Ce
qui suit est tiré du mandat conféré par les 28 gouvernements de l’UE à
la Commission européenne pour négocier avec les USA un grand marché
transatlantique. Pour le texte complet du mandat, voir mon livre « Le
grand marché transatlantique. La menace sur les peuples d’Europe. »
Perpignan, Cap Bear Editions, 2014.
Dès l’article 4 du mandat, il est précisé :
« 4. Les obligations de l’Accord engageront tous les niveaux de gouvernement. »
Ce
qui signifie, si l’Accord est adopté dans les termes du mandat européen
de négociation, qu’il s’appliquera non seulement aux Etats de l’UE,
mais également à toutes les composantes de ces Etats : en France, les
Régions, les Départements, les Communes ; en Belgique, les Communautés,
les Régions, les Provinces, les Communes ; en Allemagne, les Lander et
les Communes, …
Les réglementations prises au niveau municipal
sont directement visée par ce projet dès lors qu’elles produisent des
normes considérées par les firmes privées comme des « obstacles inutiles
à la concurrence » ou « plus rigoureuses qu’il est nécessaire ».
Ce principe est rappelé avec plus de précisions encore dans d’autres articles du mandat :
a)
l’article 23, qui traite de la libéralisation (supprimer toutes les
législations et réglementations restrictives) et de la protection
(supprimer toute forme de taxation ou de contraintes sur les bénéfices)
des investissements et qui enlève aux juridictions officielles au profit
d’instances privées d’arbitrage le pouvoir de trancher un différend
entre firmes privées et pouvoirs publics lorsqu’une firme privée estime
qu’une législation ou une réglementation va à l’encontre de la
libéralisation et de la protection des investissements, précise que « Toutes
les autorités et entités infranationales (comme les États ou les
municipalités) devraient se conformer efficacement aux dispositions du
chapitre de protection des investissements du présent Accord. »
Ceci
signifie qu’une réglementation municipale pourra être attaquée devant
un groupe d’arbitrage privé si elle est perçue par un investisseur
américain comme une limitation à son « droit d’investir ce qu’il veut,
où il veut, quand il veut, comme il veut et d’en retirer le bénéfice
qu’il veut » (définition de l’investissement par les lobbies US).
b) les Communes sont aussi visées par l’article 24 relatif aux marchés publics
24.
L’Accord devra viser à compléter avec la plus grande ambition, en
complément du résultat des négociations sur l’Accord sur les marchés
publics, en ce qui concerne la couverture (les entités de passation des
marchés publics, les secteurs, les seuils et les contrats de services,
en ce compris en particulier dans la construction publique). L’Accord
visera à accroître l’accès mutuel aux marchés publics à tous les niveaux
administratifs (national, régional et local), et dans le secteur des
services publics, couvrant les opérations pertinentes d’entreprises
opérant dans ce domaine et assurant un traitement non moins favorable
que celui accordé aux fournisseurs établis localement. L’Accord doit
également inclure des règles et disciplines pour surmonter les obstacles
ayant un impact négatif sur les marchés publics de chacun, y compris
les exigences de localisation et les exigences de production locale, (…)
et celles qui s’appliquent aux procédures d’appel d’offres, aux
spécifications techniques, aux procédures de recours et aux exclusions
existantes, y compris pour les petites et moyennes entreprises, en vue
d’accroître l’accès au marché, et chaque fois que c’est approprié, de
rationaliser, de simplifier et d’améliorer la transparence des
procédures.
On le constate, tous les aspects d’un appel
d’offre sont visés. Des exigences de localisation (ex : exiger qu’un
fournisseur d’un service comme l’approvisionnement des cantines
scolaires soit localisé sur le territoire de la Commune et qu’il
s’approvisionne chez des producteurs locaux) seront considérées comme
ayant « un impact négatif » sur les marchés publics. L’accès des marchés
publics locaux sera ouvert aux entreprises et firmes américaines au
détriment des entreprises et firmes d’Europe ou de France, et à fortiori
de la commune ou de la région. Les traités européens ont bien préparé
le terrain de ce point de vue puisque des exigences de localisation ne
peuvent déjà plus être imposées à des entreprises européennes.
c)
Enfin, l’article 45 étend à l’ensemble des dispositions de l’Accord le
mécanisme prévu à l’article 23 dans le seul domaine de l’investissement
(ainsi qu’à l’article 32 en ce qui concerne les normes sociales et
environnementales) :
« 45. Règlement des différends
L’Accord
comprendra un mécanisme de règlement des différends approprié, ce qui
fera en sorte que les Parties respectent les règles convenues. L’Accord
devrait inclure des dispositions pour le règlement le plus indiqué des
problèmes, comme un mécanisme de médiation flexible. »
Ce
qui signifie que toute espère de norme – sociale, sanitaire,
alimentaire, environnementale ou technique - adoptée par une
municipalité, dès lors qu’elle contrarie une firme privée, pourra être
attaquée devant un mécanisme d’arbitrage privé.
Il faut rappeler
que le gouvernement PS approuve et soutient le mandat de négociation et
que le Président PS de la République a même souhaité, lors de sa récente
visite à Washington, que les négociations soient accélérées. Avec les
coupes sombres décidées par ce gouvernement qui vont affecter encore
plus le financement des collectivités locales, le grand marché
transatlantique constitue une autre menace grave pour nos
municipalités : celle de les mettre sous la coupe des firmes américaines
qui feront la loi dans nos communes.
A dix jours des élections
municipales, voter pour des candidats se réclamant du PS ou alliés à
celui-ci, c’est voter pour la colonisation de nos villes et de nos
villages par les firmes américaines, c’est voter pour la disparition de
notre artisanat, de nos petits viticulteurs, de nos petits agriculteurs,
de nos petites et moyennes entreprises qui vont être broyés par les
géants américains. Pensons-y le 23 mars. Et souvenons-nous que l’UMP
soutient aussi ce projet et que le FN a voté contre une résolution
proposant de faire de la Région PACA une « zone hors GMT ».
Raoul Marc JENNAR, le 13 mars 2014.