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jeudi 24 septembre 2015

Réflexions concernant le pillage du patrimoine national grec, par Henriette Hanke Güttinger

Nos amis grecs sont actuellement dépouillés au-delà de toute imagination. Seule la comparaison avec le pillage des ressources du reste du monde par les colonialistes européens depuis le XVIe siècle peut aider à comprendre ce crime délibéré d'États dits "responsables" sur d'autres États souverains et réellement civilisés - au point d'être la source de NOTRE civilisation. Il y eut la Babylonie, désormais effacée à jamais de la carte. Maintenant, un autre pays anglo-saxon s'attaque à la Grèce.

C'est pourquoi je reporte ici un article qui confirme d'autres sources, y compris de personnes qui vivent actuellement en Grèce. Que l'avenir nous viennent en aide, car très vraisemblablement ce même processus implacable, noté avec quelques variantes en Libye, en Tunisie,  sera appliqué aux autres pays du tour de la Méditerranée, dont le nôtre. Des Qisling sont déjà en place dans la plupart de ces pays, dont le nôtre, cela pourrait intervenir très vite.

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Réflexions concernant le pillage du patrimoine national grec


 
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Tôt le matin, à la radio Deutschlandfunk, nous parvient la nouvelle que Fraport, un investisseur sis à Francfort, prend possession de 14 aéroports régionaux en Grèce. Cela a commencé! Le patrimoine national grec va être pillé, après avoir attiré le pays dans le piège du surendettement. Ce procédé n’a rien de neuf. Dans les années 1960 et 1970, il a été pratiqué dans le Tiers Monde, comme John Perkins le décrit dans «Les Confessions d’un assassin financier».1 A l’époque, Perkins incitait les pays en développement à entreprendre des projets d’infrastructure surdimensionnés à l’aide de chiffres et pronostics erronés. Pour cela, on eut recours à d’énormes crédits conduisant les pays dans le piège du surendettement. Puis, on put les soumettre aux «intérêts économiques des Etats-Unis». Dans le livre, Perkins décrit sans ambages de nombreux exemples et retrace la façon dont lui et d’autres spécialistes furent choisis par la NSA, au service des Etats-Unis, pour mener divers pays dans ce piège.
La Grèce est la premier Etat sur le continent européen dont le patrimoine national est soumis ouvertement au pillage. Le Hellenic Republic Asset Development Fund (HRADF) est responsable pour toutes les privatisations prévues, une société anonyme privée dont l’Etat grec est le seul actionnaire. Dans le conseil d’administration du fonds HRADF se trouve depuis mars 2015, outre cinq membres grecs, un observateur de la zone Euro et un de la Commission européenne. Les biens patrimoniaux transférés de l’Etat au HRADF se composent de biens immobiliers, des participations et de droits à des entreprises. Une fois que les actifs se trouvent en main du HRADF, ils ne peuvent plus revenir à l’Etat. Le plan de développement des actifs du HRADF, daté du 30 juillet 2015, donne une impression des privatisations en cours:
  1. Aéroports régionaux: 14 aéroports régionaux, divisés en deux groupes avec chacun 7 aéroports […]
  2. Athènes-Hellinikon: ancien aéroport d’Athènes, 6?000?000?m2 de surface, situé au bord de la mer […]
  3. Astir Vouliagmenis: complexe hôtelier Astir Palace Vouliagmeni SA y compris un port de plaisance […]
  4. Afandou, Rhodes: développement de deux propriétés dans le district d’Afandou sur l’île de Rhodes pour le golf et le tourisme […]
  5. Opérateur grec du système de transport de gaz naturel (DESFA) […]
  6. Piraeus Port Authority S.A. (OLP) […]
  7. Thessaloniki Port Authority S.A. (OLTH) […]
  8. TRAINOSE S.A. & EESSTY S.A (ROSCO): TRAINOSE fournit des services techniques pour le transport ferroviaire de passagers et de marchandises. […]
  9. Aéroport international d’Athènes S.A. (AIA) […]
  10. Poseidi Chalkidiki: développement du tourisme […]
  11. Centre de sport équestre Markopoulo […]
  12. Enchères électroniques II, III, IV […]
  13. Ports de plaisance: port de plaisance Alimos et les ports touristiques restant dans le portefeuille du HRADF […]
  14.  Egnatia Motorway S.A.: une autoroute à péage dans le nord de la Grèce, longue de 648?km, entièrement équipée. […]
  15. Hellenic Petroleum S.A.:[…] entreprise leader dans le raffinage et la distribution du pétrole en Grèce […]
  16. OTE S.A.: […] le plus grand fournisseur de télécommunication sur le marché grec […]
  17. Société nationale d’approvisionnement en électricité (PPC) […]
  18. Société d’eau et d’eaux usées de Thessalonique (EYATH) […]
  19. Société d’eau et d’eaux usées d’Athènes (EYDAP) […]
  20. Public Gas Corporation (DEPA) […]
  21. Hellenic Post (ELTA) […]
  22. D’autres mise en adjudication de propriétés: […] vente de terrains et d’immeubles à Argos, Véria, Stylida, Céphalonie et sur l’île de Rhodes, Nauplie, Chalcidique, Messénie et Athènes. […]

