Belle et Rebelle Épopée du peuple TOUAREG
Je porte une vieille outre
en bandoulière
et des sandales taillées
dans les pneus de vos land-rover.
Voilà mon équipage !
Ma route est tracée
d'un coup de talon en arrière
et d'un coup en avant.
(poème épique anonyme, cité dans « Tourne-tête, le pays déchiqueté », de Hélène Claudot-Hawad et Hawad, illustration de Hawad en couverture, ed.Amara, 1996)
Il
est bien des peuples qui n'ont pas d'état-nation, selon notre étroite
conception jacobine. Qui sont sans état, comme les Tziganes, les Kurdes,
les Touareg (de genre neutre, ce mot est sans s, car Touareg est le
pluriel du singulier Targi, mot hélas peu usité en parlers
francophones). Et ce peuple si singulier « règne depuis toujours » au cœur de l'immense Sahara. Peuple aujourd'hui de 5,2 millions, mais écartelé par « l'impossible frontière »
entre Niger (1,7), Mali (1,4), Algérie (1), Burkina (0,6) et Libye
(0,55)... avec seulement 3 villes importantes (Tamanrasset, Agadez et
Tombouctou) puisqu'il est essentiellement nomade. Du moins l'était
jusqu'aux dramatiques sécheresses des dernières décennies, catastrophe
écologique majeure et irréversible... pour tout le Sahara et le Sahel !
Le confus et récent putsch militaire au Mali se fait au sale prétexte d'avoir plus de moyens de lutter contre « l'insurrection touareg »,
récemment allié de circonstance, parfois, avec les activités
terroristes de l'AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamiste). Ce qui est une
autre catastrophe, réversible.
Sauf
exceptions, ce genre de coup d'état militaire est très, très rarement,
progressiste ! Parmi ces exceptions, il me souvient de la prise de
pouvoir de Nasser contre le valet de la GB Farouk (au milieu du 20°
siècle), de « la révolution des œillets » contre la dictature
portugaise, d'autres encore, éparses, en Amérique Latine, en Asie du
Sud, en Afrique Noire. Dont la plus belle et éphémère révolution dirigée
au Burkina Fasso par Thomas Sankara (voir au bas de l'article) : prises
de pouvoir toutes inspirées par l'immense colère populaire, s'appuyant
donc sur cette vraie légitimité, bien plus importante que la légalité
formelle...
Les populations d'origine targi, ou touareg, sont donc très artificiellement citoyens et citoyennes du Niger, Mali, Algérie, Burkina ou Libye, mais « maîtres du désert »,
ils y circulent plus facilement : Kadhafi recrutait beaucoup chez ces
grands guerriers de tradition. Ses armes, aujourd'hui pillées,
alimentent diverses rebellions touareg, dont celle, au Nord du Mali, de
leur immense région en insurrection (cf. MNLA : « Mouvement National de Libération de l'Azawad ») sur plus de 60% de ce pays si absurdement construit !: 60% oui, mais dans sa partie la plus désertique, cependant...
Tous
les Touareg se ressentent d'abord fiers berbères, unis malgré leurs
différentes tribus et castes par leur langue, leur alphabet, si beau et
étrange – le tifinagh - et leurs traditions millénaires, assez
matriarcales, très poétiques, de caravaniers ou pasteurs nomades. A
l'occasion pilleurs d'oasis ou de caravanes arabes, voire, jusque il y a
un siècle trafiquants d'esclaves venus du Sahel. Notamment astreints à
l'épouvantable exploitation des « montagnes de sel » que sont en
grande partie le massif du Hoggar. Mais les libres descendants de ces
captifs d'hier sont aujourd'hui très métissés avec les Touareg !
Aujourd'hui,
comme tant d'Africains, les Touareg sont très dispersés un peu partout
(dont ici) mais principalement sur les pourtours du Sahara : régions du
Nil (Soudan et Égypte, dont il semble qu'ils soient originaires il y a
des millénaires), régions sahéliennes (Tchad, sud-Tunisie, sud-Maroc,
Mauritanie, Sénégal, etc.) et au désert du Sahara Occidental, si disputé
entre Polisario et Maroc...
Voici un extrait de la 4° de couverture du beau petit recueil dont est extrait le poème cité ci-dessus, en ouverture :
«
La résistance, armée ou passive, menée à l'intérieur du pays ou dans
l'exil, s'exprimant par le feu, le repliement volontaire ou les voix
nues des marges, est incrustée dans les horizons touareg depuis que
l'intervention coloniale a tenté d'en remodeler les contours. Tout au
long du 20° siècle, la voix contrastée des poètes a fait largement écho à
ce refus de la domination extérieure, qu'elle soit coloniale ou relève
des récents États africains qui, dans les années 1960, se sont partagés
le monde touareg. »
Enfin, voici des extraits du fameux discours d'Addis-Abeba (au siège de l'OUA) où Thomas Sankara, 1949-1987 (surnommé « le Che Guevera d'Afrique ») avait même prédit sa mort prématurée (son meurtre, quelques mois plus tard, ne sera jamais élucidé!)... J'ajoute que si Sankara était d'origine Peul-Mossi, il était très populaire auprès des Touareg du pays (et bien au delà, de tous les Touareg) en plus de l'être de tous les Noirs... pauvres !
«
(...) La dette, sous sa forme actuelle, contrôlée et dominée par
l’impérialisme, est une reconquête savamment organisée, pour que
l’Afrique, sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à
des normes qui nous sont totalement étrangères, faisant en sorte que
chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout
court, de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de
placer des fonds chez nous avec l’obligation de rembourser. (...) La
dette ne peut pas être remboursée parce que d’abord si nous ne payons
pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre
si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Soyons-en sûrs également.
Ceux qui nous ont amenés...ceux qui nous ont conduits à l’endettement
ont joué comme dans un casino. Tant qu’ils gagnaient, il n’y avait point
de débat. Maintenant qu’ils ont perdu au jeu, ils nous exigent le
remboursement. Et on parle de crise. Non, Monsieur le président, ils ont
joué, ils ont perdu, c’est la règle du jeu. Et la vie continue.
(Applaudissements)
Nous
ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous n’avons pas de quoi
payer. Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous ne sommes
pas responsables de la dette. Nous ne pouvons pas payer la dette parce
qu’au contraire les autres nous doivent ce que les plus grandes
richesses ne pourront jamais payer, c’est-à-dire la dette de sang. C’est
notre sang qui a été versé. (...)»
Ce texte a tout d'abord paru sur le blog Ruminances, il y a quelques jours. Merci, l'ami de l'avoir publié ici... en oubliant de citer son origine de parution, c'est pas grave !
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