Par un ZADiste occasionnel et robustement anonyme (un Camille, quoi)
Du 10 au 17 décembre derniers, j’ai passé une semaine, un petit mois
après la manif de réoccupation du 17 novembre (voir encadré) sur la
désormais fameuse ZAD. Je ne reviendrai pas sur pourquoi toute une
frange de la population est opposée à cet aéroport et sur les arguments
des un-e-s et des autres (1). Non, je préfère me concentrer sur les
quelques jours que j’ai passé là-bas et sur ce que j’y ai vécu, partagé.
Le premier élément matériel à prendre en compte et à apprivoiser est… la boue.
La boue
Au début, surtout quand on vient de la Provence sèche, la boue est
une substance qu’on a peu l’habitude de manipuler et, dans le bocage, la
boue est omniprésente, les précipitations les dernières semaines ayant
été exceptionnelles dans un pays déjà à vocation humide.
Planté dans mes hautes bottes, je posais régulièrement le pied en
craignant de ne sentir la terre ferme qu’une fois que la boue aurait
dépassé le haut de mes bottes. Sans mentir, à certains endroits il
devait y avoir pas loin de 50 centimètres d’une boue extrêmement fluide,
visqueuse en raison des innombrables passages de centaines de
personnes.
Si au début, on peut être surpris, voir réticent, on apprend rapidement à
évoluer avec plaisir dans cet élément fascinant. En tout cas, beaucoup
plus joyeusement que les flics sur place qui donnent vraiment
l’impression d’avoir du mal à s’y faire… Tout comme les femmes de ménage
d’un des hôtels les accueillant qui se sont mises en grève contre
l’omniprésence de cette boue.
Les flics
Parlons donc un minimum de ces forces bleutées et surarmées.
CRS ou Gendarmes Mobiles, entre les deux mon cœur balance. Check points
quotidiens, avec ou sans contrôle d’identité. Leur présence fait que les
cars de ramassage scolaire ne passent plus sur la zone. Les flics
parfois, sans qu’on comprenne bien pourquoi, (quel ordre a été donné
quand et dans quel but ?) bloquent tout mouvement, y compris des
personnes qui habitent sur place depuis 20 ans… ou laissent passer sans
contrôler ou ne contrôlent que les voitures, ou les vélos ou les
piétons, ou tout le monde, ou personne…
Pendant notre séjour, trois arrêtés préfectoraux prétendaient régir la
vie de la zone : interdiction des explosifs, pétards et autres feux
d’artifices, interdiction du transport d’essence, et interdiction des
matériaux de construction.
Les flics ont parfaitement conscience de l’inutilité de ces arrêtés vu
qu’eux-mêmes disent "de toutes façons ça va passer par les bois à pied".
Ce qui est effectivement ce qui se passe, sauf lorsque des personnes
veulent s’opposer à l’aberration de telles interdictions et de
l’occupation quasi militaire et qu’elles font du forcing pour passer le
matériel devant les gardes mobiles dépités et néanmoins gazant. C’est ce
qui c’est passé le samedi 15 décembre, avec un tracteur qui apportait
une crèche en kit.
Pour éviter de croiser des uniformes, il suffit de couper par les
champs, et donc patauger dans la boue, de nouveau. Et quand il gèle, la
boue tord les chevilles.
L’omniprésence policière engendre néanmoins pas mal de casse au sein du
mouvement du fait de la répression et des blessés qu’elle engendre, j’y
reviendrai. Face au harcèlement policier, un certain harcèlement en
retour c’est mis en place, depuis des personnes âgées, et très bavardes,
qui pendant des heures parlent et usent la patience policière en leur
demandant pourquoi ils font ça, est-ce qu’ils n’ont pas honte, etc.
jusqu’à des actions de lutte plus offensives.
Les forces policières génèrent l’insécurité, mais dès qu’elles ne sont
pas présentes ou qu’on s’en éloigne, une tranquille vie de sécession
s’élabore dans un phénoménal laboratoire d’expérience humaine.