Dans le plan de développement des actifs du HRADF, les objets de privatisation sont tous documentés.2
Ce que la troïka exige de la population grecque est bouleversant et révoltant: la Grèce – dévastée d’abord par les troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale, puis foulée aux pieds par les Britanniques et les Etats-Unis – allant jusqu’à un coup d’Etat militaire. L’Allemagne officielle refuse jusqu’à ce jour de reconnaître les crimes de guerre en tant que crimes contre l’humanité, dont le massacre des villageois de Distomo. Argyris Sfountouris ayant survécu en tant que bébé, grâce à l’humanisme d’un soldat allemand, s’est adressé en 1994 à l’ambassade d’Allemagne à Athènes pour demander si une compensation était prévue pour les victimes survivantes de Distomo. Dans la réponse négative de l’ambassade allemande, on ne trouve ni excuse, ni compassion, ni regrets. On y constate que «selon le gouvernement fédéral allemand, des représailles, comme celles entreprises contre le village de Distomo, ne sont pas définies en tant qu’actes nazis […], mais représentent une mesure prise dans le cadre de la guerre en tant que réaction aux attaques des partisans.»3 Cette vue erronée de l’ambassade est soigneusement réfutée par Sfountouris dans son dernier livre, «Trauer um Deutschland»: à Distomo, un crime contre l’humanité a été commis.
Compte tenu de ce passé historique, une attitude différente serait appropriée à l’égard du peuple grec. Une amie allemande s’est prononcée spontanément à l’égard de la privatisation du patrimoine national du peuple grec: «Ce qui se passe actuellement est honteux. Je pourrais m’enterrer de honte.»
Quelle leçon les Etats européens doivent-ils tirer de cette tragédie en Grèce? Les dettes peuvent mener à la servitude pour dettes et en conséquence à la perte de la souveraineté nationale. Cela vaut également pour nous qui vivons en Suisse.
Henriette Hanke Güttinger,
historienne
1    John Perkins. Les Confessions d’un assassin financier. Révélations sur la manipulation des économies du monde par les Etats-Unis. Canada 2005, ISBN 978-2896-26001-0
2    Hellenic Republic Asset Development Fund, plan de développement des actifs du 30 juillet 2015, traduction interne (BMF) Übers.-Nr. 0818-2015, trouvé sur Internet le 11/9/15
3    Lettre de l’Ambassade de la République fédérale d’Allemagne à Athènes, du 23 janvier 1995, publié in: Argyris Sfountouris. Trauer um Deutschland. Reden und Aufsätze eines Überlebenden [Deuil pour l’Allemagne. Discours et essais d’un survivant], Wurtzbourg 2015, p. 87, ISBN 978-3-8260-5821-9
Mykonos, Santorin, Rhodes: sur ces îles de vacances, Fraport veut à l’avenir exploiter des aéroports
L’investisseur de Francfort prendra en charge 14 aéroports régionaux en Grèce. Il veut les agrandir et naturellement gagner de l’argent de cette manière. Manolis Kalimakis est le chef du syndicat des employés aéroportuaires de Grèce. Pour lui, il est incompréhensible que le gouvernement grec veuille vendre ces aéroports à un investisseur étranger. «C’est notre argenterie familiale», déclare Manolis Kalimakis. «Ces aéroports sont nos meilleurs aéroports. Ce sont ceux qui nous apportent les meilleures recettes et ces recettes aident notre économie.» Si l’on privatise ces aéroports, la Grèce perd ces recettes. «Je ne comprends pas cette mentalité. Pour soutenir notre économie, nos amis européens décident qu’à l’avenir nous n’avons plus droit à ces recettes. Je ne vois pas comment cela pourrait nous aider.» Manolis Kalimakis fait le calcul: «En 40 ans, nous pouvons gagner 16 milliards d’euros avec ces aéroports, mais nous les bradons pour 2 ou 3 milliards d’euros. Au cours de ces 40 ans, nous aurions donc beaucoup plus d’argent à réinvestir dans les aéroports. Et nous aurions en outre encore de l’argent pour les services publics et pour rembourser les dettes publiques.» Manolis Kalamakis ne voit que des désavantages dans la privatisation. Il craint que l’investisseur renvoie des collaborateurs et augmente les prix des vols. En conséquence, le tourisme dans son ensemble en pâtira. […] Manolis Kalamkis du syndicat veut continuer à lutter. «Nous ouvriers, nous allons faire tout le possible pour stopper ce deal!», prévient-il. Mais même le parti grec de gauche, Siriza, a abandonné sa résistance contre la privatisation. Qu’importe qui gagnera les élections parlementaires du dimanche passé, Fraport reprendra les 14 aéroports grecs.
Source: Deutschlandfunk. Informationen am Morgen. Thomas Bormann.
«Streit um Privatisierung in Griechenland: Widerstand gegen Fraport» du 10/9/15
(Traduction Horizons et débats)
Photo : Fira, île de Santorin en Grèce
Par Micheline Ladouceur/Mondialisation.ca

lundi 17 février 2014

"L’anomalie française", dernier obstacle à l’hégémonie allemande, arrive à son terme (Le Grand Soir)

C'est le moment de répercuter une analyse d'autant plus aiguë et pertinente, qu'elle provient d'une personne étrangère, donc pouvant avoir du recul. Merci au Grand Soir de "donner à lire" une fois de plus.

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Une vision de la France de François Hollande depuis l’Espagne

"L’anomalie française", dernier obstacle à l’hégémonie allemande, arrive à son terme

Le 17 novembre 2013 Paul Krugman a tiré la sonnette d’alarme et dénoncé l’existence d’un « complot » contre la France. La raison : l’abaissement de la notation financière du pays gaulois par l’agence Standard & Poors.
D’une part, il prenait note de la campagne initiée par des grands média économiques internationaux, qui qualifiaient la France d’authentique « bombe à retardement », potentiellement plus grave que l’Espagne, la Grèce et le Portugal ; d’autre part, il analysait ses plus importantes variables macroéconomiques sans trouver aucune raison pour tant de pessimisme et d’inquiétude, surtout par rapport à d’autres pays du soi-disant « noyau » européen. Sa conclusion ne pouvait pas être plus directe : « La France a commis le péché impardonnable d’être financièrement responsable sans faire souffrir les pauvres et les indigents. Elle doit être punie ».

Deux mois plus tard, le célèbre prix Nobel d’économie revient sur le même sujet, cette fois avec un titre encore plus significatif : « Scandal in France ». Le centre de l’histoire : le changement radical de position du président Hollande vers des thèses néolibérales, la réduction de l’impôt des sociétés et des dépenses de l’État tout en revendiquant, ni plus ni moins, la fort connue loi de Say, « l’offre crée sa propre demande ». Il est probable que Marx et Keynes auront sursauté dans leurs tombes en se souvenant ironiquement que lorsque les théories des intellos coïncident avec les intérêts des tous puissants, elles perdent en échange la capacité d’analyse et de prévision.

