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samedi 23 novembre 2013

Miko Tsukamoto témoigne de la tragédie de Fukushima (témoignage reçu grâce au Blog de Fukushima)

transport du premier container
A Fukushima, rien n'est résolu encore. Seul progrès, un premier container de 22 assemblages de combustible neuf a pu être extrait du réacteur N°4. Celui-ci en contient 1511, dont 1100 environ sont de produit usé, donc très dangereux et très radioactif. Si tout va bien, ce transfert dans une piscine de longue durée prendra plus d'un an. Mais personne n'en parle plus, ni des fuites qui surgissent de partout, ni des risques d'effondrement en cas d'un nouveau séisme d'importance. Tout le Japon est concerné par les retombées, en particulier des cendres de déchets : car les autorités, ces malheureuses, continuent à incinérer sans vraies précautions ces déchets dont elles ne savent que faire, et les vents font le reste, polluant la nourriture, pénétrant dans les poumons. Quant aux déchets incinérés mais toujours un peu radioactifs, ils sont incorporés dans des dalles de ciment, dans les routes... Vous étiez au courant ?

En quelque sorte, le Monde a déjà passé le Japon entier pour profits et pertes. Une pensée pour ceux que nous connaissons, et qui vivent désormais là-bas depuis des années. Et bien entendue la pensée envers tous les autres, ceux que nous ne connaissons pas, ne doit pas quitter notre esprit.

Japon = Titanic : mais , ô horreur, les humains vont assister petit à petit à un navire qui sombre pendant que les officiers de bord, mais aussi tous les autres capitaines, ne font rien. Il y a peut-être une raison à ce cynisme : s'agissant d'un pays doté d'une telle population, ils ont déjà considéré qu'ils ne pouvaient rien faire. Ce n'est pas vrai bien sûr : évacuer tous les enfants, au moins, serait encore possible. Je suis persuadé que bien des personnes seraient prêtes à les accueillir. Mais une évacuation de dix ou vingt millions d'enfants coûte cher, et les chefs d'États ne veulent pas payer. Alors on ne dit rien, et une belle civilisation, très délicate, va disparaître. Dans cinquante ans, il n'y aura plus de Japon.

Et pendant ce temps-là, une autre centrale aura fait des siennes : peut-être en France, qui sait ! Et probablement l'une de celles qui existent actuellement.

Tout cela est vrai. Le cynisme ou la résignation prédominent. Pourtant quelques-uns ou quelques-unes se battent toujours. Voici un témoignage, recueilli et transmis grâce au Blog de Fukushima. Il est dur !


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19 novembre 2013
Miko Tsukamoto témoigne de la tragédie de Fukushima
Miko Tsukamoto vivait dans la ville d'Iwaki, à 42 km de la centrale de Fukushima Daiichi, avec son mari et ses deux enfants. Après avoir longtemps hésité, elle a décidé de déménager avec sa famille à KitaKyusyu, dans la préfecture de Fukuoka. Elle est depuis très engagée dans une association qui tente d'enseigner aux résidents les notions élémentaires pour se protéger de la radioactivité.
Dans une vidéo mise en ligne à la fin du mois d'octobre, elle dénonce les informations erronées diffusées par les autorités et par les médias. Elle témoigne surtout de son ignorance passée et de la nécessité de s'informer et d'agir pour protéger ses enfants.
Des informations officielles erronées

Depuis le début de la catastrophe qui a affecté la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, les autorités japonaises n'ont eu de cesse de minimiser les répercussions pour les populations, en faisant croire que la vie en territoire contaminée était possible. Les réfugiés qui ont du fuir la zone d'exclusion sont d'ailleurs maintenus dans l'illusion d'un retour prochain, empêchant la plupart d'entre eux de reconstruire une vie ou du moins un foyer digne de ce nom. Pour ceux qui vivent dans les zones les plus contaminées, aucune compensation financière n'est prévue et le Fukushima Collective Evacuation Trial n'a toujours pas réussi à obtenir justice devant les tribunaux japonais.
Relevé de radioactivité dans un parc de Fukushima : la mesure officielle indique 0,186 μSv/h alors que le Radex enregistre 0,49 μSv/h.

Dans ce contexte, il est toujours extrêmement difficile pour ceux qui souhaitent se protéger d'obtenir des informations fiables. Les mesures de radioactivité officielles sont régulièrement suspectées d'être minimisées pour rassurer artificiellement la population.

La semaine dernière encore, une jeune maman postait un article sur le site Internet de l'association World Network For Saving Children From Radiation pour dénoncer les écarts entre les mesures de radioactivité officielles et ses propres mesures dans les parcs de la ville de Fukushima.
La connaissance comme seul moyen de protéger ses enfants

Face à ce constat, de nombreux citoyens japonais se sont organisés pour procéder à leurs propres mesures de radioactivité, comme par exemple pour analyser la nourriture au sein de laboratoires citoyens. D'autres se regroupent en associations pour apprendre et aider leurs concitoyens à trouver les informations nécessaires pour se protéger efficacement. Face à la perte de légitimité d'une grande partie des autorités politiques, mais aussi médicales (rappelons que le Professeur Shunichi Yamashita, président de l'Association Japonaise de la Thyroïde et Conseiller de la préfecture de Fukushima pour les risques radioactifs, considère que les gens qui sourient sont moins affectés par les radiations), les citoyens japonais n'ont d'autres ressources que d'apprendre par eux-mêmes.

L'artiste japonais 281_Anti nuke dénonce aussi le mensonge officiel qui entoure la tragédie de Fukushima.
C'est toute la force du témoignage de Miko Tsukamoto, qui vient rappeler la difficulté pour les personnes qui vivent au Japon de trouver des informations fiables. Elle témoigne aussi et surtout de la difficulté de résister à la pression sociale pour faire entendre une voie différente et affirmer ses propres positions face au discours ambiant. Dans l'introduction de son témoignage, Miko Tsukamoto précise qu'elle n'a pas pu tout dire, car la vérité est tellement dure que certains refuseraient de la croire. C'est ce qu'elle nomme "la tragédie de Fukushima" : la réalité est tellement insupportable qu'il n'est pas possible de la dire entièrement...
Vidéo du témoignage de Miko Tsukamoto

La vidéo est en japonais, sous-titrée en anglais. La traduction française se trouve sous la vidéo.

Le témoignage de Mme Tsukamoto est accompagné d'un texte introductif :
"J'essaie de me limiter à décrire ce que j'ai vu ou vécu personnellement, ou à ce dont j'ai parlé avec une autre personne. Donc c'est assez limité.

Honnêtement, je pourrais parler indéfiniment des problèmes de santé qui ont nécessité un traitement médical. Par exemple, je pourrais parler du cousin d'une connaissance qui a eu un bébé plusieurs mois après le séisme - ce bébé est né avec un trou dans le cœur. Ou d'une connaissance, de ma sœur et de son mari, et d'un autre parent qui ont tous eu un cancer et ont dû subir une intervention chirurgicale. Et il y a eu près de 20 «Nii-bon» l'année dernière [service célébrant les morts de l'année précédente].

Il y aurait de nombreux cas similaires à partager, mais je les omets à dessein - sinon les gens me traiteront comme si j'étais "mentalement affectée" par les radiations. Je ne peux pas en parler, même si je le voulais. C'est la tragédie de Fukushima."

Miko Tsukamoto
Réseau pour la protection des enfants du Kitakyu




Témoignage de Miko Tsukamoto, évacuée de la ville d'Iwaki
"J'ai évacué volontairement de ma ville natale d'Iwaki pour la ville de Kitakyushu en janvier dernier, à cause de la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima du 11 mars. Aujourd'hui, je voudrais parler de ce que j'ai vu, vécu et ressenti pendant les 9 mois avant mon déménagement à Kitakyushu, ainsi que de ma situation actuelle.