La vie sur place
Il n’est pas aisé de décrire la fourmilière ZAD, et quasiment
impossible de savoir ce qui se passe sur les 2.000 hectares de bocage.
Ce qui est évident, c’est que ça construit. Et ça construit, et ça
construit… Des cabanes-palettes, des yourtes, des caravanes… et même des
rêves de gosse, tels que cette maisonnette sur pilotis au milieu de
l’étang, accessible uniquement en bateau.
Un gros lieu de stockage de nourriture s’est organisé au champ, si bien
nommé, Hors-Contrôle. Il est constamment réapprovisionné par la
générosité et la solidarité d’une foule très diverse. Différentes
cuisines se sont installées autour des quelques gros lieux collectifs et
d’activités : cuisine de la Chat-Teigne, de Hors-Contrôle, des Fosses
Noires...
Les journées commencent, dès 6 heures, en écoutant "la radio pirate,
faite par des pirates qui n’ont jamais fait de radio", radio Klaxon qui
squatte les ondes de Radio Vinci autoroute. L’info trafic s’est
transformée en info traflic !
"Vous êtes bien sur Radio klaxon Pouêt-pouêt 107.7. Une réunion sur les
projets d’élevage et de maraîchage est organisée cet après-midi à 17h à
la Chat-Teigne. Et nous vous rappelons qu’il y a toujours 5 camions de
Gardes Mobiles aux Ardillières. Apparemment ils ne contrôlent que les
voitures mais pas les piétons ou vélos…".
Des permanences médicales se tiennent régulièrement, avec de vrai-e-s
médecin-e-s et infirmièr-e-s et ce n’est pas du luxe, vu le nombre de
blessé-e-s engendré-e-s par les forces militaro-démocratiques. Egalement
dans l’idée de protection du mouvement, une équipe légale se relaie
autour d’un téléphone à appeler en cas de problème. Un pool d’avocats
accepte aussi de défendre les personnes tombée dans le filet judiciaire.
Et puis il y a les barricades. Forcément, il faut parler des barricades…
Quand les savoir-faire et les matériaux agricoles rencontrent le
savoir-faire militant, on obtient des réalisations impressionnantes. Les
balles rondes, mêlées à la tôle ondulée, donnent des barricades à la
fois très hautes et qui paraissent plutôt solides. En particulier là où
il y a eu du temps pour penser, construire et renforcer les barricades.
Les barricades, alliées à la détermination des personnes défendant les
lieux, sont de réels obstacles et en tout cas des ralentisseurs de
l’action policière permettant aux soutiens extérieurs à la zone de venir
en renfort lors de possibles attaques policières. La vigilance sur les
barricades commence aussi très tôt le matin, vers 5 ou 6 heures. La
tension et l’attention dépendent malgré tout de la situation juridique
(même si à différentes reprises la préfecture est passée en force sans
même respecter le droit dont elle se targue !) et que pour l’instant on
est dans une sorte de statu quo assez bizarre.
La barricade génère d’un côté un enthousiasme, de l’énergie car, enfin,
nous sommes dans une situation où de vraies barricades sont possibles et
ne sont plus une référence historique (type la Commune de Paris ou Mai
0968) ou exotique (type Oaxaca). Ici et maintenant, nous vivons des
circonstances historiques nécessitant ces moyens.
D’un autre côté, la
mythologie de la barricade et sa dynamique quelque peu guerrière
entraîne une ambiance qui n’est pas forcément ultra agréable car très
viriliste. Un certain nombre de femmes qui avaient occupé des barricades
ou participé aux différents affrontements passés ne veulent plus y
mettre les pieds à cause de cette ambiance. C’est dommage.
