explicative du renard, eux non.
C’est le sentiment qu’il faut être bienveillant avec le renard qui leur vient d’emblée, car il les rassure, les sécurise, ils finissent par prendre le renard sous leur protection dans leur intimité psychoaffective sans doute parce qu’ils redoutent encore plus la perspective et les conséquences, pour eux-mêmes et leur rapport intime au monde, de la guerre à mener contre le renard que le renard lui-même. Et se demandent en fait sans le savoir [peut-être à juste raison] s’ils n’ont pas plus à perdre qu’à gagner dans cette guerre-là.
Un peu comme ces enfants (ou ces adultes d’ailleurs) victimes de maltraitance qui conservent intact leur amour pour leur bourreau sans qu’on parvienne à se l’expliquer vraiment et encore moins à y remédier à la faveur de la cure. Se rattachant à des petits signes dérisoires [telles les prétendues concessions obtenues dans l’établissement du programme municipal parisien] pour s’autoconvaincre de la qualité d’un relationnel ("nous sommes entendus !") dont tout pourtant atteste de la lourde perversité. Et faisant comme si des périls encore plus grave les guettaient [la victoire de l’extrême droite à Paris ressemble beaucoup à ces appréhensions typiquement délirantes] en cas de transgression des liens d’assujettissement qui surdéterminent ici leur discernement jusqu’à l’abolir.
Si la démobilisation de l’électorat de gauche que l’on enregistre depuis l’élection présidentielle traduit comme on est fondé à le penser (exactement comme l’adhésion de l’électorat de droite aux thèses extrémistes) une accentuation nette de la désaffiliation d’avec le système politique, bien au-delà d’un simple désaccord avec les politiques poursuivies, ce n’est certainement pas leur présence sur la liste gouvernementale à Paris qui va l’enrayer.
Bien au contraire, ce ralliement ne va faire qu’alimenter la défiance légitime qui grandit dans le peuple – pour le meilleur comme pour le pire – à l’égard du système politique dans son ensemble et de ce genre d’arrangements en particulier, clairement ressentis comme s’opérant dans son dos et destinés à le tromper. À cet égard, le soupçon de connivence entre les uns et les autres pour se partager les places et les avantages, les désaccords politiques affichés n’étant qu’un théâtre purement formel, est littéralement dévastateur et constitue bien sûr la cause première de la désaffection électorale.
Mais cela, nos sujets ne le voient pas car la perception intuitive qu’ils ont du paysage dans lequel ils développent leur activité politique leur interdit de le voir sauf à devoir remettre en cause toute leur relation vitale au réel.
Comme ils n’ont pas vu que l’affluence enregistrée lors des réunions publiques des élections présidentielles ne résultait pas tant d’une adhésion intellectuelle des participants à telle ou telle mesure du programme, que de la beauté de la fresque historique dont on nous invitait à poursuivre l’écriture, de la dignité nouvelle que nous nous découvrions et du grand bonheur que nous ressentions à être partie à cette renaissance-là. Et certainement pas d’une quelconque réconciliation avec les formes dépassées du jeu politique traditionnel, bien au contraire.
Comme ils ne voient pas que c’est du côté de l’abstention (laquelle est sans doute, notamment dans son importante fraction politisée, souvent beaucoup moins proche que cette droite complexée des formes de représentation idéologiques dominantes) qu’il y a lieu de rechercher le renforcement de l’influence électorale des idées nouvelles. Comme cela a commencé à fonctionner au 1er tour des présidentielles de 2012 et s’est en suivant complètement étiolé aux législatives (deux fois moins de voix) pour des raisons qu’on saisi mieux à présent, l’idée de faire renaître l’espoir (degré zéro de l’expression politique) n’étant manifestement pas parvenue à rassembler les électeurs en dépit de son caractère indéniablement (!) fédérateur et peu clivant.
A la lecture de toute la littérature rationnelle et argumentée qui a été produite ces derniers mois en faveur de l’autonomie conquérante, on se dit qu’on ne pouvait faire mieux. C’était parfait, tous les chemins ont été empruntés, tout a été dit. Il ne faut pas avoir de regrets, nous avons donné le meilleur de nous-même, on ne pouvait pas donner plus. La difficulté qui nous attendait à Paris ne pouvait être entièrement réduite par l’argumentation rationnelle et la confrontation des idées.
Celles-ci étaient impuissantes à bouleverser ce qu’à la lumière de ce qui précède nous appellerons le conformisme existentiel de survie auquel nous étions confrontés, lequel est insoluble dans les idées car il est enraciné dans des histoires personnelles et des habitudes de vie, des réseaux relationnels aussi, la quête éperdue de considération de la part de la société dominante, la sorte d’imbécilité heureuse et visiblement épanouie qui en découle, le conservatisme affligeant de la pensée et des conduites, la perte du sens historique, l’absence de vision de l’intérêt collectif, bref tout un référentiel psycho-culturel propre au vieux monde [et singulièrement à ses esclaves] dans lequel ils se sentent comme en état de béatitude et sur lequel le discours politique construit n’a pas de prise.
S’agissant des élus, les autres organisations du Front de gauche seraient au demeurant bien inspirées de prévoir dans leurs statuts que leurs candidats ne participent pas aux délibérations internes relatives aux élections auxquelles ils devraient comprendre qu’ils sont davantage présentés qu’ils ne se présentent. Car ce tropisme dévastateur les touchera inévitablement à un moment ou à un autre de leur développement, jusqu’à déboucher sur la stupéfiante liberté de vote des groupes parlementaires et de chacun de leurs membres.
On n’a pas assez analysé la signification du remplacement en 1994 de Georges Marchais par Robert Hue (Président de l’Association des Elus Communistes et Républicains) et de la mise à l’écart des syndicalistes au profit des élus locaux dans l’appareil dirigeant du PCF qu’il a politiquement impulsé, parallèlement aux blablatages sur la mutation qui sont venus l’épauler. Il s’est agi là d’un renversement extrêmement significatif quoique assez peu documenté du rapport de forces entre les deux versants du clivage exploré ici.
Mais aux régionales de 2010 il n’y avait déjà plus que 5 régions sur 22 pour faire des listes d’union PS / PCF au 1er tour. Nous assistons aujourd’hui aux derniers spasmes de cette ligne désespérée visant à conserver envers et contre tous des positions électorales consenties par l’adversaire sans se donner les moyens politiques de les défendre ou de les reconquérir. Il faut faire l’effort de lire ou d’entendre leurs déclarations totalement dépourvues de toute consistance politique [et même de toute consistance de quelque nature que ce soit] pour se rendre compte à quel point ces malheureux complètement dépolitisés sont désormais rendus.
Un peu à la manière de ces prélats d’Ancien Régime que la connivence avec la noblesse de Cour avait aveuglés au point d’en perdre cette foi qui avait pourtant gouverné dans le passé leur rapport à la vie. Mais qui n’en continuaient pas moins à faire étalage de grande piété au sein du diocèse, comme dans un rituel maniaco-compulsif célébrant avec dévotion ce qui les avait autrefois constitués au monde.
Yann LARGOEN
La conséquence qui découle de cela est que pour diffuser nos idées, il faudrait se montrer imparable du point de vue de l’argumentation, batailler pied à pied pour démontrer l’infériorité objective des idées contraires, les battre aux points en quelque sorte, sur le ring de la Raison. Le débat politique serait alors une sorte de match sans fin entre les idées dont seules les « meilleures » d’entre elles auraient les plus grandes chances de sortir vainqueurs de la confrontation.
La victoire du non au referendum sur le Traité constitutionnel a ainsi souvent été présentée comme résultant de l’extraordinaire qualité critique des analyses du texte, menées notamment sur internet, lesquelles sont entrées dans chacun de ses détails techniques pour en montrer la nocivité. Cette vision, défendue le plus souvent par les militants sur-scolarisés qui avaient méritoirement mené ce travail à bien, est assez mal fondée.
Les analyses en question ont sans doute joué un grand rôle, mais davantage par l’image générale de sérieux qu’elles donnaient des partisans du non et surtout par le fait qu’elles ont en partie privé l’adversaire du choix des thématiques de campagne. Mais elles ont davantage mobilisé (et donc incité à voter) un électorat déjà largement hostile à l’Europe telle qu’elle se faisait, qu’elles n’ont réellement fait changer d’avis ceux qui y étaient foncièrement favorables.
D’ailleurs sur un plan plus général et personnel, si on veut bien se souvenir de la manière dont nos idées nous sont venues à nous-mêmes puis on grandi et évolué en nous, on se rend compte qu’au départ nos grandes options fondatrices ne doivent pas grand-chose à l’analyse intellectuelle de notre environnement, quelques soient les efforts que nous ayons produits en ce sens. Mais que cette analyse est venue dans un second temps du développement de notre conscience politique, pour justifier et conforter des options que nous avions déjà prises.
Car contrairement à une conception répandue, notre esprit n’est pas rigoureusement séparé entre des lieux où s’exercerait la pensée rationnelle, pesant et soupesant les arguments réfléchis pour en faire la synthèse et produire des idées, et d’autres lieux qui seraient ceux des émotions des sensations et des rêves, bref des sentiments.
Lorsque nous sommes d’accord avec quelque chose, c’est d’abord parce que cette chose nous plaît et nous séduit, parce qu’elle trouve sa juste place dans l’environnement émotionnel que nous nous sommes construit depuis notre enfance pour nous protéger de l’adversité, parce qu’on est raccord avec elle comme on dit, qu’elle nous donne du bien-être intérieur en quelque sorte.
Ce n’est que par la suite que notre cerveau va construire des théories pour créer des rapports entre toutes les choses qui nous font du bien, fabriquer ainsi des idées dont c’est comme la raison d’être de nous permettre d’en parler aux autres dans un langage commun les faisant réagir, et ainsi peut-être de conforter nos sentiments pour se sentir mieux encore au monde.
Tant et si bien que sous cet angle aussi, pourtant très éloigné de ce que voulait signifier Marx « la pensée est le langage de la vie réelle ».
