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jeudi 24 septembre 2015

Réflexions concernant le pillage du patrimoine national grec, par Henriette Hanke Güttinger

Nos amis grecs sont actuellement dépouillés au-delà de toute imagination. Seule la comparaison avec le pillage des ressources du reste du monde par les colonialistes européens depuis le XVIe siècle peut aider à comprendre ce crime délibéré d'États dits "responsables" sur d'autres États souverains et réellement civilisés - au point d'être la source de NOTRE civilisation. Il y eut la Babylonie, désormais effacée à jamais de la carte. Maintenant, un autre pays anglo-saxon s'attaque à la Grèce.

C'est pourquoi je reporte ici un article qui confirme d'autres sources, y compris de personnes qui vivent actuellement en Grèce. Que l'avenir nous viennent en aide, car très vraisemblablement ce même processus implacable, noté avec quelques variantes en Libye, en Tunisie,  sera appliqué aux autres pays du tour de la Méditerranée, dont le nôtre. Des Qisling sont déjà en place dans la plupart de ces pays, dont le nôtre, cela pourrait intervenir très vite.

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Réflexions concernant le pillage du patrimoine national grec


 
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Tôt le matin, à la radio Deutschlandfunk, nous parvient la nouvelle que Fraport, un investisseur sis à Francfort, prend possession de 14 aéroports régionaux en Grèce. Cela a commencé! Le patrimoine national grec va être pillé, après avoir attiré le pays dans le piège du surendettement. Ce procédé n’a rien de neuf. Dans les années 1960 et 1970, il a été pratiqué dans le Tiers Monde, comme John Perkins le décrit dans «Les Confessions d’un assassin financier».1 A l’époque, Perkins incitait les pays en développement à entreprendre des projets d’infrastructure surdimensionnés à l’aide de chiffres et pronostics erronés. Pour cela, on eut recours à d’énormes crédits conduisant les pays dans le piège du surendettement. Puis, on put les soumettre aux «intérêts économiques des Etats-Unis». Dans le livre, Perkins décrit sans ambages de nombreux exemples et retrace la façon dont lui et d’autres spécialistes furent choisis par la NSA, au service des Etats-Unis, pour mener divers pays dans ce piège.
La Grèce est la premier Etat sur le continent européen dont le patrimoine national est soumis ouvertement au pillage. Le Hellenic Republic Asset Development Fund (HRADF) est responsable pour toutes les privatisations prévues, une société anonyme privée dont l’Etat grec est le seul actionnaire. Dans le conseil d’administration du fonds HRADF se trouve depuis mars 2015, outre cinq membres grecs, un observateur de la zone Euro et un de la Commission européenne. Les biens patrimoniaux transférés de l’Etat au HRADF se composent de biens immobiliers, des participations et de droits à des entreprises. Une fois que les actifs se trouvent en main du HRADF, ils ne peuvent plus revenir à l’Etat. Le plan de développement des actifs du HRADF, daté du 30 juillet 2015, donne une impression des privatisations en cours:
  1. Aéroports régionaux: 14 aéroports régionaux, divisés en deux groupes avec chacun 7 aéroports […]
  2. Athènes-Hellinikon: ancien aéroport d’Athènes, 6?000?000?m2 de surface, situé au bord de la mer […]
  3. Astir Vouliagmenis: complexe hôtelier Astir Palace Vouliagmeni SA y compris un port de plaisance […]
  4. Afandou, Rhodes: développement de deux propriétés dans le district d’Afandou sur l’île de Rhodes pour le golf et le tourisme […]
  5. Opérateur grec du système de transport de gaz naturel (DESFA) […]
  6. Piraeus Port Authority S.A. (OLP) […]
  7. Thessaloniki Port Authority S.A. (OLTH) […]
  8. TRAINOSE S.A. & EESSTY S.A (ROSCO): TRAINOSE fournit des services techniques pour le transport ferroviaire de passagers et de marchandises. […]
  9. Aéroport international d’Athènes S.A. (AIA) […]
  10. Poseidi Chalkidiki: développement du tourisme […]
  11. Centre de sport équestre Markopoulo […]
  12. Enchères électroniques II, III, IV […]
  13. Ports de plaisance: port de plaisance Alimos et les ports touristiques restant dans le portefeuille du HRADF […]
  14.  Egnatia Motorway S.A.: une autoroute à péage dans le nord de la Grèce, longue de 648?km, entièrement équipée. […]
  15. Hellenic Petroleum S.A.:[…] entreprise leader dans le raffinage et la distribution du pétrole en Grèce […]
  16. OTE S.A.: […] le plus grand fournisseur de télécommunication sur le marché grec […]
  17. Société nationale d’approvisionnement en électricité (PPC) […]
  18. Société d’eau et d’eaux usées de Thessalonique (EYATH) […]
  19. Société d’eau et d’eaux usées d’Athènes (EYDAP) […]
  20. Public Gas Corporation (DEPA) […]
  21. Hellenic Post (ELTA) […]
  22. D’autres mise en adjudication de propriétés: […] vente de terrains et d’immeubles à Argos, Véria, Stylida, Céphalonie et sur l’île de Rhodes, Nauplie, Chalcidique, Messénie et Athènes. […]

Dans le plan de développement des actifs du HRADF, les objets de privatisation sont tous documentés.2
Ce que la troïka exige de la population grecque est bouleversant et révoltant: la Grèce – dévastée d’abord par les troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale, puis foulée aux pieds par les Britanniques et les Etats-Unis – allant jusqu’à un coup d’Etat militaire. L’Allemagne officielle refuse jusqu’à ce jour de reconnaître les crimes de guerre en tant que crimes contre l’humanité, dont le massacre des villageois de Distomo. Argyris Sfountouris ayant survécu en tant que bébé, grâce à l’humanisme d’un soldat allemand, s’est adressé en 1994 à l’ambassade d’Allemagne à Athènes pour demander si une compensation était prévue pour les victimes survivantes de Distomo. Dans la réponse négative de l’ambassade allemande, on ne trouve ni excuse, ni compassion, ni regrets. On y constate que «selon le gouvernement fédéral allemand, des représailles, comme celles entreprises contre le village de Distomo, ne sont pas définies en tant qu’actes nazis […], mais représentent une mesure prise dans le cadre de la guerre en tant que réaction aux attaques des partisans.»3 Cette vue erronée de l’ambassade est soigneusement réfutée par Sfountouris dans son dernier livre, «Trauer um Deutschland»: à Distomo, un crime contre l’humanité a été commis.
Compte tenu de ce passé historique, une attitude différente serait appropriée à l’égard du peuple grec. Une amie allemande s’est prononcée spontanément à l’égard de la privatisation du patrimoine national du peuple grec: «Ce qui se passe actuellement est honteux. Je pourrais m’enterrer de honte.»
Quelle leçon les Etats européens doivent-ils tirer de cette tragédie en Grèce? Les dettes peuvent mener à la servitude pour dettes et en conséquence à la perte de la souveraineté nationale. Cela vaut également pour nous qui vivons en Suisse.
Henriette Hanke Güttinger,
historienne
1    John Perkins. Les Confessions d’un assassin financier. Révélations sur la manipulation des économies du monde par les Etats-Unis. Canada 2005, ISBN 978-2896-26001-0
2    Hellenic Republic Asset Development Fund, plan de développement des actifs du 30 juillet 2015, traduction interne (BMF) Übers.-Nr. 0818-2015, trouvé sur Internet le 11/9/15
3    Lettre de l’Ambassade de la République fédérale d’Allemagne à Athènes, du 23 janvier 1995, publié in: Argyris Sfountouris. Trauer um Deutschland. Reden und Aufsätze eines Überlebenden [Deuil pour l’Allemagne. Discours et essais d’un survivant], Wurtzbourg 2015, p. 87, ISBN 978-3-8260-5821-9
Mykonos, Santorin, Rhodes: sur ces îles de vacances, Fraport veut à l’avenir exploiter des aéroports
L’investisseur de Francfort prendra en charge 14 aéroports régionaux en Grèce. Il veut les agrandir et naturellement gagner de l’argent de cette manière. Manolis Kalimakis est le chef du syndicat des employés aéroportuaires de Grèce. Pour lui, il est incompréhensible que le gouvernement grec veuille vendre ces aéroports à un investisseur étranger. «C’est notre argenterie familiale», déclare Manolis Kalimakis. «Ces aéroports sont nos meilleurs aéroports. Ce sont ceux qui nous apportent les meilleures recettes et ces recettes aident notre économie.» Si l’on privatise ces aéroports, la Grèce perd ces recettes. «Je ne comprends pas cette mentalité. Pour soutenir notre économie, nos amis européens décident qu’à l’avenir nous n’avons plus droit à ces recettes. Je ne vois pas comment cela pourrait nous aider.» Manolis Kalimakis fait le calcul: «En 40 ans, nous pouvons gagner 16 milliards d’euros avec ces aéroports, mais nous les bradons pour 2 ou 3 milliards d’euros. Au cours de ces 40 ans, nous aurions donc beaucoup plus d’argent à réinvestir dans les aéroports. Et nous aurions en outre encore de l’argent pour les services publics et pour rembourser les dettes publiques.» Manolis Kalamakis ne voit que des désavantages dans la privatisation. Il craint que l’investisseur renvoie des collaborateurs et augmente les prix des vols. En conséquence, le tourisme dans son ensemble en pâtira. […] Manolis Kalamkis du syndicat veut continuer à lutter. «Nous ouvriers, nous allons faire tout le possible pour stopper ce deal!», prévient-il. Mais même le parti grec de gauche, Siriza, a abandonné sa résistance contre la privatisation. Qu’importe qui gagnera les élections parlementaires du dimanche passé, Fraport reprendra les 14 aéroports grecs.
Source: Deutschlandfunk. Informationen am Morgen. Thomas Bormann.
«Streit um Privatisierung in Griechenland: Widerstand gegen Fraport» du 10/9/15
(Traduction Horizons et débats)
Photo : Fira, île de Santorin en Grèce
Par Micheline Ladouceur/Mondialisation.ca