Dans le même ordre d’idée, pour ne pas idéaliser ce qui se passe sur la
zone, des attitudes et propos homophobes et sexistes plombent parfois
l’ambiance. Comme quoi on peut être contre l’aéroport, mais pas contre
son monde…
Les risques
Si, dans les premiers temps des expulsions, la violence était
relative, cette situation de pression policière a, par la suite entraîné
beaucoup de "casse humaine". Les flash-balls et autres grenades
assourdissantes font beaucoup de blessé-e-s. Les grenades envoient des
tout petits bouts de plastique ou de métal qui, comme ils sont chauffés à
blanc, pénètrent dans les chairs tout en cautérisant la plaie. Il est
très difficile ensuite de retirer ces débris. Sans parler bien
évidemment des tirs tendus, de lacrymos ou de grenades de
désencerclement.
La volonté répressive paraît croître ces derniers temps, avec une
augmentation des procès et des arrestations. Au dernier compte, on en
était à 80 arrestations avec procès à venir dans la foulée, du fait des
comparutions immédiates. Les peines sont principalement du sursis, avec
des amendes pour refus de fichage ADN ou de prise d’empreintes et des
interdiction de territoire des cinq communes entourant la ZAD. Deux
personnes sont néanmoins en prison pour 5 et 6 mois ferme, ce qui
commence à faire très lourd. Le besoin de solidarité est important.
Est-ce parce que les procès ont commencé de manière sporadique et
dispersée que la mobilisation contre la répression a semblé assez faible
au début ? Face à un tel nombre de personnes incriminées, la solidarité
commence néanmoins à s’organiser concrètement.
2ème partie
Situation politique
Le foisonnement humain et social, le quotidien suractif, pourraient
presque faire oublier la situation politique concrète de la lutte et du
mouvement.
J’ai l’impression que nous avons là un mouvement de lutte réellement
fort et que ni les revirements médiatiques, ni la pression/répression
policière n’affaiblissent.
Les violences policières des 23 et 24 novembre et les cent blessé-e-s ou
plus ont renforcé la cohésion du mouvement, la solidarité.
Une bagarre juridique a également été menée au sujet de l’autorisation
de destruction et d’expulsion des cabanes construites le 17 novembre, en
particulier la Chat-Teigne. Le 4 décembre au tribunal de St Nazaire, la
préfecture demandait la destruction. Le 11 au matin, le tribunal
autorisait la destruction des cabanes, mais les opposant-e-s affirment
alors qu’il y a des habitants, et qu’il faut donc un jugement ordonnant
leur expulsion avant de pouvoir détruire. En trois heures (sans doute un
record du monde de célérité judiciaire), le tribunal donne
l’autorisation d’expulser. La préfecture déclare alors que les
opposant-e-s n’ont plus aucun droit. Encore une fois la préfecture s’est
lamentablement fourvoyé, car les opposant-e-s ont prouvé à la
préfecture qu’il y avait d’autres voies, et en particulier un recours en
rétractation qui aurait été du plus mauvais effet pour les services
préfectoraux, puisqu’ils risquaient d’être forcés de lancer une
procédure d’expulsion nominative, la procédure traditionnelle contre les
squats. La préfecture a demandé que le recours ne soit pas déposé et a
lancé cette procédure nominative.
Toute cette fastidieuse action juridique démontre une des forces du
mouvement : on ne lâche rien sur rien, des barricades jusqu’au plan
juridique...
Parallèlement, l’Etat lançait, le 21 décembre, la commission du
dialogue, avec trois technocrates qui avaient déjà participé et/ou
organisé des débats publics sur des grands projets d’infrastructures,
type autoroute.
Au moins deux conditions ont été posées par l’ACIPA, l’association
citoyenne opposée à l’aéroport : le retrait des forces d’occupation
policière et la possibilité d’aborder le fond du sujet, c’est-à-dire la
construction ou pas de l’aéroport. Il n’est pas question de discuter des
aménagements à apporter au projet pour qu’il puisse se faire.
