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samedi 23 novembre 2013

Miko Tsukamoto témoigne de la tragédie de Fukushima (témoignage reçu grâce au Blog de Fukushima)

transport du premier container
A Fukushima, rien n'est résolu encore. Seul progrès, un premier container de 22 assemblages de combustible neuf a pu être extrait du réacteur N°4. Celui-ci en contient 1511, dont 1100 environ sont de produit usé, donc très dangereux et très radioactif. Si tout va bien, ce transfert dans une piscine de longue durée prendra plus d'un an. Mais personne n'en parle plus, ni des fuites qui surgissent de partout, ni des risques d'effondrement en cas d'un nouveau séisme d'importance. Tout le Japon est concerné par les retombées, en particulier des cendres de déchets : car les autorités, ces malheureuses, continuent à incinérer sans vraies précautions ces déchets dont elles ne savent que faire, et les vents font le reste, polluant la nourriture, pénétrant dans les poumons. Quant aux déchets incinérés mais toujours un peu radioactifs, ils sont incorporés dans des dalles de ciment, dans les routes... Vous étiez au courant ?

En quelque sorte, le Monde a déjà passé le Japon entier pour profits et pertes. Une pensée pour ceux que nous connaissons, et qui vivent désormais là-bas depuis des années. Et bien entendue la pensée envers tous les autres, ceux que nous ne connaissons pas, ne doit pas quitter notre esprit.

Japon = Titanic : mais , ô horreur, les humains vont assister petit à petit à un navire qui sombre pendant que les officiers de bord, mais aussi tous les autres capitaines, ne font rien. Il y a peut-être une raison à ce cynisme : s'agissant d'un pays doté d'une telle population, ils ont déjà considéré qu'ils ne pouvaient rien faire. Ce n'est pas vrai bien sûr : évacuer tous les enfants, au moins, serait encore possible. Je suis persuadé que bien des personnes seraient prêtes à les accueillir. Mais une évacuation de dix ou vingt millions d'enfants coûte cher, et les chefs d'États ne veulent pas payer. Alors on ne dit rien, et une belle civilisation, très délicate, va disparaître. Dans cinquante ans, il n'y aura plus de Japon.

Et pendant ce temps-là, une autre centrale aura fait des siennes : peut-être en France, qui sait ! Et probablement l'une de celles qui existent actuellement.

Tout cela est vrai. Le cynisme ou la résignation prédominent. Pourtant quelques-uns ou quelques-unes se battent toujours. Voici un témoignage, recueilli et transmis grâce au Blog de Fukushima. Il est dur !


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19 novembre 2013
Miko Tsukamoto témoigne de la tragédie de Fukushima
Miko Tsukamoto vivait dans la ville d'Iwaki, à 42 km de la centrale de Fukushima Daiichi, avec son mari et ses deux enfants. Après avoir longtemps hésité, elle a décidé de déménager avec sa famille à KitaKyusyu, dans la préfecture de Fukuoka. Elle est depuis très engagée dans une association qui tente d'enseigner aux résidents les notions élémentaires pour se protéger de la radioactivité.
Dans une vidéo mise en ligne à la fin du mois d'octobre, elle dénonce les informations erronées diffusées par les autorités et par les médias. Elle témoigne surtout de son ignorance passée et de la nécessité de s'informer et d'agir pour protéger ses enfants.
Des informations officielles erronées

Depuis le début de la catastrophe qui a affecté la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, les autorités japonaises n'ont eu de cesse de minimiser les répercussions pour les populations, en faisant croire que la vie en territoire contaminée était possible. Les réfugiés qui ont du fuir la zone d'exclusion sont d'ailleurs maintenus dans l'illusion d'un retour prochain, empêchant la plupart d'entre eux de reconstruire une vie ou du moins un foyer digne de ce nom. Pour ceux qui vivent dans les zones les plus contaminées, aucune compensation financière n'est prévue et le Fukushima Collective Evacuation Trial n'a toujours pas réussi à obtenir justice devant les tribunaux japonais.
Relevé de radioactivité dans un parc de Fukushima : la mesure officielle indique 0,186 μSv/h alors que le Radex enregistre 0,49 μSv/h.

Dans ce contexte, il est toujours extrêmement difficile pour ceux qui souhaitent se protéger d'obtenir des informations fiables. Les mesures de radioactivité officielles sont régulièrement suspectées d'être minimisées pour rassurer artificiellement la population.

La semaine dernière encore, une jeune maman postait un article sur le site Internet de l'association World Network For Saving Children From Radiation pour dénoncer les écarts entre les mesures de radioactivité officielles et ses propres mesures dans les parcs de la ville de Fukushima.
La connaissance comme seul moyen de protéger ses enfants

Face à ce constat, de nombreux citoyens japonais se sont organisés pour procéder à leurs propres mesures de radioactivité, comme par exemple pour analyser la nourriture au sein de laboratoires citoyens. D'autres se regroupent en associations pour apprendre et aider leurs concitoyens à trouver les informations nécessaires pour se protéger efficacement. Face à la perte de légitimité d'une grande partie des autorités politiques, mais aussi médicales (rappelons que le Professeur Shunichi Yamashita, président de l'Association Japonaise de la Thyroïde et Conseiller de la préfecture de Fukushima pour les risques radioactifs, considère que les gens qui sourient sont moins affectés par les radiations), les citoyens japonais n'ont d'autres ressources que d'apprendre par eux-mêmes.

L'artiste japonais 281_Anti nuke dénonce aussi le mensonge officiel qui entoure la tragédie de Fukushima.
C'est toute la force du témoignage de Miko Tsukamoto, qui vient rappeler la difficulté pour les personnes qui vivent au Japon de trouver des informations fiables. Elle témoigne aussi et surtout de la difficulté de résister à la pression sociale pour faire entendre une voie différente et affirmer ses propres positions face au discours ambiant. Dans l'introduction de son témoignage, Miko Tsukamoto précise qu'elle n'a pas pu tout dire, car la vérité est tellement dure que certains refuseraient de la croire. C'est ce qu'elle nomme "la tragédie de Fukushima" : la réalité est tellement insupportable qu'il n'est pas possible de la dire entièrement...
Vidéo du témoignage de Miko Tsukamoto

La vidéo est en japonais, sous-titrée en anglais. La traduction française se trouve sous la vidéo.

Le témoignage de Mme Tsukamoto est accompagné d'un texte introductif :
"J'essaie de me limiter à décrire ce que j'ai vu ou vécu personnellement, ou à ce dont j'ai parlé avec une autre personne. Donc c'est assez limité.

