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vendredi 22 février 2013

Du Petit Blanquiste - Vigné d'Octon et les crimes coloniaux de la République

Décidément, nos amis les blogueurs de gauche se déchaînent. Voici encore un document essentiel, à verser au crédit de JPD le Petit Blanquiste.

 

21 février 2013

Vigné d'Octon et les crimes coloniaux de la République

Paul Vigné d'Octon.PNGA un moment où l’armée française nous rejoue sans gloire la prise de Tombouctou, le moins qu’on puisse faire est de rappeler comment, à une autre époque, d’autres soldats de la République ont martyrisé cette région d’Afrique.

Paul Vigné d’Octon, médecin de la Navale, affecté au Sénégal puis en Guinée dans les années 1880, en a été le témoin révolté.

En 1885, il accompagne une colonne d’infanterie de marine chargée de consolider le contrôle de la France sur la région des Rivières du Sud (Guinée actuelle) alors divisée par des rivalités entre deux chefs locaux. La mission est d’appuyer un camp contre l’autre en supprimant trois villages et en faisant disparaître leurs chefs. Les villages sont effectivement brulés et leurs chefs abattus avant que la troupe française se replie abandonnant le terrain à ses supplétifs qui torturent et achèvent les blessés. [1]

Ecœuré par cet épisode et par bien d’autres, et désireux de témoigner de tout ce qu’il voit, Vigné expédie d’abord des articles à des journaux sous des pseudonymes divers puis démissionne finalement de l'armée.

Peu après, il se présente à la députation dans sa circonscription de l’Hérault. Il est élu et sera réélu deux fois. [2]

A la Chambre des députés, il accuse la politique coloniale de la France et s'oppose à l'octroi des crédits destinés à financer les expéditions militaires.

Quand il interpelle le chef du gouvernement c'est pour lui demander de mettre fin à la politique de conquête coloniale, cause de « ces actes abominables » qui « porteraient à croire que les véritables sauvages ne sont pas au Soudan ». [3]

C'est lui encore qui dénonce le massacre perpétré dans le village d’Ambike à Madagascar. Un adjoint de Galliéni, gouverneur de l’île, commande ce meurtre de nuit contre une population endormie. Mitraillées ou éventrées à la baïonnette, les victimes (femmes et enfants compris) se comptent entre 2.500 et 5.000.

« Quand il fit grand jour, la ville n’était plus qu’un affreux charnier dans le dédale duquel s’égaraient les Français, fatigués d’avoir tant frappé », raconte Vigné.

En 1899, il sera celui qui révèle les crimes que l’armée française est en train de commettre en Afrique où, durant une mission de reconnaissance sur des territoires situés entre le Niger et le Tchad, deux officiers, le capitaine Voulet et le lieutenant Chanoine, se livrent à des massacres monstrueux jonchant leur parcours de milliers de cadavres, et de villages dévastés et incendiés.

Le gouvernement finira par ordonner l’arrestation des deux officiers mais l’affaire est enterrée par la Chambre des députés qui rejette à une écrasante majorité la commission d'enquête demandée par Vigné.

En 1910, Vigné obtient du gouvernement l'autorisation de conduire une mission d'information en Afrique du Nord au désagrément des milieux coloniaux qui le redoutent, certains le considérant « plus dangereux que les criquets »...

Persuadé que le gouvernement allait censurer ses rapports, Vigné les fait publier dans les colonnes du journal antimilitariste La Guerre sociale, puis les regroupe dans une brochure intitulée La Sueur du Burnous. Il y dénonce notamment les spoliations des meilleures terres tunisiennes : « On ne compte plus le nombre de tribus qui après avoir été chassées des terres assez fertiles qui les nourrissaient et refoulées sur un sol ingrat, en ont été dépouillées le jour même où l’on y découvrit des richesses minières à exploiter... »

Après la guerre 1914-1918, il publie un nouveau pamphlet où il condamne entre autres les atrocités de la guerre menée en Syrie et au Liban lors de l’expédition du général Gouraud.
Ho Chi Minh A.JPGC'est aussi à cette époque, qu'un jeune vietnamien Nguyen Aï Quoc (le futur Ho Chi Minh) demande à le rencontrer. De leur travail en commun  à la Bibliothèque nationale, celui qui conduira les guerres de libération de son pays contre la France et les Etats-Unis puise des éléments qui contribueront à l’écriture de deux de ses brochures : Les opprimés et Procès de la colonisation. [4]

Il est devenu de bon ton d’affirmer que les crimes et exactions qui accompagnèrent les conquêtes et les occupations coloniales se sont déroulées dans un silence complice généralisé et que ce serait un archaïsme d’affirmer le contraire. L’exemple de Paul Vigné d’Octon nous montre que c’est faux. Même à contre-courant, il y a toujours eu des opposants à l'impérialisme français et à ses crimes. Aujourd'hui, encore !