Le président de la commission du dialogue a annoncé que son travail se
poursuivrait jusqu’au 31 mars 2013 et que ce serait un mauvais signe
s’il y avait des expulsions (ou tentative) sur la ZAD. La préfecture
comprendra-t-elle cette subtilité ou au contraire essaiera-t-elle de
nouveau un coup de force, croyant les opposant-e-s endormi-e-s par les
déclarations de la commission du dialogue ? Juridiquement, un des
derniers lieux en dur sur la zone, la Sécherie, était expulsable dès le
27 décembre et on attend les suites juridiques pour la Chat-Teigne.
La rencontre des comités locaux
Les 15 et 16 décembre avait lieu la première rencontre nationale des
comités locaux à Notre-Dame-des-Landes. Entre 150 et 180 comités
s’étaient déplacés, réunissant de 300 à 400 personnes (à ce jour, il y a
presque 200 comités locaux). Pour comparaison et mémoire, au plus fort
de la lutte au Larzac contre l’extension du camp militaire, on ne
comptait qu’entre 70 et 80 comités locaux. C’est vrai qu’Internet
n’existait pas encore...
Après une matinée passée à la présentation succincte des diverses
dynamiques locales et des actions de soutien réalisées dans toute la
France, nous avons travaillé une après-midi en commission. Il y en avait
quatre :

Implication
des collectifs locaux sur la vie de la Chat-Teigne et sur la ZAD. Il en
est sorti une proposition de relais par ville et un début de
calendrier. Ceci permettrait d’une part de soulager les personnes vivant
sur la ZAD et par ailleurs d’apporter un contenu de discussion et de
débat issu de l’identité et de la manière de faire de chaque lieu.

Organisation
de la réponse sur la zone en cas de tentative d’expulsion (de la
Chat-Teigne ou de tout autre lieu). Tout n’est pas encore très clair,
mais il semblerait qu’on s’oriente vers une manif de Nantes à la ZAD,
quelques semaines après les tentatives d’expulsion.

Coordination
d’actions décentralisées par les comités locaux. Ces actions seront de
deux ordres : soit en réaction à une tentative d’expulsion sur la zone,
soit des actions du "quotidien" pour continuer la pression populaire. En
réaction à une attaque policière, un appel à occuper, dans les deux
jours suivants, des lieux de pouvoir : préfectures, sous-préfectures,
mairies, etc. (…) Deux journées d’action nationale contre Vinci se
tiendront aussi les 18 et 19 janvier, à chacun selon ses moyens et
envies. Et peut-être que j’en oublie.

Outil
de coordination entre les comités locaux et évocation d’une charte. De
grands débats stratégiques et politiques autour de la possibilité d’une
charte se sont tenus. Ce qui est apparu clairement, c’est la gestion
commune d’une liste mail entre l’ACIPA et le mouvement des occupations.
Ca paraît peut-être anodin, et on pourrait se dire encore une énième
liste mail. C’est vrai, mais ce qui est à noter, c’est la gestion
commune de la liste et pas son existence, car la relation entre l’ACIPA
et le mouvement des occupations n’a pas toujours été très facile et il y
a quelques semaines encore, elle aurait été inimaginable.
Une autre rencontre nationale est d’ores et déjà prévue pour le
printemps, dates à préciser.
Après la boum disco endiablée du samedi soir, le dimanche matin un débat
stratégique en grande assemblée nous a réunis avec, auparavant, une
prise de parole des différentes composantes de la lutte. L’après-midi
une visite de la Chat-Teigne était organisée.
En dehors des insatisfactions inhérentes aux assemblées en grand groupe
par exemple, ces rencontres étaient particulièrement enthousiasmantes.
Je n’avais jamais assisté à des discussions où une certaine radicalité
était indiscutable avec une telle diversité de personnes. Certaines
personnes issues de partis politiques ont demandé à ce que les partis
puissent être représentés dans cette lutte. Rejeté ! Le principe que les
individus peuvent venir mais pas les organisations en tant
qu’organisation et encore moins les partis en tant que parti est intégré
et on n’en parle plus.