Honnêtement, je pourrais parler indéfiniment des problèmes de santé qui ont nécessité un traitement médical. Par exemple, je pourrais parler du cousin d'une connaissance qui a eu un bébé plusieurs mois après le séisme - ce bébé est né avec un trou dans le cœur. Ou d'une connaissance, de ma sœur et de son mari, et d'un autre parent qui ont tous eu un cancer et ont dû subir une intervention chirurgicale. Et il y a eu près de 20 «Nii-bon» l'année dernière [service célébrant les morts de l'année précédente].

Il y aurait de nombreux cas similaires à partager, mais je les omets à dessein - sinon les gens me traiteront comme si j'étais "mentalement affectée" par les radiations. Je ne peux pas en parler, même si je le voulais. C'est la tragédie de Fukushima."

Miko Tsukamoto
Réseau pour la protection des enfants du Kitakyu




Témoignage de Miko Tsukamoto, évacuée de la ville d'Iwaki
"J'ai évacué volontairement de ma ville natale d'Iwaki pour la ville de Kitakyushu en janvier dernier, à cause de la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima du 11 mars. Aujourd'hui, je voudrais parler de ce que j'ai vu, vécu et ressenti pendant les 9 mois avant mon déménagement à Kitakyushu, ainsi que de ma situation actuelle.

Je vivais dans la ville d'Iwaki, à 42 km de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Je donnais des leçons de piano et mon mari travaillait comme employé municipal. Avec nos 2 enfants et mes étudiants, nous vivions heureux. Après le 11 mars, notre vie a complètement changé .

La partie nord d'Iwaki était dans la zone des 30 kilomètres, mais le maire a créé l'expression de "rumeur nocive", et la zone d'exclusion a été étendue à notre secteur. Le niveau de rayonnement, qui était de 0,05 microsieverts par heure avant l'accident, est passé à 23 microsieverts. C'est 460 fois [le niveau normal].

Le Professeur Shunichi Yamashita de l'Université de Nagasaki a lancé une campagne de masse indiquant qu'un niveau de 100 millisieverts [par an] était sûr, et cela a été largement accepté par la télévision, les journaux, la radio, les écoles et les conférences. À l'époque, les écoles ont jugé que les activités de plein air étaient sûres, même si le niveau de radioactivité était de 0,5 microsieverts, 10 fois la valeur normale.

Comme 100 millisieverts étaient considérés comme "sûrs", les repas des écoles ont d'abord été préparés à partir de produits locaux (1 mois après l'accident). Nous avons travaillé dur pour recueillir des signatures pour annuler immédiatement la règle de la "production locale pour une consommation locale". Il a fallu attendre le deuxième semestre universitaire cependant pour que la commission scolaire reconnaisse la liberté de refuser les repas scolaires. En d'autres termes, ceux qui ont fait confiance au "principe de sécurité" ont continué à laisser leurs enfants manger les repas scolaires. Il était inutile d'essayer de discuter avec l'école ou les enseignants.

Le niveau de radioactivité extérieur n'est pas cohérent. A dix centimètres de distance, il peut varier de 2-3 microsieverts à 5 microsieverts, ce qui représente 46 fois à 100 fois le niveau de tous les jours. Ce que je n'arrivais pas à comprendre, c'est le fait que les employés municipaux et les enseignants n'ont rien fait pour protéger les enfants contre l'exposition à la radioactivité.

Maintenant, parlons du moment où la centrale nucléaire a explosé. Notre maison n'a subi que des dommages minimes du tremblement de terre du 11 mars. Mais nous n'avions plus d'eau courante dans Iwaki pendant 20 jours. Mes enfants et moi avons fait la queue pendant deux heures le lendemain pour obtenir notre approvisionnement d'eau au camion de distribution.

La première explosion a eu lieu le 12 mars. Les données que nous avons vues plus tard indiquaient 23 microsieverts, 460 fois le niveau normal. Il n'y a eu aucune annonce publique locale pour nous prévenir de rester à l'intérieur, et nous sommes restés dehors pendant 2 heures entières, ignorant l'explosion.

On nous a dit que le Japon était sûr, mais les tests sanguins ont montré que mes deux enfants et moi avons des problèmes de thyroïde, et mon fils a une pustule de 5 millimètres. De nouvelles études disent maintenant que le cancer de la thyroïde est une maladie liée au mode de vie. Si nous développons un cancer, je suspecte que l'on va nous dire que c'est à cause d'une négligence et que le gouvernement refusera d'admettre tout lien avec l'exposition à la radioactivité.

Je voulais que mes enfants aient une anthropogammamétrie [analyse de la radioactivité du corps permettant de déduire la contamination interne, aussi appelée whole body counter] immédiatement après l'explosion. Mais je n'ai pas pu trouver une seule installation qui nous admette. Certaines personnes sont allées aussi loin que Tokyo pour se faire examiner, mais n'ont pas pu obtenir leurs propres données. J'ai appelé plusieurs endroits pour vérifier, mais aucun d'eux ne fournissait les données. J'ai donc fait une enquête au sujet des tests sanguins pour vérifier l'état de la thyroïde, et j'ai été choquée d'entendre qu'il n'y aurait pas d'examens de la thyroïde en masse à Iwaki. J'ai demandé à la préfecture de Fukushima comment je pourrais obtenir des preuves sur l'endroit où nous avons été exposés aux rayonnements, et on m'a dit que "il n'y a aucun moyen".

Mon mari est employé municipal. Il a dit que s'il y avait quelque chose à savoir, il aurait un accès immédiat à ces informations. Mais personne ne nous a informé de l'explosion et mes deux enfants et moi avons été exposés à la radioactivité alors que nous étions à l'extérieur. Mon mari a traité un flot d'appels téléphoniques, même s'il n'a nulle connaissance de la radioactivité, et il a pratiquement mémorisé le contenu des documents distribués par le gouvernement.

Cinq mois après l'accident, le niveau de radioactivité annoncé par la municipalité d'Iwaki était de 0,12μSv par heure. Mais quand j'ai emprunté un compteur Geiger de l'hôtel de ville, je me suis rendu compte que c'était en fait entre 0,24 et 22,14μSv par heure. Des bénévoles ont inspecté les arbres taillés et le sol, et le niveau de radioactivité était de 20 000 Bq / kg. Après avoir vu ces chiffres de radioactivité, mon mari et moi avons tous deux convenu que le gouvernement n'allait pas pour nous protéger.