Le vieux révolutionnaire ajouterait sans doute que le système continue de s’enfoncer dans des contradictions et que la crise ne va pas s’arrêter ; quant au libéral, il se demanderait encore une fois qu’est-ce qui devrait se produire pour que les économistes et les politiques de droite prennent vraiment leçon du passé et cessent de mettre en danger le bien-être des gens et, surtout, la viabilité du capitalisme lui-même.

Il faut cependant nier l’affirmation que Krugman fait sur Hollande, car le président français n’a pas changé de position : maintenant il est simplement en mesure de rendre public son « agenda caché ». Chez nous, en Espagne, le PSOE a beaucoup parlé ces dernières années de « l’agenda caché » du Parti Populaire en attirant l’attention sur la duplicité et l’hypocrisie d’une droite qui dit une chose en tant qu’opposition et une autre radicalement différente quand elle devient gouvernement. Le programme réel caché des anciens sociaux-démocrates français et des conservateurs espagnols n’est nul autre que le réseau de pouvoir néolibéral institutionnalisé et garanti par l’Europe allemande de l’euro.

Lorsque le président français, encore en violation de ses promesses de campagne électorale, a approuvé le « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne » il a sciemment accepté de s’attacher les pieds et les mains aux règles et objectifs qui accentuent les traits « ordolibérales » du traité de Lisbonne et, de facto, font de celui-ci le vrai programme-cadre de gouvernement, en France et dans tous les pays de la zone euro.

En juin dernier, avec sa clairvoyance habituelle, l’historien marxiste anglais Perry Anderson avait averti vers où se dirigeait vraiment le gouvernement français. Le virage à droite étant d’ores et déjà sous-entendu, il avait ajouté deux appréciations qui ont un grand intérêt pour nous les Espagnols. La première, que les socialistes étaient beaucoup mieux préparés que la droite pour mettre en œuvre le programme néolibéral, car ils auraient en face moins d’opposition syndicale et pourraient toujours utiliser l’épouvantail du retour de la droite au pouvoir pour apaiser sa base sociale et électorale.

La deuxième appréciation était plus subtile : étant donné que les gouvernements – tous les gouvernements – mettent en œuvre des politique particulièrement négatives pour les citoyens, ils ont besoin d’un « supplément idéologique » pour polariser le débat public et souligner les différences. Le supplément idéologique de Sarkozy ayant été « l’identité nationale », celui de Hollande est le « mariage pour tous ». En Espagne il paraît qu’il sera l’avortement.

Pour comprendre ce qui se passe et ce qui nous arrive il est essentiel de bien comprendre le rôle de l’UE dans le discours politique. L’Europe (confondue avec l’UE) est l’instrument, la justification et, finalement, la coercition nécessaire pour faire avancer le néolibéralisme dans tous et chacun des pays européens. Ce qui ne pourrait se faire sans grands conflits sociaux et politiques dans chacun des pays individuels, se fait dans toute l’Union sans nuire gravement à la gouvernance et à la stabilité du système.

Le dispositif européen est extrêmement efficace : il sert d’alibi (l’Europe l’a déjà décidé), de justification (on ne peut pas revenir en arrière dans le processus d’intégration européenne, qui est une bonne chose en soi-même) et de coercition (ne pas respecter les traités est se condamner à sortir de l’euro et de l’UE). La clé : déconnecter la souveraineté populaire des décisions importantes qui affectent les populations. Voici l’autre face du processus d’intégration : de façon consciente et planifiée on cède des parties vitales de la souveraineté de l’État à des instances non démocratiques, structurellement liées aux groupes de pouvoir économique, qui prennent des décisions obligatoires pour les États et les personnes. La Troïka n’est que cela : les directeurs généraux des pouvoirs économiques unifiés derrière l’État allemand.

Avec l’appui des employeurs et des institutions de l’Union, Hollande veut mettre fin à « l’anomalie française ». Ce que cela signifie est clair : mettre fin à un État fort, capable de contrôler le marché, de garantir les droits sociaux et d’assurer la citoyenneté pleine et intégrale. Au centre est la République, ses valeurs, ses institutions et, au-delà, la légitimité du système politique. Hollande fait face à un défi commun à tous les gouvernements de la zone euro : comment faire dans des conditions démocratiques que les populations acceptent la dégradation des services publics, la perte des droits syndicaux et du travail et la baisse substantielle des conditions de vie de la personne ?

D’un autre point de vue, on peut dire que la grande tâche des gouvernements de l’UE et ses institutions est de conspirer systématiquement contre leurs citoyens. Pour atteindre cet objectif il est essentiel d’établir une forte alliance entre le capitalisme monopoliste-financier, les pouvoirs des médias et la classe politique.

Dans ce contexte le rôle de l’Allemagne est une réalité qu’on ne peut pas oublier. On pourrait définir ce rôle comme suit : pour que l’État allemand puisse bâtir une hégémonie solide dans l’UE les autres États devraient devenir « moins États », c’est à dire, il doit y avoir un affaiblissement structurel des États-nations et de leurs instruments de régulation et contrôle. C’est là où apparaît la dimension géopolitique. La France est le seul pays qui est en mesure de s’opposer à la grande Allemagne et diriger les pays du Sud. La France républicaine, rebelle et nationale-populaire est encore la grande réserve spirituelle et matérielle de la démocratie plébéienne. Parler ici de Vichy, comme je l’ai fait tant de fois, est bien pertinent : à nouveau s’établit une alliance des pouvoirs économiques français et de l’État allemand pour mettre en échec le mouvement populaire et républicain qui existe vraiment à gauche. Hollande est au centre de cette alliance. Il ne faut pas s’étonner de sa politique étrangère agressive, de son étroit alignement avec les secteurs les plus durs de l’administration usaméricaine et sa subordination à l’État d’Israël.