Mais au fond de nous-même et sans savoir pourquoi, quelque chose nous dit que c’est mal, on préfèrerait qu’il en aille autrement, que les idées ne soient pas polluées par les sentiments et c’est pour cela qu’on s’obstine dans cette croyance en leur caractère purement intellectuel et d’une certaine façon en leur altérité au sein de notre altérité. C’est peut-être parce qu’on nous a bien endoctrinés à l’école avec ces histoires à dormir debout de lutte entre la passion et de la raison, comme si les deux moteurs de la pensée travaillaient en opposition l’un à l’autre.
Pourtant, on n’hésite pas à dire qu’on « a le sentiment que » ou bien qu’on « aime cette idée » ou encore qu’on est « séduit par un raisonnement » alors même qu’on essaie de construire un discours intellectuel avec force arguments se défiant précisément de toute sentimentalité et de toute subjectivité. C’est que le cœur a ses raisons que la raison ignore, lesquelles finissent toujours par prévaloir dans la formation et l’expression de notre pensée.
Dans un registre assez voisin, il est mal vu de s’en prendre aux personnes quand on est en désaccord avec leurs idées. C’est considéré comme un signe de faiblesse, d’incapacité à démontrer le bien-fondé de notre position. Cependant on a tous fait l’expérience dans des discussions, que cette façon de procéder est bien plus efficace (en tous cas pour "convaincre" l’auditoire) que celle qui consiste à démonter l’argumentation de notre contradicteur à l’intérieur de son propre registre.
Lorsqu’on dit que Moscovici est un salopard quand il tranche comme on sait avec sa bande dans l’affaire de Chypre, chacun comprend qu’on est au cœur du sujet, bien mieux que si nous disputions tel ou tel aspect technique de la position qu’il soutient et dont on sent bien qu’elle nous ferait perdre notre âme si on s’y laissait enfermer.
Un peu comme bien souvent, alors qu’on ne partage pas le point de vue de notre contradicteur, la compréhension « d’où il parle » de même que la compréhension de « qui parle » nous permet de contrôler la situation dans laquelle sa rhétorique cherche à nous enfermer. Tel expert financier invité par la télévision est payé par le système bancaire à titre de consultant : cela nous suffit pour ne plus porter aucun intérêt à ce qu’il dit. Et l’on aura beau surmultiplier les arguments rationnels, c’est toujours le jugement de valeur final (Hollande est le caniche de l’Empire, par exemple) qui emporte l’adhésion, plus que les bavassages sans fin autour des idées.
Les luttes collectives pour des idées sont apparues en même temps que les luttes visant à libérer l’homme des croyances religieuses, condition et conséquence des progrès démocratiques. Mais on peut se demander si cette survalorisation du rôle des idées, dans la confrontation politique notamment, n’est pas devenue aujourd’hui instrumentalisée par l’idéologie dominante pour affaiblir l’impact de la contradiction qu’on lui oppose. Il est en effet beaucoup plus facile de contrôler les idées que les ressentis et les valeurs qu’elles expriment.
Cette façon de surprivilégier les idées en disqualifiant a priori ce que nous appelons ici les sentiments lui donne un avantage concurrentiel indéniable. Notamment en ce qu’elle favorise les milieux sociaux qui du fait de l’éducation qu’ils ont reçue, ont acquis la capacité de formuler leurs idées, l’interdiction de parole des autres étant dès lors définitivement actée.
La diabolisation du populisme procède de cet intérêt des puissants à circonscrire le débat à l’intérieur du champ qu’ils ont eux-même périmétré autour des seules idées et dans lequel ils sortent vainqueurs de toutes les controverses. La sacralisation de la réussite scolaire à l’inverse, et le recrutement de plus en plus exclusif des élites de toutes sortes dans le seul vivier des premiers de la classe (y compris là où on s’y attend le moins) constitue la garantie la plus sûre de la perpétuation sociale des représentations idéologiques qui assurent l’hégémonie de la pensée dominante.
Il ne peut en effet y avoir de réussite scolaire sans une grande capacité à se lover dans les constructions intellectuelles pures qui servent aux puissants à masquer la trivialité des intérêts qu’ils poursuivent. Et cette capacité ne peut généralement s’avérer sans un excellent niveau d’adhésion au référentiel psycho-affectif qui en constitue la petite musique sous-jacente. Car on ne peut réellement comprendre ces constructions sans entrer dans une sorte de relation de connivence avec ce terreau infra-politique sur lequel s’opèrent donc en dernière analyse les processus de sélection dans l’enseignement.
C’est l’intérêt du parler "cru et dru" que de faire une meilleure place aux sentiments et aux valeurs dans l’expression des conceptions qui ne sont plus alors des ectoplasmes asexués ressemblant comme deux gouttes d’eau au discours de l’adversaire, même lorsqu’on croit dire le contraire. Ce parler-là capte l’attention, fait réagir, parce qu’il s’adresse aux couches profondes de notre personnalité, celles qui abritent nos valeurs et les assument, contrairement au robinet d’eau tiède du parler conforme qui ne les atteint pas, ou seulement à raison de 1,9 % du corps électoral comme à la présidentielle de 2007. Sa musique est d’une certaine façon en harmonie avec ses paroles.
Arrêtons-nous un instant sur cet aspect. On nous dit parfois qu’on est assez d’accord avec ce que nous disons mais pas avec notre façon de le dire. Tout se passe alors comme si notre interlocuteur nous suivait dans notre cheminement intellectuel mais se trouvait arrêté par la forme de notre énoncé jugée excessive, voire agressive ou pis encore vulgaire. Au fond, il nous reproche essentiellement de ne pas solliciter de la grande bienveillance de notre adversaire le fait d’avoir l’obligeance raffinée de bien vouloir avec élégance et courtoisie nous céder sa place. Autant dire qu’en fait, il n’a rien saisi du fond de notre propos puisque celui-ci énonce fondamentalement notre intention de lui prendre sa place, au besoin de vive force démocratique.
On voit bien là qu’on est dans un dialogue de sourds dans lequel notre interlocuteur fait semblant de nous comprendre mais ne nous comprend pas. Il est en fait d’accord avec tout le monde [comme c’est extrêmement fréquent] et toute son activité intellectuelle est comme transcendée par son unique objectif d’apaiser les tensions entre les camps quels qu’ils soient. Et quel que soit le sujet de la controverse. Un autre jour, il défendra l’idée inverse parce qu’il lui apparaîtra à ce moment-là que la source principale des tensions vient de l’autre côté.
C’est d’ailleurs ce qui nous garantit à terme son ralliement à notre camp lorsque les rapports de forces auront changé, un peu à la manière [toutes choses égales par ailleurs] de ces gens acquis à Pétain qui ont volé au secours de la victoire au moment de la Libération.
Parce que le paradigme dans lequel il fonctionne lui enjoint de n’entrer en conflit avec rien ni personne de plus fort que lui, c’est l’alpha et l’oméga de tout le processus de socialisation qu’il a connu et il n’en démordra jamais. Ses idées superstructurelles ne lui servent, comme tout un chacun, qu’à conforter ses fondations infrastructurelles, lesquelles lui enjoignent ici de protéger sa relation à l’ordre établi, d’être « du côté du manche » comme dit le bon sens populaire dans l’infinie clairvoyance de son imaginaire.
Il s’agit bien sûr de beaucoup plus que quelques avantages ou indemnités qui corrompraient son jugement : c’est tout son rapport au monde qui est en jeu dans ce positionnement et tout le bien-être que celui-ci lui procure qui joue un rôle déterminant, bien davantage que les avantages matériels que peuvent lui conférer les fameuses places. Il n’est pas non plus déterminé par une conception intellectuelle ou une vision stratégique dont il est, de l’une comme de l’autre, assez largement dépourvu si ce n’est utilitairement comme habillage a posteriori et dans une forme socialement valorisante de ses besoins psycho-affectifs.
On perd son temps à vouloir le convaincre car son mode de pensée est le plus souvent aux antipodes du nôtre, alors que son expression nous donne au contraire l’illusion d’une grande proximité. En fait nous sommes victime d’un leurre qui nous fourvoie dans l’interprétation que nous avons qu’il appartiendrait à un segment de l’opinion facilement ralliable à nos conceptions et notre combat.
Il n’y a sans doute pas plus éloigné de nos bases que l’électeur moyen de Montebourg à la primaire socialiste, ni que les militant de l’aile gauche socialiste ou les tenants de la ligne Hue au sein du PCF. Ce qui nous différencie de la majorité d’entre eux et du même coup nous fédère, c’est que [sans qu’on puisse se l’expliquer] nous ne sommes pour notre part jamais parvenus à développer les stratégies mentales nous permettant d’être en osmose avec le monde tel qu’il est. La manière que nous avons de le comprendre ne nous a pas conduits à l’accepter.
C’est d’ailleurs également ce qui nous oppose aux membres de l’élite (et ne les y opposent pas) dont les positions sociales procèdent exclusivement de cette sorte de faculté mystérieuse qu’ils détiennent d’être « bien au monde », d’où notre façon extrêmement juste de les qualifier de « satisfaits ».
Nous faisons donc erreur en nous fiant à des apparences de cousinage idéologique alors que le discriminant essentiel, la rage que nous inspire le monde tel qu’il va et le besoin vital d’y résister qui va avec, les positionnent beaucoup plus loin de nous que d’autres groupes socioculturels auxquels nous hésitons davantage à nous adresser. Nous nous enfermons là dans une sorte de géographie politique finalement très superficielle et pour tout dire encore une fois platement scolaire, qui nous fait gaspiller en pure perte notre énergie.
Nous sommes beaucoup plus forts et efficaces dans nos campagnes républicaines radicales et dans nos combats frontaux contre les politiques libérales, antisociales, impérialistes, sécuritaires et racistes que dans nos tentatives de séduire cette gauche purement verbale qui n’a pas de parole. Et qui nous fera toujours défaut car elle plonge ses racines profondes dans l’acceptation de sa propre domination, vécue et pratiquée sans pour autant être pensée ni exprimée, comme procédant d’un ordre éternel des choses qui fondamentalement lui convient.