Je vivais dans la ville d'Iwaki, à 42 km de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Je donnais des leçons de piano et mon mari travaillait comme employé municipal. Avec nos 2 enfants et mes étudiants, nous vivions heureux. Après le 11 mars, notre vie a complètement changé .

La partie nord d'Iwaki était dans la zone des 30 kilomètres, mais le maire a créé l'expression de "rumeur nocive", et la zone d'exclusion a été étendue à notre secteur. Le niveau de rayonnement, qui était de 0,05 microsieverts par heure avant l'accident, est passé à 23 microsieverts. C'est 460 fois [le niveau normal].

Le Professeur Shunichi Yamashita de l'Université de Nagasaki a lancé une campagne de masse indiquant qu'un niveau de 100 millisieverts [par an] était sûr, et cela a été largement accepté par la télévision, les journaux, la radio, les écoles et les conférences. À l'époque, les écoles ont jugé que les activités de plein air étaient sûres, même si le niveau de radioactivité était de 0,5 microsieverts, 10 fois la valeur normale.

Comme 100 millisieverts étaient considérés comme "sûrs", les repas des écoles ont d'abord été préparés à partir de produits locaux (1 mois après l'accident). Nous avons travaillé dur pour recueillir des signatures pour annuler immédiatement la règle de la "production locale pour une consommation locale". Il a fallu attendre le deuxième semestre universitaire cependant pour que la commission scolaire reconnaisse la liberté de refuser les repas scolaires. En d'autres termes, ceux qui ont fait confiance au "principe de sécurité" ont continué à laisser leurs enfants manger les repas scolaires. Il était inutile d'essayer de discuter avec l'école ou les enseignants.

Le niveau de radioactivité extérieur n'est pas cohérent. A dix centimètres de distance, il peut varier de 2-3 microsieverts à 5 microsieverts, ce qui représente 46 fois à 100 fois le niveau de tous les jours. Ce que je n'arrivais pas à comprendre, c'est le fait que les employés municipaux et les enseignants n'ont rien fait pour protéger les enfants contre l'exposition à la radioactivité.

Maintenant, parlons du moment où la centrale nucléaire a explosé. Notre maison n'a subi que des dommages minimes du tremblement de terre du 11 mars. Mais nous n'avions plus d'eau courante dans Iwaki pendant 20 jours. Mes enfants et moi avons fait la queue pendant deux heures le lendemain pour obtenir notre approvisionnement d'eau au camion de distribution.

La première explosion a eu lieu le 12 mars. Les données que nous avons vues plus tard indiquaient 23 microsieverts, 460 fois le niveau normal. Il n'y a eu aucune annonce publique locale pour nous prévenir de rester à l'intérieur, et nous sommes restés dehors pendant 2 heures entières, ignorant l'explosion.

On nous a dit que le Japon était sûr, mais les tests sanguins ont montré que mes deux enfants et moi avons des problèmes de thyroïde, et mon fils a une pustule de 5 millimètres. De nouvelles études disent maintenant que le cancer de la thyroïde est une maladie liée au mode de vie. Si nous développons un cancer, je suspecte que l'on va nous dire que c'est à cause d'une négligence et que le gouvernement refusera d'admettre tout lien avec l'exposition à la radioactivité.

Je voulais que mes enfants aient une anthropogammamétrie [analyse de la radioactivité du corps permettant de déduire la contamination interne, aussi appelée whole body counter] immédiatement après l'explosion. Mais je n'ai pas pu trouver une seule installation qui nous admette. Certaines personnes sont allées aussi loin que Tokyo pour se faire examiner, mais n'ont pas pu obtenir leurs propres données. J'ai appelé plusieurs endroits pour vérifier, mais aucun d'eux ne fournissait les données. J'ai donc fait une enquête au sujet des tests sanguins pour vérifier l'état de la thyroïde, et j'ai été choquée d'entendre qu'il n'y aurait pas d'examens de la thyroïde en masse à Iwaki. J'ai demandé à la préfecture de Fukushima comment je pourrais obtenir des preuves sur l'endroit où nous avons été exposés aux rayonnements, et on m'a dit que "il n'y a aucun moyen".

Mon mari est employé municipal. Il a dit que s'il y avait quelque chose à savoir, il aurait un accès immédiat à ces informations. Mais personne ne nous a informé de l'explosion et mes deux enfants et moi avons été exposés à la radioactivité alors que nous étions à l'extérieur. Mon mari a traité un flot d'appels téléphoniques, même s'il n'a nulle connaissance de la radioactivité, et il a pratiquement mémorisé le contenu des documents distribués par le gouvernement.

Cinq mois après l'accident, le niveau de radioactivité annoncé par la municipalité d'Iwaki était de 0,12μSv par heure. Mais quand j'ai emprunté un compteur Geiger de l'hôtel de ville, je me suis rendu compte que c'était en fait entre 0,24 et 22,14μSv par heure. Des bénévoles ont inspecté les arbres taillés et le sol, et le niveau de radioactivité était de 20 000 Bq / kg. Après avoir vu ces chiffres de radioactivité, mon mari et moi avons tous deux convenu que le gouvernement n'allait pas pour nous protéger.

Par exemple, l'eau du robinet est "ND" [non détectable] selon le site officiel de la ville d'Iwaki. J'ai donc demandé des données sur les radionucléides tels que le strontium et le plutonium, mais on m'a refusé l'accès à ces informations détaillées sur le motif que cela pourrait "perturber les résidents". Au lieu de cela, ils nous ont donné un document expliquant que l'iode et le césium n'étaient "pas dangereux". Cela m'a rendu furieuse parce qu'ils profitaient de notre manque de connaissance.

Ma décision d'évacuer a moins à voir avec la peur des radiations qu'avec l'attitude du gouvernement et des écoles, les mesures de radioactivité que nous avons vu de nos propres yeux, et les problèmes de santé dont ma famille a commencé à souffrir : diarrhée tous les jours, saignements de nez, aphtes, excroissances anormales à l'intérieur du nez... Ce sont les symptômes que ma famille et mes amis ont commencé à ressentir après l'explosion de la centrale nucléaire. J'ai réalisé beaucoup plus tard qu'il y a des problèmes de santé autres que le cancer qui peuvent être causés par la radioactivité.

Ce que l’État annonce est différent de la réalité. L’État espère évidemment que les gens n'accepteront aucune violation de la loi, tandis que les employés publics ne font que suivre les ordres d'en haut. Le système d'information publique vise à nous tromper avec des informations déformées - rien n'est divulgué et rien n'est mis sous forme écrite, le tout pour gagner du temps.

Les écoles ne protègent pas leurs élèves, nos enfants. Ils sont impitoyables envers les parents et les tuteurs qui sont préoccupés par cette radioactivité. Si je fais un panier repas pour protéger mes enfants de l'exposition à la radioactivité, ils sont victimes d'intimidation par d'autres camarades de classe. Même lorsqu'il y a eu violence physique, l'école n'a rien fait pour réprimander les intimidateurs et leurs parents, mais a préféré m'appeler pour m'"apprendre" à ne pas réagir de façon excessive à la radioactivité.

J'ai décidé d'évacuer quand ma fille a développé une phobie scolaire. J'ai essayé de chercher des solutions pour continuer à vivre à Iwaki et j'ai envoyé de nombreuses lettres de demande au gouvernement, mais je n'ai obtenu que des réponses évasives. J'ai essayé de convaincre mes parents âgés d'évacuer, mais ils ne voulaient pas quitter leur ville natale. Mon mari pensait que c'était suffisamment sûr. Ma belle-mère refusait que nous évacuions et disait que je "dépassais les bornes". Je me suis battue contre le gouvernement, j'étais en détresse, et quand mes parents m'ont dit de considérer le bien-être des enfants d'abord, j'ai choisi d'évacuer à Kitakyushu, en laissant mon mari et mes parents âgés à Fukushima.