Est-il si étrange que dans un contexte caractérisé par la construction de démocraties « limitées et oligarchiques » avec dégradation des conditions de vie et perte radicale des droits, la croissance de l’extrême droite et le populisme nationaliste de Marine Le Pen gagnent du terrain ?

Manolo Monereo Pérez
Source : http://www.cuartopoder.es/tribuna/la-anomalia-francesa-ultimo-obstacul...
Traduit par Manuel Talens pour Tlaxcala
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=11360
»» 
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp++cs_INTERRO++reference=11360

dimanche 26 mai 2013

Plaidoyer - Pour une monnaie commune sans l’Allemagne (ou avec, mais pas à la francfortoise) (Frédéric Lordon)

Nous avons déjà cité ici Frédéric Lordon. Sa dernière mouture présente un grand intérêt, au point que je ne peux manquer d'en faire état ici : c'est dans les Blogs du Monde Diplomatique qu'il a déposé ce réquisitoire contre l'actuel système européen, bloqué par la volonté à long terme de l'Allemagne (et non d'Angela Merkel seule) dans une gestion mécanique et catastrophique pour tous.

Il s'agit bien entendu là d'un extrait seulement, mais la lecture de ce document est hautement instructive, même si personnellement je nourris des idées légèrement différentes sur le remède à apporter à une situation décidément intenable. Écoutons Monsieur Lordon.

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1]) s’accroche maintenant aux hypothèses les plus ténues pour éviter de sombrer corps et âme dans la honte historique. Une vaillante escouade de « responsables du PS français et du SPD allemand » a, par exemple, enfin cerné l’origine du « mal européen » dont elle redoute, à raison, d’avoir à pâtir : c’est « l’alliance néolibérale et conservatrice majoritaire [2] » — comprendre Angela Merkel et David Cameron. Que David Cameron soit premier ministre d’un Etat qui n’appartient pas à la zone euro sera considéré en première approximation comme un enrôlement admissible puisqu’il s’agit de démontrer que, fût-elle sous la bienveillante tutelle de toutes les DC européennes, la monnaie unique aurait le visage progressiste et riant qui résulterait de l’inversion trait pour trait de sa sale gueule austéritaire présente. Bernard Guetta, intellectuel organique de la DC européenne, ne dit pas autre chose et nous montre même la lumière au bout du tunnel : « L’Union européenne n’est pas génétiquement de droite. Elle est conjoncturellement à droite, ce qui n’est pas du tout la même chose car ce que des élections ont fait, d’autres élections peuvent le défaire. Il faut, autrement dit, que cesse la fausse et mortifère identification de l’Europe à ses politiques du moment [3] ».
Tel le radeau de la Méduse, la Droite Complexée (DC, ex-Parti socialiste [

L’Europe constitutionnellement (ordo)libérale… Retour à la table des matières

On va dessiller Bernard Guetta — et ses amis Complexés avec lui — quitte à ce que la lumière au bout du tunnel finisse par lui apparaître comme les phares du train qui arrive en face. En matière économique, l’Union européenne n’a pas de politique, au sens très précis d’une possibilité discrétionnaire d’initiative.

(suite et fin de cet article très étoffé, dans les Blogs du Diplo)

dimanche 19 mai 2013

Réforme du #travail outre-Rhin, vue par #Le_Grand_Soir

Vous avez aimé les dernières réformes françaises concernants l'assassinat du Code du travail : vous allez adorer ce qui risque fort d'être la phase finale, déjà en cours en Allemagne.

Naturellement, selon ceux qui sont censés veiller sur le bonheur de leurs électeurs, tout va bien sauf quelques ajustement en voie de réglement. C'est sans compter sur quelques Allemands très courageux, dont Inge Hannemann. Le Grand Soir nous permet de le découvrir.



Réforme du travail outre-Rhin : Elle met en garde la France !

Elle s’appelle Inge Hannemann. Depuis deux semaines, elle fait les titres des journaux de l’autre côté du Rhin. Elle a travaillé comme conseillère au Pôle emploi allemand de Hambourg de 2005 à début 2013. Elle a été suspendue pour activité politique. En 2006, en constatant les méthodes carrément violentes instiguées en interne, qui constituent de facto des violations des droits fondamentaux à l’égard de ses compatriotes au chômage, elle va, au péril de sa vie, se révolter et refuser de sanctionner des hommes et des femmes, jeunes ou plus âgés.

C’est la nouvelle mère courage qui, parlant le français et passionnée par le pays des droits de l’Homme, veut venir en France rencontrer le syndicat du Pôle emploi, SNU-FSU,pour mettre en garde contre les nouveaux plans sur le chômage en France directement importés du modèle Hartz IV. Depuis 2013, Inge Hannemann, licenciée pour activité politique, est menacée d’être internée en psychiatrie. Angela Merkel et son second couteau, Ursula von der Leyen, de la CDU, qui a été une ministre de la famille au bilan médiocre et qui dirige le ministère du travail aujourd’hui, aurait calé Inge Hannemann dans la lunette de son fusil. Devenant une affaire d’État, le blog d’Inge Hannemann, altonabloggt, et ses divers entretiens dans la presse commence à échauder Berlin. Huit millions de chômeurs en colère, qui pourraient se réveiller et prendre conscience de l’infamie dans laquelle ils sont jetés, inquiètent le pouvoir. De nombreux citoyens allemands enfoncent la tête dans les épaules tant la pression devient trop grande. Mais ils sont de plus en plus nombreux à montrer grâce aux réseaux sociaux leur volonté de révolte. La politique de communication du gouvernement rappelle les heures noires de la fin du Reich ou de la phase de la RDA où il fallait faire croire au succès final.

Pays sous propagande.