La conception mortifère selon laquelle les idées gouvernent les comportements politiques ne tient décidément pas et nous mène à des impasses. D’ailleurs la plupart des représentations politiques fondamentales se laissent difficilement enfermer dans des constructions intellectuelles. On peut sans doute démontrer avec force arguments rationnels que la justice sociale est la condition du progrès humain. Mais le contraire est également vrai dans certaines séquences historiques et on sent bien que ce n’est pas fondamentalement la Raison qui nous conduit à militer en sa faveur.
Nous ne sommes pas que des êtres rationnels, sinon les pauvres ne voteraient pas à droite. Le poète nous dit bien plus de choses sur nous-même que le psychiatre et celui-ci bien plus que l’éditorialiste. Et les plus grandes découvertes scientifique ont souvent été réalisées à partir de recherches fondées sur l’intuition que quelque chose d’important se cachait dans tel champ d’investigation, sans que les chercheurs soient en mesure d’énoncer rigoureusement pourquoi à partir d’une argumentation construite.
Et puis enfin, si nous étions tellement soucieux de fonder rationnellement nos engagements politiques, nous n’aurions de cesse de nous repaître des analyses qui les contestent alors que nous sommes spontanément enclins à les confronter dans l’entre soi des cercles qui en partagent l’esprit. Les idées et singulièrement les idées politiques sont des constructions intellectuelles nécessairement réductrices, qui nous permettent d’entrer dans une relation gratifiante au monde, telles des médiatrices bienfaisantes et protectrices entre lui et nous-mêmes.
Cela ne signifie évidemment pas que les batailles d’idées seraient inutiles. Elles permettent simplement (ce qui est très important) de cultiver les champs qui sont prédisposés à accueillir ces cultures mais n’ont aucune autre portée que celle-là. Pour rendre les grandes plaines propices à la germination de notre projet politique, c’est la bataille des valeurs qu’il faut mener (comme le font nos adversaires avec grand succès) les rapports de forces idéologiques et politiques suivront alors nécessairement.
Car nos idées politiques ne sont jamais que l’expression domestiquée de ce curieux bruit de fond qui nous habite, fait de bruit sans doute, mais aussi de fureur, de tumulte et de fracas ... et qui constitue au final l’identité même de notre camp.
Le Front de gauche est ainsi traversé par deux visions fondamentalement différentes de la situation politique, très largement masquées par des analyses convergentes sur l’essentiel, de même que par son unité de pensée et d’action autour d’un programme partagé.
L’interprétation de l’abstention électorale à gauche dans la période récente offre un terrain particulièrement propice à la compréhension de ce clivage quasi anthropologique qui ne tient pas tant à une analyse différente de la situation politique qu’à un différentiel profond du rapport au monde des divers protagonistes.
Pour les uns, les électeurs de gauche ne se déplaceraient plus car ils seraient déçus des politiques poursuivies par un pouvoir de gauche qui renierait toutes ses promesses, trahirait ses soutiens, lesquels ne les auraient pas élus pour ça, etc. Cette vision débouche logiquement sur l’idée qu’il faudrait et suffirait que le gouvernement opère un amarrage à gauche pour que se trouvent refondés des liens de confiance et un appui électoral qui ne demanderaient alors qu’à se réactiver au profit de toute la gauche dans une dialectique vertueuse pour chacune de ses composantes.
De là à penser qu’il faut exercer des pressions à la base pour mettre fin à cette dérive droitière « dans l’intérêt des populations (sic) » et l’on se retrouve avec la stratégie du rassemblement à gauche aux élections municipales, contre les politiques d’austérité.
(Notons au passage, le diable se cachant toujours dans les détails, à quel point l’usage de l’expression « les populations » nous parle à leur insu de la réalité du ressenti de ces sujets quant à leur présence au monde.)
Cette vision a sans doute le mérite d’une certaine cohérence interne et rend compte d’une sorte de compréhension de la façon classique dont on pouvait faire évoluer les rapports de force politiques dans les années soixante-dix. Elle pêche toutefois d’évidence par une sorte d’anachronisme en regard des mutations qui se sont produites dans la société depuis ces temps lointains de la politique.
Car dans cette représentation, rien ne semble avoir changé dans la relation que le corps électoral entretien avec les institutions politiques et leurs représentants élus. On a toujours à faire ici à des représentants légitimes et respectables d’un système politique faisant relatif consensus, offrant toutes possibilités aux classes pauvres de jouer leur partie et finalement assez satisfaisant dans l’ensemble.
Cette adhésion plus culturelle que politique au système s’est manifestée dans la période récente sur d’autres plans. Par exemple dans les réticences à mettre en avant l’exigence d’une VIème république dans le programme « l’humain d’abord » qui s’est de fait retrouvée reléguée au sixième chapitre sans que cette décision fasse l’unanimité.
Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour comprendre que les trois quarts des mesures préconisées par ce programme nécessitent des dispositions législatives contraires à la Constitution dans l’interprétation de classe qu’en fait le Conseil constitutionnel. Et que la disparition de celui-ci en tant que chien de garde juridictionnel ultime des intérêts des puissants est la condition-même de la mise en oeuvre de notre politique.
Mais pour eux ce problème ne se pose pas car dans leur "for intérieur", lequel n’est évidemment pas plus gouverné que le nôtre par l’analyse rationnelle des situations, ils ne se mettent pas dans une trajectoire de conquête du pouvoir d’Etat et encore moins dans la perspective de l’application du programme partagé. Le pouvoir local est le seul horizon borné de leur ambition politique, avec éventuellement une participation minoritaire au gouvernement, le jour où on voudra bien les appeler à ce qu’ils prendront pour un honneur.
D’où leur attachement extrême à conserver des positions municipales implicitement considérées comme des fins en soi et non pas comme des moyens de gagner des batailles politiques futures, fusse au prix de quelques pertes. Leur ébahissement affiché devant le succès populaire de la manifestation du 5 mai 2013 centrée sur ce mot d’ordre en faveur d’une VIe République, à laquelle ils ont fini par se rallier après avoir cherché à en infléchir le sens politique, offrait du point de vue de leur coupure d’avec les mutations sus-évoquées, un tableau clinique d’une éloquence rarement rencontrée.
Un autre moment révélateur de leur irrésistible adhésion au système a été la contestation très vive de l’antiélitisme assumé (« qu’ils dégagent tous ! ») qui parcourait les discours de notre candidat à la présidentielle ou encore plus nettement à propos du balai. Tout se passe comme si les tenants de cette vision se trouvaient émotionnellement à leur aise dans la représentation apaisée qu’ils se font du système politique et pour certains d’entre eux, de la valeur qu’ils attribuent à la place qu’ils y occupent. Ils croient sincèrement appartenir aux élites et la dénonciation de celles-ci retentit réellement en eux comme une remise en cause de leur propre identité. Ce n’est évidemment pas eux qu’il s’agissait de balayer, mais contre toute attente, ils l’ont pris comme ça et ce n’est pas fortuit, cela atteste de la nature des liens qui les unissent à leur environnement.
Cette sorte de fixation hystérique sur des modèles de représentation périmés pour des raisons de confort psychoaffectif touche dans notre camp au-delà des élus qui sont matériellement et psychologiquement intéressés par le maintien de leur position dans la représentation qu’ils se font de la hiérarchie sociale, au point que cette situation surdétermine leur positionnement politique.
Elle tend également à se maintenir marginalement dans le rapport sous-jacent que des militants apparemment désintéressés entretiennent avec un système politique qui d’une certaine façon répond finalement à toutes leurs attentes, exceptées leurs attentes politiques sans doute, mais là n’est pas l’essentiel à leur yeux.
Ce syndrome est encore plus répandu dans la masse des électeurs socialistes qui ont trouvé dans la gauche à une étape de leur construction personnelle (très éloignée pour certains d’entre eux mais pas toujours) un référentiel culturel dans lequel ils se sont sentis tellement bien qu’ils n’ont jamais pu se résoudre à s’en séparer. D’autant moins que les contenus réels grâce auxquels ils ont éduqué leur rapport intime au monde ont été jetés par-dessus bord par les pratiques du socialisme de gouvernement à mesure où eux-mêmes, la réussite sociale aidant, adoptaient les angles de vue adéquats à leur nouvelle classe.
En dedans du système qu’ils n’analysent d’ailleurs jamais en tant que système car ils n’en imaginent pas d’autre possible, « intégrés » et dans l’incapacité ontologique de penser qu’il existe un au dehors depuis lequel d’autres liens beaucoup plus gratifiants avec le monde peuvent être tissés en substitution à leurs anciennes amours. Ils poursuivent ainsi leur existence atemporelle en parvenant à se convaincre de la validité toujours vivante de leur engagement, tels des canards décapités qui poursuivent leur course longtemps avant que la mort ne finisse par les surprendre.
Chacun sent bien en lui-même que le « rassemblement le plus large de toute la gauche contre les politiques d’austérité » ressemble à l’union des poules avec le renard pour défendre la paix dans le poulailler, eux non. C’est qu’en-deçà de toute analyse cette image nous bouleverse émotivement, nous rend mal à l’aise, nous dérange et nous irrite au point de la récuser d’instinct, sans-même que nous ressentions le besoin d’échafauder dans l’immédiat une théorie explicative du renard, eux non.
C’est le sentiment qu’il faut être bienveillant avec le renard qui leur vient d’emblée, car il les rassure, les sécurise, ils finissent par prendre le renard sous leur protection dans leur intimité psychoaffective sans doute parce qu’ils redoutent encore plus la perspective et les conséquences, pour eux-mêmes et leur rapport intime au monde, de la guerre à mener contre le renard que le renard lui-même. Et se demandent en fait sans le savoir [peut-être à juste raison] s’ils n’ont pas plus à perdre qu’à gagner dans cette guerre-là.