Par exemple, l'eau du robinet est "ND" [non détectable] selon le site officiel de la ville d'Iwaki. J'ai donc demandé des données sur les radionucléides tels que le strontium et le plutonium, mais on m'a refusé l'accès à ces informations détaillées sur le motif que cela pourrait "perturber les résidents". Au lieu de cela, ils nous ont donné un document expliquant que l'iode et le césium n'étaient "pas dangereux". Cela m'a rendu furieuse parce qu'ils profitaient de notre manque de connaissance.

Ma décision d'évacuer a moins à voir avec la peur des radiations qu'avec l'attitude du gouvernement et des écoles, les mesures de radioactivité que nous avons vu de nos propres yeux, et les problèmes de santé dont ma famille a commencé à souffrir : diarrhée tous les jours, saignements de nez, aphtes, excroissances anormales à l'intérieur du nez... Ce sont les symptômes que ma famille et mes amis ont commencé à ressentir après l'explosion de la centrale nucléaire. J'ai réalisé beaucoup plus tard qu'il y a des problèmes de santé autres que le cancer qui peuvent être causés par la radioactivité.

Ce que l’État annonce est différent de la réalité. L’État espère évidemment que les gens n'accepteront aucune violation de la loi, tandis que les employés publics ne font que suivre les ordres d'en haut. Le système d'information publique vise à nous tromper avec des informations déformées - rien n'est divulgué et rien n'est mis sous forme écrite, le tout pour gagner du temps.

Les écoles ne protègent pas leurs élèves, nos enfants. Ils sont impitoyables envers les parents et les tuteurs qui sont préoccupés par cette radioactivité. Si je fais un panier repas pour protéger mes enfants de l'exposition à la radioactivité, ils sont victimes d'intimidation par d'autres camarades de classe. Même lorsqu'il y a eu violence physique, l'école n'a rien fait pour réprimander les intimidateurs et leurs parents, mais a préféré m'appeler pour m'"apprendre" à ne pas réagir de façon excessive à la radioactivité.

J'ai décidé d'évacuer quand ma fille a développé une phobie scolaire. J'ai essayé de chercher des solutions pour continuer à vivre à Iwaki et j'ai envoyé de nombreuses lettres de demande au gouvernement, mais je n'ai obtenu que des réponses évasives. J'ai essayé de convaincre mes parents âgés d'évacuer, mais ils ne voulaient pas quitter leur ville natale. Mon mari pensait que c'était suffisamment sûr. Ma belle-mère refusait que nous évacuions et disait que je "dépassais les bornes". Je me suis battue contre le gouvernement, j'étais en détresse, et quand mes parents m'ont dit de considérer le bien-être des enfants d'abord, j'ai choisi d'évacuer à Kitakyushu, en laissant mon mari et mes parents âgés à Fukushima.

Comme je vous l'ai dit, ce que disent les médias et les faits sont 2 choses tout à fait différentes. L'autre jour, un rapport intermédiaire sur l'élimination des déchets industriels a été rendu public. Il déclare qu'une entreprise de Fukushima a accepté la boue et la poussière contaminée de Fukushima, Ibaraki, Yamagata et même Kanagawa. Cette société a commencé à fonctionner avant que la ville de Kitakyushu accepte de recevoir des débris, et continue de le faire maintenant. Il y a un tollé concernant l'acceptation des débris, et pourtant les substances radioactives sont incinérées sans rechigner, même s'il n'y a pas de filtre à particules fines installé.

Les médias sont préoccupés par les polluants atmosphériques PM2,5 [particules fines de moins de 2,5 micromètres de diamètre] en provenance de Chine, mais est-ce vraiment vrai ? Les usines de traitement des déchets industriels et les usines de ciment de Kitakyushu recyclent la cendre de charbon de Fukushima. Selon un document officiel de Kitakyushu, la pollution en PM2,5 a été multipliée par plus de 230 fois en avril de l'année dernière, et le niveau a souvent dépassé 100 fois durant les autres mois. Il ne fait aucun doute que la pollution provient du Kyushu ; en d'autres termes, c'est "domestique".

Ce qui est arrivé aux habitants de Fukushima va bientôt affecter tous les Japonais. Je pense que ça va commencer à cause de l'air que nous respirons et de la nourriture que nous mangeons. L'autre jour, il y avait un article dans un magazine d'information local "Donna Mamma" avec les déclarations faites par des professeurs et conférenciers d'université ainsi que par des agents administratifs qui soutiennent que le niveau de radioactivité n'est pas une menace. L'affirmation selon laquelle le niveau de radioactivité n'est pas dangereux est complètement répandue au Japon.

Alors que certains disent que la radioactivité s'est "dispersée" et que nous sommes maintenant en sécurité, les gens sont en fait en train de mourir à Fukushima. Le lendemain de la mort de mon cousin, le mari de mon amie est décédé. Je ne dis pas que tout est causé par les radiations... Mais il y a l'exemple de Tchernobyl...

L’État refuse de l'admettre. Mais nous avons le "droit de choisir" - à partir de ce que nous entendons et voyons, et en examinant les deux arguments selon lesquels la radioactivité est dangereuse ou pas.

Je n'étais pas au courant des dangers des centrales nucléaires, et c'est la raison pour laquelle je me trouve dans la situation actuelle. J'étais ignorante du fait que la radioctivité ne disparaît pas simplement et je tentais de décontaminer l'avant de ma maison - tout en inhalant de l'air contaminé.

Il y a des gens qui vivent à Fukushima, en ce moment. Ils disent tous :
"Nous sommes des cobayes après tout, et si nous essayons d'évacuer nous ne serons pas en mesure de gagner notre vie car il n'y a pas de compensation du gouvernement."
"Je ne veux pas perdre mon style de vie."
"Si l’État dit que c'est sans danger, alors c'est sûr."
" Beaucoup de gens sont en train de mourir , hein ?"
" Il n'y a rien que nous puissions faire, c'est inutile, alors pourquoi s'embêter ?"
"Je ferais mieux de me concentrer sur des choses positives."
Et ils continuent leur décontamination, mais les eaux usées contaminées se transforment en boue et en cendres d'incinération, qui à leur tour produisent des déchets hautement radioactifs. Les gens refusent de faire face au fait qu'ils finiront par revenir les hanter
.

La décontamination est inutile. Je l'ai essayée moi-même et je le sais. Le niveau diminue de 0,5 à 0,2, puis revient à 0,5 deux semaines plus tard. C'est la réalité. Où vont ces énormes quantités de sols pollués après la décontamination ? Si l’État voulait gérer de façon responsable les déchets, ils les auraient fait prendre en main par des entreprises d'élimination des déchets industriels ... mais là encore, ils seront recyclés en ciment, en poteries et en boues, et finiront par nous revenir.