Le rapport sur la pauvreté, publié en mars 2013 par Ursula von der Leyen, a été falsifié par le gouvernement. Chaque jour, 100 enfants sont retirés de leur famille par le Jugendamt pour pauvreté ou « difficultés » des parents. Les citoyens et de nombreux retraités sont recyclés dans une fabrique à la frontière polonaise et le gouvernement continue de dire que finalement, tout va bien en Allemagne. Vendredi 3 mai, la CDU a publié un tract sur sa page facebook et affirme que le chômage est en-dessous des 3 millions de demandeurs d’emploi. C’était sans compter avec la liberté du Net, où les internautes sont venus publier leur dégoût et insultes sous la publication. On pouvait notamment y lire : « A nouveau la si chère propagande d’État ! Voulez-vous continuer ainsi jusqu’à la victoire finale de cet État central européen ? ; Cher CDU, êtes-vous tous aveugles dans votre parti ou prenez-vous des drogues ? ; Les fonctionnaires ont réussi à retirer les chômeurs des statistiques ; Celui qui y croit est lui-même responsable. C’est pas possible, si ça continue je vais dans la rue ! ; Qu’est-ce qui se passe donc dans le pays ? Pas un responsable politique pour dire quelque chose ? ; La manière dont le peuple souffre, personne ne veut le voir ! »

Mère courage.

L’action politique de Inge Hannemann est devenue une affaire d’État. Trois avocats et des communicants se chargent de la conseiller. Son objectif est la fin de Hartz IV, un programme mis en place par les socialistes allemands qui appauvrit le pays, disloque les familles et fait régner la peur dans la société. « La Arbeitsagentur produit de la pauvreté et viole les droits fondamentaux. Plusieurs paragraphes de la loi fondamentale sont violés. Je vois la misère, les actes de répression et une grande division de la société se produire ». Par amour pour son peuple, Inge Hannemann ne peut pas accepter de voir plusieurs millions d’Allemands vivre ainsi. Elle sait la nécessité pour son pays d’avoir des enfants. Avec cette politique menée par Berlin, l’avenir du pays est menacé. Trop de parents avec leurs enfants sont déjà menacés de glisser dans la case « esclave ». Inge Hannemann dénonce le travail par intérim car il est financé par le gouvernement. « Les sociétés d’intérim reçoivent durant trois mois de l’argent de la Arbeitsagentur. Le salarié, lui, ne touche pas cet argent. Les gens sont donc embauchés pour trois mois et sont ensuite virés car la boîte d’intérim embauche des nouveaux chômeurs pour toucher les primes. La ministre du travail, Ursula von der Leyen, est assez incompétente. Je dénonce les chiffres sur le chômage annoncés par le gouvernement. Nos médias parlent de trois millions alors que nous avons huit millions de chômeurs en Allemagne ! ».

Et de mentionner l’exemple suivant : « Un jour j’ai eu dans mon bureau un chômeur très malade. Il ne pouvait pas bien entendre et marcher. Il respirait à l’aide d’une machine. Les médecins du Pôle emploi ont déclaré qu’il pouvait travailler tout en restant sur un lit ! ».

Volonté de la faire taire.

Son employeur a tenté à plusieurs reprises de l’envoyer passer une expertise psychologique puis psychiatrique à l’occasion d’un burn-out. Inge Hanneman a refusé de se soumettre car « je sens qu’avec leurs expertises, ils pourraient me déclarer malade mentalement ». Depuis 4 semaines, son ordinateur et son téléphone ne marchent plus correctement. « Mes communications téléphoniques sont subitement interrompues quand je parle aux journalistes. Pendant des heures, je ne peux plus téléphoner. Les mails n’arrivent plus correctement. Ceux qui veulent me contacter reçoivent un message comme quoi mon compte mail est fermé ».

Avertir la France.

Inge Hannemann veut venir en France pour rencontrer ses collègues du Pôle emploi et le syndicat SNU-FSU.« En France, ils ont déjà instauré le système du Hartz IV. Depuis 2005, le Pôle emploi peut sanctionner les chômeurs qui refusent de prendre un emploi proposé par le Pôle emploi ».Le Hartz IV a été instauré par Schröder, du SPD. Il ressemble au système du RSA mais en plus strict, pénalise les chômeurs et permet aux agents du Pôle emploi de décider de la vie des personnes à la recherche d’un emploi. En plus de donner un travail obligatoire aux demandeurs d’emploi, les services du Pôle emploi ont une fonction de police et effectuent des contrôles dans les appartements des chômeurs et en particulier ceux de la catégorie Hartz IV. En outre, ils dénoncent les familles au Jugendamt. « Ils vont sonner chez les gens sans prévenir. Ils mettent un pied à travers la porte et rentrent. Puis ils regardent partout, dans les tiroirs et même dans le linge et dans les sous-vêtements. Tout est passé au crible. Il faut avertir les Français ! ». Elle veut aussi aller aux Pays-Bas pour avertir et dénoncer un système de camp de travail où les droits fondamentaux n’existent plus.

Olivier Renault - La Voix de la Russie

Source : http://french.ruvr.ru/2013_05_13/Reforme-du-travail-outre-Rhin-Elle-met-en-garde-la-France/
* http://french.ruvr.ru/2013_05_13/Reforme-du-travail-outre-Rhin-Elle-me...
 
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dimanche 31 mars 2013

De Weimar... au cauchemar

Vu ce commentaire de Macarel, sur le blog du Yeti : à méditer longuement.

Vous entendez, "là-haut" ?

15. Le 30 mars 2013, 20:44 par Macarel
 Répondre à ce commentaire par Macarel
Angela Merkel en meeting à Leipzig
Petit échange avec Paul Jorion sur son blog, cette après-midi.

A propos de l’analogie de la situation actuelle avec la République de Weimar, il m’a répondu:
La zone euro : 17 républiques de Weimar (sauf l’Italie, espérons que cela la sauvera, elle a déjà beaucoup donné).

Pour l’Italie
Ils n’ont pas de gouvernement de Weimar parce qu’ils n’ont plus la capacité de former un gouvernement : trop d’abstentionnistes et trop de votes de protestation parmi les derniers électeurs qui prennent la peine d’aller voter.

Quoi qu’il en soit 17 Républiques de Weimar à la fois cela fait beaucoup.