Un peu comme ces enfants (ou ces adultes d’ailleurs) victimes de maltraitance qui conservent intact leur amour pour leur bourreau sans qu’on parvienne à se l’expliquer vraiment et encore moins à y remédier à la faveur de la cure. Se rattachant à des petits signes dérisoires [telles les prétendues concessions obtenues dans l’établissement du programme municipal parisien] pour s’autoconvaincre de la qualité d’un relationnel ("nous sommes entendus !") dont tout pourtant atteste de la lourde perversité. Et faisant comme si des périls encore plus grave les guettaient [la victoire de l’extrême droite à Paris ressemble beaucoup à ces appréhensions typiquement délirantes] en cas de transgression des liens d’assujettissement qui surdéterminent ici leur discernement jusqu’à l’abolir.
Si la démobilisation de l’électorat de gauche que l’on enregistre depuis l’élection présidentielle traduit comme on est fondé à le penser (exactement comme l’adhésion de l’électorat de droite aux thèses extrémistes) une accentuation nette de la désaffiliation d’avec le système politique, bien au-delà d’un simple désaccord avec les politiques poursuivies, ce n’est certainement pas leur présence sur la liste gouvernementale à Paris qui va l’enrayer.
Bien au contraire, ce ralliement ne va faire qu’alimenter la défiance légitime qui grandit dans le peuple – pour le meilleur comme pour le pire – à l’égard du système politique dans son ensemble et de ce genre d’arrangements en particulier, clairement ressentis comme s’opérant dans son dos et destinés à le tromper. À cet égard, le soupçon de connivence entre les uns et les autres pour se partager les places et les avantages, les désaccords politiques affichés n’étant qu’un théâtre purement formel, est littéralement dévastateur et constitue bien sûr la cause première de la désaffection électorale.
Mais cela, nos sujets ne le voient pas car la perception intuitive qu’ils ont du paysage dans lequel ils développent leur activité politique leur interdit de le voir sauf à devoir remettre en cause toute leur relation vitale au réel.
Comme ils n’ont pas vu que l’affluence enregistrée lors des réunions publiques des élections présidentielles ne résultait pas tant d’une adhésion intellectuelle des participants à telle ou telle mesure du programme, que de la beauté de la fresque historique dont on nous invitait à poursuivre l’écriture, de la dignité nouvelle que nous nous découvrions et du grand bonheur que nous ressentions à être partie à cette renaissance-là. Et certainement pas d’une quelconque réconciliation avec les formes dépassées du jeu politique traditionnel, bien au contraire.
Comme ils ne voient pas que c’est du côté de l’abstention (laquelle est sans doute, notamment dans son importante fraction politisée, souvent beaucoup moins proche que cette droite complexée des formes de représentation idéologiques dominantes) qu’il y a lieu de rechercher le renforcement de l’influence électorale des idées nouvelles. Comme cela a commencé à fonctionner au 1er tour des présidentielles de 2012 et s’est en suivant complètement étiolé aux législatives (deux fois moins de voix) pour des raisons qu’on saisi mieux à présent, l’idée de faire renaître l’espoir (degré zéro de l’expression politique) n’étant manifestement pas parvenue à rassembler les électeurs en dépit de son caractère indéniablement (!) fédérateur et peu clivant.
A la lecture de toute la littérature rationnelle et argumentée qui a été produite ces derniers mois en faveur de l’autonomie conquérante, on se dit qu’on ne pouvait faire mieux. C’était parfait, tous les chemins ont été empruntés, tout a été dit. Il ne faut pas avoir de regrets, nous avons donné le meilleur de nous-même, on ne pouvait pas donner plus. La difficulté qui nous attendait à Paris ne pouvait être entièrement réduite par l’argumentation rationnelle et la confrontation des idées.
Celles-ci étaient impuissantes à bouleverser ce qu’à la lumière de ce qui précède nous appellerons le conformisme existentiel de survie auquel nous étions confrontés, lequel est insoluble dans les idées car il est enraciné dans des histoires personnelles et des habitudes de vie, des réseaux relationnels aussi, la quête éperdue de considération de la part de la société dominante, la sorte d’imbécilité heureuse et visiblement épanouie qui en découle, le conservatisme affligeant de la pensée et des conduites, la perte du sens historique, l’absence de vision de l’intérêt collectif, bref tout un référentiel psycho-culturel propre au vieux monde [et singulièrement à ses esclaves] dans lequel ils se sentent comme en état de béatitude et sur lequel le discours politique construit n’a pas de prise.
S’agissant des élus, les autres organisations du Front de gauche seraient au demeurant bien inspirées de prévoir dans leurs statuts que leurs candidats ne participent pas aux délibérations internes relatives aux élections auxquelles ils devraient comprendre qu’ils sont davantage présentés qu’ils ne se présentent. Car ce tropisme dévastateur les touchera inévitablement à un moment ou à un autre de leur développement, jusqu’à déboucher sur la stupéfiante liberté de vote des groupes parlementaires et de chacun de leurs membres.
On n’a pas assez analysé la signification du remplacement en 1994 de Georges Marchais par Robert Hue (Président de l’Association des Elus Communistes et Républicains) et de la mise à l’écart des syndicalistes au profit des élus locaux dans l’appareil dirigeant du PCF qu’il a politiquement impulsé, parallèlement aux blablatages sur la mutation qui sont venus l’épauler. Il s’est agi là d’un renversement extrêmement significatif quoique assez peu documenté du rapport de forces entre les deux versants du clivage exploré ici.
Mais aux régionales de 2010 il n’y avait déjà plus que 5 régions sur 22 pour faire des listes d’union PS / PCF au 1er tour. Nous assistons aujourd’hui aux derniers spasmes de cette ligne désespérée visant à conserver envers et contre tous des positions électorales consenties par l’adversaire sans se donner les moyens politiques de les défendre ou de les reconquérir. Il faut faire l’effort de lire ou d’entendre leurs déclarations totalement dépourvues de toute consistance politique [et même de toute consistance de quelque nature que ce soit] pour se rendre compte à quel point ces malheureux complètement dépolitisés sont désormais rendus.
Un peu à la manière de ces prélats d’Ancien Régime que la connivence avec la noblesse de Cour avait aveuglés au point d’en perdre cette foi qui avait pourtant gouverné dans le passé leur rapport à la vie. Mais qui n’en continuaient pas moins à faire étalage de grande piété au sein du diocèse, comme dans un rituel maniaco-compulsif célébrant avec dévotion ce qui les avait autrefois constitués au monde.
Yann LARGOEN
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mardi 29 octobre 2013
Perdre la tête, ou perdre un siège ? le Front de Gauche a choisi
J'ai sursauté en lisant ce matin la lettre ouverte d'un jeune militant communiste de Gironde à Jean-Luc Mélenchon, que j'ai découverte grâce à la réaction d'Alain Bousquet, le talentueux tenancier du blog Létang Moderne.
Je pense être assez grand pour comprendre la politique
gouvernementale, qui nécessairement se répercute aux six coins du
pays. Elle prolonge de façon significative, en l'aggravant, celle du
quinquennat précédent que nous avions tous combattue avec ferveur.
En conséquence, nous ne pouvons qu'être contre une "nouvelle
donne" qui n'en est absolument pas une.
C'est pourquoi l'alliance de premier tour avec cette politique-là
qu'ont réussi à faire passer deux ou trois apparatchiks parisiens
dans la capitale est contre nature, et incompatible avec l'essence et
le but du Front de Gauche.
C'est pourquoi une alliance de second tour, dans n'importe quelle
ville, serait tout aussi évidemment incompatible avec ce qui
fait l'objet et le cœur du programme "L'Humain d'abord".
L'adage "penser global, agir local" n'a pas pris une ride.
C'est la politique de chaque commune qui est liée à cette exigence.
Cela est d'autant plus vrai que ces communes, le plus souvent
désormais, sont enchaînées bon gré, mal gré, à des communautés
de communes, voire pire, à des "métropoles" qui les lient
encore plus étroitement à des décisions prises à Paris, donc le
plus souvent à Bruxelles.
Oui, au premier, comme au second tour, le Front de Gauche, ni
d'autres composantes de la Gauche d'ailleurs, ne sauraient chercher à
devenir compatibles avec les adversaires de la Gauche. Le parti
solférineux n'est pas la Gauche, il n'en a probablement jamais été,
selon ses actes, excepté en apparence quelques mois de 1981-1982.
Qu'importe si s'acoquiner avec lui rapporterait quelques sièges
municipaux, si dans le même temps la Gauche y perdait sa raison
d'exister même ?
Non encarté au Front de Gauche, jusqu'à présent, en raison de positions souvent plus radicales , je le considère cependant comme le pilier de la Gauche, et le seul vrai rempart qui nous reste contre l'horreur du Moloch bruxellois, donc transatlantique. Il ne saurait être question, pour de basses questions électorales et intéressées, de l'affaiblir au nom de strapontins à prendre pour quelques têtes de listes liées par leurs engagements avec l'adversaire.
Je ne veux pas qu'un jour, l'un de mes petits-enfants me lance "Qu'as-tu fait de ton vote, papy ?". Chaque scrutin est important, dans le contexte actuel, y compris celui qui décide de l'avenir local - de moins en moins, comme je l'ai signalé plus haut.
Pas d'accords, ni de premier, ni de second tour. C'est tout simplement essentiel.
mercredi 9 octobre 2013
Le Front du Capital : enfin le commencement de la fin ?
Ce sont les Grandes Manœuvres des municipales qui sont lancées, d'une façon très spectaculaire. Peut-être s'agit-il là d'une véritable inversion de la tendance, même s'il est un peu tôt pour le confirmer.
Si Valls donne l'impression d'être si populaire en France - ce qui
reste à démontrer, tant la "science des sondages" est surtout celle des
manipulations - c'est parce que les citoyens de droite le reconnaissent
pour faire partie des leurs. Il suffit que quelques électeurs de gauche
déroutés, et qui ont l'impression qu'il les comprend, se prononcent pour
lui, pour que l'impression d'un raz-de-marée en sa faveur, à lui,
"homme de gauche" par calcul probable, se confirme.