C'est important pour nous de nous reposer et de récupérer, mais cela n'aidera personne de manière fondamentale. Je crois que la seule façon de nous en sortir est de mesurer les niveaux de radioactivité et de divulguer les faits, ce qui garantit une compensation suffisante, et ensuite permettre aux résidents de Fukushima de prendre leurs propres décisions.

Ne dispersez pas la radioactivité, mais contenez-là à l'intérieur de Fukushima. Le tombeau de mes ancêtres est à 2 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. S'il vous plaît, laissez les déchets radioactifs là-bas. Il y a beaucoup de résidents de Fukushima qui pensent ainsi, bien qu'ils y aient des tombes d'ancêtres, des maisons ou de grandes propriétés terriennes. Mais ils sont ignorés.

En mars de cette année, je suis allé au village de Samekawa dans la préfecture de Fukushima pour arrêter la construction d'une installation expérimentale d'incinération de paille de riz, dans laquelle on a mesuré un niveau de radiation de 8 000 bq[/kq]. Une conférence de presse était prévue et tout ce que nous avions à faire était de soumettre certains papiers, mais au dernier moment, un individu qui était ostensiblement contre la construction est intervenu et nous a empêché de continuer. Un opposant s'est avéré être un partisan. C'est la réalité que j'ai vécue.

Même pendant la campagne contre l'acceptation de débris contaminés à Kitakyushu, il était convenable de s'inscrire à la manifestation, mais pas de soutenir la conclusion de l'accord sur la prévention de la pollution.

J'avais entendu dire que notre dernier espoir était une réclamation de la coopérative de pêche de Kitakyushu, mais quand nous avons demandé à voir le document officiel, j'ai découvert que la coopérative n'avait pas présenté de réclamation. Ou plutôt, la «réclamation » n'a pas été faite en termes clairs. Les manifestants se réunissaient dans le village de tente après que l'incinération des débris contaminés ait commencé, et pendant ce temps, je me rendais auprès d'un certain nombre d'associations de pêche pour leur demander de déposer une "réclamation", mais seulement 2 ont accepté de me rencontrer, et aucune d'entre elles n'a fait de réclamation.

Si seulement une seule association avait déposé une réclamation, ou si seulement 2 résidents vivant à proximité de l'incinérateur avait fait une demande d'accord sur la prévention de la pollution... Il y avait tellement de pression pour empêcher les gens de prendre de telles mesures, et moi, évacuée de Fukushima, je me sentais en situation d'échec. Après avoir vu la réalité de cette prétendue campagne de "protestation", j'ai perdu tout espoir que Fukushima ne soit jamais "sauvée".

Tout comme le mensonge éhonté qu'un filtre à particules fines peut éliminer pratiquement 100% du césium, je pense que [le gouvernement] va installer un filtre HEPA et déclarer que Fukushima est sûr, puis construire des usines d'incinération à 8 000 bq[/kg - taux de radioactivité dans les cendres d'incinération] à travers le Japon et des centrales biomasses utilisant le bois de Fukushima.

L’État a beaucoup d'argent pour empêcher les gens de poser des questions en manipulant les médias, créer une certaine «humeur» dans le pays en publiant de fausses informations, et soutenir des campagnes pour convaincre ceux qui ne sont d'accord, et "encore une fois, nous nous retrouvons sans le savoir par n'être qu'une partie du troupeau".

Ce que je crois être un véritable lien ne peut être fait en suivant aveuglément les paroles de ceux qui sont "au sommet". Au contraire, il s'agit de nous apprendre les uns aux autres ce que nous ne savons pas, en partageant l'information et en continuant d'apprendre, puis en passant cette connaissance à ceux qui nous entourent. Avec plus de courage, nous pouvons informer les associations de pêcheurs et les personnes résidant à proximité des installations d'élimination des déchets, des incinérateurs de déchets industriels et des cimenteries - établissements que l’État va tenter d'influencer et de contrôler.

De la même façon que la ville de Kitakyushu a organisé des "rencontres explicatives pour une personne" pour le président de l'association des résidents quand ils ont décidé d'accepter les débris, nous avons besoin de "sessions d'étude pour une personne" pour les résidents locaux, car c'est la seule façon de protéger nos enfants.

J'ai été trompée par les médias et cela a permis que mes enfants soient exposés aux radiations. Parce que j'étais ignorante et que je n'avais que des connaissances superficielles, je ne pouvais pas protéger mes enfants, malgré que nous ayons évacué. La seule chose que je peux faire, c'est dire aux autres ce que j'ai vécu. J'espère que cela vous aidera à faire les bons choix. Si cela est possible, apprenez et partagez avec les autres.

Ne vous trompez pas sur les faits. Les faits deviendront évidents si vous avez le courage et prenez l'initiative de penser et d'agir par vous-même.

Notre dernier espoir se trouve dans la municipalité locale. Nous devons commencer par "l'éducation de résidents", puis la formation des enseignants et des employés municipaux par des résidents informés. C'est le seul choix que nous ayons. J'ai appris de première main qu'il n'y a aucun moyen de protéger mes enfants tant que je n'agis pas, quel que soit le fardeau que cela puisse représenter.

Peu importe ce que cela me coûte de prendre soin de mes enfants, j'espère continuer à faire du mieux possible."

Ce texte a été traduit depuis sa version rédigée en anglais. Il s'agit donc de la traduction d'une traduction, ce qui peut entraîner de légers écarts avec l'original.

Vous pouvez retrouver la version écrite en japonais ici et la version écrite en anglais ici.

jeudi 8 août 2013

"Urgence" à Fukushima Daiichi (Pierre Fetet)

C'est un véritable article d'anthologie que nous livre Pierre Fetet cette fois-ci. Tout y est, aussi bien la situation actuelle, que ce qui risque d'arriver dans un délai hélas inconnu.

Une chose est certaine, et prouvée désormais : ce sont au moins trois cents mètres cubes d'eau contaminée gravement qui se déversent bon gré, mal gré, chaque jour dans l'océan Pacifique, avec la conséquence pour la faune marine que l'on devine. Trois cents mètres cubes, que TEPCO ne peut tout simplement pas empêcher de s'écouler actuellement. En cas de nouveau tremblement de terre, le bilan serait bien entendu revu largement à la hausse. De plus, cette situation déjà néfaste ne perdure ainsi que parce que des pompes continuent en permanence à refouler à la fois l'eau contaminée dans des récipients plus ou moins provisoires, et l'eau saine en amont qui est détournée avant d'être trop souillée à son tour. On sent là un dossier fort mal maîtrisé (souvent pour des questions de coût), que la moindre anicroche peut largement alourdir. Ne serait-ce que la simple transformation progressive du sol et du sous-sol de la centrale en un marécage radioactif et inapprochable.