Dans le même ordre d’idée, la diversité des tactiques et des types
d’actions demeure une base d’accord, avec comme pilier l’union du
mouvement et la non-dissociation.
Il est vraiment revigorant de sentir
un mouvement où, enfin, le débat violence/non-violence est concrètement
dépassé dans la pratique et dans la parole (2). La composante issue du
mouvement des occupations a su gagner ses galons de respectabilité par
la lucidité politique et stratégique de son implication. Avoir pensé des
années à l’avance les occupations, les expulsions et les moyens d’y
faire face, avoir toujours gardé un temps d’avance sur les gouvernants,
en ayant en particulier prévu la manif de réoccupation depuis plus d’un
an et demi et avoir montré le courage et la pratique des barricades et
de la défense contre les agressions policières, toutes ces raisons font
que beaucoup de monde comprend mieux cette dynamique politique et la
respecte enfin. Et ceci n’évacue pas les débats, ni certaines
incompréhensions venant de culture de lutte très différentes...
Ces deux jours de rencontres vont avoir une importance dans les temps à
venir, même si ce sera très difficile à évaluer. Le mélange de
radicalité alliée avec un réel espoir de victoire et la brèche ouverte
pour parler de l’aménagement du territoire et des infrastructures
nuisibles et imposées, tout ceci a commencé à irriguer la société
française, et on verra dans quelques temps comment ces graines auront
germé...
La suite
Il paraît assez évident que l’Etat, ses chiens de garde et les
élu-e-s qui militent pour le projet commencent à paniquer et à ne plus
savoir quoi faire face au "kyste" zadiste. Dernier exemple en date, la
publication d’un appel d’offre de 200.000 euros par le syndicat mixte de
l’aéroport pour favoriser les arguments pour l’aéroport, aussi bien
dans les médias que dans les réseaux sociaux. Appel d’offre hautement
comique puisqu’il montre que les arguments pour l’aéroport ne sont pas
suffisamment probant et qu’il faut les asséner à coup de sociétés
spécialisées dans le lobbying. Comique renforcé par le retrait rapide de
cet appel, après le tollé qu’il avait suscité, sans parler des actions
menées par les opposant-e-s pour se le procurer et y répondre.
Enième recul des édiles qui ne savent plus quoi faire... Leur dernier et
ultime argument, quand tous les autres ont été démonté pied à pied, est
le respect de la démocratie représentative, car ils ont été élu-e-s en
étant pour ce projet, ne s’en sont jamais caché-e-s, et que quand même,
il faut la respecter cette démocratie.
Et ben non, et c’est justement aussi ce qui s’élabore sur place, dans le
bocage, c’est une autre démocratie, sans délégation, sans
représentant-e-s, sans expert-e-s, juste une démocratie directe et
égalitaire. Pas étonnant que les personnes sortant de l’ENA (3) ne
comprendront jamais ce genre de dynamique et de pensée !
Un autre monde se vit.
Un des débats lors de la rencontre des comités locaux portait sur le
lien avec les luttes locales avec deux axes. Doit-on surfer sur la
dynamique ZAD pour renforcer les luttes locales (contre les LGV (Lignes à
Grande Vitesse) ou THT (Lignes à Très Haute Tension), contre les
surfaces commerciales, contre les stades, contre les autoroutes etc.) ou
doit-on d’abord se concentrer sur la ZAD, continuer à taper, et taper
encore pour enfoncer le coin et enfin gagner, cette victoire renforçant
toutes les luttes locales ? Difficile de trancher, évidemment, et en
terme de mouvement social il n’y a, heureusement, pas de science exacte.
Ce débat révèle deux choses, la prégnance future des débats sur les
infrastructures, mais aussi la possibilité, l’éventualité de la
victoire. Ce qui ne va pas sans soulever de questions. De quelle
victoire parle-t-on, quand on lutte contre l’aéroport et son monde ?
Pour l’aéroport, peut-être que nous pouvons gagner, pour le monde ,un
nouveau cycle de luttes acharnées devra être mené avant de commencer à
entrevoir des prémices de lumière...