En
fait, avec le ralliement officiel (dans les faits) de Solférino à toutes
les thèses soutenues par la droite (hormis quelques satisfecits anodins
comme le "mariage pour tous", afin de "sauver l'honneur"), cette droite
se retrouve gonflée artificiellement de façon démesurée. La décision dans beaucoup de villes
de la vraie gauche de se présenter CONTRE les candidats ps ramène
brutalement à beaucoup moins la portée de ce basculement au sommet, même si au colonel
Fabien les partisan d'un pseudo-front républicain sont toujours
présents. N'y a-t-il pas là matière à méditer ?
Ne restera qu'à convaincre ceux qui depuis longtemps et de plus en plus, boudent les urnes au nom du "tous pourris". On ne peut leur donner tort, tant malgré la difficulté pour la Justice de concrétiser par la sanction cet état de fait, le nombre de ceux qui se font prendre le bras entier dans la confiture est important.
Un retournement de tendance, au niveau d'un pays comme la France, ne peut s'opérer en une quinzaine de jours. Cependant, les dernières élections partielles peuvent donner un élément de réponse : alors que l'électorat extrême porté vers la haine de ses voisins stagne, celui des forces de l'avenir a tout simplement refusé de se déplacer. Le désaveu est cruel. Le "tous pourris" a en cette occasion été un cri aigu. Nul doute qu'il obligera la situation à se clarifier en bien des endroits.
samedi 5 octobre 2013
dimanche 22 septembre 2013
Municipales : quand la Gauche va disparaître
C’est
manifeste : pour deux ou trois sièges gagnés à tel ou tel endroit, le
PCF dans la personne de ses têtes en vue va en perdre dix, vingt
ailleurs. Il se rue en direction de son autodestruction, assez
logiquement tant il est patent que depuis longtemps il est sur la
mauvaise pente.
Il a tout simplement oublié d’être à gauche. C’est bête, non ?
Bien entendu, il entraînera dans sa chute les autres formations du FdG, qui pour le moment ont encore besoin de se renforcer pour contribuer à lui imposer des choix de gauche, et non des compromissions funestes. Déjà, Jean-Luc Mélenchon aurait besoin d’être "recadré", en particulier dans ses choix pour l’Europe peu clairs et manifestement insuffisants, donc velléitaires face à une A. Merkel intransigeante et se préparant à être reconduite pour une législature.
Tout est prêt pour un retour en force de la Droite globale, car malgré les coups de pouce locaux du PCF les élus solfériniens se préparent à une belle déroute, comme à Nantes assez probablement. L’électeur préfère toujours l’original à la copie.
Quel gâchis ! "On a les dirigeants qu’on mérite". Ce sera vrai, une fois de plus, hélas.
Ah, je vois poindre une pancarte "Et le FN ?" Le FN n'est que l'une des pointes à droite de la droite, la plus habile sans doute, mais non la seule. La plus habile, parce qu'elle se donne des postures de recours, de solution neuve alors qu'elle n'est que l'un des soutiens de la politique du Capital, et même de l'Europe. Pour preuve, cette magnifique boîte à outils offerte par Médiapart.
Quelle solution ? Une seule, voter à gauche toute au premier tour, remettre la sauce au second tour ou aller à la pêche : à droite du FdG c'est le lobby néolibéral de A à Z, et il n'aura pas ma voix. Plus jamais.
Résultat de ces futurs scrutins : la Gauche va pouvoir se compter vraiment. Probablement le vieux parti de Thorez et de Marchais en sortira-t-il laminé, en raison de ses compromissions. Ce sera sans doute le fond du gouffre, à partir duquel une nouvelle Gauche se nourrira des détritus d'un désastre pour se reconstruire. Se reconstruire sur les vraies idées de Karl Marx, de Rosa Luxembourg, de Pierre-Joseph Proudhon, d'Élysée Reclus, de Michel Bakounine, de Nestor Makhno, de Pierre Kropotkine, mais certainement pas de Lénine et Trotsky.
Il a tout simplement oublié d’être à gauche. C’est bête, non ?
Bien entendu, il entraînera dans sa chute les autres formations du FdG, qui pour le moment ont encore besoin de se renforcer pour contribuer à lui imposer des choix de gauche, et non des compromissions funestes. Déjà, Jean-Luc Mélenchon aurait besoin d’être "recadré", en particulier dans ses choix pour l’Europe peu clairs et manifestement insuffisants, donc velléitaires face à une A. Merkel intransigeante et se préparant à être reconduite pour une législature.
Tout est prêt pour un retour en force de la Droite globale, car malgré les coups de pouce locaux du PCF les élus solfériniens se préparent à une belle déroute, comme à Nantes assez probablement. L’électeur préfère toujours l’original à la copie.
Quel gâchis ! "On a les dirigeants qu’on mérite". Ce sera vrai, une fois de plus, hélas.
Ah, je vois poindre une pancarte "Et le FN ?" Le FN n'est que l'une des pointes à droite de la droite, la plus habile sans doute, mais non la seule. La plus habile, parce qu'elle se donne des postures de recours, de solution neuve alors qu'elle n'est que l'un des soutiens de la politique du Capital, et même de l'Europe. Pour preuve, cette magnifique boîte à outils offerte par Médiapart.
Quelle solution ? Une seule, voter à gauche toute au premier tour, remettre la sauce au second tour ou aller à la pêche : à droite du FdG c'est le lobby néolibéral de A à Z, et il n'aura pas ma voix. Plus jamais.
Résultat de ces futurs scrutins : la Gauche va pouvoir se compter vraiment. Probablement le vieux parti de Thorez et de Marchais en sortira-t-il laminé, en raison de ses compromissions. Ce sera sans doute le fond du gouffre, à partir duquel une nouvelle Gauche se nourrira des détritus d'un désastre pour se reconstruire. Se reconstruire sur les vraies idées de Karl Marx, de Rosa Luxembourg, de Pierre-Joseph Proudhon, d'Élysée Reclus, de Michel Bakounine, de Nestor Makhno, de Pierre Kropotkine, mais certainement pas de Lénine et Trotsky.
mardi 18 juin 2013
De Valmy à Bruxelles, marchons, marchons !
Aux élections partielles de ce dimanche, le grand vainqueur a été, et de loin, l'abstention. PS et UMP ont souffert d'une dégringolade magistrale, et sûrement méritée. Mais la Gauche a vu sa position s'effriter aussi, un peu. Il y a donc à creuser de ce côté-là.
La position officielle du FdG est très en retrait sur le NON à l'union européenne de 2005, donc la dynamique s'est cassée. C'est très souvent que j'ai jouté avec des camarades locaux, mais comme d'autres ils n'ont qu'une doxa, "menacer de quitter le traité de Lisbonne" en guise de chantage pour obtenir des miettes, au lieu de... préciser que c'est la base d'une autre stratégie, et que c'est la première chose à faire, et à faire complètement, en force, en bloquant les banques (sur Swift en particulier) et en anticipant toute réaction du camp d'en face.
Voilà un programme qui aurait le mérite de la clarté, de la rigueur envers les nantis, et qui pourrait parler à tous. En tout cas, pour des raisons que j'ignore, au FdG on n'ose pas aller vers cette solution claire.
"Vive la Nation", criaient dans ce qui pouvait paraître un autre contexte les soldats de Valmy. Or précisément, c'était le même contexte : les "petits" de la République, unis dans un même effort, s'étaient dressés fièrement contre les rois et les princes, riches et hautains. Et ces rois et princes avaient pris peur.
Voilà un programme qui aurait le mérite de la clarté, de la rigueur envers les nantis, et qui pourrait parler à tous. En tout cas, pour des raisons que j'ignore, au FdG on n'ose pas aller vers cette solution claire.
"Vive la Nation", criaient dans ce qui pouvait paraître un autre contexte les soldats de Valmy. Or précisément, c'était le même contexte : les "petits" de la République, unis dans un même effort, s'étaient dressés fièrement contre les rois et les princes, riches et hautains. Et ces rois et princes avaient pris peur.
Par sa position de charnière entre l'Europe du nord et celle du sud, par sa richesse encore patente, notre pays conserve d'énormes atouts pour imposer aux cruels magnats de la finance une autre voie. Notre seul handicap réside dans les hauts personnels à sa tête, qui ont pris avec détermination fait et cause pour le Nord et le Capital. Ce sont eux, tous, qu'il faut "dévisser" de leurs piédestals. Non, ils ne sont pas très nombreux, et ils sont aisément remplaçables par des volontaires issus d'autres couches de la société, des patrons de PME, des paysans, des ouvriers, des chômeurs bardés de diplômes et/ou de compétences mais impuissants.... Cela implique bien entendu de déposer les "journalistes" bien en cour, simples propagandistes de la Doxa concoctée par les patrons de presse. Rappelons que, souvent, ces organes fonctionnent "à perte", une hérésie dans le système libéral, mais à long terme bénéfique par leur action sur des lecteurs et spectateurs peu désireux de chercher ailleurs confirmations ou critiques de ces positions et pseudo-informations.
Oui, si la Gauche est hardie, elle peut briser ce "à quoi bon" logique qui laisse les électeurs potentiels demeurer chez eux les jours de scrutin. Mais actuellement, malgré les éclats de voix et les pertinentes explications de Jean-Luc Mélenchon, de Martine Billard et de quelques autres, le message de la Gauche reste un ron-ron peu efficace sur le fond. Qui a intérêt à cet état de fait ?
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gauche,
lisbonne,
république,
union européenne
jeudi 23 mai 2013
Que serait une #gauche efficace ?
![]() |
Jean Jaurès (1859-31 juillet 1914) |
La Gauche, ses perspectives, ses buts, ses coups de cœur, ses combats. Nous en discutions tout récemment sur différents blogs. Bien entendu les opinions les plus diverses se dessinaient, les priorités étaient aussi différentes que les interlocuteurs. La vie, quoi. Pas de rapport avec le monolithisme des grands partis.
Comme c’est difficile ! Par exemple, pour moi Jean-Luc
Mélenchon, Martine Billard, sont des personnes que je respecte
hautement. Comme des porte-paroles de la Gauche en général. Pas comme
des chefs, bien entendu. Sur bien des points, je ne suis pas d’accord
avec ce que le FdG propose parce que je trouve ces solutions
insuffisantes, pusillanimes, parfois même contreproductives. Sans doute
suis-je trop radical, mais on ne se refait pas.