Comme je vous l'ai dit, ce que disent les médias et les faits sont 2 choses tout à fait différentes. L'autre jour, un rapport intermédiaire sur l'élimination des déchets industriels a été rendu public. Il déclare qu'une entreprise de Fukushima a accepté la boue et la poussière contaminée de Fukushima, Ibaraki, Yamagata et même Kanagawa. Cette société a commencé à fonctionner avant que la ville de Kitakyushu accepte de recevoir des débris, et continue de le faire maintenant. Il y a un tollé concernant l'acceptation des débris, et pourtant les substances radioactives sont incinérées sans rechigner, même s'il n'y a pas de filtre à particules fines installé.

Les médias sont préoccupés par les polluants atmosphériques PM2,5 [particules fines de moins de 2,5 micromètres de diamètre] en provenance de Chine, mais est-ce vraiment vrai ? Les usines de traitement des déchets industriels et les usines de ciment de Kitakyushu recyclent la cendre de charbon de Fukushima. Selon un document officiel de Kitakyushu, la pollution en PM2,5 a été multipliée par plus de 230 fois en avril de l'année dernière, et le niveau a souvent dépassé 100 fois durant les autres mois. Il ne fait aucun doute que la pollution provient du Kyushu ; en d'autres termes, c'est "domestique".

Ce qui est arrivé aux habitants de Fukushima va bientôt affecter tous les Japonais. Je pense que ça va commencer à cause de l'air que nous respirons et de la nourriture que nous mangeons. L'autre jour, il y avait un article dans un magazine d'information local "Donna Mamma" avec les déclarations faites par des professeurs et conférenciers d'université ainsi que par des agents administratifs qui soutiennent que le niveau de radioactivité n'est pas une menace. L'affirmation selon laquelle le niveau de radioactivité n'est pas dangereux est complètement répandue au Japon.

Alors que certains disent que la radioactivité s'est "dispersée" et que nous sommes maintenant en sécurité, les gens sont en fait en train de mourir à Fukushima. Le lendemain de la mort de mon cousin, le mari de mon amie est décédé. Je ne dis pas que tout est causé par les radiations... Mais il y a l'exemple de Tchernobyl...

L’État refuse de l'admettre. Mais nous avons le "droit de choisir" - à partir de ce que nous entendons et voyons, et en examinant les deux arguments selon lesquels la radioactivité est dangereuse ou pas.

Je n'étais pas au courant des dangers des centrales nucléaires, et c'est la raison pour laquelle je me trouve dans la situation actuelle. J'étais ignorante du fait que la radioctivité ne disparaît pas simplement et je tentais de décontaminer l'avant de ma maison - tout en inhalant de l'air contaminé.

Il y a des gens qui vivent à Fukushima, en ce moment. Ils disent tous :
"Nous sommes des cobayes après tout, et si nous essayons d'évacuer nous ne serons pas en mesure de gagner notre vie car il n'y a pas de compensation du gouvernement."
"Je ne veux pas perdre mon style de vie."
"Si l’État dit que c'est sans danger, alors c'est sûr."
" Beaucoup de gens sont en train de mourir , hein ?"
" Il n'y a rien que nous puissions faire, c'est inutile, alors pourquoi s'embêter ?"
"Je ferais mieux de me concentrer sur des choses positives."
Et ils continuent leur décontamination, mais les eaux usées contaminées se transforment en boue et en cendres d'incinération, qui à leur tour produisent des déchets hautement radioactifs. Les gens refusent de faire face au fait qu'ils finiront par revenir les hanter
.

La décontamination est inutile. Je l'ai essayée moi-même et je le sais. Le niveau diminue de 0,5 à 0,2, puis revient à 0,5 deux semaines plus tard. C'est la réalité. Où vont ces énormes quantités de sols pollués après la décontamination ? Si l’État voulait gérer de façon responsable les déchets, ils les auraient fait prendre en main par des entreprises d'élimination des déchets industriels ... mais là encore, ils seront recyclés en ciment, en poteries et en boues, et finiront par nous revenir.

C'est important pour nous de nous reposer et de récupérer, mais cela n'aidera personne de manière fondamentale. Je crois que la seule façon de nous en sortir est de mesurer les niveaux de radioactivité et de divulguer les faits, ce qui garantit une compensation suffisante, et ensuite permettre aux résidents de Fukushima de prendre leurs propres décisions.

Ne dispersez pas la radioactivité, mais contenez-là à l'intérieur de Fukushima. Le tombeau de mes ancêtres est à 2 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. S'il vous plaît, laissez les déchets radioactifs là-bas. Il y a beaucoup de résidents de Fukushima qui pensent ainsi, bien qu'ils y aient des tombes d'ancêtres, des maisons ou de grandes propriétés terriennes. Mais ils sont ignorés.

En mars de cette année, je suis allé au village de Samekawa dans la préfecture de Fukushima pour arrêter la construction d'une installation expérimentale d'incinération de paille de riz, dans laquelle on a mesuré un niveau de radiation de 8 000 bq[/kq]. Une conférence de presse était prévue et tout ce que nous avions à faire était de soumettre certains papiers, mais au dernier moment, un individu qui était ostensiblement contre la construction est intervenu et nous a empêché de continuer. Un opposant s'est avéré être un partisan. C'est la réalité que j'ai vécue.

Même pendant la campagne contre l'acceptation de débris contaminés à Kitakyushu, il était convenable de s'inscrire à la manifestation, mais pas de soutenir la conclusion de l'accord sur la prévention de la pollution.

J'avais entendu dire que notre dernier espoir était une réclamation de la coopérative de pêche de Kitakyushu, mais quand nous avons demandé à voir le document officiel, j'ai découvert que la coopérative n'avait pas présenté de réclamation. Ou plutôt, la «réclamation » n'a pas été faite en termes clairs. Les manifestants se réunissaient dans le village de tente après que l'incinération des débris contaminés ait commencé, et pendant ce temps, je me rendais auprès d'un certain nombre d'associations de pêche pour leur demander de déposer une "réclamation", mais seulement 2 ont accepté de me rencontrer, et aucune d'entre elles n'a fait de réclamation.

Si seulement une seule association avait déposé une réclamation, ou si seulement 2 résidents vivant à proximité de l'incinérateur avait fait une demande d'accord sur la prévention de la pollution... Il y avait tellement de pression pour empêcher les gens de prendre de telles mesures, et moi, évacuée de Fukushima, je me sentais en situation d'échec. Après avoir vu la réalité de cette prétendue campagne de "protestation", j'ai perdu tout espoir que Fukushima ne soit jamais "sauvée".

Tout comme le mensonge éhonté qu'un filtre à particules fines peut éliminer pratiquement 100% du césium, je pense que [le gouvernement] va installer un filtre HEPA et déclarer que Fukushima est sûr, puis construire des usines d'incinération à 8 000 bq[/kg - taux de radioactivité dans les cendres d'incinération] à travers le Japon et des centrales biomasses utilisant le bois de Fukushima.

L’État a beaucoup d'argent pour empêcher les gens de poser des questions en manipulant les médias, créer une certaine «humeur» dans le pays en publiant de fausses informations, et soutenir des campagnes pour convaincre ceux qui ne sont d'accord, et "encore une fois, nous nous retrouvons sans le savoir par n'être qu'une partie du troupeau".

Ce que je crois être un véritable lien ne peut être fait en suivant aveuglément les paroles de ceux qui sont "au sommet". Au contraire, il s'agit de nous apprendre les uns aux autres ce que nous ne savons pas, en partageant l'information et en continuant d'apprendre, puis en passant cette connaissance à ceux qui nous entourent. Avec plus de courage, nous pouvons informer les associations de pêcheurs et les personnes résidant à proximité des installations d'élimination des déchets, des incinérateurs de déchets industriels et des cimenteries - établissements que l’État va tenter d'influencer et de contrôler.