dimanche 19 juillet 2015

Sortir de l'euro et de lunion européenne, Grèce, France et autres : étude du Parti de l'émancipation du peuple

C'est un gros document, chargé de sens et de responsabilité !

Découvrons-le sur le site du Parti de l'émancipation du peuple.

Il parle de la Grèce, et de la façon dont elle a été violée et trahie. Malgré la participation du Parti les 26-27-28 juin à Athènes à un Forum... contre l'union européenne !

Préparation du rassemblement, à Athènes

Il parle de la France, et de la façon de la sauver.

Il parle de nous tous, y compris les plus humbles dont fait partie Sylvain Baron, humble leader de fait d'un mouvement qui ne demande qu'à grandir.

Nous sommes dans une période sans doute charnière, où l'incertitude est de mise. Une seule évidence reste : dans l'union européenne, point de salut ! Il sera toujours temps, APRÈS, de recréer des liens entre des nations souveraines, aux peuples souverains.



lundi 13 juillet 2015

Grèce : accepter l'inacceptable ?

Après une longue nuit de négociations, un accord  ( ?  ?  ? )  pourrait se dessiner .

Comment le peuple grec, déjà exsangue, réagira-t-il à ce qui s'apparente à une Haute Trahison de la part des cadres de Syriza ? On a le droit de se poser de dramatiques questions. Cela s'apparente à des situations qu'on peut qualifier "de guerre", comparables à celles de la dictature des colonels au souvenir ô combien douloureux.

Les États-Unis (traduisez "les banquiers internationaux", mais aussi le Pentagone qui a besoin d'appuis pour son hégémonie "mondiale") ne voulaient À AUCUN PRIX laisser filer la Grèce dans un autre camp. Tout est dit.  Cela ne signifie pas que l'option "ailleurs" soit exclue, mais les pressions officielles ou officieuses doivent être colossales. Malgré les préjugés le plus souvent justifiés, certaine états-uniens ont quelques notions de géostratégie.

Les semaines qui vont suivre vont être encore une fois cruciales pour l'avenir du monde, comme d'autres récemment en Ukraine ou en Syrie. Un fil rouge les relie toutes, depuis des dizaines d'années : les volontés d'hégémonie mondiale et de recherche de ressources pétrolières du gouffre sans fond situé quelque part entre le Rio Grande et les Grands Lacs. Le maelström virtuel du monde. Le trou noir où s'échappe la vitalité d'un monde encore vivant, pour combien de temps ?





dimanche 12 juillet 2015

GRÈCE : le parlement a-t-il capitulé ? - Un forum pour en débattre, proposé par le Parti de l'émancipation du peuple

Le Parti de l'émancipation du peuple suit de près l'évolution de la situation en Grèce. Rappelons-nous : il y a trois semaines une délégation de ce Parti était présente à Athènes pour le forum international anti-européen, plusieurs de ses membres sont intervenus dans les discussions, colloques et débats. Il n'y a eu aucun autre Français présent à cette occasion, dans ce moment crucial. L'impression est que TOUS les Partis français les plus importants se retrouvent derrière les volontés du gouvernement allemand, sans rechigner ni objecter, sans réagir ni se rebeller.

Cette fois des choix déchirants se profilent. A nouveau le Parti de l'émancipation du peuple est sur la brèche, et cette fois nous invite à débattre sur ce choix du gouvernement grec, du Parlement grec, de la population grecque. Rappelons qu'elle continue à être derrière ses élus même maintenant, ainsi que le démontre éloquemment ce sondage publié le 10 juillet (merci à Okéanews pour cette contribution).




Pour se rendre sur le forum de discussion, c'est ici.

Voici un extrait du chapô de ce forum.......

LE GOUVERNEMENT GREC A-T-IL CAPITULÉ DEVANT LA TROÏKA ? RÉAGISSEZ SUR LE FORUM !

Par le Parti de l’émancipation du peuple (ex-M’PEP).
Le 11 juillet 2015.
La situation en Grèce est dramatique, la population est atterrée. Que penser des nouvelles propositions du gouvernement grec à la Troïka dans la nuit du mercredi au jeudi 9 juillet. Que penser du vote du Parlement grec sur ce texte, où la majorité des députés de SYRIZA ont voté le texte du gouvernement avec les voix des députés de droite et du PASOK qui avaient mis en œuvre les plans d’austérité précédents ? Faut-il admettre, comme le fait Alexis Tsipras, « que nous n’avons pas le choix » sinon ce sera la sortie de l’euro et de l’Union européenne ?
Le Parti de l’émancipation du peuple (ex-M’PEP) s’est procuré le document du gouvernement grec (remis aux députés grecs en anglais !) et en a fait la traduction en français. Il organise un grand débat national pour savoir que penser de ces propositions à partir d’un forum sur son site Internet.

Exprimez-vous sur le forum !

dimanche 3 novembre 2013

L'article 458A et le sang (Greek Crisis)

Ce matin, grâce à des amis, la Grèce se rappelle à notre (bon ?) souvenir. La répression, souvent sanglante, y continue, mais bien sûr les médias n'en parlent guère.

Voici donc un article qui en fait état. A répercuter le plus possible bien entendu.

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samedi 2 novembre 2013

L'article 458A et le sang



Sous le régime de la Troïka les jours se suivent et elles ressemblent fort à des nuits. Manolis Kapelonis 22 ans et Yorgos Foundoulis 26 ans sont les deux membres de l’Aube dorée assassinés ce soir à Néo Héraklion, quartier situé au nord d’Athènes. Des inconnus (au matin du 2 novembre) ont alors ouvert le feu devant les locaux du parti néonazi abattant de plein sang froid le deux jeunes. Un autre blessé est hospitalisé dans un état très critique. D’après les premiers reportages, les assassins auraient même porté le coup de grâce en vidant leurs chargeurs sur les victimes. Le vent athénien est fort mauvais en ce moment.