A l’instant, je reprenais le manifeste de GU : du verbiage, mais en
fait rien de concret. Du moins dans le sens que je lui donne. Pas de
volonté affirmée de sortir de l’U.E., or de l’intérieur on ne pourra
rien faire, il ne faut pas s’illusionner. Je pense que c’est le premier
acte, urgent, à mettre en œuvre. Le reste en découlera, comme la mise au
pas du système bancaire et la renationalisation forcée des forces vives
et essentielles, eau, énergie, transports, réseaux de communication,
santé…
Quel parti, aujourd’hui, propose ces prémisses sans lesquelles tout est illusoire ? Aucun à mon avis. Il va falloir travailler plus que jamais, pour que se dégagent les vraies priorités, celles qui permettront de débloquer celles qui sont évidentes. Après tout, comment se débarrasser, par exemple, de la Dette, si auparavant on ne se débarrasse pas d'une Union Européenne sous pression des banksters, qui oblige justement à payer cette Dette intégralement, sans réfléchir, bêtement en somme ?
Bien entendu, tout cela ne se fera pas, aussi longtemps que seront au pouvoir les forces néolibérales, quelle que soit l'étiquette qui "gagne" à un moment donné. La culture politique de plus en plus en friche chez nos compatriotes désorganisés et désorientés ne pourra se reconquérir qu'à coups d'explications de la part de nos camarades les mieux armés dans la connaissance de cette culture et en éloquence. Ne nous leurrons pas : le combat sera rude.
mardi 19 février 2013
Droite, Gauche : des mots
Des polémiques se développent à propos des politiques de l'ancienne équipe, celle d'avant mai 2012, et celle qui sévit maintenant. Volent encore des mots, rien que des mots, comme "Droite-Gauche", qui dans ce contexte n'ont qu'une signification très marginale.
En fait j'ai constaté quelque chose d'assez remarquable, me semble-t-il.
Le sarkozisme, s'il avait persisté, aurait largement continué à détruire choses et gens dans le brouhaha, l'incohérence et la très courte vue.
Le hollandisme sait détruire méthodiquement, tranquillement, implacablement, avec semble-t-il une certaine vision de l'avenir - qui n'est pas la nôtre bien entendu.
Il s'agit bien entendu de deux options irrecevables dont la finalité voulue ou inéluctable est la construction d'un chaos, où même la finance finira par s'engloutir après y avoir précipité le monde entier. Se valent-elles ? Après, il s'agit de la sensibilité de l'observateur qui détestera davantage l'une ou l'autre, sur des détails comme les histoires de mariage pour tous ou l'aide à choisir sa fin. Ces détails sont désormais tout ce qui, dans l'appréhension des évènements, des polémiques, des projets de lois, marque encore la différence aux yeux de la Presse et des médias en général entre la Droite et la Gauche. Le reste ? Eh bien, le reste elle n'en parle pas. La droite, la gauche, cela avait une signification en 1789, une signification géographique à l'Assemblée Constituante.
Le sarkozisme, s'il avait persisté, aurait largement continué à détruire choses et gens dans le brouhaha, l'incohérence et la très courte vue.
Le hollandisme sait détruire méthodiquement, tranquillement, implacablement, avec semble-t-il une certaine vision de l'avenir - qui n'est pas la nôtre bien entendu.
Il s'agit bien entendu de deux options irrecevables dont la finalité voulue ou inéluctable est la construction d'un chaos, où même la finance finira par s'engloutir après y avoir précipité le monde entier. Se valent-elles ? Après, il s'agit de la sensibilité de l'observateur qui détestera davantage l'une ou l'autre, sur des détails comme les histoires de mariage pour tous ou l'aide à choisir sa fin. Ces détails sont désormais tout ce qui, dans l'appréhension des évènements, des polémiques, des projets de lois, marque encore la différence aux yeux de la Presse et des médias en général entre la Droite et la Gauche. Le reste ? Eh bien, le reste elle n'en parle pas. La droite, la gauche, cela avait une signification en 1789, une signification géographique à l'Assemblée Constituante.
Un exemple : il a été évoqué au temps de Sarkozy une concentration libérale et sauvage des labos d'analyse médicale (ordonnance du 13 janvier 2010). A-t-on entendu parler d'un infléchissement à ce propos, de la part du nouveau staff (il aurait pu simplement dire : le projet est annulé, par une nouvelle ordonnance) ? Rien du tout. Ou voit-on un changement de politique vis-à-vis des établissements privés d'éducation, privilégiés dans leurs financements depuis un certain temps déjà ? Que nenni. Ou encore, quid des mesures prises envers les Rroms, en-dehors du fait que cette affaire-là est désormais bien moins médiatisée ? Circulez, il n'y a plus rien à voir alors que la continuité se déroule sans le moindre seuil. Les banques d'affaires seront-elles séparées des banques de dépôt ? D'une façon si marginale qu'elles-mêmes ne crient même pas. Et ainsi de suite. Le TSCG est passé comme une lettre à la poste. Les opposants continuent à être criminalisés "par la bande".
Une opposition officielle existe, un peu pâle sur bien des aspects : c'est le front de gauche. Brocardé par lémédia, boycotté par eux quand il pourrait démontrer sa force, il avance avec difficulté. Certes, sur de nombreux points ses positions sont proches de "l'officielle", on l'a vu en Libye où il ne s'est pas insurgé contre une invasion réelle et illégale. On l'a vu au Mali, où ses critiques manquaient de virulence. On le voit à propos de Grands Projets Inutiles Imposés, où il ne tonne pas vraiment contre l'inadmissible, et contre les répressions qui blessent les opposants. On le voit à propos de l'union européenne, dont il ne préconise pas franchement la sortie en vue d'un changement radical d'orientation politique et financière (sans cette sortie, on ne peut pratiquement rien faire). On le voit à propos d'écologie, où subsiste en son sein des dissensions importantes.
Quelqu'un va peut-être soulever ce qu'il croit être un lièvre : "Et le Front National, n'est-il pas une force d'opposition ?" On notera que celui-ci n'est jamais bousculé par lémédia, afin de dévoiler son programme et de se le faire critiquer. C'est qu'à part faire porter sur quelques nécessaires immigrés que "nos" employeurs sont bien heureux de trouver, le poids de tous les maux comme le chômage ou la dette, la politique de ce mouvement-là est exactement celle des deux "frères ennemis" cités plus haut. Le FN n'a rien contre l'Europe financière, pourtant la cause essentielle des ennuis hexagonaux. Donc objectivement il fait partie de la majorité actuelle, d'autant que le ministre de l'Intérieur ne le désavouera pas. J'en vois qui vont sauter sur leur siège. C'est pourtant un fait.
Restent ceux qui, oubliés, proposent une nouvelle voie plus radicale, bien que non-violente. Leur vitrine actuelle incontestable est la ZAD de Notre-Dame des Landes, où s'autogèrent des militants de tous milieux, mais souvent diplômés. Pas de chefs, pas de grandes structures verticales. Le principe "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins" est appliqué, car toutes les tâches se valent quand elles sont nécessaires. Un ami a récemment écrit un essai sur la question. La diffusion est pour le moment confidentielle, en attendant un vrai éditeur. Cela s'intitule "jeune Utopie et manifeste Anarchie". On ne le sait pas, généralement : l'anarchie n'est pas le désordre, à la différence souvent du libertarisme. L'anarchie est l'absence de hiérarchie, étatique, dans les tâches à accomplir, dans d'hypothétiques religions ou "partis" tous rejetés indistinctement. Ne sont acceptés que les humains, tous égaux, tous différents. A eux ensuite de décider collectivement de ce qu'ils vont faire : les anciens de la ZAD, ceux qui avaient connu d'autres luttes, d'autres contextes, ont été un peu déconcertés au départ par ce parti pris de la décision commune. Cela impose à chacun de se sentir responsable, alors qu'on le voit bien : le système actuel s'ingénie à ne faire porter la responsabilité des pires vilenies sur personne.
La voie différente sera nécessairement exigeante. Si, comme il le serait indispensable, elle se met en place, les enfants de cette nouvelle donne accepteront bien plus facilement cette notion grande, belle, mais plus difficile, de responsabilité de chacun pour la réussite de tous.
vendredi 28 décembre 2012
"Au lieu de faire la guerre à la gauche, le Parti communiste devrait aider le Gouvernement à faire la guerre au chômage et à la crise" (Harlem Désir, "la lettre de Jaurès")
Le Parti communiste vient de dévoiler un clip vidéo qui vise de façon
inacceptable le Président de la République et le Gouvernement. Ce clip
est de mauvaise foi,
mensonger et caricatural: il est une faute contre la gauche.François Hollande et la gauche qui gouverne sont la cible exclusive de ce clip qui épargne totalement la droite et
l'extrême-droite.

Ce
clip passe aussi sous silence l’incohérence du Parti communiste qui a,
pour la première fois avec la
droite au Parlement, voté contre des réformes qui améliorent la vie
quotidienne des Français comme le budget de la Sécurité sociale.
J'appelle le PCF à cesser de se tromper d'adversaire, à se garder d’une dérive contraire à sa tradition de
responsabilité.
Ces caricatures sont insultantes et dangereuses pour l'unité de la gauche. La France n’a rien à gagner à la division de la
gauche.
Au lieu de faire la guerre à la gauche, le Parti communiste devrait aider le Gouvernement à faire la guerre au chômage et à
la crise.
Harlem Désir, premier secrétaire du PS
David Assouline : «pierre après
pierre, le redressement du pays dans la justice est mis en oeuvre»
Monsieur le premier secrétaire, nous n'avons cessé de voir passer des lois et des décisions qui justement étaient on ne peut plus libérales, même si elles s'affichaient dans une démarche inverse. Exemple, celle sur une pseudo-séparation des banques de dépôt et d'affaires. Où est la différence avec "avant" ? Il n'y en a aucune. Vous êtes donc l'adversaire, avec un autre nom, comme les équipes bleue et rouge sur les sous-marins nucléaires. Comme les "autres" ne sont pas actuellement au pouvoir, pour l'instant c'est votre formation, qui je le rappelle a dans les faits tous les pouvoirs en France, qui se doit d'essuyer des critiques quand elles sont nécessaires.