De la même façon que la ville de Kitakyushu a organisé des "rencontres explicatives pour une personne" pour le président de l'association des résidents quand ils ont décidé d'accepter les débris, nous avons besoin de "sessions d'étude pour une personne" pour les résidents locaux, car c'est la seule façon de protéger nos enfants.

J'ai été trompée par les médias et cela a permis que mes enfants soient exposés aux radiations. Parce que j'étais ignorante et que je n'avais que des connaissances superficielles, je ne pouvais pas protéger mes enfants, malgré que nous ayons évacué. La seule chose que je peux faire, c'est dire aux autres ce que j'ai vécu. J'espère que cela vous aidera à faire les bons choix. Si cela est possible, apprenez et partagez avec les autres.

Ne vous trompez pas sur les faits. Les faits deviendront évidents si vous avez le courage et prenez l'initiative de penser et d'agir par vous-même.

Notre dernier espoir se trouve dans la municipalité locale. Nous devons commencer par "l'éducation de résidents", puis la formation des enseignants et des employés municipaux par des résidents informés. C'est le seul choix que nous ayons. J'ai appris de première main qu'il n'y a aucun moyen de protéger mes enfants tant que je n'agis pas, quel que soit le fardeau que cela puisse représenter.

Peu importe ce que cela me coûte de prendre soin de mes enfants, j'espère continuer à faire du mieux possible."

Ce texte a été traduit depuis sa version rédigée en anglais. Il s'agit donc de la traduction d'une traduction, ce qui peut entraîner de légers écarts avec l'original.

Vous pouvez retrouver la version écrite en japonais ici et la version écrite en anglais ici.

vendredi 18 octobre 2013

Takashi Hirose : « J’appelle ce pays une nation criminelle » (le Blog de Fukushima)

De notre ami Pierre Fetet, un grand cri, traduction d'un journaliste japonais. Qui, à part fort peu de personnes, pense encore à Fukushima ? Pourtant rien n'y est réglé. Chaque jour ou presque, la NHK (en anglais), pourtant peu sensible à cet état de fait, relate de nouveaux évènements, de nouvelles pollutions. La Terre entière est concernée, puisque jour après jour depuis le premier jour de la catastrophe de l'eau contaminée se déverse dans l'océan Pacifique. Le typhon qui a balayé le Japon il y a quelques jour, particulièrement violent, a donc lessivé les abords de la centrale, et quelqu'un a découvert dans les environs de la centrale un canal aboutissant à la mer plein d'eau radioactive. A 150 mètres de la mer le taux mesuré est de 1400 becquerels par litre. Très au-dessus de la norme européenne plutôt laxiste de 300 Bq/l. Mais les eaux souterraines se jetant dans l'océan à raison de 300 litres par jour (découverte récente) après avoir baigné les fondations de la centrale sont bien plus actives, et ce depuis l'accident initial du 11 mars 2011.

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18 octobre 2013
Paroles de Takashi Hirose, journaliste et ancien ingénieur, dans le film documentaire AU-DELA DU NUAGE °Yonaoshi 3.11 霧の向こう de Keïko Courdy (2013).
Takashi Hirose : « J’appelle ce pays une nation criminelle »
« Les gens ont reçu un choc avec l’accident.
Puis petit à petit, tout le monde a commencé à avoir peur.
Mais c’était une bonne chose, une bonne peur.
Ils ont compris que l’on ne pouvait plus faire confiance.
Malheureusement, l’homme est entouré chaque jour de milliers d’informations.
Cela lui fait oublier les plus terribles évènements.
On vit cette situation aujourd’hui.

En ce moment-même, sous Fukushima, de la matière radioactive est en train de s’échapper.
Elle va dans les sous-sols, dans la mer, puis elle ressort sans l’atmosphère.
Ce genre de chose n’apparaît pas dans les nouvelles.
Alors tout le monde l’oublie.
Si cela apparaissait tous les jours aux informations, les Japonais ne pourraient pas l’ignorer.
Mais on passe toute sorte d’autres choses.
Je pense que la plus grande faute revient aux médias.
Ils ont construit cette situation.
Rien n’a changé depuis l’accident.
Les accidents se produisent parce que les médias ne prennent pas le problème au sérieux.
Et même après l’accident, s’ils en parlaient un peu au début, maintenant ils n’en parlent qu’au compte-goutte.

Le problème de la contamination, c’est que l’on ne peut que la mesurer, dans les choses, dans la terre, dans le sol.
Beaucoup de monde aujourd’hui possède un compteur Geiger, mais cela ne mesure que ce qui circule dans l’air, cela ne mesure que les rayons gamma.
En fait, lorsqu’on recherche la composition de la radioactivité sortie des réacteurs et sa dispersion, on ne trouve pas tout.
L’intérieur des réacteurs faisait presque 5000 degrés.
C’était une température plus que monumentale.
Et l’uranium et le plutonium sont sortis sous forme de gaz.
Je peux trouver cela d’après mes calculs, mais cela ne ressort pas dans les compteurs Geiger, tout comme les rayons alpha ou bêta.

Personne ne mesure non plus le strontium.
Le strontium est le plus effrayant.
Il se fixe dans les os et provoque des leucémies.
C’est particulièrement dangereux pour les enfants en pleine croissance qui sont exposés aujourd’hui.
Pour les enfants qui habitent dans des lieux contaminés comme Fukushima, il faut organiser immédiatement une évacuation.
Mais quand on n’a pas d’argent, on ne peut pas fuir.
Même si les gens de Fukushima voulaient fuir, ils ne le pourraient pas pour des raisons économiques.

Maintenant nous devons agir pour que la société Tepco qui a provoqué l’accident donne des indemnités, de l’argent, pour que les gens puissent partir s’ils le veulent.
Le pays doit d’abord faire évacuer les enfants en groupe de la préfecture de Fukushima, plutôt que de les laisser fuir chacun de leur côté.
Les enfants veulent pouvoir rester avec leurs amis d’école.
On doit faire cela en groupe.
C’est possible.
Avant que le Japon ne perde la guerre, on avait organisé des évacuations de groupe.
On faisait fuir les enfants des zones dangereuses en les amenant dans les montagnes.
C’est quelque chose qui devrait être fait maintenant.

Mais le pays ne fait absolument rien.
Pour cette raison, j’appelle ce pays une nation criminelle.
Si on ne fait rien, il va arriver des choses terribles aux enfants.
Je suis inquiet. »

Takashi Hirose








Commentaires de l'utilisateur ayant mis en ligne la vidéo (AU-DELA DU NUAGE °Yonaoshi 3.11)

AU-DELA DU NUAGE °Yonaoshi 3.11
You can press "turn on the captions", or "subtitles", or "sous-titres" in French to see the subtitles in French or English. it is one of the icon on the right side of the screen : the rectangle with two lines. Please don't forget to mention the original Webdocumentary "Beyond the cloud °Yonaoshi 3.11" which is where the video is coming from, when you post the videos on your blog. Thanks.

(sous-titres en français à activer)

jeudi 8 août 2013

"Urgence" à Fukushima Daiichi (Pierre Fetet)

C'est un véritable article d'anthologie que nous livre Pierre Fetet cette fois-ci. Tout y est, aussi bien la situation actuelle, que ce qui risque d'arriver dans un délai hélas inconnu.

Une chose est certaine, et prouvée désormais : ce sont au moins trois cents mètres cubes d'eau contaminée gravement qui se déversent bon gré, mal gré, chaque jour dans l'océan Pacifique, avec la conséquence pour la faune marine que l'on devine. Trois cents mètres cubes, que TEPCO ne peut tout simplement pas empêcher de s'écouler actuellement. En cas de nouveau tremblement de terre, le bilan serait bien entendu revu largement à la hausse. De plus, cette situation déjà néfaste ne perdure ainsi que parce que des pompes continuent en permanence à refouler à la fois l'eau contaminée dans des récipients plus ou moins provisoires, et l'eau saine en amont qui est détournée avant d'être trop souillée à son tour. On sent là un dossier fort mal maîtrisé (souvent pour des questions de coût), que la moindre anicroche peut largement alourdir. Ne serait-ce que la simple transformation progressive du sol et du sous-sol de la centrale en un marécage radioactif et inapprochable.