17 pays mettant en œuvre en même temps des mesures de déflation compétitive, voilà une excellente recette pour couler tous ensembles, y compris in fine l’Allemagne et ses satellites. Comment 17 pays qui commercent principalement entre eux pourraient-ils simultanément arriver à avoir des excédents commerciaux. Pour l’instant les pays “fourmis” ont accumulé des excédents parce que les pays “cigales” ont accumulé des déficits et des dettes. Ou alors il faudrait que les pays “fourmis” deviennent “cigale” et vice-versa, mais connaissant les tempéraments nationaux de chacun, ce n’est même pas la peine d’y songer.

Mais malgré tout, tout le monde y va en klaxonnant, un tel manque de clairvoyance collectif “forcerait le respect”, si les conséquences présentes et à venir n’étaient pas aussi funestes pour nos sociétés.

Les “jeux olympiques” des politiques d’austérité vont donc continuer, c’est à qui coupera le plus dans les assurances sociales, dans les systèmes de retraite, dans les taxes sur le capital, et les déficits, les dettes continueront à augmenter, sur fond d’explosion du chômage.

Au final, le “pays gagnant” sera celui qui verra le premier accéder à sa tête un parti national-populiste d’extrême-droite.

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Et Macarel nous livre un lien tout-à-fait édifiant vers un billet de Jacques Sapir...

Ne nous leurrons pas : aussi longtemps que nous, pays d'Europe de l'ouest (pour ceux de l'est, c'est encore un autre cas), serons liés par un traité de Lisbonne dont nos citoyens ne veulent pas, tout sera bloqué et catastrophique. Le dénoncer unilatéralement est indispensable, quitte à garder l'euro comme monnaie d'échange, tout en appliquant à son encontre un coefficient de dévaluation (ou réévaluation pour certains) variable interne à chaque pays selon ses spécificités. C'est bien entendu ce que Merkel ne veut surtout pas, mais un gouvernement courageux peut le lui imposer. Malheureusement, et je l'ai dénoncé depuis longtemps, même Mélenchon n'est pas prêt à donner du poing sur la table à ce point. Je ne parle même pas des autres....

mercredi 23 janvier 2013

Le traité franco-allemand, il y a cinquante ans

Le traité franco-allemand, il y a cinquante ans

Le 22 janvier 1963, Konrad Adenauer et Charles de Gaulle signaient un traité qui aurait pu être historique. Celui-ci scellait la coopération des deux côtés du Rhin en vue d'un avenir commun et indépendant d'acteurs "extérieurs". Louable préoccupation.

Malheureusement les politiciens allemands ne l'entendaient pas du tout ainsi. C'est pourquoi ils ont concocté un préambule qui en effaçait TOUS les effets, et qui fut voté juste avant la ratification du traité lui-même. La classe politique allemande, tournée vers les États-Unis d'Amérique plutôt que vers la France, voulait associer la Grande-Bretagne à cette union (C.de Gaulle, prévoyant, ne le voulait surtout pas), elle comptait pour sa Défense sur l'OTAN (récusé en France), et comptait bien adhérer au GATT (un carcan selon le président français).

Aujourd'hui, De Gaulle parti, la France est jusqu'au cou et même plus dans l'OTAN, dont elle a même pris "la direction" (traduisons : c'est elle de son propre chef qui envoie ses mercenaires au casse-pipe).

Concernant la "construction européenne", la Grande-Bretagne et vingt autres pays ont fini par rejoindre le noyau initial composé de l'Allemagne, la France, le BENELUX et l'Italie. Pareil conglomérat de pays aux économies, aux motivations, aux contraintes géographiques complètement différentes, sans guide bien défini, ne peut être que la proie d'un acteur extérieur, les USA. Bien entendu, ce sont ceux-ci, dès 1944, qui avaient commencé à poser des jalons dans ce sens pour se constituer un marché captif colossal. Jean Monnet et Robert Schuman, en "stage" aux States à cette époque-là, en avaient été les agents bien "briefés" et conscients.

Bien entendu, faisant partie désormais de cette pseudo-Europe qui ressemble plus à un amas disparate, notre pays adhère aux traités internationaux d'économie comme le GATT, et puis le GATS que l'on appelle ici l'ACDS, et puis... tout ce qui peut enchaîner les économies, donc les politiques des États du monde. Seul bénéficiaire, les USA.

humour - le monde selon GW Bush
Les États-Unis d'Amérique sont un non-sens, au même titre que cette pseudo-Europe dont nous venons d'esquisser les contours. Deux cents ans après leur constitution, ils sont la somme de cinquante États plus ou moins accolés, aux profils extrêmement divers, aux climats fort différents, séparés par une succession de fuseaux horaires. Leur formation a été l'occasion de violences énormes, au point que subsiste un certain Second Amendement aux conséquences souvent cruelles. Leur "espace vital" a été gagné grâce à l'extermination de cent peuples, de millions de bisons, ce qui n'est guère un signe de civilisation. La partie sud n'est que l'annexion pure et simple, selon plusieurs méthodes, du nord du Mexique. Entre Albuquerque et Boston, le contraste est fondamental, comme entre Valence et Oslo sans doute. Même les langues sont souvent différentes (en particulier entre les quartiers riches et les ghettos de pauvres). La seule unité provient de ce salut au drapeau auquel les écoliers sont contraints chaque jour : c'est maigre.

En raison de ce salut au drapeau, le seul ciment qui peut être apporté est une vision de tout ce qui est extérieur comme une terra incognita hostile, qui doit être domptée coûte que coûte.  C'est pourquoi, à la grande joie des industriels de la chose, ce sous-continent disparate, plus petit que l'Europe, se dote du budget militaire équivalent à presque tous les autres réunis (42%).  D'une agressivité digne du diable de Tasmanie, il mord tout ce qui bouge, et dans sa tête pourrait lui nuire.  L'agressivité militaire qui en découle va de pair avec une agressivité commerciale encore plus accentuée, héritage de la tradition britannique ("nation de boutiquiers", comme disait Napoléon).