N'étant pas au parti communiste français, j'ai d'autant plus de liberté pour m'exprimer. Je ne suis pas d'accord avec certaines options du PCF, celles qui précisément vont dans le sens d'un certain productivisme "passé de mode" si l'on peut dire. Ou concernant une politique extérieure qui penche dans l'atlantisme, aussi bizarre que cela puisse paraître. Non Monsieur le premier secrétaire, on ne peut que lutter contre votre politique, plus encore que ne le fait le Front de Gauche.
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vendredi 30 novembre 2012
Désir: Mélenchon "devrait changer de ton" avec Hollande (SIPA)
SIPA le 30-11-2012 à 09h01 - Mis à jour à 09h40
PARIS (Sipa) -- Harlem Désir a fustigé vendredi "des propos insultants" de Jean-Luc Mélénchon à l'égard de François Hollande, estimant qu'il devrait "changer de ton"."Attention à ne pas vouloir manier la guillotine contre la gauche responsable", a déclaré le premier secrétaire du PS sur i>télé à propos de M. Mélenchon.
Bizarrement, n'a-t-on pas l'impression de l'inverse ? Le nouveau patron de Solférino s'attaque à un opposant (oui, opposant) vraiment vertement, alors qu'il s'agissait d'un avertissement tout-à-fait justifié envers un homme qui fut élu par défaut, avec un score qui ne le rendait même pas titulaire d'une majorité absolue si l'on tenait compte des bulletins blancs (ce qui serait logique, mais que les politiciens ne veulent surtout pas).
Oui, le président de la république s'engage à fond dans une aventure néolibérale, dont on connaît à l'avance les dégâts avec les exemples grec, espagnol, etc... De la part d'un homme qui se dit de gauche, et qui parle de responsabilité, cela donne un haut-le-cœur.
Donc, sans doute serait-ce à Monsieur Désir de changer de ton, parce que fustiger quelqu'un qui a raison, ce n'est peut-être pas très judicieux.
Quant à sa déclaration à propos de Notre-Dame des Landes, soit il connaît mal le dossier, soit il persiste malgré les contradictions de celui-ci, et cela, ce n'est pas bien, dans les deux cas.
Non, dans leur majorité, les populations ne sont pas pour ce projet, j'ai pu le constater. C'est vrai pour celui-ci, c'est aussi vrai pour bien d'autres projets. Et c'est encore vrai pour des lois qui, elles sont passées, et qui n'auraient jamais dû l'être.
Ce gouvernement, ainsi que ceux qui le soutiennent en tant qu'élus ou cadres de partis, devraient démissionner en bloc. Nous n'en voulons pas, et de LEURS décisions encore moins.
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Droite, gauche : c'est de la boxe ?
On entend encore des gens, y compris
des journalistes, qui n'hésitent pas à classer le parti
présidentiel "à gauche". Pire, certains traitent même
ses membres de "gauchistes" : c'en serait risible, si
ce n'était aussi inexact. Plus fort, parmi les militants de base
certains s'imaginent encore avoir leur carte dans un parti "de
progrès" et "social". Ils ne doivent pas souvent
prendre le temps de la réflexion, ils ne doivent pas souvent
participer à des débats de sections, ils ne doivent pas souvent
attendre un retour depuis les instances supérieures des résultats
de ces débats.
Parfois, certains plus avertis vont,
prudemment, classer cette formation parmi les "centristes".
Euh... je ne mettrais pas le parti soumis au centre (sans doute parce
que je ne fonctionne peut-être pas de la même façon). Il est
seulement libéral dans le sens où ce terme est défini en Europe
continentale, l'inverse du sens donné aux États-Unis en fait.
C'est-à-dire qu'il privilège des solutions où les entreprises sont
libres de faire ce qu'elles veulent : en particulier les plus
importantes bien entendu, vu que les plus petites en sont souvent les
esclaves par le mécanisme de la sous-traitance.
Effectivement les termes droite-gauche
n'ont plus guère de sens aujourd'hui. Essayons de rappeler l'origine
de ces termes. À l'Assemblée Législative, en 1792, les Girondins,
dont le noyau dur était constitué majoritairement de députés de
la Gironde, siégeaient à droite de l'Assemblée (vue depuis le perchoir du président de séance), alors que les
Montagnards, souvent députés de Paris, prenaient place à gauche,
dans les travées les plus hautes. Le clivage alors était entre une
gestion décentralisée de la nation, contre une centralisation dite
jacobine. Les députés parisiens de la Montagne se réunissaient
habituellement au Club des Jacobins. Ces termes ont plus tard évolué,
pour tenir compte de ceux qui restaient plus ou moins attachés à l'ancien régime,
contre les plus révolutionnaires.
Aujourd'hui, les réalités sont plus
complexes, et s'enchevêtrent. Il faut seulement définir :
- les liens avec le profit, avec toutes
les nuances que cela peut comporter, face à ceux qui privilégient
le service public pour tous financé par l'impôt... et qui revient
moins cher si les contributions sont bien réparties en fonction des
richesses de ceux qui en sont assujettis. Les libéraux préfèreront
les impôts indirects, en particulier la TVA, que paieront même les
plus pauvres, alors que leurs adversaires vont privilégier l'impôt
sur le revenu, qui s'appuie plus lourdement sur ceux qui ont plus de
moyens.
- et puis les liens avec le
nationalisme, voire la xénophobie (le patriotisme, c'est encore
autre chose), un moyen en fait de détourner le regard des
défavorisés en montrant du doigt ceux qui sont venus d'ailleurs,
eux ou leurs parents, comme causes de leurs déboires. Le
patriotisme, au contraire, est une façon de défendre un modèle,
celui qui s'est affiné à partir des Lumières. C'est pourquoi les
libéraux font tout pour détruire ce modèle, qui freine leurs
ambitions ou celles de leurs "sponsors", et que le
patriotisme se retrouvera bien davantage au Front de Gauche, soucieux
de défendre le fruit d'un magnifique élan né à la fin de la
seconde guerre mondiale, qu'on a appelé le programme du Conseil
National de la Résistance.
- et puis les liens avec la laïcité,
source d'égalité et renvoyant les sensibilités philosophiques et
"religieuses" à leur place, la sphère privée et une
relative discrétion en vue d'éviter les heurts entre
communautarismes,
- et puis les liens avec la conception
du pouvoir....... sachant que la démocratie n'est qu'un mythe
commode qui n'existe guère, et encore partiellement, que dans un ou
deux cantons suisses aujourd'hui.
- et puis les liens avec la notion
assez nouvelle d'écologie, apparemment indépendante des vieux
clivages... mais apparemment seulement.
- et enfin certains choix de société, qui parfois vont de pair ou non avec la laïcité, et avec le repli sur soi "identitaire", comme la prise en compte des homosexualités, ou celle de l'euthanasie, celle du droit à l'avortement...
Le mélange de tous ces critères, avec
toutes les nuances intermédiaires pour chacun d'eux, dresse la fiche
non d'un parti (à moins qu'il ne soit particulièrement
monolithique), mais de ceux qui veulent apporter quelque chose en
politique. Car il y a aussi ceux qui s'en fichent. C'est dire comme
le clivage droite-gauche ne représente rien.
Le classement entre toutes les
sensibilités et toutes les nuances est bien complexe, même si, dans
les faits, certains de ces critères se retrouvent assez fréquemment
de façon commune : ce qu'on appelle encore la gauche regroupera
souvent (mais pas toujours) le souci d'un bonne répartition des
richesses, avec un minimum vital face au "chacun pour soi"
libéral, le souci d'un avenir pour les descendants, avec des prises
de positions écologiques (eh oui, pas toujours, c'est dire comme
l'affaire est complexe), laïques ; en revanche on notera plus
que des nuances concernant le type de gouvernement souhaité, et même
concernant un patriotisme centré sur les valeurs du CNR, ou sur une
conception européenne, plus élargie. De quoi y perdre son latin.
Sur ces bases, reprenons le cas du parti de Solférino. Il est très clair qu'il obéit sans murmurer aux injonctions des banques, des critères de Bruxelles, qu'il n'hésite pas à faire primer les profits d'une société privée face à un défi écologique (Iter, EPR, LGV, aéroports), ce qui le classe à coup sûr dans le camp libéral. Il continue la politique de rejets des demandeurs d'asile, des Rroms, avec un tout petit peu plus de souplesse il ne facilite pas la présence de jeunes étrangers en cours d'études, ce qui le place parmi les nationalistes. Il mène une certaine ouverture envers les homosexuels, ou envers le planning familial, mais cela est mené vraiment du bout des lèvres. Dans les faits, autoritaire, il ne tient aucun compte des espoirs démocratiques des citoyens, comme on l'a vu pour le vote du TSCG, et d'autres votes antérieurs. En résumé, classer ce parti à gauche relève au moins d'un vœu pieux, au plus d'une erreur d'appréciation fondamentale.
Droite-gauche ? Il n'y a que les
journalistes, par paresse, qui vont encore en parler comme s'il
s'agissait d'une réalité : ils ne sont plus "dans le
coup" !
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mardi 13 novembre 2012
Hollande nie tout "virage" dans sa politique (AFP)
PARIS (AFP) - François Hollande a démarré mardi sa première grande conférence de presse du quinquennat au Palais de l'Elysée, en niant tout "virage" dans sa politique et en assurant que "nombre d'engagements ont été tenus" depuis son arrivée au pouvoir il y a six mois.