Athènes, 2013

Les membres de l’Aube dorée rencontrés sur place par les journalistes ont alors promis “une vengeance impitoyable car le cercle du sang a été inauguré ce soir”, et pour ce qui reste de l’esprit libre dans ce pays (fort heureusement il en reste suffisamment après trois ans de guerre économique, sociale et psychologique initiée par la Troïka, faisant de notre pays... un simulateur de camp de concentration de type II car grandeur nature), on admettra sans même hésiter un seul instant que ce n’est pas en assassinant les néonazis que la démocratie triomphera.

D’ailleurs c’est plutôt le contraire, déjà et ne l’oublions pas, le premier danger qui menace la démocratie en Grèce n’est pas celui de l’Aube dorée mais la politique de la Troïka ainsi que la méta-démocratie... réellement appliquée par nos dirigeants lesquels après le double assassinat du 1er novembre (avec ou sans revendication de cet acte) tenteront à réactiver leur sinistre “théorie des deux extrêmes”.

L’Aube dorée, authentiquement néonazie devient autant ce piège commode pour certains et fort dangereux pour tout un peuple à la mémoire assez longue... allant jusqu’à la guerre civile. Comme par hasard, et comme au même moment où certains néonazis et aubedoriens avaient assassiné Pavlos Fyssas, le pseudo-gouvernement d’Athènes faisait face à une vague de protestation populaire dans les rues, autant qu’à une attitude abominable d’une Troïka intraitable. On sait pourtant ne plus s’y tromper. Dans son édition électronique datée du 2 novembre c’est par la force d’un dessin que notre hebdomadaire satirique et politique “To Pontiki” souligne ainsi l’évidence: “En Grèce, toutes les balles sont fabriquées par la Troïka”.

(lire la suite sur le site d'origine)

dimanche 7 avril 2013

Démocratie - et si un jour le peuple s'en emparait, pour la première fois ?

La Pnyx à Athènes, où se réunissait l'ecclesia - maquette
La démocratie ! Un sujet de choix par ces temps de dénis quotidiens de ce principe jamais (oui, jamais) vraiment appliqué jusqu'à présent dans les périodes historiques.
 
Erwin répond  dans un commentaire à un billet de Ponts de vue alternatifs intitulé En quoi le régime actuel dénature l’ensemble des principes politiques de 1789 ? sur le Grand Soir. Je l'ai trouvé particulièrement explicite et bien écrit au point de le reproduire ici.
 
 
 
06/04/2013 à 04:03, par erwin
 
Il y a quelques temps, j’ai fait connaissance (grâce à Franck Lepage) avec la définition que donne Paul Ricœur de la démocratie. Depuis, c’est mon principal aiguillon pour juger du degré de démocratie dans une société, car ce qu’elle dit explicitement induit tout le reste :
"Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage".

Dans le cas qui nous intéresse, je dirais qu’aujourd’hui on en est très loin, et que pendant la Révolution...on en était très loin aussi !

Bien évidemment la définition de Ricoeur exclut catégoriquement le système représentatif, dont l’auteur de l’article rappelle à juste titre qu’il s’assimile à l’aristocratie. La représentation est pourtant au cœur des institutions révolutionnaires et elle est largement évoquée par la DDHC.

J’ai donc du mal à rejoindre l’auteur sur une dénaturation des principes politiques de 1789, qui à mon sens portent en germe -à dessein bien entendu- la confiscation de la souveraineté par la nouvelle élite.

A main levée - Indignés à Athènes
Pour être démocratique, une représentation politique doit être assurée par des citoyens dont la politique n’est pas le métier, mandatés pour accomplir une tâche précise, possédant une autonomie décisionnelle très limitée et clairement délimitée, le tout sous le contrôle étroit des autres citoyens, et moyennant une indemnité correspondant aux besoins d’un citoyen qui prend en charge une partie des affaires de la cité pendant un temps limité avant de revenir à sa vie "normale" (vraiment normale, hein...) et non à ceux d’un aristocrate rentier.
Bien sûr, tout çà doit s’accompagner de la suppression de 90% de la représentation politique, ce qui veut dire que les citoyens doivent prendre les choses en mains, exercer réellement leur souveraineté. Autrement dit, gérer directement la cité.

Dans l’Athènes antique, cela fut possible au prix d’une exclusion du corps civique de l’écrasante majorité de la population : pendant que les citoyens sont en train de débattre sur la Pnyx, il faut bien que les autres fassent "tourner" la cité.

Aujourd’hui nous avons collectivement les moyens, notamment techniques, de nous émanciper en grande partie du travail (moi je dis qu’on peut passer les doigts dans le nez à la semaine de 25h aujourd’hui et beaucoup moins demain, mais çà se discute). Il devient donc tout à fait envisageable que chaque citoyen qui le souhaite puisse consacrer une partie importante de son temps à la gestion de la cité.

Bon bah voilà, y’a plus qu’à pendre les aristocrates à la lanterne !

Et cette fois-ci évitons d’en mettre d’autres à la place.

lundi 4 mars 2013

Grèce : quand la droite du premier ministre A. Samaras rejoint l’idéologie de l’Aube Dorée (Okeanews)



Grèce : quand la droite du premier ministre A. Samaras rejoint l’idéologie de l’Aube Dorée

Classé dans Politique

Par Okeanos

28 février 2013 - 12:45
(dernière modification le 28/02/2013 - 12:48)