C'est pourquoi il existe bel et bien un danger permanent sur cette planète limitée : l'expansionnisme impérial US, à la fois militaire avec ses mille bases, postes, points d'appui, et financier avec à la fois les banques de Downtown Manhattan entourant le NYSE, et la Bourse de Chicago régissant le flux des matières premières. Ces puissants lieux d'échange de capitaux sont les garants de la Fed, cette banque privée des banques privées qui fait mine de poser pour indépendante. A son tour la Fed est le bras droit du gouvernement de Washington. Comme celui-ci n'a guère le droit de s'immiscer dans les les affaires des différents États (les "citoyens américains" y tiennent), il se tourne plus volontiers vers l'extérieur. Le FBI est un organisme puissant, puisqu'il s'occupe de tout crime impliquant plusieurs États, ou les organismes centraux. Mais il est  d'une bien moindre envergure que la NSA, le stéthoscope de la planète avec ses milliers d'antennes de surveillance, et il est suivi de près par la CIA qui se pose en gendarme occulte du monde.

Celle-ci, à force de "fourrer son nez" partout, en est arrivée à susciter des réseaux de terroristes aux différents patronymes. Escadrons de la mort surtout en Amérique centrale et du sud, ils sont aussi regroupés sous la bannière "commerciale" Al Qaida ailleurs. De nombreux témoignages révèlent que ces entreprises occultes seraient financées au moins en partie par la reprise de la culture du pavot en Afghanistan (qui avait été bannie par les Talibans quand ils y étaient au pouvoir). C'est dire combien ce réseau mondial a des relents pestilentiels.

Les protagonistes sont en place. Le conglomérat nommé "USA" veut tout régenter sur la planète, par ambition, par paranoïa aussi. Il craint les BRICS qui ne veulent pas se laisser faire malgré les menaces et les provocations, il pèse de tout son poids commercial et politique, financier aussi, sur une Europe sans tête qui est de fait sous sa coupe. La seule solution serait de claquer la porte de cette pseudo-Europe, pseudopode des pseudo-USA, afin de créer de nouveaux réseaux d'alliances et de nouvelles façons de vivre où la finance n'est pas le moteur principal. C'est le grand défi de ce siècle, qui est déjà "de fureurs, de sang et de larmes". En fait, dès la fin de la guerre de 39-45, c'est De Gaulle qui avait raison en pointant du doigt les USA comme la plus grande menace pour l'avenir. Il ne s'agit pas d'être nationaliste, comme certains partis français, mais de défendre face à un rouleau compresseur "libéral", capitaliste, financier, la vie toute simple des habitants et des populations de notre petite planète. Avant qu'il ne soit trop tard.

dimanche 9 décembre 2012

Jacques Sapir - La paralysie européenne ( Ria Novosti)


La paralysie européenne

Jacques Sapir
09:00 04/12/2012
"Promenades d'un économiste solitaire" par Jacques Sapir*
Le 21 décembre se tiendra le sommet entre la Russie et l’Union Européenne. Cette date, en un sens, ne pouvait être plus mal choisie. En effet, l’UE a subi, avec l’impasse sur la programmation budgétaire pour les années 2014-2020, de l’UE un triple échec : économique, politique et symbolique. Cette impasse, qui au mieux durera jusqu’au début de 2013, vient après les très difficiles négociations sur la question de l’aide à accorder à la Grèce du début de la semaine. Ces dernières n’ont abouti qu’à un accord partiel, largement dépendant de la capacité du pays à racheter sa propre dette. Elle survient aussi après des négociations extrêmement dures quant à la part respective des États au sein du groupe aéronautique EADS et une réduction importante des ambitions de l’Europe spatiale. Ces événements témoignent de l’épuisement définitif de l’Union européenne à incarner « l’idée européenne ».

Un échec économique
L‘échec sur le budget porte en fait sur 1,26% du PIB des différents pays. Pour 2013 ce sont 138 milliards d’euros qui sont prévus. C’est la faiblesse de cette somme qui pose problème. Alors que la zone Euro est en récession, la logique aurait voulu que l’on se mette d’accord pour un budget de relance, en favorisant la demande et en favorisant des politiques de l’offre et de la compétitivité dans certains pays. Ces politiques ont été quantifiées. Elles impliqueraient, rien que pour le rattrapage de compétitivité, que l’on dépense pour les quatre pays d’Europe du Sud (Espagne, Grèce, Italie et Portugal), environ 257 milliards d’euros par an pendant 10 ans. Si l’on veut être cohérent, il faudrait ajouter à cette somme au moins 100 milliards pour financer des grands projets permettant d’harmoniser la compétitivité des autres pays. Cette dépense supplémentaire de 357 milliards par an, pour un budget d’environ 138 milliards est importante. Elle impliquerait que le budget passe de 1,26% à 4,5%. C’est exactement le contraire qui s’est produit. On voit bien que chaque pays tire à hue et à soi, étant soumis aux règles de l’austérité budgétaire, par ailleurs institutionnalisées par le dernier traité de l’UE, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes ! Les égoïsmes se révèlent de toute part.

Le problème est en fait plus compliqué. Les 138 milliards prévus pour le budget 2013 donnent lieu à des retours, plus ou moins importants, pour tous les pays de l’UE. Mais, sur les 357 milliards qu’il faudrait dépenser en plus, 257 milliards sont des transferts nets à destination des quatre pays du Sud déjà évoqués. L’Allemagne devrait à elle seule contribuer à hauteur de 8,5% et 9% de son PIB par an en transferts nets. Sur une période de dix ans cela aboutit à 3570 milliards d’euros de budget total. Quand on parle du « fédéralisme européen », c’est de cela dont on parle en réalité, car sans transferts importants point de fédéralisme.