7 août 2013
Que veut dire le mot « urgence » à la centrale de Fukushima Daiichi ? Ce mot a tellement été employé depuis deux ans et demi qu’on a du mal à croire à une urgence alors que Fukushima n’inquiète plus grand monde depuis longtemps. Et pourtant, ce mot vient d’être employé par quelqu’un qui s’occupe de la sécurité nucléaire au Japon : selon l’agence Reuters, le responsable d’un groupe de travail sur Fukushima de la NRA – l’Autorité de régulation nucléaire du Japon –  a annoncé lundi que Fukushima était dans une situation d’« urgence ». Shinji Kinjo n’est pourtant pas du genre à s’inquiéter d’habitude : le 15 mars 2011, après la troisième explosion à la centrale de Fukushima Daiichi, l’expert avait déclaré que l’augmentation de la radioactivité n’aurait pas d’effets immédiats sur la santé. C’est dire si ses propos publics aujourd’hui sont inquiétants. Pour comprendre pourquoi cet homme sort de sa réserve en remettant sévèrement en cause l’opérateur Tepco, il faut revenir sur les évènements qui ont débuté le mois dernier. C’est l’objet de cet article qui va essayer de faire le point de la situation concernant les eaux contaminées à la centrale de Fukushima Daiichi.
Etat de la situation en mars 2013 selon Ken Buesseler

La gestion des eaux de Fukushima Daiichi

Pour bien appréhender la situation, il faut connaître l’état des lieux. En bref, en mars 2011, les sous-sols de la centrale on été entièrement inondés par le tsunami, d’où la présence abondante d’eau salée initialement. Puis elle a subi 3 meltdowns (fonte du cœur) – c’est-à-dire l’accident le plus redouté de l’industrie nucléaire – formant chacun un corium d’environ 70 à 90 tonnes. Mais pire, au moins un des coriums a traversé la cuve d’un réacteur pour s’arrêter et se solidifier en fond d’enceinte de confinement ; ça c’est la version officielle. Mais pour l’instant, Tepco n’a pas été capable de montrer quoi que ce soit prouvant cette version. Car il y a une autre hypothèse : le corium a peut-être traversé le radier de fondation, ce qui l’aurait mené à la couche géologique contenant la nappe phréatique. Personne n’a prouvé cela non plus, car c’est tout simplement impossible en l’état des connaissances étant donné que Tepco pratique la rétention d’une grande partie des données. Mais cette hypothèse est de plus en plus plausible, nous allons voir pourquoi.
A la télévision japonaise (Asahi TV), on n’hésite plus à parler de melt-out (sortie du corium de l’enceinte de confinement).

Arrosage des cœurs fondus

Tepco arrose les cœurs fondus – du moins leur emplacement supposé dans les cuves – pour évacuer leur chaleur résiduelle. Cela nécessite environ 360 m3 d’eau par jour. L’eau, au lieu de rester dans les enceintes de confinement, se répand dans les sous-sols de la centrale, probablement à cause de failles provoquées par le tremblement de terre du 11 mars 2011. On estime que 100 000 tonnes d’eau contaminée stagnent ainsi à la base de la centrale. La contamination de cette eau est très importante : les dernières mesures donnent 5,7 millions de Bq/L pour l’unité un, 36 millions de Bq/L pour l’unité 2, et 46 millions de Bq/L pour l’unité 3.

Nappe phréatique en jeu

Une autre arrivée d’eau, incontrôlable, a été rapidement constatée, c’est celle de la nappe phréatique qui vient de toute part : 400 m3 d’eau par jour, qui se mélange et se contamine à celle utilisée pour le refroidissement.
Pour que le niveau d’eau ne monte pas et que le site ne devienne pas un marécage radioactif, Tepco est obligé de pomper en permanence l’eau des sous-sols. Cette eau est ensuite acheminée à des systèmes complexes de traitement qui supprime la salinité et enlèvent une partie des radionucléides. L’eau est ensuite stockée dans des réservoirs, et une partie est réutilisée pour le refroidissement. En effet, pour éviter de relâcher de l’eau radioactive dans l’océan, on la stocke sur le site. Actuellement, il y a environ 1000 réservoirs contenant quelques 300 000 m3 d’eau contaminée. Au 5 août 2013, Tepco a annoncé avoir encore 60 000 m3 de stockage disponible, ce qui lui permettrait de tenir jusque décembre 2013. Sur le long terme, d’ici deux ans, Tepco prévoit d’augmenter sa capacité de stockage à 700 000 m3.

Le point sur le stockage et le traitement des eaux contaminées le 30 juillet 2013 (source Tepco)
 
Le combat contre l’arrivée d’eau

Pour éviter de traiter trop d’eau, Tepco a installé 12 puits en amont des réacteurs pour pomper l’eau de la nappe phréatique avant qu’elle n’arrive dans les sous-sols. Cette opération ne permet en fait que de pomper 100 m3/jour. Mais comme le terrain surplombant ces puits a été contaminé par des fuites d’eau très radioactive provenant de réservoirs souterrains que l’opérateur avait creusés à même le sol – pour réduire la facture du stockage en cuves métalliques  – il n’y a pas encore d’autorisation pour relâcher cette eau en mer. En effet, après le tollé provoqué par le relâchement de 11 500 m3 d’eau radioactive dans l’océan en mars 2011, Tepco a promis de ne plus le faire sans l’autorisation des pêcheurs. Mais aujourd’hui, les pêcheurs n’ont plus confiance et ils ont sans doute raison.

Ce poisson, pêché à proximité de la centrale de Fukushima Daiichi en janvier 2013 est très radioactif : 254 000 Bq/kg, soit 2 540 fois la limite de 100 Bq/kg définie pour les produits de la mer par le gouvernement.

Mur étanche et fuites vers la mer

Prévu depuis deux ans, la construction d’un mur étanche en acier et béton entre la centrale et l’océan aurait dû être aujourd’hui terminée. Il n’en est rien. Pour des raisons probablement financières (ça coûte évidemment très cher) et humaines (difficulté de recruter des ouvriers), la construction de cette barrière est loin d’être terminée.
Projet du mur étanche en acier et béton (Tepco et Asahi TV)

Dans la précipitation due aux découvertes du mois de juillet, Tepco a opté pour la réalisation de murs chimiques. Cette technique avait déjà été employée en 2011 : à l’époque, on avait injecté dans le sol du silicate de sodium (Na2SiO3), qui est un composé chimique ayant la particularité de solidifier le sol et le rendre dur comme du verre. Il est possible que ce soit le même procédé. Toujours est-il qu’une raison technique empêche de réaliser cette structure jusqu’au niveau du sol. Le mur chimique de 16 m de profondeur s’arrête à 1,80 m de la surface.

Principe de réalisation du mur chimique par injection (source Tepco)

Or il semble que l’utilisation de cette technique sur une longueur de 100 m ait provoqué la montée du niveau de la nappe phréatique en aval de la centrale au niveau de l’unité 2 : le niveau d'eau dans un des puits a augmenté d'un mètre depuis début juillet. Cela semble assez logique étant donné que l’eau souterraine se déplace de la montagne vers l’océan. Rencontrant un obstacle, cela provoque une élévation de son niveau. Le gros problème, c’est que cette eau est fortement contaminée ; Tepco reconnaissait qu' « il est possible que les eaux aient commencé à passer par dessus le mur souterrain », ce qui signifie en clair qu’elle est déjà en train de rejoindre l’océan.

Schéma de l’Asahi TV : le niveau de l’eau de la tranchée est plus haut que le sommet du mur chimique.