7 août 2013
Que veut dire le mot « urgence » à la centrale de Fukushima Daiichi ? Ce mot a tellement été employé depuis deux ans et demi qu’on a du mal à croire à une urgence alors que Fukushima n’inquiète plus grand monde depuis longtemps. Et pourtant, ce mot vient d’être employé par quelqu’un qui s’occupe de la sécurité nucléaire au Japon : selon l’agence Reuters, le responsable d’un groupe de travail sur Fukushima de la NRA – l’Autorité de régulation nucléaire du Japon –  a annoncé lundi que Fukushima était dans une situation d’« urgence ». Shinji Kinjo n’est pourtant pas du genre à s’inquiéter d’habitude : le 15 mars 2011, après la troisième explosion à la centrale de Fukushima Daiichi, l’expert avait déclaré que l’augmentation de la radioactivité n’aurait pas d’effets immédiats sur la santé. C’est dire si ses propos publics aujourd’hui sont inquiétants. Pour comprendre pourquoi cet homme sort de sa réserve en remettant sévèrement en cause l’opérateur Tepco, il faut revenir sur les évènements qui ont débuté le mois dernier. C’est l’objet de cet article qui va essayer de faire le point de la situation concernant les eaux contaminées à la centrale de Fukushima Daiichi.
Etat de la situation en mars 2013 selon Ken Buesseler

La gestion des eaux de Fukushima Daiichi

Pour bien appréhender la situation, il faut connaître l’état des lieux. En bref, en mars 2011, les sous-sols de la centrale on été entièrement inondés par le tsunami, d’où la présence abondante d’eau salée initialement. Puis elle a subi 3 meltdowns (fonte du cœur) – c’est-à-dire l’accident le plus redouté de l’industrie nucléaire – formant chacun un corium d’environ 70 à 90 tonnes. Mais pire, au moins un des coriums a traversé la cuve d’un réacteur pour s’arrêter et se solidifier en fond d’enceinte de confinement ; ça c’est la version officielle. Mais pour l’instant, Tepco n’a pas été capable de montrer quoi que ce soit prouvant cette version. Car il y a une autre hypothèse : le corium a peut-être traversé le radier de fondation, ce qui l’aurait mené à la couche géologique contenant la nappe phréatique. Personne n’a prouvé cela non plus, car c’est tout simplement impossible en l’état des connaissances étant donné que Tepco pratique la rétention d’une grande partie des données. Mais cette hypothèse est de plus en plus plausible, nous allons voir pourquoi.
A la télévision japonaise (Asahi TV), on n’hésite plus à parler de melt-out (sortie du corium de l’enceinte de confinement).

Arrosage des cœurs fondus

Tepco arrose les cœurs fondus – du moins leur emplacement supposé dans les cuves – pour évacuer leur chaleur résiduelle. Cela nécessite environ 360 m3 d’eau par jour. L’eau, au lieu de rester dans les enceintes de confinement, se répand dans les sous-sols de la centrale, probablement à cause de failles provoquées par le tremblement de terre du 11 mars 2011. On estime que 100 000 tonnes d’eau contaminée stagnent ainsi à la base de la centrale. La contamination de cette eau est très importante : les dernières mesures donnent 5,7 millions de Bq/L pour l’unité un, 36 millions de Bq/L pour l’unité 2, et 46 millions de Bq/L pour l’unité 3.

Nappe phréatique en jeu

Une autre arrivée d’eau, incontrôlable, a été rapidement constatée, c’est celle de la nappe phréatique qui vient de toute part : 400 m3 d’eau par jour, qui se mélange et se contamine à celle utilisée pour le refroidissement.
Pour que le niveau d’eau ne monte pas et que le site ne devienne pas un marécage radioactif, Tepco est obligé de pomper en permanence l’eau des sous-sols. Cette eau est ensuite acheminée à des systèmes complexes de traitement qui supprime la salinité et enlèvent une partie des radionucléides. L’eau est ensuite stockée dans des réservoirs, et une partie est réutilisée pour le refroidissement. En effet, pour éviter de relâcher de l’eau radioactive dans l’océan, on la stocke sur le site. Actuellement, il y a environ 1000 réservoirs contenant quelques 300 000 m3 d’eau contaminée. Au 5 août 2013, Tepco a annoncé avoir encore 60 000 m3 de stockage disponible, ce qui lui permettrait de tenir jusque décembre 2013. Sur le long terme, d’ici deux ans, Tepco prévoit d’augmenter sa capacité de stockage à 700 000 m3.

Le point sur le stockage et le traitement des eaux contaminées le 30 juillet 2013 (source Tepco)
 
Le combat contre l’arrivée d’eau

Pour éviter de traiter trop d’eau, Tepco a installé 12 puits en amont des réacteurs pour pomper l’eau de la nappe phréatique avant qu’elle n’arrive dans les sous-sols. Cette opération ne permet en fait que de pomper 100 m3/jour. Mais comme le terrain surplombant ces puits a été contaminé par des fuites d’eau très radioactive provenant de réservoirs souterrains que l’opérateur avait creusés à même le sol – pour réduire la facture du stockage en cuves métalliques  – il n’y a pas encore d’autorisation pour relâcher cette eau en mer. En effet, après le tollé provoqué par le relâchement de 11 500 m3 d’eau radioactive dans l’océan en mars 2011, Tepco a promis de ne plus le faire sans l’autorisation des pêcheurs. Mais aujourd’hui, les pêcheurs n’ont plus confiance et ils ont sans doute raison.

Ce poisson, pêché à proximité de la centrale de Fukushima Daiichi en janvier 2013 est très radioactif : 254 000 Bq/kg, soit 2 540 fois la limite de 100 Bq/kg définie pour les produits de la mer par le gouvernement.

Mur étanche et fuites vers la mer

Prévu depuis deux ans, la construction d’un mur étanche en acier et béton entre la centrale et l’océan aurait dû être aujourd’hui terminée. Il n’en est rien. Pour des raisons probablement financières (ça coûte évidemment très cher) et humaines (difficulté de recruter des ouvriers), la construction de cette barrière est loin d’être terminée.
Projet du mur étanche en acier et béton (Tepco et Asahi TV)

Dans la précipitation due aux découvertes du mois de juillet, Tepco a opté pour la réalisation de murs chimiques. Cette technique avait déjà été employée en 2011 : à l’époque, on avait injecté dans le sol du silicate de sodium (Na2SiO3), qui est un composé chimique ayant la particularité de solidifier le sol et le rendre dur comme du verre. Il est possible que ce soit le même procédé. Toujours est-il qu’une raison technique empêche de réaliser cette structure jusqu’au niveau du sol. Le mur chimique de 16 m de profondeur s’arrête à 1,80 m de la surface.

