Dimanche 24 mars 2013
A l’invitation d’un collectif
d’associations, Jean-Louis Basdevant s’est
exprimé lors d’une conférence le 7 mars 2013 à Strasbourg sur le
sujet polémique de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Pour cet ancien professeur de l’Ecole polytechnique, c’est
clair, il faut stopper Fessenheim immédiatement.
.
Après la catastrophe de Fukushima,
Jean-Louis Basdevant a selon ses propres mots « viré sa cuti ». En
juillet 2011, il comprit que toutes les centrales
nucléaires françaises pouvaient avoir le même problème qu’au Japon.
Selon lui, « l’accident nucléaire grave » n’a été pris en compte en
France qu’à partir de la conception de l’EPR, ce
qui signifie qu’aucun réacteur en France n’est construit selon les
normes de sécurité que l’on exigerait aujourd’hui. En effet, aucun
réacteur français ne possède le moyen d’arrêter un corium
suite à une fusion du cœur.
L’exemple de Fessenheim
Dans la centrale alsacienne, le socle
en béton constituant ce qu’on appelle le radier a une hauteur de 1,5
mètre. Selon le physicien nucléaire, ce socle ne
résisterait pas longtemps à un cœur fondu à 2800°C, et celui-ci
atteindrait rapidement le sol géologique. La recommandation de l’ASN qui
préconise de renforcer ce radier serait inefficace car
l’ajout d’une épaisseur de 50 centimètres de béton ne retarderait
l’avancée du corium que de quelques heures. A titre de comparaison, la
centrale de Fukushima Daiichi a un radier estimé entre 6 à
8 mètres, et selon Jean-Louis Basdevant, le corium a traversé cette
épaisseur en mars 2011 et se trouve actuellement en dehors de l’enceinte
de confinement.
Un récupérateur de corium
La grande nouveauté de l’EPR ‒ dont
on a bien du mal à obtenir un prototype et dont le coût a plus que
doublé depuis le début des travaux à Flamanville (3,5 à 8
milliards d’euros) ‒ est le récupérateur de corium. Aujourd’hui,
aucun réacteur en France ne possède ce système. La recommandation de
l’ASN pour Fessenheim est d’assortir cette surcouche de béton
d’un récupérateur de corium, ce qui nécessite des travaux d’un coût
de 30 à 50 millions d’euros pour les deux réacteurs. Mais en cas
d’inondation, que se passerait-il si le corium rencontrait
brusquement une masse d’eau ? Dans les deux dernières catastrophes
nucléaires (Tchernobyl et Fukushima), les spécialistes ont toujours
craint une explosion de vapeur qui pourrait endommager
gravement l’enceinte de confinement.
Présence du grand canal d’Alsace
Pourquoi craint-on une inondation à
Fessenheim ? Le refroidissement des réacteurs est assuré par l’eau du
grand canal d’Alsace qui est situé 9 mètres plus haut
que le sol de la centrale. En cas de rupture de la digue
(tremblement de terre, chute d’avion, …), la centrale serait rapidement
inondée et se retrouverait dans la même situation que celle de
Fukushima inondée par le tsunami.
Une nappe phréatique menacée
Sous la centrale de Fessenheim, la
nappe phréatique rhénane affleure à 3 à 5 mètres de profondeur. Cette
nappe est l’une des plus importantes réserves en eau
souterraine d’Europe, contenant près de 80 milliards de mètres cubes
d’eau. Elle assure 80% des besoins en eau potable de la région et plus
de 50% des besoins des industries. Selon les
prescriptions de l’ASN, un puits a été creusé en 2012 dans cette
nappe pour alimenter un système de refroidissement de secours en cas de
problème avec le refroidissement avec l’eau du canal. Or
pour Jean-Louis Basdevant, cette disposition met la nappe phréatique
en plus grand danger : en cas d’accident nucléaire grave, le corium n’a
même plus besoin de percer la couche de béton qui
est sensée protéger la réserve aquifère, car le puits est déjà fait
par la main de l’homme. Si une rupture de confinement a lieu, les
radionucléides auront une voie royale pour polluer le
sous-sol.
« Un poignard dans le cœur de l’Europe »
Selon le physicien, c’est absurde
d’avoir installé une centrale nucléaire à cet endroit précis. Située en
zone sismique, sous la menace d’une inondation par le
canal, menaçant de contaminer la nappe phréatique et la vallée du
Rhin jusqu’à la mer du Nord, il affirme que c’est criminel de continuer à
prendre le risque d’un accident grave contaminant une
grande partie de l’Europe.
Qui est Jean-Louis Basdevant ?
Ancien élève de l’École normale
supérieure, le physicien Jean-Louis Basdevant est directeur de recherche
au CNRS. Il a été pendant 35 ans professeur à l’École
polytechnique dont il a présidé le département de physique. Il
donnait des cours de mécanique quantique, d’énergie nucléaire et
d’énergie-environnement.
Spécialiste de physique des hautes
énergies et d’astrophysique nucléaire, il a travaillé au Lawrence
Berkeley National Laboratory, au CEA à Saclay, au Cern à
Genève, dans des laboratoires américains et à l’INFN de Turin.
(source)
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En savoir plus
Arrêter Fessenheim, une décision
vertueuse (Respublica)
Devrait-on arrêter Fessenheim ?
(Partager pour comprendre)
Faut-il fermer Fessenheim ? (Newsring)
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