De l’eau contaminée dans l’océan

Les mesures réalisées en mer depuis deux ans et demi montrent que la radioactivité ne baisse pas près de la centrale de Fukushima Daiichi, alors que la décroissance radioactive et la dilution auraient dû provoquer une diminution significative de la pollution. On supposait donc que la centrale relâchait des effluents radioactifs mais Tepco refusait jusqu’à maintenant d’admettre cette réalité. Ce n’est que le 22 juillet 2013 que l’opérateur a reconnu une pollution du Pacifique, puis le 2 août, Tepco a annoncé que la quantité totale de tritium rejeté depuis mai 2011 était comprise entre 20 000 et 40 000 milliards de becquerels (20 et 40 TBq). En fait, suite à la fuite de 2011 qu’ils avaient eu du mal à contenir, Tepco s’était engagé à boucher des conduits, ce qui pourtant n’a jamais été fait durant 2 ans, la situation s’étant soit-disant « stabilisée ».

Localisation des fuites de 2011 (Asahi)

On se rend compte à chaque fois que l’opérateur n’a rien d’un service public – bien que l’état japonais soit l’actionnaire majoritaire – mais est bien une entreprise commerciale qui, recherchant toujours le profit, évite au maximum les dépenses. Finalement le 7 août 2013, le gouvernement, par l’intermédiaire de l’Agence des Ressources Naturelles et de l’Énergie, annonce que 300 m3 d’eau contaminée rejoignent quotidiennement l’océan.

Pomper en urgence

L’ensemble des conduits-tunnels-tranchées en aval de la centrale contiennent environ 15 000 m3 d'eaux contaminées. Devant l’insistance de la NRA, Tepco s’est engagé à commencer à les pomper dès le week-end prochain alors qu’ils programmaient ce nouveau chantier seulement à la fin du mois d’août. Comme le bassin qui devait recueillir cette eau supplémentaire près de l’unité 2 n’a pas encore été construit, cela va réduire mécaniquement les capacités de stockage du site.

Dès le mois de juin 2013, Tepco avait constaté une augmentation de la radioactivité dans l’eau d’un conduit situé près de l’unité 2. Mais en juillet, ça a été un peu la panique : deux prélèvements dans des tranchées qui servent en fait de réservoir d’eau contaminée depuis le début de la catastrophe ont donné des mesures impressionnantes : le premier prélèvement (19 juillet 2013) a mesuré 36 milliards de Bq/m3 de césium 134/137, et le second (26 juillet 2013) 2 350 milliards de Bq/m3. D’où l’état d’urgence décrété par la NRA.


Des tranchées qui débordent

Aujourd’hui, il est avéré que l’eau contaminée passe par-dessus la barrière chimique. On peut penser aussi qu’elle passe par en dessous et sur les côtés, étant donné que ce « mur » chimique est intermittent. On peut également penser que depuis 2 ans toute la communication de Tepco sur la nappe phréatique qui se serait maintenue sagement sous la centrale n’est qu’une vaste fumisterie. Dans une émission récente sur Asahi TV, des experts dénoncent les projets désastreux de l’opérateur.

Sur Asahi TV, on explique que même le mur en acier-béton ne serait pas efficace puisque l’eau de la nappe phréatique contournerait facilement la barrière pour rejoindre l’océan.

Pour l’instant, aucune action destinée à retenir l’eau contaminée n’a été efficace. Elles ont été réalisées en dépit du bon sens. Pourtant depuis le début de nombreux experts réclament une enceinte souterraine fermée, une sorte de sarcophage souterrain gigantesque dont la construction prendrait deux années. Si cette décision avait été prise il y a deux ans, le déferlement de l’eau contaminée dans l’océan Pacifique aurait peut-être été contenu aujourd’hui. Peut-être, car on ne sait pas pour l’instant quelle profondeur devrait avoir cette enceinte. La centrale de Fukushima repose sur des couches sédimentaires gréseuses et il est probable que l’eau y circule très facilement à des profondeurs insoupçonnées.

Le corium sorti de l’enceinte ?

Selon l’ACROnique de Fukushima du 1er août, les derniers résultats de mesure de la contamination en césium de l'eau des tranchées incriminées font apparaître des concentrations en centaines de millions de becquerels par litre pour le réacteur n°2. Plus l'eau est prélevée profondément, plus elle est radioactive, relate aussi Gen4 : il y a jusqu'à 950 millions de becquerels par litre. Cela laisse penser que l’eau qui refroidit les coriums sort de l’enceinte de confinement et largue ses radionucléides en continu dans la nappe phréatique. Etant donné que Tepco ment par omission en permanence sur tous les fronts depuis le début de la crise, on peut penser raisonnablement que c’est une des dernières cachoteries de l’opérateur maudit.
Des échantillons ont été prélevés le 31 juillet à une profondeur de 1 mètre, 7 mètres et 13 mètres sur le côté mer de la centrale. (Asahi)

Que faire maintenant ?

Maintenant que le gouvernement a révélé que 300 m3/jour d’eau contaminée s’écoulent en continu dans l’océan, que va-t-il être possible de faire ? Il devient très critique de travailler dans cet environnement de plus en plus radioactif. Les hydrogéologues de la NRA certes travaillent sur le sujet, mais rarement la théorie concorde avec le terrain. L’eau finit toujours par s’infiltrer et s’installer. Il serait dangereux que le sol où est construite la centrale devienne un bourbier radioactif car il pourrait devenir instable. La solution à court terme est donc d’encore pomper et stocker. La solution à long terme n’est pas encore connue. Ou alors, il faut faire comme l’IRSN, rester optimiste quoi qu’il arrive : « Au vu des valeurs observées dans l’eau de nappe, l’apport de radioactivité à l’océan par le site devrait rester limité au regard de cet apport terrestre global, compte tenu des mesures prises, et les éventuels impacts écologiques devraient vraisemblablement rester localisés aux environs immédiats de la centrale du fait de l'importante capacité de dilution de l'océan. » (IRSN, 10 juillet 2013)

Grès de Fukushima (coupe géologique à 300 m de la centrale)

mardi 6 août 2013

Les habitants d'Okinawa protestent contre le déploiement additionnel des Osprey (NHK)

NHK, le 6 août 2013 à 8h 02 temps universel (10h02 en France)

Les protestations s'intensifient sur Okinawa, contre l'intensification du déploiement d'avions de transport étatsuniens Osprey, à la suite de l'écrasement d'un hélicoptère militaire US dans la préfecture. Plus de cent personnes se sont rassemblées ce mardi à l'extérieur  de la base aérienne Futenma, à Ginowa. Ils chantaient et agitaient des panneaux de protestation contre le déploiement des Osprey.

Un vieil homme de soixante-et-onze ans prenait part à la manifestation, il assurait que la venue des dangereux Ospreys dans cette préfecture est une insulte à Okinawa. Il ajoutait craindre fort que d'autres écrasements comme celui de lundi n'interviennent bientôt.

Les maires de toutes les municipalités de la préfecture d'Okinawa ont exigé que les militaires US arrêtent d'intensifier la venue d'Ospreys, et retirent ceux déjà présents à la base de Futenma. Le corps des Marines a déjà fait parvenir deux de ces avions à décollage vertical, en tant que précurseurs d'un déploiement supplémentaire. Il a prévu d'en amener encore dix, ce qui porterait le total à vingt-quatre.

Après l'accident de lundi, les militaires étatsuniens ont annoncé qu'ils vont reporter l'arrivée des Ospreys restants, sans dire combien de temps durera ce report.

L'opposition aux Ospreys s'est enracinée dans la préfecture, les protestataires citant les différents abus vis-à-vis de la sécurité. L'accident de lundi a fait encore grandir la colère contre l'arrivée de nouveaux Ospreys. 