Principe de réalisation du mur chimique par injection (source Tepco)

Or il semble que l’utilisation de cette technique sur une longueur de 100 m ait provoqué la montée du niveau de la nappe phréatique en aval de la centrale au niveau de l’unité 2 : le niveau d'eau dans un des puits a augmenté d'un mètre depuis début juillet. Cela semble assez logique étant donné que l’eau souterraine se déplace de la montagne vers l’océan. Rencontrant un obstacle, cela provoque une élévation de son niveau. Le gros problème, c’est que cette eau est fortement contaminée ; Tepco reconnaissait qu' « il est possible que les eaux aient commencé à passer par dessus le mur souterrain », ce qui signifie en clair qu’elle est déjà en train de rejoindre l’océan.

Schéma de l’Asahi TV : le niveau de l’eau de la tranchée est plus haut que le sommet du mur chimique.

De l’eau contaminée dans l’océan

Les mesures réalisées en mer depuis deux ans et demi montrent que la radioactivité ne baisse pas près de la centrale de Fukushima Daiichi, alors que la décroissance radioactive et la dilution auraient dû provoquer une diminution significative de la pollution. On supposait donc que la centrale relâchait des effluents radioactifs mais Tepco refusait jusqu’à maintenant d’admettre cette réalité. Ce n’est que le 22 juillet 2013 que l’opérateur a reconnu une pollution du Pacifique, puis le 2 août, Tepco a annoncé que la quantité totale de tritium rejeté depuis mai 2011 était comprise entre 20 000 et 40 000 milliards de becquerels (20 et 40 TBq). En fait, suite à la fuite de 2011 qu’ils avaient eu du mal à contenir, Tepco s’était engagé à boucher des conduits, ce qui pourtant n’a jamais été fait durant 2 ans, la situation s’étant soit-disant « stabilisée ».

Localisation des fuites de 2011 (Asahi)

On se rend compte à chaque fois que l’opérateur n’a rien d’un service public – bien que l’état japonais soit l’actionnaire majoritaire – mais est bien une entreprise commerciale qui, recherchant toujours le profit, évite au maximum les dépenses. Finalement le 7 août 2013, le gouvernement, par l’intermédiaire de l’Agence des Ressources Naturelles et de l’Énergie, annonce que 300 m3 d’eau contaminée rejoignent quotidiennement l’océan.

Pomper en urgence

L’ensemble des conduits-tunnels-tranchées en aval de la centrale contiennent environ 15 000 m3 d'eaux contaminées. Devant l’insistance de la NRA, Tepco s’est engagé à commencer à les pomper dès le week-end prochain alors qu’ils programmaient ce nouveau chantier seulement à la fin du mois d’août. Comme le bassin qui devait recueillir cette eau supplémentaire près de l’unité 2 n’a pas encore été construit, cela va réduire mécaniquement les capacités de stockage du site.

Dès le mois de juin 2013, Tepco avait constaté une augmentation de la radioactivité dans l’eau d’un conduit situé près de l’unité 2. Mais en juillet, ça a été un peu la panique : deux prélèvements dans des tranchées qui servent en fait de réservoir d’eau contaminée depuis le début de la catastrophe ont donné des mesures impressionnantes : le premier prélèvement (19 juillet 2013) a mesuré 36 milliards de Bq/m3 de césium 134/137, et le second (26 juillet 2013) 2 350 milliards de Bq/m3. D’où l’état d’urgence décrété par la NRA.


Des tranchées qui débordent

Aujourd’hui, il est avéré que l’eau contaminée passe par-dessus la barrière chimique. On peut penser aussi qu’elle passe par en dessous et sur les côtés, étant donné que ce « mur » chimique est intermittent. On peut également penser que depuis 2 ans toute la communication de Tepco sur la nappe phréatique qui se serait maintenue sagement sous la centrale n’est qu’une vaste fumisterie. Dans une émission récente sur Asahi TV, des experts dénoncent les projets désastreux de l’opérateur.

Sur Asahi TV, on explique que même le mur en acier-béton ne serait pas efficace puisque l’eau de la nappe phréatique contournerait facilement la barrière pour rejoindre l’océan.

Pour l’instant, aucune action destinée à retenir l’eau contaminée n’a été efficace. Elles ont été réalisées en dépit du bon sens. Pourtant depuis le début de nombreux experts réclament une enceinte souterraine fermée, une sorte de sarcophage souterrain gigantesque dont la construction prendrait deux années. Si cette décision avait été prise il y a deux ans, le déferlement de l’eau contaminée dans l’océan Pacifique aurait peut-être été contenu aujourd’hui. Peut-être, car on ne sait pas pour l’instant quelle profondeur devrait avoir cette enceinte. La centrale de Fukushima repose sur des couches sédimentaires gréseuses et il est probable que l’eau y circule très facilement à des profondeurs insoupçonnées.

Le corium sorti de l’enceinte ?

Selon l’ACROnique de Fukushima du 1er août, les derniers résultats de mesure de la contamination en césium de l'eau des tranchées incriminées font apparaître des concentrations en centaines de millions de becquerels par litre pour le réacteur n°2. Plus l'eau est prélevée profondément, plus elle est radioactive, relate aussi Gen4 : il y a jusqu'à 950 millions de becquerels par litre. Cela laisse penser que l’eau qui refroidit les coriums sort de l’enceinte de confinement et largue ses radionucléides en continu dans la nappe phréatique. Etant donné que Tepco ment par omission en permanence sur tous les fronts depuis le début de la crise, on peut penser raisonnablement que c’est une des dernières cachoteries de l’opérateur maudit.
Des échantillons ont été prélevés le 31 juillet à une profondeur de 1 mètre, 7 mètres et 13 mètres sur le côté mer de la centrale. (Asahi)

Que faire maintenant ?