85 députés du parti de la droite "conservatrice" Nouvelle Démocratie ont déposé un texte qui entend privilégier la " loi du sang " pour entrer dans la police ou dans l’armée du pays. Avec cet amendement, il ne suffira plus d’être citoyen grec pour accéder à ces fonctions, il faudra aussi être de « souche grecque ».  Cette initiative révèle encore un peu plus le vrai visage du parti du premier ministre Antonis Samaras, qui rallie l’extrême droite et affiche son mépris des droits de l’homme et des citoyens.
Samaras lors de la campagne électorale
Samaras lors de la campagne électorale
Le 25 Février 2013, le chef des forces armées grecques Michalis Kostarakos a provoqué une réaction considérable sur l'échiquier politique quand il a écrit sur twitter :
Kostarakos
"Le temps est venu de réglementer par la loi la question de genos pour ceux qui s'inscrivent  dans les académies militaires. Ils doivent être grec par genos "
L'expression "grec par genos" est un critère couramment utilisé, mais plutôt vague de "grécité". Le mot "genos" (γένος) dans son sens le plus large peut être traduit par filiation, race, de sang, de lignée, de souche etc. Définir quelqu'un comme "grec par genos" peut signifier "grec de naissance", "grec par le sang", "né de parents grecs", "de lignée grecque", "grec ethnique" ou toute variation de ce qui précède, en fonction de l'intention politique de l'orateur. Pour l'extrême-droite, il peut aller aussi loin que définir "quelqu'un qui a de l'ADN grec".
Remise en cause de la loi sur la naturalisation
Outre le fait que Kostarakos, comme figure militaire supérieure en Grèce, puisse ou non avoir le droit de commenter publiquement des questions de politique, son intervention est arrivée dans un contexte où la question de l'identité nationale est vivement débattue en Grèce. En 2010, le ministre de l'Intérieur de l'époque Giannis Ragousis (PASOK) a proposé au parlement la loi 3838/2010 qui a établi un certain nombre de critères pour les enfants de parents immigrés pour obtenir la nationalité grecque. Les catégories d'enfants immédiatement admissibles à la citoyenneté grecque en vertu de cette loi comprenaientt des enfants nés en Grèce de parents immigrés, qui ont tous deux vécu en permanence et légalement en Grèce depuis au moins 5 ans au moment de la demande de citoyenneté, et les enfants qui avaient terminé 6 années d'études dans le système éducatif grec tout en résidant en permanence et légalement en Grèce. Cette loi permettait de faciliter la naturalisation qui était quasiment impossible avant.
Durant la campagne électorale, Antonis Samaras s'était engagé à repousser cette loi en affirmant que cela contribuerait à la lutte contre la criminalité. Il avait également indiqué que "les immigrés sont les tyrans de la société grecque". Après sa victoire aux élections de 2012, la mise en place de l'opération "Xenius Zeus" (le dieu grec de l'hospitalité - une sémantique qui en dit long) confirmera une position déjà extrême concernant l'immigration. Jusqu'à 60 000 immigrés ont été détenus durant les raids de la police depuis l'été dernier. 4.200 ont été arrêtées pour des infractions. Une décision qui a été critiquée par Amnesty International et d'autres organisations de défense des droits de l'homme.
Depuis, la loi sur la naturalisation a été invalidée par  le Conseil d'Etat, qui a annoncé  le 14 novembre 2012, qu'il la jugeait inconstitutionnelle. La décision du Conseil d'État, qui a finalement été publiée le 6 février 2013, précise que l'exigence minimale pour un résident étranger pour se faire naturaliser doit être de montrer la preuve d'un «lien réel avec la société grecque et l'Etat grec», qui ne pourrait pas être démontré de manière adéquate par des critères formels tels que le nombre d'années de résidence ou d'éducation en Grèce. Le gouvernement de Samaras avait annoncé avant même la publication officielle que toutes les naturalisations seraient suspendues.
Il est inutile de préciser que le sujet de la naturalisation fait partie des thèmes de prédilection du parti nazi Aube Dorée, dont le slogan "Sang, Honneur, Aube Dorée" rappelle des temps bien sombres. De plus, l'impunité dont profite les membres du parti néonazi Aube Dorée depuis des mois maintenant pose de nombreuses questions sur la volonté réelle de l'Etat de lutter contre les violences racistes et les dérives fascistes.
La Nouvelle Démocratie intègre des éléments pro-junte dans son groupe parlementaire
Le parti d'Antonis Samaras avait intégré, pendant la campagne électorale de 2012, des membres de l'ancienne extrême droite du LAOS (lire ici).
Makis Voridis, par exemple, ancien membre du parti d'extrême droite LAOS est actuellement le porte parole du groupe parlementaire de la Nouvelle Démocratie. Voridis se lance en politique en 1985 en tant que chefs des jeunes de l'Union Politique Nationale, un parti d'extrême droite pro-Junte fondé par le dictateur Papadopoulos depuis sa cellule. Notons que son prédécesseur à ce poste n'était autre que N. Michaloliakos, l'actuel chef du parti néonazi Aube Dorée. Après plusieurs échecs à des élections législatives, Voridis a rejoint le LAOS en 2007, s'est fait élire et fut nommé ministre en 2011 dans le gouvernement de "technocrates" de L. Papademos. En février 2012, il est exclu du LAOS mais Papademos lui demande de rester ministre et il adhère à la Nouvelle Démocratie d'Antonis Samaras.
Adonis Georgiadis, qui faisait à la radio la promotion d'ouvrages nationalistes et national-socialistes quand il était journaliste, fut nommé ministre adjoint au développement par Papademos en novembre 2011, et quittera le LAOS pour la Nouvelle Démocratie en février 2012.
Konstantinos Kiltidis, qui a rejoint lui aussi la Nouvelle Démocratie en 2012, a commencé sa carrière en 1973 au sein du Parti du 4 Août (en référence au coup d'état fasciste de Metaxas en 1936).
Thanos Plevris a rejoint la Nouvelle Démocratie en mai 2012. Il n'est autre que le fils de Konstantinos Plevris, souvent considéré comme le père du néo-nazisme grec, puisqu'en 1960 il fonde avec d'autres le parti du 4 Août, un parti fasciste qui soutient ouvertement la dictature des années 1967-1974. C'est dans ce parti que Konstantinos Kiltidis (voir plus haut) et  N. Michaloliakos (Aube Dorée) ont fait leurs premiers pas en politique. Il se trouve aussi être l'auteur du livre "Les Juifs : toute la vérité", pour lequel il est condamné pour racisme, puis acquitté par la Cour Suprême.
Cette radicalisation n'a cessé de se confirmer mois après mois, par l'attitude du gouvernement concernant ses positions sur l'immigration mais aussi par celle du ministre de l'ordre public Nikos Dendias. Interrogé récemment par Unfollow concernant les violences policières, N. Dendias a avoué de ne pas avoir lu le rapport d'Amnesty International qui est pourtant alarmant. En octobre dernier, des manifestants antifascistes ont été torturés par la police à Athènes lors de leur détention. Il y a quelques semaines, la police grecque a modifié les photos prises de 4 détenus, pour selon les termes de N. Dendias, "permettre qu'ils soient reconnaissables". Un aveux qui en dit long.
Le parti du premier ministre propose une loi intégrant la notion de "grec par genos"
Une nouvelle étape vient d'être franchie cette semaine : 85 parlementaires, soit les deux tiers des membres élus de la Nouvelle Démocratie, proposent un amendement à un projet de loi présenté par le ministère de l'Éducation et des Affaires religieuses, de la culture et des sports sur la ratification "de l'accord entre le Gouvernement de la République hellénique et le Gouvernement de la République Fédérale du Nigeria sur les droits économiques, scientifiques et la coopération technologique. "
Cet amendement intègre la notion de "grec par genos" :
Préambule
En raison de la particularité des questions qui ont à voir avec notre sécurité nationale par rapport aux autres pays européens, mais aussi concernant le problème de l'immigration clandestine qui frappe notre pays, ainsi que la récente loi sur la nationalité et ses conséquences, il est souhaitable que genos soit réintégré comme critère de sélection dans toutes les académies militaires et de police comme un pré-requis pour l'admission, avec une exception pour couvrir les besoins spécifiques jugés nécessaires par l'état-major général.
Article
Les candidats aux instituts supérieurs d'études militaires (ASEI), aux académies militaires pour les sous-officiers (ASSY), aux académies de police et aux académies de formation des autorités portuaires et gardes côtières grecques doivent être grecs par genos et par nationalité. Les grecs Omogeneis [la diaspora] qui ne sont pas ressortissants grecs sont également admissibles et obtiendront la nationalité sans autre formalité lors de l'inscription. Le chef de chaque branche ou d'organisme [des forces armées] peut décider d'autoriser, de manière à couvrir des besoins spécifiques, les inscriptions des candidats qui ne sont pas Grecs par genos, à condition que celles-ci ne dépassent pas le nombre de deux (2) par académie.
Parmi les signataires de la proposition, on retrouve bien sur les éléments les plus extrêmes du parti d'Antonis Samaras, ce qui éclaire sur la manière dont le terme "grec par genos" est utilisé ici. Le parti nationaliste des grecs indépendants de P. Kammenos et le parti néo-nazi de N. Michaloliakos Aube Dorée ont bien entendu applaudit cette initiative et ont annoncé leur soutien pour le vote de ce texte.
Triomphante, Aube Dorée a déclaré le 25 février :
"Il n'y a aucun besoin de plus amples commentaires pour souligner que ceci est une nouvelle grande victoire pour Aube Dorée et une nouvelle concession pour la Nouvelle Démocratie, qui suit maintenant clairement  notre agenda politique dans sa vaine tentative de limiter la perte de ses électeurs vers l'Aube Dorée".
Très vives critiques de l'opposition et des autres partis de la coalition gouvernementale
Le parti de l''opposition SYRIZA a vivement critiqué l’amendement (voir ici et ), ainsi que les deux partis membres de la coalition gouvernementale, le PASOK et la Gauche Démocratique. La déclaration du PASOK a souligné que la législation antérieure exigeant que les candidats aux académies militaires soient "grecs par genos" avait été déclarée inconstitutionnelle et que le seul cas où la Constitution grecque stipule "genos" comme critère d'admissibilité est pour la candidature à la Présidence de la République, qui demande une nationalité grecque de son père ou de sa mère. Le PASOK a en outre noté l'absurdité de permettre aux citoyens naturalisés de devenir ministres ou d'effectuer leur service militaire, tout en leur interdisant d'atteindre le grade d'officier, et a qualifié l'intervention du chef des forces armées "inacceptable".
La déclaration de la gauche démocratique a été extrêmement brutale dans sa critique envers les 85 députés de la Nouvelle Démocratie qui ont soumis la proposition d'amendement, disant que c'était un symptôme de "l'obscurantisme de l'époque moyenâgeuse." La Gauche Démocratique a conclu : "Ceux qui retournent les forces armées dans un champ de la confrontation idéologique et politique sapent leur unité et leur efficacité en ce temps de crise pour notre pays."
En réponse, Aube Dorée à déclaré :
"L'interdiction des étudiants étrangers dans les académies militaires est une grande victoire pour l'Aube Dorée et est la justification d'une lutte que nous avons menée depuis de nombreuses années. Les uniformes d'honneur des officiers grecs ne peuvent pas être donnés à des Albanais, des Asiatiques et des Africains, et les forces armées de notre pays ne deviendront pas subordonnées à des agents étrangers, car c'était la volonté des dirigeants anti-hellénique décadents. Ces deux parties dégénérés, le PASOK et la gauche démocratique, se sont déjà mis en marge de la politique et de la société. "
Pour le quotidien Efimerida ton Syndakton (voir la traduction complète de l'article chez roumelie), aucun doute, cela montre "Le visage hideux de la droite grecque" :
La quasi totalité du groupe parlementaire de Nea Dimokratia a montré son véritable fondement idéologique, celui d’une droite dure et non repentante, malgré les réactions acerbes de ses partenaires gouvernementaux, en déposant le projet d’amendement relatif aux écoles de la police et de l’armée. Une initiative bien sûr saluée frénétiquement par [le parti néonazi] Chryssi Avgi.
(...)
Le pays emprunte des routes dangereuses, sur lesquelles paradent en grandes pompes les 85 députés de Nea Dimokratia et les ultranationalistes de Chryssi Avgi. Voilà un gouvernement qui essaye, dit-il, de nous sortir de la crise, tout en nous menant vers une autre crise dangereuse, celle de l’identité. Une initiative totalement anticonstitutionnelle, selon le PASOK, un obscurantisme moyenâgeux pour le DIMAR [Gauche démocratique].
(...)
D’un pas régulier, le gouvernement montre que son intérêt pour la politique centriste  était un pur artifice pré-électoral. Dans le triumvirat qu’il forme désormais avec les Grecs Indépendants et Chryssi Avgi, il présente son vrai visage : figé, impassible, dur et antidémocratique.  Voilà la droite.
Avec l'appui du parti des grecs indépendants et de l'Aube Dorée,  l'amendement peut recevoir un total de 123 voix, assez loin des 151 voix nécessaires pour valider la loi. Il reste possible, quoique peu probable, que l'amendement soit adopté, si 28 des 44 autres députés de la Nouvelle Démocratie votent en sa faveur.
Même si le texte ne passe pas lors vote qui aura lieu aujourd'hui, une nouvelle étape vient d'être franchie dans le schéma politique grec. La Nouvelle Démocratie, encore présentée par la vaste majorité des médias comme une droite "conservatrice", montre pourtant une idéologie toujours plus orientée vers son extrême. Il est grand temps de changer de sémantique.
"Sang, Honneur, Nouvelle Démocratie" : le prochain slogan du parti du premier ministre Antonis Samaras ?