(avec les coquilles habituelles, note du traducteur)


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Voilà longtemps déjà que les Japonais d'Okinawa sont excédés de la présence des aviateurs étatsuniens sur leur sol.  Les appareils qu'ils utilisent, ces hybrides entre l'avion et l'hélicoptère (ils décollent à la verticale par pivotement des réacteurs), sont d'une fiabilité "modérée", et occasionnent assez régulièrement des accidents. Les militaires qui en sont chargés défraient la chronique locale assez régulièrement, également, par leur comportement peu "civil" quand ils sortent de leur base, au point que les viols sont assez fréquents (sans doute à la suite de soirées "un peu arrosées".

C'est pourquoi aussi bien les habitants que les maires de toute l'île d'Okinawa s'opposent de plus en plus fort à la présence de ces hommes et de leurs machines, qui sont par leurs exagérations et les risques qu'il font courir à la population, de fait, des occupants.

Comme le signalent assez régulièrement les dépêches de la NHK, ce sentiment partagé par la population entière est régulièrement signalé à Tokyo, qui apparemment n'a jusqu'à présent pas fait grand-chose pour y remédier : soit tout simplement fermer cette base. Sans doute y a-t-il des accords  que le plus fort entend bien voir respectés, comme à Diego Garcia et dans mille autres endroits dans le monde.

dimanche 9 juin 2013

Hollande : la France et le Japon pour des liens approfondis (NHK)


Le président français François Hollande a mis l'accent sur un partenariat avec le Japon sur les questions d'efforts en antiterrorisme pour le développement du nucléaire.

Hollande a conclu une visite de trois jours au Japon samedi à Tokyo. Il a déclaré aux reporters que le premier ministre Shinzo Abe et lui s'étaient entendus pour tenir des discussions bilatérales régulières. Il a ajouté que si la politique économique de Abe revitalise l'économie japonaise, ce sera dans l'intérêt de l'Europe. Mais il a précisé espérer que l'assouplissement monétaire au Japon n'est pas un mouvement intentionnel en vue de dévaluer le Yen.

Hollande a aussi fait référence à un consortium de sociétés françaises et japonaises qui aurait remporté le marché d'un projet de centrale électronucléaire en Turquie. Il a assuré que la France avait la technologie nucléaire la plus éprouvée au monde. Et il a ajouté vouloir se joindre au Japon pour promouvoir un développement nucléaire sûr.


(avec les approximations de traduction habituelles)

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Tout va pour le mieux, le Nucléaire va grandir, grandir pour le bien de l'Humanité (du moins celle des riches qui ne pensent qu'à l'être encore plus).  Soyons tous heureux de ces accords, dansons de joie avant de périr.

piscine 4 - haute technologie (1)
L'association des OGM, des pesticides, du nucléaire civil ET militaire, des armes chimiques, de la recherche en virus résistants aux traitements (pour qu'ils le soient toujours plus) nous assure un avenir serein et heureux pour tous. Enfin pour tous ceux d'un certain milieu très élitiste et qui se prend pour l'élite.

Bizarrement, il existe des humains qui contestent preuves à l'appui ce modèle dit "de développement" qui développe surtout les difficultés pour un nombre de plus en plus grand non seulement d'humains, mais d'êtres vivants en général. Comment ne pas être reconnaissants envers ces politiciens qui œuvrent chaque jour, chaque seconde, au bien-être de tous et de leurs descendants ? Nous sommes vraiment des ingrats. Et nous le revendiquons.



(1) On découvre cet assemblage insolite près de la piscine N°4 de Fukushima. De l'eau est évacuée à l'aide de l'un de ces cônes qu'on emploie pour signaler un obstacle routier par exemple. Le cône sert d'entonnoir et est relié à un vague tuyau grâce à... du scotch.

En revanche sur un côté de la piscine les photos sont trafiquées pour qu'on ne voie pas la base. Y a-t-il là un trou béant, ou ?..... La photo est tirée du dernier billet de Pierre Fetet dans son blog sur Fukushima.

jeudi 30 mai 2013

Japon - Le fond de la mer a été gravement perturbé par le séisme de mars 2011 (dépêche NHK)

NHK, le 30 mai 2013, 2h01 TU (4h01 heure française d'été)

Une mission de surveillance de scientifiques japonais avait remarqué que l'eau de la Fosse du Japon (9500m, NdT) est devenue boueuse dans le sillage du tremblement de terre de mars 2011 qui a frappé le nord-est du Japon.

Les chercheurs de l'Agence japonaise pour la science et la technologie de la marine et de la terre ont utilisé des cameras spécialisées pour explorer les zones profondes de la mer près de l'épicentre du séisme massif. Ils ont découvert que même quatre mois après celui-ci, les sédiments tourbillonnaient encore sur le fond, à environ cent dix kilomètres au sud-est de la zone focale.

Normalement, le fond de la mer à une profondeur de sept mille mètres ou plus est calme avec de légers courants. Ils attribuent cette condition extraordinaire à une suite de répliques qui ont suivi le séisme principal.

Sur zone, ne furent observées que peu de créatures vivantes, bien qu'avant ce tremblement de terre la vie marine fût abondante dans cette zone. Les chercheurs concluent que cela pourrait être le signe que l'écosystème des grandes profondeurs a aussi été affecté.

(traduction maison, avec les approximations d'usage)


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Rappelons les faits. Le 11 mars 2011 à 14h46 heure locale, un violent séisme s'est produit en mer à 120 Km environ des côtes japonaises du Tõhoku (nord-est de Honshu). Une portion de fond sous-marin de 400 à 500 kilomètre de long orientée à peu près nord-sud a glissé brutalement de 10 mètres en quelques secondes.

L'emplacement même du Japon s'est décalé vers l'ouest de 2,40 mètres. Les conséquences de  la catastrophe ont modifié les données de la Terre entière, y compris par une modification des répartitions de masses une infime, mais mesurable, accélération de la rotation de la Terre elle-même. Ces bouleversements ont provoqué entre autres le réveil de plusieurs volcans japonais.

Quant au bilan humain, en raison du séisme lui-même (un peu seulement, grâce à la qualité des constructions), en raison du tsunami majeur qui en a résulté (14 mètres de haut), en raison des dégâts terribles en retour dans les régions de Miyagi, Iwate et Fukushima (explosions, incendies dans les industries), en raison surtout de la plus difficilement palpable catastrophe de la centrale Fukushima Daiichi, ce bilan ne pourra se confirmer qu'au cours des vingt ou trente années qui viennent, au moins. Pour fixer les idées, pour le moment ce chiffre dépasse déjà 21000 morts ou disparus, officiellement. Le précédent de Tchernobyl fait craindre bien pire dans l'avenir, en particulier parmi les enfants vivants ou à naître. 

Ce bilan sera de toute façon difficile à estimer, en raison des nombreux travailleurs de la centrale qui sont déjà décédés, et dont l'implication a largement été cachée par les autorités pour éviter que le public n'en sache trop. Déjà des enfants sont décédés des suites du contact avec des zones, poussières, nourritures irradiées ou contaminées. On n'ose penser à ce qui adviendra des poissons de l'océan Pacifique, qui de façon insidieuse continue à recevoir des eaux largement radioactives via les rivières, et les déversements de délestage des eaux "de travail" de la centrale.

Au vu de cet exemple, plus que jamais nous savons que l'humanité même est en sursis, du fait du nucléaire, des empoisonnements par pesticides et autres effluents peu contrôlés, des effets à long terme des OGM, et sûrement aussi des actions de la planète elle-même.

jeudi 21 mars 2013

KEPTO décide d'importer du MOX au Japon (NHK)

NHK, le 21 mars 2013, 11h42 TU (20h42 au Japon) soit 12h42 en France.

Kansai Electric Power Company annonce qu'il va importer  le mélange d'oxydes de plutonium et d'uranium, carburant  de centrales connu sous le nom de MOX, de France au Japon. Le but est de créer une nouvelle génération de générateurs plus performants.