Maintenant que le gouvernement a révélé que 300 m3/jour d’eau contaminée s’écoulent en continu dans l’océan, que va-t-il être possible de faire ? Il devient très critique de travailler dans cet environnement de plus en plus radioactif. Les hydrogéologues de la NRA certes travaillent sur le sujet, mais rarement la théorie concorde avec le terrain. L’eau finit toujours par s’infiltrer et s’installer. Il serait dangereux que le sol où est construite la centrale devienne un bourbier radioactif car il pourrait devenir instable. La solution à court terme est donc d’encore pomper et stocker. La solution à long terme n’est pas encore connue. Ou alors, il faut faire comme l’IRSN, rester optimiste quoi qu’il arrive : « Au vu des valeurs observées dans l’eau de nappe, l’apport de radioactivité à l’océan par le site devrait rester limité au regard de cet apport terrestre global, compte tenu des mesures prises, et les éventuels impacts écologiques devraient vraisemblablement rester localisés aux environs immédiats de la centrale du fait de l'importante capacité de dilution de l'océan. » (IRSN, 10 juillet 2013)

Grès de Fukushima (coupe géologique à 300 m de la centrale)

dimanche 16 juin 2013

les conséquences de la contamination radioactive de l’eau à Fukushima - explication d'experts

Le dire, le redire, le rabâcher, le répéter jusqu'à satiété. Le nucléaire est en train de nous tuer. Pierre FETET du Blog de Fukushima fait intervenir plusieurs spécialistes, dont une pédiatre. C'est très clairement compréhensible - sauf apparemment pour ceux qui ne pensent qu'à l'aspect financier du problème.


15 juin 2013
Akio Matsumura, ancien diplomate japonais, Gordon Edwards, expert en physique nucléaire et Helen Caldicott, médecin pédiatre, s’expriment dans un article publié sur le site akiomatsumura.com sur les conséquences de la contamination radioactive de l’eau à Fukushima.
Titre original : Experts Explain Effects of Radioactive Water at Fukushima
Traduction française : Fukushima-is-still-news
Introduction

Akio Matsumura
La contamination de l’eau pose un nouveau problème sur le site de Fukushima. Tepco doit continuer à refroidir les barres de combustible irradiées, mais n’a pas réussi à mettre en place un système permanent et soutenable pour se débarrasser de l’eau hautement radioactive produite par la procédure de refroidissement. Son système peut certes filtrer une grande partie de la radioactivité de l’eau, mais certains éléments comme le tritium, un agent cancérigène, ne peuvent pas être extraits et la concentration dépasse largement les normes légales. Tepco veut déverser l’eau dans l’Océan Pacifique afin de diluer le tritium pour rendre le taux acceptable, mais les pêcheurs, qui se méfient du fournisseur d’électricité, y sont opposés. Entre temps, Tepco stocke l’eau contaminée dans des citernes. Peut-on être surpris que ces citernes fuient (New York Times) ? De plus, Tepco admet qu’il finira par manquer de place pour toutes ces citernes de stockage.
La gestion de cette eau de refroidissement contaminée est devenue le problème le plus crucial  et le plus dangereux que Tepco ait eu à affronter depuis 2011.


Contexte

Selon le Japan Times (extraits): À la date du 7 mai , Tepco avait récupéré 290 000 tonnes d’eau radioactive dans 940 énormes citernes sur le site de la centrale, mais il en reste
94 500 tonnes dans les sous-sols des bâtiments des réacteurs et de diverses installations.
Tepco doit en permanence arroser les cœurs fondus des réacteurs 1, 2 et 3 en utilisant des systèmes de fortune pour éviter que le combustible ne fonde et ne provoque de nouveaux incendies.

Cependant, les enceintes de confinement des cœurs ont été endommagées par la fusion, ce qui a permis à l’eau de refroidissement hautement radioactive de fuir et de s’infiltrer dans les sous-sols. Les taux élevés de radioactivité ont empêché les ouvriers de s’approcher suffisamment pour inspecter correctement les dégâts, sans parler de démarrer la procédure de démantèlement.

Pour tout compliquer, 400 tonnes d’eaux souterraines pénètrent également quotidiennement dans les sous-sols des bâtiments endommagés par le tsunami et les explosions, se mélangeant aux fuites d’eau de refroidissement.

Tepco a utilisé un système de recyclage pour assécher les sous-sols. Ce système est supposé extraire le césium avant de remettre l’eau en circulation dans les réacteurs. Mais la menace est encore exacerbée par l’afflux des eaux souterraines.

Tout ce que Tepco a été capable de faire a été de construire davantage de citernes de stockage. Quels problèmes toute cette eau peut-elle provoquer ?
Selon Tepco, il y a une limite au nombre de citernes qui peuvent être installées avant que le site ne manque d’espace de stockage.

Tepco a affirmé pouvoir augmenter la capacité de stockage de 430 000 tonnes cette année à 700 000 d’ici la mi-2015, en abattant une forêt et en faisant de la place dans l’enceinte de la centrale. Cette façon de faire est censée lui procurer un répit de trois ans.


Le processus de contamination de l’eau

Gordon Edwards, expert en physique nucléaire
1. Quand du combustible nucléaire est utilisé dans un réacteur nucléaire ou une bombe atomique, les atomes qu’il contient se désintègrent (subissent une “fission”) destinée à produire de l’énergie. Le processus de fission est déclenché par des particules subatomiques appelées neutrons. Dans un réacteur nucléaire quand les neutrons sont arrêtés, le processus de fission s’arrête également. C’est ce qu’on entend par “arrêt du réacteur”.

2. Mais le processus de fission nucléaire crée des centaines de nouvelles variétés d’atomes radioactifs qui n’existaient pas auparavant. Ces sous-produits radioactifs dont on ne veut pas s’accumulent dans le combustible irradié et pris collectivement, sont des millions de fois plus radioactifs que le combustible nucléaire de départ.

3. Ces nouveaux matériaux radioactifs sont classés comme produits de fission, produits d’activation et éléments transuraniens. Les produits de fission — comme l’iode131, le césium 137 et le strontium 90 — sont les fragments des atomes désintégrés. Les produits d’activation — comme l’hydrogène 3 (“tritium”), le carbone 14 et le cobalt 60 — sont le résultat de la transformation d’atomes non radioactifs en atomes radioactifs après absorption d’un ou plusieurs neutrons égarés. Les éléments transuraniens — comme le plutonium, le neptunium, le curium et l’américium — sont créés par transmutation quand un atome massif d’uranium absorbe un ou plusieurs neutrons, devenant ainsi encore plus massif (d’ou le terme « transuranien », qui signifie « au-delà de l’uranium »).