Lire la suite : http://www.okeanews.fr/grece-la-droite-du-premier-ministre-a-samaras-ideologie-aube-doree/#ixzz2MZglfZDI
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dimanche 24 février 2013

Robert Bibeau - LE DÉCLIN DE L’IMPÉRIALISME CONTEMPORAIN (1ère partie)


Robert Bibeau nous apporte ici une analyse fine de l'état de la planète stupidement investie et assiégée par un capitalisme pathétique de fuite en avant et de luttes internes conformes à sa nature même.  On avait parlé autrefois des contradictions de l'économie dite "soviétique" : celles de l'économie dite "libre et non faussée", soit celle des prédateurs jouant à celui qui restera le dernier sur le dos des victimes, sont encore plus aberrantes et funestes, pour les plus faibles en premier bien entendu (Robert Bibeau est québécois).

 

 

LE DÉCLIN DE L’IMPÉRIALISME CONTEMPORAIN (1ère partie)

 

ROBERT BIBEAU

Nous entreprenons aujourd’hui la publication de trois articles présentant les principes de base de l’économie politique, ses caractéristiques contemporaines, et son processus de déclin qui s’accélère depuis l’approfondissement de la crise systémique en 2008. À la fin de cette série vous aurez, nous l’espérons, accru votre compréhension de l’économie et de la politique moderne.

Les États-Unis d’Amérique sont-ils un pays impérialiste ? Oui, évidemment ! C’est que notamment, les Yankees entretiennent 770 bases militaires chez-eux et dans les pays étrangers. De plus, ils ont agressé et occupé de nombreux pays depuis 1890 (plus de cent invasions). La France et la Chine sont-elles impérialistes ?!…  Le Canada est-il un pays impérialiste ? Le Canada n’a pas de bases militaires à l’étranger mais le Canada soutien des multinationales sanguinaires qui exploitent des ouvriers dans les mines de l’Afrique mortifiée ! La Grèce est-elle un pays impérialiste ? Évidemment non voyons ! La petite Grèce (10 millions d’habitants), sans base militaire à l’étranger est tellement dépenaillée. La population hellénique mendie aux portes des soupes populaires et fréquente les friperies dégarnies.

Et bien si, ces cinq pays sont des pays impérialistes. C’est-à-dire que ces cinq États, comme tant d’autres dans le monde, sont des pays où sévit le système capitaliste de production et d’échange de marchandises et l’économie de ces cinq pays est parfaitement intégrée à l’économie « mondialisée-globalisée-néo-libéralisée », pour utiliser des termes à la mode.

L’impérialisme c’est le système capitaliste développé à son ultime limite – au moment où ce système global s’essouffle et tangue sur ses bases – n’assurant plus le développement des forces productives et se trainant d’une crise à une autre, inexorablement. L’économie impérialiste se développe de façon inégale – imbriquée – et par bonds saccadés. L’impérialisme provoque une division internationale du travail ou les États-Unis,  la Chine, la France, le Canada et la Grèce ont chacun leur secteur de développement prioritaire et leur rôle à jouer.

La question cruciale pour savoir si un pays quelconque est partie prenante du camp impérialiste en tant que grand spoliateur, en tant que petit profiteur, ou en tant que néo-colonie – il n’existe que trois catégories parfaitement imbriquées –  consiste à se demander si le capital (je n’ai pas écrit l’argent, mais bien le CAPITAL) d’un pays est ou non amalgamé au capital mondial via les banques nationales (nationale dans le sens où chacune de ces banques obtient sa charte d’un gouvernement national). Autre question, les entreprises industrielles monopolistes et le marché national sont-ils enchevêtrés au système d’économie politique mondiale hégémonique ?
Ensuite se pose la question du rôle spécifique de cette économie nationale (grecque par exemple) dans l’ensemble international qui se développe de façon inégale – imbriquée – et par bonds successifs nous le répétons. Le CAPITAL ce n’est pas de la monnaie – de l’argent – le capital est un rapport social de production. Le capital c’est de l’argent investit-transformé en moyens de production pouvant générer de la plus-value et du profit. Le capital impérialiste est ce rapport social de production qui permet aux capitalistes du monde entier – quelle que soit sa «nationalité» de confisquer le travail non payé des ouvriers grecs, américains, chinois, canadiens, français et autres, dépendamment du pays où ces capitalistes ont investi leurs capitaux.

Prenons l’exemple du capital des milliardaires grecs qui brassent des affaires « mondiales-globalisées-néolibérales » dans trois secteurs économiques particuliers, soit la construction navale, le transport maritime et le tourisme de masse. C’est par ces trois canaux économiques prédominants qu’ils s’amalgament au capital impérialiste international. Évidemment, le gouvernement grec en tant que partie constituante, instrument et état-major de la classe capitaliste monopoliste grec-internationalisée, participe aussi aux complots militaires des grandes puissances impérialistes, telles que les États-Unis et la France, via sa participation enthousiaste à l’OTAN.