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[1] Le même scénario semble se reproduire aujourd’hui quand, après avoir pris le contrôle d’une ville, l’armée française la livre à l’armée malienne qui y procède à des exécutions sommaires de Touaregs et d’Arabes.
[2] La base de données de l’Assemblée nationale ne lui consacre aucune biographie.
[3] Il s’agit, au temps de l’Afrique occidentale française, du « Soudan français » ou « Soudan occidental » devenu aujourd’hui le Mali.
[4] En exergue de ce dernier écrit, Ho Chi Minh place une citation de Paul Vigné d’Octon : « Après avoir volé des terres fertiles, les requins français prélèvent sur les mauvaises terres des dîmes cent fois plus scandaleuses que les dîmes féodales. »

jeudi 24 janvier 2013

De Florange à Goa

L'homme de l'Élysée (non, pas du Picardie) fait donc "sa" guerre, dans un lieu dont je crains qu'il ne le connaisse mal. Le voilà soudain conquérant. Il ne s'agit pourtant pas de sauver "nos fils et nos compagnes", mais de l'extraction d'un produit que bien des Français préfèreraient bien voir ailleurs. Oui, bien sûr, il y a aussi de l'or, du pétrole, et autres bricoles. Mais ne s'agit-il pas de sauver le soldat Areva, qui a là sa principale source... de pollution à long terme ? C'est tellement mieux que les énergies durables : là il s'agit du danger durable.

Soudain, à la demande d'un gouvernement à la légitimité très douteuse, les mercenaires que sont désormais tous les prétendus "défenseurs de la France" sont envoyés là-bas, dans le désert, à leur sortie d'un autre théâtre d'opérations contesté, et contestable, l'Afghanistan. Il va falloir combattre quelques mercenaires là aussi, ceux d'Al Qaida, ces groupuscules de déstabilisation inventés par la CIA aux temps des Moudjahidin... encore d'Afghanistan. A leurs côtés sont les occupants légitimes et millénaires du terrain, les Touareg. Une vraie civilisation, très différente de la nôtre, mais au moins aussi respectable. C'est un processus qui sent très mauvais.  Les Affaires Étrangères de notre pays y seront durablement jetées au Gémonies par les gens du cru. Sans doute cela n'a-t-il pas d'importance, dès qu'on parle d'uranium.

Florange
Curieusement, le discours fut bien moins ferme, quand il s'est agi de défendre notre sidérurgie. Il est vrai que, désormais, elle appartient à un homme du sous-continent indien, très riche donc respectable sans doute. En revanche, elle est bien implantée sur notre sol, et elle est servie par nos compatriotes. Bah ! Cela n'a sans doute pas d'importance. Et toutes les solutions qui ont été proposées pour sauver ce facteur pourtant stratégique ont été récusées, toujours par l'homme de l'Élysée. Au contraire, le voilà en quête du démontage final pour toute la protection sociale de notre pays, sans doute parce qu'elle agresse les amis du personnage. Son prédécesseur n'est donc pas allé assez loin, il faut très vite finir de détruire ce que des centaines d'années de luttes avaient fini par obtenir, au prix du sang parfois.

Un certain séjour à Londres, un peu avant les élections, fut donc fructueux. Tout est en place pour contenter les adorateurs de la City, les banquiers du Dieu Argent. Comme ses prédécesseurs des années 90, un socialiste ™ va plus loin et plus vite que ceux qu'on aurait pu supposer être ses adversaires. Les centrales syndicales ne bougent pas. Ceux qui descendent dans la rue ne s'en réclament pas. A la suite d'autres sacrifiés comme la Grèce ou l'Espagne, voilà la victime qui est présentée à ses bourreaux.

Et pourtant, l'opposition existe, elle est toujours là. Elle n'a pas les mêmes aspects que les hommes de Billancourt. Elle se bat ici contre Areva (oui, celui qui a des mines au Niger et en Mauritanie), contre Vinci ici, contre Vinci là. C'est un projet d'aéroport ridicule, dans le pire endroit pour le construire ; c'est un EPR-Arlésienne, et la ligne THT qui en découlerait peut-être s'il venait à fonctionner.... un jour.... c'est un dossier pharaonique pour traverser les Alpes en bousculant tout sur son passage (merci le TAV) comme les éléphants d'Hannibal ; ce sont des dizaines de projets où Vinci (encore lui) n'a pas la plus petite part, pour des résultats envisagés qui feraient rire si ce n'était si grave (dix minutes de gain de temps pour Poitiers-Limoges, si, si....).

Oui, il y a une opposition, mais elle n'est portée ni par des syndicats, ni par des partis politiques hormis le Front de Gauche parfois. La plupart du temps, ce sont des riverains de projets qui prennent leur destin en main, ou des jeunes motivés qui viennent leur prêter main-forte. Ils sont en butte aux forces dites de l'Ordre (particularité, tout est très calme quand elles ne sont pas là) qui, manifestement, ne sont là que pour les intimider, alors pourtant et manifestement, cela ne fait que renforcer l'opposition, et ridiculiser les positions gouvernementales.

Magistral là-bas (pour le moment), piteux ici, et dangereux, voilà un parcours "officiel" que les citoyens français ont le droit de trouver malséant. De la précarité organisée pour un maximum de personnes, à une retraite de plus en plus rikiki pour de moins en moins de gens, d'une santé publique en grand danger (l'espérance de vie redescend désormais) à un emploi aussi rare que l'eau dans le désert du Mali, notre pays entier s'en va à la poubelle.

N'a-t-on pas le droit d'être en colère ?