Et puis que va-t-il se passer sur la ZAD si le projet est abandonné ?
Les discussions ont déjà commencé. Des discussions PAC : Perspectives
Agricoles Communes. C’est bien de garder l’initiative et un pas
d’avance, même s’il ne faudrait pas pêcher par optimisme. La lutte doit
continuer car le projet est toujours d’actualité.
Autre question :
l’union sacrée actuelle, motivée par les agressions policières,
tiendra-t-elle quand il s’agira de discuter avec le pouvoir de l’avenir
de la zone ?
Mais on n’en est pas là, et le recul du gouvernement n’a pas encore eu
lieu.
Ce qui paraît sûr c’est que Jean-Marc Ayrault (4) ne pourra pas rester
premier ministre s’il y a un recul sur le projet.
Et puis continuons encore et toujours, répondons aux différents appels
issus de la ZAD, allons voir sur place comment ça se passe, pourrissons
nos élu-e-s et leurs vœux indigestes et continuons cette lutte
enthousiasmante !
1. Voir Archipel No 210, décembre 2012 Haut-Parleur et Archipel No 201, mars 2012 S’ils expulsent, réoccupation massive
2. voir à ce propos le texte paru sur le site du Monde en réponse, entre
autres, à la tentative de récupération de Susan Georges et intitulé
Contre l’aéroport mais pacifiste que ça !
3. Ecole Nationale d’Administration, grande école dont sortent la
plupart des dirigeants politiques en France.
4. Avant d’être nommé Premier ministre du Président socialiste François
Hollande, J. M. Ayrault était député-maire de Nantes, c’est lui qui a
relancé le projet d’aéroport en 2000.
Chronologie rapide et incomplète
1967 : premier projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, prévu pour
accueillir le Concorde.
1973 : création de l’ADECA, association des exploitants agricoles, 1ère
association contre l’aéroport.
Le choc pétrolier et le fiasco Concorde ont raison de ce premier projet.
2000 : Jean-Marc Ayrault relance le projet et création de l’ACIPA,
association citoyenne luttant principalement sur le terrain juridique,
avec pétitions et grand rassemblement humain ponctuel.
2008 : le collectif des habitant-e-s qui résistent invite à venir
s’installer et occuper la zone.
2009 : Camp Action Climat sur la ZAD. (Ré)appel à occupation. La
dynamique d’installation sur la zone est potentialisée.
2012 : après une grève de la faim de quelques personnes à Nantes pendant
la campagne électorale, accord avec le PS, pas d’expulsion jusqu’à la
fin de tout les recours juridiques. Désaccord et différence d’analyse au
sein du mouvement d’opposition. Certain-e-s croient que cet accord
s’applique à tout le monde, d’autres disent que ceci ne concerne pas la
dynamique des occupations d’après 2008.
16 octobre 2012 : début de l’opération César des expulsions sur la zone.
A midi, la préfecture déclare que l’opération est terminée et que les
expulsions ont toutes réussies. Pendant presque 3 semaines, des
affrontements entre la police et les opposant-e-s auront lieu. Il faudra
plusieurs jours pour expulser certains lieux.
17 novembre : grande manifestation de réoccupation. Environ 40.000
personnes participent à ce qui s’apparente à une action directe de
masse, avec reconstruction de 6 cabanes. Le cortège est ouvert par un
groupe d’auto-défense de 2.000 personnes, avec banderole renforcée et
caddies de supermarchés. France Inter parle au journal de 13 heures
d’une manifestation de 2.000 personnes.
23 et 24 novembre : attaque policière sur la Chat-Teigne, très
probablement illégale pour le 23. Très durs affrontements dans la forêt
de Rohanne. Plus de 100 blessé-e-s. Réactions dans toutes la France avec
des actions de solidarité qui d’ailleurs ont débuté dès le 16 octobre.
La suite est à écrire.