Dernièrement la petite Grèce au bord du gouffre financier achetait de l’armement à la France et à l’Allemagne avec de l’argent emprunté aux banques grecs qui elle-même l’avaient emprunté aux banques allemandes et dont la facture a été refilé aux gouvernements grecs qui la fera payé par les travailleurs grecs sous régime d’austérité (les ouvriers contribuent pour 80% des revenus de l’État grec) .  Puis, ce gouvernement à la solde expédiait trois officiers du renseignement sur le front de la révolte des « terroristes et des nationalistes Touaregs » au fond du Mali africain – « Ah le bon temps des colonies ! Ses képis et ces négresses que le soldat blanc ou noir violaient à l’avenant ; et cet arabe ou ce Touareg que le soldat du BIMA carbonisait   vivant avec ses enfants au fond de sa tanière – au fond de son repère de brigand. Ça fleure bon la civilisation par ici s’écrie le soldat du BIMA français ! Vive l’empereur Hollande Premier, redresseur de torts de la Françafrique ! » –. Le gouvernement de la Grèce a livré par ses trois officiers sa rançon de soumission à son suzerain parisien. Chaque pays impérialiste participe à la hauteur de ses moyens. Le gouvernement du Canada, ce vaurien, fournit un avion de transport des troupes néocoloniales vers le Mali lointain.

Revenons à l’impérialisme stade suprême du capitalisme. Depuis l’accentuation de la crise structurelle en 2008, les trois secteurs prioritaires de l’économie grecque ont été les premiers à s’effondrer – et à se restructurer (absorbé par des concurrents plus puissants ou éliminés par des concurrents plus gourmands). Ainsi, les impérialistes coréens et chinois détruisent ou absorbent l’industrie navale grecque comme celle de tous les pays œuvrant dans ce secteur industriel où ils prédominent. La division internationale du travail – impérialiste – fait son œuvre imperceptiblement. L’impérialisme mafieux russe a pris une option sur l’hôtellerie touristique hellénique, tout comme la Belgique, et ainsi de suite.
Les milliardaires grecs sont toujours aussi milliardaires qu’avant mais leur capital s’imbrique peu à peu au capital impérialiste coréen, chinois, russe, belge, indien (BRICS) et toujours allemand évidemment. Les banquiers français, quant à eux, courent toujours après le remboursement de leurs prêts asservissants. Ceux-là jouent le rôle des « tondeurs de coupons parasitaires » comme on les appelait auparavant, avant la numérisation informatique et télématique des transactions bancaires et boursières.

Enfin, la classe capitaliste monopoliste grecque a aussi planquée une partie de ses deniers en Suisse transformant ses euros mal acquis en Francs helvétiques garantis… plus rentable. Sous peu vous apprendrez que les grecques riches – çà existe (!) – ont transformé leur pécule monétaire en étalon or comme la plupart des milliardaires de vos pays saccagés. Au diable le dollar et l’Euro, tout juste bon pour les peuples soumis aux politiques d’austéritées visant à renflouer les monnaies avant la grande dévaluation…

La raison d’être du système capitaliste


La finalité de la production sociale des biens et des services nécessaires à l’existence humaine – de la production des marchandises  – n’est pas de satisfaire les besoins de la population, ou de fabriquer des consommateurs aliénés – solvables et non solvables – accrédités ou endettés par les soins des banquiers. Le «dessein» de cette infrastructure économique de production matérielle, industrielle, technologique et scientifique et de cette superstructure sociologique, juridique, militaire, idéologique et politique complexe n’est même pas de rémunérer le capital selon les «risques» encourus, non plus que de rétribuer le travail à sa « juste valeur ».

Mais alors, quelle est donc la raison d’être de ce système d’économie politique, quelle est la force mystérieuse qui pousse en avant la charrette du capitalisme obsolescent ? Cette force qui pousse en avant le système capitaliste est toujours la même depuis l’époque où Marx observait les Chevaliers d’industries capitaliser l’Angleterre et exploiter ses colonies. L’objectif du système d’économie-politique capitaliste est de se reproduire pour assurer sa pérennité.

La finalité de tout système d’économie politique, que ce soit l’esclavagisme romain, le féodalisme tsariste ou le capitalisme britannique, a toujours été de se perpétuer, de se reproduire à plus large échelle – cumulative – hégémonique, tentant de détruire toute trace d’un système d’économie politique passé ou en devenir. Ainsi, le capitalisme requiert le développement social des forces productives collectives mais les capitalistes s’opposent farouchement à l’émergence d’une société collectiviste préférant la propriété privée pléthorique et catastrophique.

De nos jours, la succession des crises économiques, industrielles, financières, boursières et monétaires n’est que le symptôme de l’incapacité du système d’économie politique d’assurer sa reproduction étendue, conséquence de ses contradictions internes qui l’entrainent a contrario de sa finalité ultime et entravent le mouvement de son développement croissant. Nous allons en faire la démonstration.
Du capitalisme à l’impérialisme

Au début du capitalisme industriel – pendant sa phase concurrentielle – la propriété privée des moyens de production et de commercialisation a induit l’accumulation primitive du capital qui a permis d’acheter la force de travail des ouvriers et des ouvrières à vil prix, d’en spolier le «surtravail», d’en accaparer la «plus-value» – unique source de bénéfices, de profits commerciaux, de rentes foncières et de bénéfices spéculatifs – d’assurer l’investissement du capital et le développement de la production industrielle marchande qui propulsait chaque nouveau cycle de circulation du capital (Capital argent –» Capital production –» Capital marchand –» Capital argent) et sa reproduction étendue.
Le stade ultime – impérialiste – de ce développement capitaliste se particularise par le mélange de huit (8) caractéristiques que voici :

1) La concentration des moyens de production et de commercialisation des biens et des services et du capital productif parvenue à un degré si élevé qu’elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique générale de la société.

2) L’interpénétration du capital bancaire (capital argent – épargne – rentes et bénéfices commerciaux) et du capital industriel (moyens de production, actions et obligations) et création, sur la base de ce capital financier gigantesque, d’une oligarchie financière hégémonique (1).

Ce « capital financier », en partie parasitaire, permet la titrisation inflationniste de tous les types d’actifs financier et cela en dehors des circuits industriels productifs sans qu’aucune valeur d’usage ni aucune valeur marchande équivalente ne soit produite ou commercialisée (2). Ce «capital financier», devenu en partie fausse monnaie inflationniste illégitime, concurrence puis phagocyte le capital «industriel productif» en offrant des rendements spéculatifs alléchants qui drainent l’épargne, les rentes et les bénéfices vers les placements boursiers illicites (3), sans compter le transfert d’une quantité importante de ces capitaux vers des paradis fiscaux hors la loi où ils fusionnent avec l’argent sale – mafieux (4).

S’ensuit une succession de crises financières, boursières, monétaires entraînant la disparition d’avoirs fictifs superfétatoires, provoquant crises de surproduction, dépression économique, chômage endémique et marasme de l’économie impérialiste (5).

3) L’exportation de capitaux en concomitance avec l’expansion des exportations et des importations de marchandises et ceci prend une importance toute particulière sous l’impérialisme. Le développement impérialiste accentue l’exportation massive du «capital financier» qui asservit l’économie (les moyens de productions et les forces productives) des pays dépendants (néo-colonies). Qui plus est, très souvent ces «investissements» ne correspondent nullement au développement de nouveaux moyens de production ou à l’utilisation de nouvelles forces productives dans les pays dominés, parfois même il n’y a aucun transfert de biens ou de services de ou vers ces pays néo-colonisés «bénéficiaires» de ces investissements asservissants.

Qu’y a-t-il d’étonnant à constater que depuis 1960 deux mille milliards de dollars, au titre de «l’aide au développement» ont été internationalement dilapidés et se sont soldés par davantage de pauvreté dans les pays néo-colonisés (6) ? Ces soi-disant investissements se réduisent souvent à une opération comptable (aux livres) où le pays débiteur se retrouve surendetté pour ne pas avoir remboursé un emprunt précédent. S’ensuit un déséquilibre important de la balance des paiements nationaux de ces pays néo-colonisés et dépendants et la mise en péril de leur monnaie nationale.  À titre d’exemple une quinzaine de pays de la France-Afrique sont toujours soumis à la structure monétaire, bancaire et financière du Franc CFA dont la gestion et les réserves monétaires sont déposées à la Banque de France à Paris et dont la parité est artificiellement maintenue avec l’Euro une monnaie déjà assujettie aux aléas économiques de 17 États européens sur le déclin. Les pays africains dépendants n’ont tout simplement aucun contrôle sur leur monnaie soi-disant nationale.