4. À cause de l’intense radioactivité de ces sous-produits, le combustible nucléaire usagé continue à dégager de la chaleur pendant des années après l’arrêt du processus de fission. Cette chaleur (appelée “ chaleur résiduelle”) provient de la désintégration incessante des déchets nucléaires. Nul ne sait comment ralentir ou arrêter la désintégration radioactive de ces atomes ; autrement dit, la chaleur résiduelle est littéralement impossible à arrêter. Mais la chaleur résiduelle décroît progressivement avec le temps, devenant beaucoup moins intense après une dizaine d’années.

5. Toutefois, dans les années qui suivent la mise à l’arrêt d’un réacteur, si la chaleur résiduelle n’est pas supprimée au fur et à mesure qu’elle est produite, la température du combustible irradié peut atteindre des niveaux dangereux et des gaz, vapeurs et particules radioactifs sont émis dans l’atmosphère à des taux inacceptables.

6. La manière la plus courante de supprimer la chaleur résiduelle du combustible irradié est de l’arroser en permanence. C’est ce que fait Tepco, à raison de quelque 400 tonnes d’eau par jour. Cette eau est contaminée par les produits de fission, les produits d’activation et les éléments transuraniens. Comme ces déchets sont radiotoxiques et nocifs pour les organismes vivants, l’eau ne peut pas être rejetée dans l’environnement tant qu’elle est contaminée.

7. En plus des 400 tonnes d’eau utilisées journellement par Tepco pour refroidir le cœur fondu des trois réacteurs endommagés, 400 tonnes d’eaux souterraines s’infiltrent chaque jour dans les bâtiments des réacteurs endommagés. Cette eau est également contaminée par la radioactivité et doit donc être stockée en attendant d’être décontaminée.

8. Tepco utilise un “Système de traitement liquide avancé ”(ALPS) qui est capable de filtrer
62 types de matériaux radioactifs contenus dans l’eau contaminée, mais ce procédé est lent, l’extraction est rarement efficace à cent pour cent et certains matériaux radioactifs ne sont pas filtrés du tout.

9. Le tritium, par exemple, ne peut être filtré. Le tritium est de l’hydrogène radioactif : quand des atomes de tritium se combinent avec des atomes d’oxygène, on obtient des molécules d’eau radioactives. Aucun système de filtration n’est en mesure de retirer le tritium de l’eau, parce qu’on ne peut pas extraire l’eau de l’eau. Une fois rejeté dans l’environnement, le tritium pénètre librement dans tous les organismes vivants.

10. L’énergie nucléaire constitue l’exemple ultime de la société du tout-jetable. Le combustible irradié doit en effet être tenu à l’écart de l’environnement des organismes vivants pour l’éternité. Les matériaux de qualité utilisés pour construire la zone centrale des réacteurs nucléaires ne peuvent jamais être recyclés ou réutilisés, mais doivent être stockés en tant que déchets radioactifs pour toujours. Les réacteurs défaillants ne peuvent jamais être complètement arrêtés, parce que la chaleur résiduelle continue bien après la mise à l’arrêt. Et les efforts déployés pour refroidir un réacteur sévèrement endommagé produisent d’énormes volumes d’eau contaminée par la radioactivité ; celle-ci doit être stockée ou rejetée dans l’environnement. On comprend pourquoi certains qualifient l’énergie nucléaire de « technologie sans pitié ».


Neuf conséquences médicales de la contamination de l’eau par le tritium

Helen Caldicott, médecin pédiatre
1. Il n’existe pas de moyen de séparer le tritium de l’eau contaminée. Le tritium, un émetteur bêta de faible énergie, est un puissant cancérigène qui reste radioactif pendant plus de cent ans. Il se concentre dans les organismes aquatiques dont les algues, les crustacés et les poissons. Parce qu’il n’a ni goût ni odeur et qu’il est invisible, il sera inévitablement ingéré à travers l’alimentation, en particulier les produits de la mer, pendant de nombreuses décennies.
Il se combine dans la molécule d’ADN – le gène – où il peut provoquer des mutations qui peuvent ultérieurement causer un cancer. Il provoque des tumeurs du cerveau, des malformations congénitales et des cancers dans beaucoup d’organes. La situation est extrêmement grave parce qu’il est absolument impossible de contenir toute cette eau radioactive en permanence et elle s’écoulera inévitablement dans l’Océan Pacifique pendant
50 ans ou plus, en même temps qu’une série d’autres isotopes très dangereux, comme le césium 137, qui a une durée de vie de 300 ans et provoque des tumeurs des muscles très malignes, les rhabdomyosarcomes, et le strontium 90 qui est également radioactif pendant 300 ans et provoque des cancers des os et des leucémies ; ces deux isotopes ne sont qu’un exemple des nombreux éléments radioactifs [contenus dans cette eau contaminée].

2. Les rayonnement peuvent provoquer tous les types de cancers. Comme une grande partie des terres de Fukushima et des environs sont contaminées, la nourriture – le thé, le bœuf, le lait, les légumes verts, le riz, etc. – resteront radioactifs pendant plusieurs centaines d’années.

3. Le terme de “nettoyage” est inapproprié : les sols, le bois, les feuilles et l’eau contaminés ne peuvent pas être décontaminés ; ils peuvent à la limite être déplacés ailleurs et contaminer les nouveaux emplacements.

4. L’incinération des déchets radioactifs propage les agents cancérigènes dans d’autres régions du Japon, y compris des régions qui n’étaient pas contaminées.

5.  Les cancers ont une longue période d’incubation : 2 à 80 ans après que les gens ont mangé de la nourriture radioactive ou respiré de l’air contaminé.

6. Selon l’AIEA, le démantèlement des réacteurs [de Fukushima] va prendre entre 50 et
60 ans et certains prédisent que ce désastre ne pourra jamais être nettoyé ni éliminé.

7. Où est-ce que le Japon va pouvoir déposer ce combustible fondu hautement radioactif, les barres de combustible et le reste ? Il n’existe aucun lieu sûr pour stocker ce matériau mortel
(qui doit être isolé de l’exosphère pendant un million d’années si l’on en croit l’EPA, l’Agence américaine de protection de l’environnement) sur une île régulièrement frappée par des séismes.

8. Au fur et à mesure que ces éléments radioactifs s’infiltrent dans l’eau et dans les océans et qu’ils sont rejetés dans l’air, l’incidence des malformations congénitales, des cancers et des aberrations génétiques ne peut qu’augmenter au fil du temps et dans les générations à venir.

9. Les enfants sont de 10 à 20 fois plus sensibles aux effets cancérigènes des rayonnements que les adultes (les petites filles y sont deux fois plus sensibles que les garçons) et les fœtus des milliers de fois plus – une radio chez la femme enceinte double le risque pour l’enfant d’avoir une leucémie.