On peut comprendre qu'il déclare ceci, l'ancien maire de Tulle. Ce qu'il avait dit qu'il ferait ressemblait beaucoup, pour l'essentiel, à la politique du gouvernement précédent. Cela désolait d'ailleurs, par avance, les vrais socialistes, les vrais gens de gauche. Ils redoutaient l'instauration de cette nouvelle majorité, semblable presque en tous point à la précédente. Seule différence : le parti au pouvoir est bien mieux implanté partout dans les régions, les départements et les grandes villes. Cela assure une grande cohérence à la politique suivie, puisqu'il n'y a tout simplement pas de vraie opposition possible.
C'est d'autant plus vrai que, malgré des différences sur certains dossiers, les élus désormais dans l'opposition sont souvent d'accord avec ce prolongement de leur vraie politique. Pas d'audit de la Dette prévue, vote sans problème des conditions d'une austérité qui sera catastrophique pour une partie très importante de la Nation, continuation de la politique extérieure avec les mêmes options, y compris les plus regrettables. Seules occupent le terrain quelques options sociétales que la Presse (!) s'empresse de faire mousser au maximum pour donner l'impression d'une différence.
Quand la gauche pourra-t-elle appliquer enfin ses idées, ses recommandations, ses grands principes ? C'est pourtant l'intérêt de la très grande majorité des citoyennes et des citoyens. Mais bien entendu, abusés par une propagande de tous les instants, ils n'en ont pas conscience. Trompés, floués, escroqués, ils continuent à soutenir le système libéral.
Pour résumer : oui, François Hollande ne se trompe pas, et ne nous trompe pas quand il affirme tenir ses promesses. C'est effectivement ce qu'il annonçait. Et c'est effectivement complètement différent du programme du parti soumis, pourtant déjà pauvre en vraies innovations de gauche. C'est pourquoi ceux de la gauche qui ont voté pour lui au second tour de la présidentielle, ne l'ont strictement fait que pour éviter que le précédent président ne remette le couvert, selon le pacte républicain. Il est d'ailleurs remarquable que, malgré leur effort pénible, le nouveau président n'ait pas eu une belle majorité de votants.
Nos compatriotes aiment subir.
vendredi 9 novembre 2012
Reproches d'Ayrault au Front de Gauche ? - Sénat: Ayrault reçoit des parlementaires communistes, qui campent sur leurs positions (AFP)
AFP le 08-11-2012 à 20h11
La dépêche dans son intégralité est ici
PARIS (AFP) - Jean-Marc Ayrault a reçu jeudi soir des parlementaires communistes, afin d'apaiser le climat avec le Front de gauche au lendemain du rejet par le PCF de deux textes importants au Sénat, mais les élus communistes ont déclaré camper sur leurs positions.S'exprimant à l'issue de la rencontre, le secrétaire national du PCF et sénateur, Pierre Laurent, a assuré que les parlementaires communistes continueraient à défendre leurs points de vue."Nous avons participé à la victoire d'une majorité politique au printemps et nous considérons que nous sommes dans cette majorité politique", a ajouté M. Laurent.Les communistes nient ainsi avec vigueur se trouver dans l'opposition, malgré leurs votes négatifs au Sénat contre une proposition de loi socialiste sur l'énergie et la programmation budgétaire 2012-2017, avec les voix de la droite et du centre. Surtout, ils s'apprêtent à voter en séance contre le projet de budget de la Sécurité sociale.
La dépêche dans son intégralité est ici
C'est vraiment fatigant. Hollande a été élu par défaut par la gauche (à ne pas confondre avec le PS) qui par solidarité républicaine voulait barrer la route à Sarkozy. La cause a été clairement exprimée avant et après le vote.
Aujourd'hui le premier ministre ose reprocher aux forces de gauche de refuser de voter un budget libéral, un budget d'austérité pour les plus vulnérables, un budget de droite en somme. Un comble, il les accuse de voter avec la droite, alors que c'est celle-ci, par opportunisme, qui s'est rangée derrière le vote Front de Gauche.
Ces accusations sont bien entendu inacceptables, surtout de la part d'un homme qui soutient de toutes ses forces un projet ultra-libéral, celui de l'inutile aéroport de Notre-Dame des Landes. Je suis témoin d'une chose remarquable. Avant-hier je distribuais à Nantes des tracts appelant à une grande manifestation dans quelques jours pour repousser ce projet, dans un quartier pas particulièrement populaire. Au moins les deux tiers des passants approuvaient cette manifestation, peu étaient indifférents, encore moins se sont déclarés pour ce projet ( au maximum dix pour cent, c'est assez net). Chose remarquable, parmi ces derniers certains étaient plutôt agressifs, comme s'ils avaient peur de voir la chose ne pas se faire.
Les Français ont voté clairement pour une nouvelle donne de gauche, après les années de galère sous des équipes particulièrement libérales et pro-atlantistes. La preuve ? Ce sont des socialistes ou d'autres élus plus à gauche qui tiennent à la fois la présidence, le sénat, l'assemblée, la presque totalité des régions, de plus en plus de départements, la plupart des grandes villes... Cela a une signification. Le PS s'est seulement taillé la part du lion parce qu'il était implanté depuis plus longtemps, avec plus de soutiens locaux obligés (employés municipaux par exemple).
Il va falloir que la tête de l'exécutif se pose la question : pourquoi continuer la politique des prédécesseurs, quand les citoyens la refusent, à bon droit d'ailleurs ? Pourquoi accentuer chômage, précarité, misère ?
La pauvreté s'est "ancrée" en France, signale le Secours catholique
Challenges.fr - 2012/11/08-13:10:15En 2011, le Secours Catholique a rencontré 1.422.000 personnes en situation de pauvreté, dont 668.000 enfants. Ainsi en dix ans, les loyers acquittés par les ménages reçus au Secours catholique ont augmenté de 21% dans le parc HLM et de 26% dans le privé (en euros constants
Tout récemment, ainsi que l'annonce ce titre du Nouvel Obs, le secours catholique disait que la grande pauvreté s'était installée dans la durée pour beaucoup de gens : on ne peut tout de même pas l'accuser de gauchisme ! Cela signifie qu'une nouvelle donne, sur de nouvelles bases vraiment différentes, est nécessaire. Fourguer les milliards engrangés par le travail de nos concitoyens et les richesses de notre sol, à des banques qui les feront suivre à leurs actionnaires, ou qui soutiendront des projets loufoques et inutiles, çà suffit ! Tout le monde attend de ceux qui ne sont pas (encore) considérés comme la droite de renverser la vapeur, de s'interroger sur la pertinence de la Dette par une audit serrée, de refuser de dire amen à toutes les exigences européennes, et en particulier d'un pays trop différent du nôtre, l'Allemagne.
Un problème se pose alors : les Français ont voté pour une majorité quasi absolue à l'Assemblée pour des députés socialistes (le mot dit bien ce qu'il veut dire), et ceux-ci se dépêchent de voter l'austérité à tours de bras. L'ont-ils fait par conviction, ou parce que l'appareil du parti les y a obligés (sous peine d'être exclus sans doute) ? Le doute est important. Cela voudrait dire qu'un aréopage quasi-indéboulonnable déclare depuis la rue de Solférino diriger sans mandat et sans contrôle par les citoyens. On l'a connu au temps où c'est l'UMP qui avait ce sinistre rôle, les Russes l'ont connu sous Staline avec plus de violence encore, mais de toute façon ce n'est absolument pas la démocratie. Eh bien, il faut que cela change.
Comment les citoyens pourront-ils se réapproprier les décisions ? Même ceux qui, par paresse, confient inconsidérément les clefs de leur avenir à des personnages qui ne pensent qu'à leur propre devenir, vont finir par se lasser.
XXXIII
La
résistance à l'oppression est la conséquence des autres
Droits de l'homme.
XXXIV
Il y a oppression
contre le corps social, lorsqu'un seul de ses membres est
opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps
social est opprimé.
XXXV
Quand le gouvernement viole
les droits du peuple, l'insurrection est
pour le peuple, et pour chaque portion du peuple le
plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
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Ces élections apparemment anodines seront une sorte de quitte ou double pour la Gauche. Si elle s’allie au PS, une chose est certaine : elle se perd corps et biens, n’a plus aucune crédibilité. Les citoyens convaincus que leur salut est à gauche devront attendre une autre opportunité, sans doute bien plus tard, pour trouver quelqu’un pour les défendre, quelqu’un de tout-à-fait nouveau comme a pu le paraître un temps Olivier Besancenot. On notera que celui-ci a préféré se retirer, plutôt que de devenir un politicien professionnel comme les autres. Combien ont ce courage ? Même si je ne partage pas toutes ses convictions, celles-ci restent réelles.
Si la Gauche n’accepte pas de se saborder en s’alliant avec la droite, son parcours politique sera plus difficile, mais rien ne sera perdu. Elle perdra des sièges, c’est absolument certain, mais elle aura gardé son intégrité : l’essentiel est là. Ce sera un formidable tremplin pour d’autres rendez-vous, électoraux, ou autres. Peut-être alors et entre-temps, les rapports de forces entre les composantes du FdG se seront-ils davantage équilibrés, en particulier si d’autres composantes d’un NPA en nette perte de vitesse l’ont rejoint. La faiblesse du FdG est le poids encore important d’apparatchiks actuels ou anciens d’un paysage politique dépassé, mais cela changera certainement.
Les prochaines élections auront certainement contribué à une clarification majeure, qui permettra à des plus jeunes, motivés et aussi compétents et intelligents que leurs aînés, de devenir des voix majeures d’une nouvelle donne plus adaptée aux enjeux actuels. Il se peut même que ceux qui avaient cru à l’écologie par conviction abandonnent un EELV gangrené et "politicalisé" et rejoignent, toujours par conviction, une Gauche nécessairement partie prenante de leurs préoccupations. Ils remplaceraient alors ceux qui sont encore attachés à un productivisme terriblement dépassé, et contraire aux idées mêmes de Karl Marx. Rappelons qu'il considérait le travail comme un piège, dont le seul gagnant était le Capital.
Oui, ces élections dites "municipales", précisément parce qu’elles concernent directement la vie des citoyens, seront la pierre d’achoppement de l’avenir de tous : plus encore qu’une présidentielle où les jeux sont faits d’avance.