Les moyens de production et les «produits de base» que ces pays débiteurs fournissent sont de faible valeur marchande sur les marchés extérieurs alors que les produits ouvrés que lui vendent les pays créanciers sont hors de prix pour ces pays asservis. L’endettement de ces États souverains vis-à-vis du capital international se poursuit jusqu’à la déliquescence de l’appareil gouvernemental néocolonial où l’armée, forgée de flibustiers et de criminels militarisés que l’on a affublé du monopole de la violence gouvernementale-légale (dont les officiers ont été formé dans la métropole) demeure souvent la seule structure fonctionnelle sous contrôle de la métropole néo-colonisatrice.

L’effondrement de ces gouvernements aliénés, surendettés et spoliés, entraîne parfois leurs créanciers dans la faillite ; ainsi va la vie sous l’impérialisme. Sous des couverts intégristes-extrémistes en trompe-l’œil, la décrépitude de plusieurs gouvernements d’Afrique et d’Extrême-Orient est le résultat de cette structure de domination économique, financière et militaire internationale et de la misère qu’elle engendre partout en Afrique et en Orient.

4) Le développement inégal et par bonds des monopoles, des oligopoles, des multinationales et des États capitalistes, ainsi que des régions sous domination des oligarchies financières internationales, amène la formation d’alliances internationales monopolistiques de groupes capitalistes se partageant le monde, ainsi que la création d’organisations internationales de gouvernance et de régulation économique, financière, politique, juridique et militaire à l’échelle continentale (Union européenne, Alliance de Shanghai, L’ALBA, L’ALENA, Communauté Euro-asiatique, etc.) et à l’échelle mondiale (OTAN, OCDE, OCM, Banque Mondiale, FMI, CPI, ONU) (7).

La doxa économique moderne identifiant des pays dits «non-alignés» ainsi que d’autres catégories de pays capitalistes selon quelques singularités statistiques économiques conjoncturelles n’est que conjecture spécieuse. Le développement capitaliste s’est toujours réalisé par bonds et de façon inégale d’un pays à un autre et d’une région à une autre à l’intérieur même de chaque pays souverain. Pendant que de nouvelles puissances impérialistes apparaissent, d’autres amorcent leur déclin sous les coups de boutoirs des premiers et l’exploitation impérialiste mondiale se poursuit jusqu’au jour où la classe ouvrière y mettra fin.

5) Le triomphe de l’impérialisme contemporain marque la fin du partage territorial du globe en zones d’exploitation, de spoliation, de contrôle et en sphères de dépendance entre les  grandes puissances impérialistes et leurs alliés. Le partage des terres à exploiter, des pays à spolier, des peuples à surexploiter ayant été complété, il ne peut en résulter qu’une succession de guerres larvées pour le repartage suivant les aléas du développement inégal et par bonds entre les différentes puissances impérialistes déclinantes et celles «émergentes», très gourmandes.

Les multiples guerres impérialistes locales et régionales, sous prétexte hier de confondre les guérillas communistes dans les pays dominés et aujourd’hui d’éradiqués les activités dites «terroristes» de mercenaires et de flibustiers engagés, payés, armés et entraînées par les puissances impérialistes sont des expressions de ces combats pour le repartage des zones d’exploitation, d’oppression, de spoliation des ressources et de la plus-value dans le tiers-monde.


6) L’impérialisme se caractérise aussi par une hypertrophie des activités de service et par la tertiarisation de l’activité économique générale. Une part très importante de la force de travail est désormais occupée à offrir des services en tout genre (services tertiaires de restauration et d’hôtellerie par exemple et services quaternaires de gouvernance et de recherche-développement par exemple) alors que la portion congrue des forces productives reste attachée à la production de moyens de production (production de machines, d’outils, d’appareils, de systèmes de transports, de robots, de matière première et de produits de première transformation, d’énergie) et de biens de consommation courants.

Dans la plupart des pays impérialistes plus des trois quarts des travailleurs œuvrent dans le secteur des services tertiaires et quaternaires (restauration, hôtellerie, commerce de détail, arts et spectacles, éducation, soins de santé, banque et finance, services-conseil, services gouvernementaux, etc.). Tous ces travailleurs se partagent une part ou une autre de la plus-value produite par les ouvriers des secteurs primaires (mines, agriculture, forêts et pêcheries) et secondaires (construction, transport, industrie lourde et légère) (8).

Tout ceci démontre la très haute productivité des travailleurs et l’intensité infernale du travail dans les secteurs primaire et secondaire dans les pays impérialistes alors que les taux d’exploitation de la classe ouvrière et d’extraction de la plus-value de la force de travail ont atteint des sommets inégalés dans toute l’histoire de l’humanité. Les chantres des parcours de productivité pour accroître la compétitivité n’ont plus qu’à se rhabiller la classe ouvrière a déjà trop donné pour sauver leur système dépenaillé.

Par ailleurs, au même instant, l’armée de réserve des inactifs – désœuvrée et paupérisée – des travailleurs (chômeurs à temps plein ou partiel ; désœuvrés à plein temps ou temporairement ; assistés sociaux et pauvres retirés de la recherche active d’un emploi, etc.) n’a jamais été aussi imposante en nombre et en proportion que pendant cette crise économique systémique de surproduction.

En corollaire les activités primaires agricole, sylvicole et piscicole et de pêche hauturière sont, dans ces pays impérialistes avancés, devenues des activités très fortement mécanisées, avec usage massif d’une panoplie de produits chimiques industriels polluants (engrais, fongicides, insecticides, herbicides, OGM, etc.) atteignant des taux de rendement par unité de surface, des taux de productivité et d’exploitation de la terre-mère et de la force de travail salarié jamais égalés dans l’histoire de l’humanité (moins de 5% de la main d’œuvre active produit les matières premières forestières, minières, hauturières et agraires nécessaires à l’ensemble de l’économie).

Dans ces pays impérialistes avancés il ne reste plus aucune trace de la classe paysanne et des rapports sociaux féodaux. Dans quelques pays impérialistes ascendants – en cours de monopolisation-développement – les reliquats des rapports sociaux féodaux sont rapidement broyés en même temps que la classe paysanne est paupérisée – prolétarisée et chassée des campagnes vers les taudis urbains où elle s’agglutine dans l’attente d’un emploi aléatoire et misérable.

LA SEMAINE PROCHAINE : L’IMPÉRIALISME  ET LA GUERRE

(l'auteur a écrit cet article sous la licence Creative Commons (CC BY-SA 2.0 FR) via Oulala.info )

dimanche 9 décembre 2012

Jacques Sapir - La paralysie européenne ( Ria Novosti)


La paralysie européenne

Jacques Sapir
09:00 04/12/2012
"Promenades d'un économiste solitaire" par Jacques Sapir*
Le 21 décembre se tiendra le sommet entre la Russie et l’Union Européenne. Cette date, en un sens, ne pouvait être plus mal choisie. En effet, l’UE a subi, avec l’impasse sur la programmation budgétaire pour les années 2014-2020, de l’UE un triple échec : économique, politique et symbolique. Cette impasse, qui au mieux durera jusqu’au début de 2013, vient après les très difficiles négociations sur la question de l’aide à accorder à la Grèce du début de la semaine. Ces dernières n’ont abouti qu’à un accord partiel, largement dépendant de la capacité du pays à racheter sa propre dette. Elle survient aussi après des négociations extrêmement dures quant à la part respective des États au sein du groupe aéronautique EADS et une réduction importante des ambitions de l’Europe spatiale. Ces événements témoignent de l’épuisement définitif de l’Union européenne à incarner « l’idée européenne ».