L'import de carburant MOX serait le premier depuis l'accident de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi en mars 2011. KEPCO précise ce jeudi qu'il ne peut pas dire maintenant si un tel carburant sera utilisé. La génération d'énergie superthermique utilise un mélange de plutonium extrait de déchets de carburant nucléaire usé, et d'uranium. La méthode a déjà été utilisée dans quatre  centrales japonaises, y compris celle de Takahama lui appartenant, et celle de Genkai, propriété de Kyushu Electric Power Company.

Mais KEPCO avait suspendu ses imports après le séisme et le tsunami du  11 mars 2011, et l'accident nucléaire à la centrale de Fukushima Daiichi. La firme avait procédé ainsi parce que les protocoles de recyclage des carburants nucléaires au Japon n'étaient pas clairement définis, et que le transport de MOX manquait de garanties.

Deux ans après l'accident, la société a décidé de reprendre le transport de MOX fabriqué en France, en vue de l'utiliser dans la centrale de Takahama. Elle assure que se constituer une expérience locale est un prérequis pour reprendre la génération plusthermale de production énergétique.


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Une remarque.

Le réacteur N°3 de Fukushima Daiichi, celui qui a explosé si bizarrement le 15 mars 2011, avait lui aussi été chargé en MOX. On soupçonne cette explosion de n'être pas due, comme dans les autres réacteurs, à une accumulation d'hydrogène, mais à une réaction en chaîne du MOX fondu, donc à une véritable explosion nucléaire incontrôlée du plutonium contenu dedans. Compte tenu de la nocivité immense de ce métal, qui s'est naturellement projeté haut dans l'atmosphère, la contamination a dû être terrible. C'est d'ailleurs cette explosion qui a fissuré la piscine du réacteur N°4, sujet de grandes inquiétudes.

lundi 11 mars 2013

Le onze mars 2011, la terre, l'eau et le feu frappent le Japon

Onze mars 2011, journée maudite. Ce jour-là, il y a deux ans, à 14h46 heure locale un énorme séisme, annoncé au départ pour 7,8, puis 8,4 sur l'échelle de Richter (il sera en fait bien plus violent, de 9 ou 9,1), frappe la côte nord-est de l'île principale du Japon, Honshü, et particulièrement la région de Sendai, dans le Tohoku. Le journal de 13 heures, en France, en rend compte, ainsi que du gigantesque tsunami qui en découle en raison de la profondeur relativement faible de la secousse (12 kilomètres). Des raffineries sont en feu, ainsi qu'une centrale nucléaire à Onagawa. Le feu de celle-ci sera assez vite réduit.  Ce séisme aura tout de même déplacé, en le déformant, le Japon de 2,40 mètres.

Pour les autres centrales nucléaires, immédiatement les autorités assurent qu'elles se sont mises à l'arrêt automatiquement. Aucun danger, tout va bien, circulez, rien à voir.  Malheureusement, à Fukushima Daiichi, si les réacteurs ont été stoppés, les dispositifs de secours ne se sont mis en route que tardivement en raison du séisme lui-même qui a coupé des câbles, et ensuite les Diesels des groupes électrogènes ont été noyés. La température dans les réacteurs 1, 2 et 3 a commencé à monter. Heureusement les N° 4 à 6 étaient en maintenance. Résultat de cette montée de la température, des explosions se sont produites, causées par l'hydrogène dégagé, et en même temps sans qu'on le sache les cœurs se sont mis à fondre. La machine infernale s'est ainsi mise en route, pendant que les piscines de dépôt pour les barres neuves et celles récemment extraites étaient un peu fissurées par les explosions. Même chose pour la piscine commune, celle où pendant bien plus longtemps les barres déjà moins dangereuses des piscines dédiées vont passer des années avant un retraitement.

explosion du couvercle du réacteur 1
Pour le réacteur N°3 on apprend aussi qu'il a été chargé non en uranium modérément enrichi comme les autres (qualité "civile"), mais en MOX, ce mélange relativement bon marché d'uranium appauvri et de 7% environ de plutonium (association de deux déchets, en somme). Ce mélange a un inconvénient : le plutonium qu'il contient est extrêmement corrosif, nocif, et présente une masse critique très faible. Avec à peine plus de 6 Kg, soit 600 cm³, il atteint sa masse critique et se met à "exploser" en particules comme dans une bombe mal conçue, sans que ce soit la véritable explosion nucléaire, bien plus compliquée à mettre en œuvre. Or en fondant, ce mélange de barres peut arriver à ce résultat si suffisamment de plutonium se concentre.

Aujourd'hui, deux ans après, la communication à propos de cette catastrophe, la plus durable parmi celles de ce jour-là, est très indigente en raison des intérêts financiers en jeu, qui se moquent des vies humaines. C'est au point que les relativement rares habitants évacués sont déjà invités à revenir sur des régions très mal nettoyées encore. C'est au point que beaucoup d'enfants sont restés dans les zones dangereuses. C'est au point que déjà parmi eux, malgré les tentatives de le cacher, les cancers de la thyroïde se développent, et aussi que commencent à naître des bébés infirmes, difformes....

Quelle séquelle serait la plus dangereuse ? Cette fameuse piscine près du réacteur N°4 a été endommagée par l'explosion du N°3, et si elle s'écroule, avec la mise en contact des barres avec l'air, c'est la dispersion explosive dans l'atmosphère de tous les déchets.  Elle en contient plus de mille tonnes. Des spécialistes estiment la pollution mondiale qui en résulterait à trente fois celle de Tchernobyl, rien que pour cet accident-là. C'est sans compter les eaux de ruissellement pluvial qui lessivent les terrains et entraînent les déchets dans la mer. Les poissons en sont bien entendu affectés, dans un périmètre toujours plus grand, parce qu'ils se nourrissent du plancton contaminé. C'est sans compter animaux et végétaux qui continuent à être contaminés par les vents aléatoires, à des centaines de kilomètres, et bien sûr y compris à Tokyo.

Pour plus de précisions, un site y est consacré en permanence, celui de Pierre Fetet.  Les travaux se poursuivent sur le chantier de cette centrale qui devra bien entendu ne jamais rouvrir. D'ailleurs, toutes les centrales nucléaires japonaises sont à l'arrêt, y compris une qui avait redémarré en mai dernier. Mais rien que pour Fukushima Daiichi, peut-on raisonnablement penser qu'il sera possible de la démanteler complètement ? Le prix à payer sera colossal, et sera ressenti par tous les Japonais pendant des dizaines, voire des centaines d'années.

Pendant ce temps-là, AREVA est content : sa nouvelle centrale EPR de Flamanville (Manche) va peut-être finalement démarrer dans quelques années (de retard), pour un coût au moins trois fois supérieur aux prévisions. Une réussite, assurément, surtout que bien entendu le prix à payer un jour pour la démanteler n'est pas pris en compte. Celui pour les autres centrales non plus, d'ailleurs. C'est au point que les travaux de démolition d'un ouvrage pourtant modeste, celui de Brennilis en Bretagne, est au point mort ou presque : le démantèlement a pourtant commencé dès 1985. Et pour Fessenheim, déjà obsolète et pourtant situé dans un point critique pour plusieurs pays européen, eh bien elle tourne toujours.

Folie des hommes, folie du "le financier d'abord, la vie ensuite". Monsieur le président d'AREVA, tes enfants vont bien ? Tes petits-enfants, aussi ? Jusqu'à quand ? (même question au président d'EDF, bien entendu)



A l'époque, impliqué dans un site d'infos et d'opinions, j'avais apporté mes contributions à un fil d'infos ici ( j'y apparais sous le nom de contributeur N°1, vu que n'en suis plus membre), et très souvent la nuit je traduisais des dépêches de la NHK en anglais, puisque avec le décalage horaire le Japon était en avance de 8 ou 9 heures selon l'heure d'été ou hiver.