Notons que les dirigeants européens n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une somme de 978 milliards d’euros sur 7 ans (2014-2020) alors que sur la même période c’est 2499 milliards en plus qu’ils auraient dû financer. On mesure l’immensité de la tâche, et son impossibilité dans les circonstances actuelles. La réalité de l’UE est bien l’absence totale de solidarité en son sein, même et y compris quand cette solidarité serait de l’intérêt de tous. Ce que révèle cette situation c’est qu’il n’y a pas de « chose publique» (res publica) dans l’Union Européenne.

Cet échec est révélateur de l’épuisement de l’idée européenne.

Un échec politique
L’échec est ensuite politique et il a été mis en lumière lors du Conseil Européen de la nuit du 22 au 23 novembre. On a parlé d’une « alliance » entre la chancelière allemande, Mme Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron, qui aurait abouti à l’isolement de la France. Mais cette « alliance » est en réalité purement conjoncturelle. La Grande-Bretagne poursuit son vieil objectif de réduire l’UE à un espace de libre-échange et à un cadre réglementaire le plus léger possible. L’Allemagne, pour sa part, rejointe sur ce point par des pays comme la Finlande, les Pays-Bas et l’Autriche, s’oppose absolument à ce que les transferts prennent plus d’importance. On sait l’opposition absolue des dirigeants allemands, tous partis confondus, à des transferts massifs, en particulier au sein de la zone Euro. Cela n’implique pas qu’elle partage les vues de la Grande-Bretagne quant à la philosophie de l’UE. Les dirigeants allemands comprennent que cette dernière doit être autre chose qu’une simple zone de libre-échange. Mais, leurs intérêts se rejoignent avec les Britanniques pour s’opposer à l’engagement de sommes supplémentaires, dans la mesure où ils comprennent parfaitement qu’ils seraient, par nécessité, les principaux contributeurs. C’est sur cette alliance que s’est cassée la position française.

L’Allemagne souhaite par dessus tout le statu-quo (qui lui permet de réaliser ses énormes excédents commerciaux au détriment des autres pays de la zone Euro) (1). Mais, elle n’est pas prête à aller au-delà d’une contribution annuelle d’environ 2% de son PIB (soit environ 50 milliards d’Euros). Si l’on met l’Allemagne au défi de payer les sommes évoquées plus haut, soit 8% à 9% de son PIB afin de rendre viable la zone Euro, elle préfèrera la fin de la zone Euro. Là ou nos dirigeant voient le début d’un processus, qui pourrait être étendu, il y a en réalité un engagement strictement limité de l’Allemagne.

Un échec symbolique
Les échecs tant économiques que politiques de la semaine passée sont, bien entendu, révélateurs d’un échec symbolique majeur. Aujourd’hui, qui croit encore en l’Union Européenne ?

Jamais en fait l’Euroscepticisme ne s’est aussi bien porté, non seulement en Grande-Bretagne, mais aussi en France et même en Allemagne. C’est la crédibilité générale de l’UE qui est en cause, et l’on voit bien ici que les stratégies discursives utilisées par les européistes seront de moins en moins efficaces. Ces stratégies reposent sur une délégitimation des opinions négatives, qui sont associées à des catégories dites « peu éduquées » et par cela incapables de comprendre ce qu’apporte l’UE et sur une explication de ces résultats par les simples difficultés matérielles engendrées par la crise. Sur le premier point, il y aurait beaucoup à dire. On voit immédiatement la parenté entre cet argument et les arguments du XIXe siècle en faveur du vote censitaire. Le second argument contient une parcelle de vérité. Il est clair que l’impact de la crise a modifié les préférences des individus. Mais cet argument se retourne contre ses auteurs : pourquoi l’UE a-t-elle été incapable de protéger les personnes des effets de la crise ?

L’UE, par sa politique actuelle nourrit en fait le retour des haines recuites, que ce soit entre pays (Grèce et Allemagne, mais aussi Portugal ou Espagne et Allemagne) ou à l’intérieur de ceux-ci (Espagne, avec le Pays Basque et la Catalogne et Belgique).

Si les échecs économiques et politiques montrent que l’UE est à bout de souffle, l’échec symbolique, illustré dans les derniers sondages, ouvre la voie à des radicalisations des opinions publiques à relativement court terme.

Tirer les leçons de l’épuisement d’un projet européen
On voit bien que certains pays hors du cadre de l’UE ont un intérêt à l’existence d’une Europe forte et prospère. Le cas de la Russie et de la Chine saute aux yeux. La Russie, de plus, est elle aussi un pays européen, même si elle n’est pas uniquement européenne. Il est donc possible de penser un projet européen intégrant toute l’Europe, y compris les pays qui aujourd’hui ne sont pas membres de l’UE et n’aspirent pas à le devenir. Mais à la condition de faire des nations européennes, ces « vieilles nations » qui restent aujourd’hui le cadre privilégié de la démocratie, la base de ce projet. Ce projet devra être construit autour d’initiatives industrielles, scientifiques et culturelles dont le noyau initial pourra être variable, mais qui exigent pour exister que soient remises en cause un certain nombre de normes et des règlements de l’UE. Plus que tout, il faudra procéder à une dissolution de l’Euro. Cette dissolution, si elle est concertée par tous les pays membres de la zone Euro sera en elle-même un acte européen, et pourra donner immédiatement lieu à des mécanismes de concertation et de coordination qui feront en sorte que les parités de change des monnaies nationales retrouvées ne fluctuent pas de manière erratique mais en fonction des paramètres fondamentaux des économies.


(1) Patrick Artus, La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui, FLASH Économie, NATIXIS, n°508, 17 juillet 2012

L’opinion exprimee dans cet article ne coïncide pas forcement avec la position de la redaction, l'auteur étant extérieur à RIA Novosti. 

*Jacques Sapir est un économiste français, il enseigne à l'EHESS-Paris et au Collège d'économie de Moscou (MSE-MGU). Spécialiste des problèmes de la transition en Russie, il est aussi un expert reconnu des problèmes financiers et commerciaux internationaux.
Il est l'auteur de nombreux livres dont le plus récent est La Démondialisation (Paris, Le Seuil, 2011).