Un échec économique
L‘échec sur le budget porte en fait sur 1,26% du PIB des différents pays. Pour 2013 ce sont 138 milliards d’euros qui sont prévus. C’est la faiblesse de cette somme qui pose problème. Alors que la zone Euro est en récession, la logique aurait voulu que l’on se mette d’accord pour un budget de relance, en favorisant la demande et en favorisant des politiques de l’offre et de la compétitivité dans certains pays. Ces politiques ont été quantifiées. Elles impliqueraient, rien que pour le rattrapage de compétitivité, que l’on dépense pour les quatre pays d’Europe du Sud (Espagne, Grèce, Italie et Portugal), environ 257 milliards d’euros par an pendant 10 ans. Si l’on veut être cohérent, il faudrait ajouter à cette somme au moins 100 milliards pour financer des grands projets permettant d’harmoniser la compétitivité des autres pays. Cette dépense supplémentaire de 357 milliards par an, pour un budget d’environ 138 milliards est importante. Elle impliquerait que le budget passe de 1,26% à 4,5%. C’est exactement le contraire qui s’est produit. On voit bien que chaque pays tire à hue et à soi, étant soumis aux règles de l’austérité budgétaire, par ailleurs institutionnalisées par le dernier traité de l’UE, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes ! Les égoïsmes se révèlent de toute part.

Le problème est en fait plus compliqué. Les 138 milliards prévus pour le budget 2013 donnent lieu à des retours, plus ou moins importants, pour tous les pays de l’UE. Mais, sur les 357 milliards qu’il faudrait dépenser en plus, 257 milliards sont des transferts nets à destination des quatre pays du Sud déjà évoqués. L’Allemagne devrait à elle seule contribuer à hauteur de 8,5% et 9% de son PIB par an en transferts nets. Sur une période de dix ans cela aboutit à 3570 milliards d’euros de budget total. Quand on parle du « fédéralisme européen », c’est de cela dont on parle en réalité, car sans transferts importants point de fédéralisme.

Notons que les dirigeants européens n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une somme de 978 milliards d’euros sur 7 ans (2014-2020) alors que sur la même période c’est 2499 milliards en plus qu’ils auraient dû financer. On mesure l’immensité de la tâche, et son impossibilité dans les circonstances actuelles. La réalité de l’UE est bien l’absence totale de solidarité en son sein, même et y compris quand cette solidarité serait de l’intérêt de tous. Ce que révèle cette situation c’est qu’il n’y a pas de « chose publique» (res publica) dans l’Union Européenne.

Cet échec est révélateur de l’épuisement de l’idée européenne.

Un échec politique
L’échec est ensuite politique et il a été mis en lumière lors du Conseil Européen de la nuit du 22 au 23 novembre. On a parlé d’une « alliance » entre la chancelière allemande, Mme Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron, qui aurait abouti à l’isolement de la France. Mais cette « alliance » est en réalité purement conjoncturelle. La Grande-Bretagne poursuit son vieil objectif de réduire l’UE à un espace de libre-échange et à un cadre réglementaire le plus léger possible. L’Allemagne, pour sa part, rejointe sur ce point par des pays comme la Finlande, les Pays-Bas et l’Autriche, s’oppose absolument à ce que les transferts prennent plus d’importance. On sait l’opposition absolue des dirigeants allemands, tous partis confondus, à des transferts massifs, en particulier au sein de la zone Euro. Cela n’implique pas qu’elle partage les vues de la Grande-Bretagne quant à la philosophie de l’UE. Les dirigeants allemands comprennent que cette dernière doit être autre chose qu’une simple zone de libre-échange. Mais, leurs intérêts se rejoignent avec les Britanniques pour s’opposer à l’engagement de sommes supplémentaires, dans la mesure où ils comprennent parfaitement qu’ils seraient, par nécessité, les principaux contributeurs. C’est sur cette alliance que s’est cassée la position française.

L’Allemagne souhaite par dessus tout le statu-quo (qui lui permet de réaliser ses énormes excédents commerciaux au détriment des autres pays de la zone Euro) (1). Mais, elle n’est pas prête à aller au-delà d’une contribution annuelle d’environ 2% de son PIB (soit environ 50 milliards d’Euros). Si l’on met l’Allemagne au défi de payer les sommes évoquées plus haut, soit 8% à 9% de son PIB afin de rendre viable la zone Euro, elle préfèrera la fin de la zone Euro. Là ou nos dirigeant voient le début d’un processus, qui pourrait être étendu, il y a en réalité un engagement strictement limité de l’Allemagne.

Un échec symbolique
Les échecs tant économiques que politiques de la semaine passée sont, bien entendu, révélateurs d’un échec symbolique majeur. Aujourd’hui, qui croit encore en l’Union Européenne ?

Jamais en fait l’Euroscepticisme ne s’est aussi bien porté, non seulement en Grande-Bretagne, mais aussi en France et même en Allemagne. C’est la crédibilité générale de l’UE qui est en cause, et l’on voit bien ici que les stratégies discursives utilisées par les européistes seront de moins en moins efficaces. Ces stratégies reposent sur une délégitimation des opinions négatives, qui sont associées à des catégories dites « peu éduquées » et par cela incapables de comprendre ce qu’apporte l’UE et sur une explication de ces résultats par les simples difficultés matérielles engendrées par la crise. Sur le premier point, il y aurait beaucoup à dire. On voit immédiatement la parenté entre cet argument et les arguments du XIXe siècle en faveur du vote censitaire. Le second argument contient une parcelle de vérité. Il est clair que l’impact de la crise a modifié les préférences des individus. Mais cet argument se retourne contre ses auteurs : pourquoi l’UE a-t-elle été incapable de protéger les personnes des effets de la crise ?

L’UE, par sa politique actuelle nourrit en fait le retour des haines recuites, que ce soit entre pays (Grèce et Allemagne, mais aussi Portugal ou Espagne et Allemagne) ou à l’intérieur de ceux-ci (Espagne, avec le Pays Basque et la Catalogne et Belgique).

Si les échecs économiques et politiques montrent que l’UE est à bout de souffle, l’échec symbolique, illustré dans les derniers sondages, ouvre la voie à des radicalisations des opinions publiques à relativement court terme.

Tirer les leçons de l’épuisement d’un projet européen
On voit bien que certains pays hors du cadre de l’UE ont un intérêt à l’existence d’une Europe forte et prospère. Le cas de la Russie et de la Chine saute aux yeux. La Russie, de plus, est elle aussi un pays européen, même si elle n’est pas uniquement européenne. Il est donc possible de penser un projet européen intégrant toute l’Europe, y compris les pays qui aujourd’hui ne sont pas membres de l’UE et n’aspirent pas à le devenir. Mais à la condition de faire des nations européennes, ces « vieilles nations » qui restent aujourd’hui le cadre privilégié de la démocratie, la base de ce projet. Ce projet devra être construit autour d’initiatives industrielles, scientifiques et culturelles dont le noyau initial pourra être variable, mais qui exigent pour exister que soient remises en cause un certain nombre de normes et des règlements de l’UE. Plus que tout, il faudra procéder à une dissolution de l’Euro. Cette dissolution, si elle est concertée par tous les pays membres de la zone Euro sera en elle-même un acte européen, et pourra donner immédiatement lieu à des mécanismes de concertation et de coordination qui feront en sorte que les parités de change des monnaies nationales retrouvées ne fluctuent pas de manière erratique mais en fonction des paramètres fondamentaux des économies.


(1) Patrick Artus, La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui, FLASH Économie, NATIXIS, n°508, 17 juillet 2012

L’opinion exprimee dans cet article ne coïncide pas forcement avec la position de la redaction, l'auteur étant extérieur à RIA Novosti. 

*Jacques Sapir est un économiste français, il enseigne à l'EHESS-Paris et au Collège d'économie de Moscou (MSE-MGU). Spécialiste des problèmes de la transition en Russie, il est aussi un expert reconnu des problèmes financiers et commerciaux internationaux.
Il est l'auteur de nombreux livres dont le plus récent est La Démondialisation (Paris, Le Seuil, 2011).