Les horreurs de la "construction européenne" continuent à occuper une place de choix en économie, bien que peu de simples citoyens y prennent garde.
Un article sur le blog "Environnement géopolitique" nous explique tout, y compris comment plusieurs personnalités de premier plan, au fil des années, ont tiré en vain la sonnette d'alarme.
Merci au Grand Soir d'avoir donné ce lien particulièrement intéressant. A la veille des élections européennes de mai prochain, il n'est pas inutile de rappeler que certains, dès le départ, avaient tout compris. C'est pourquoi récuser cette pseudo-Europe, simple plate-forme commerciale et financière se moquant des citoyens, est plus que jamais à l'ordre du jour.
Il est seulement dommage que même le Front de Gauche, dans son programme "L'humain d'abord", ne fasse pas un préalable de cette sortie du système alors qu'elle est la clef de voûte d'un rétablissement de la situation. Au prix, il ne faut pas se leurrer, d'une "traversée du désert" inévitable, à affronter en commun et en se serrant les coudes. On ne guérit pas en un tour de passe-passe d'une grave maladie. En revanche, si nos concitoyens font ce choix, il n'est pas douteux qu'assez vite ceux d'autres pays récusent leur équipe dirigeante et optent pour une solution similaire, qui nous confortera mutuellement. Car alors, au lieu d'être dispersés devant le cartel des banksters, nous serons un front uni, pas nationaliste, mais citoyen et responsable.
bab
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Comment Pierre Mendés France aurait-il pu dire que le meilleur moyen de sortir de l’euro eût été de ne pas y rentrer !
Nombre
de politiques à gauche et même à droite s’accordent à reconnaitre en
Pierre Mendés France la stature d’un très grand personnage politique.
Beaucoup ont oublié cependant que-tout comme le Général de Gaulle-il fut
très critique sur le modèle de la construction européenne.
A
l’heure où le débat sur l’Europe, sur la Crise, sur la Finance, sur
l’immigration et les Roms est presque systématiquement associé dans les
médias aux thèses du FN ou des « extrémistes populistes » de gauche, il
est bon de rappeler que ces deux grandes figures de notre Histoire, De
Gaulle et Mendés, ont émis de sérieuses réserves sur la Construction
Européenne. Le Peuple, lui-même, les a suivis dans son refus du TCE en
2005.
Lors du débat sur le Traité de Rome à l’Assemblée
Nationale en 1957, Pierre Mendès France a prononcé un discours
véritablement prophétique dénonçant les dangers structurels d’une
construction européenne mal conçue ; fondée sur la concurrence entre
Etats et ignorant les nécessaires convergences sociales, fiscales,
économiques, cette construction ne peut, selon Mendés, que déboucher sur
un certain nombre de conséquences nuisibles qu’il énonce point par
point.
On peut trouver le texte intégral de ce discours sur le
Journal officiel de la République française. 19 janvier 1957, n° 3, p. 159-166 ; les parties essentielles figurent sur ce
site.
Je
ne vais citer ici que l’une des dernières phrases du texte ainsi que
les divers titres des paragraphes structurant ce discours :
"
L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours
à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme
providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité
extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la
puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient
aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale,
finalement « une politique », au sens le plus large du mot, nationale et
internationale. "
LE MODÈLE SOCIAL MENACÉ DE DISPARITION
LA POLITIQUE FISCALE SOUS PRESSION
DESINDUSTRIALISATION ET CHÔMAGE
LIBÉRALISATION FINANCIÈRE ET CAPITAUX SANS FRONTIÈRES
IMMIGRATION ET CHÔMAGE
LE POUVOIR D’ACHAT
DÉFICITS, MONNAIE ET INDÉPENDANCE NATIONALE
Le
Tableau ainsi décrit est saisissant de réalisme, d’autant plus qu’il a
été rédigé en 1957, au début des Trente Glorieuses, lors d’une période
que les économistes météorologistes qualifient d’embellie (à défaut de
vouloir en expliquer les causes) et que seule, la profonde compréhension
par Mendés des mécanismes politiques et économiques, lui a permis
d’anticiper ainsi toutes les dérives de la Construction Européenne et
plus généralement de l’ouverture dérégulée du Marché.
D’autres
après lui ont fait des analyses semblables tels Maurice Allais, le prix
Nobel d’économie, dès le milieu des années 70 mais ils n’ont pas été
suivis. Le débat sur le Traité de Maastricht permit également à Philippe
Seguin de réitérer les propos de Mendès France
dans son discours pour la France à l’Assemblée Nationale
«
Voilà
trente-cinq ans que toute une oligarchie d'experts, de juges, de
fonctionnaires, de gouvernants prend, au nom des peuples, sans en avoir
reçu mandat des décisions dont une formidable conspiration du silence
dissimule les enjeux et minimise les conséquences…
je
reconnais bien volontiers que le conformisme ambiant, pour ne pas dire
le véritable terrorisme intellectuel qui règne aujourd'hui, disqualifie
par avance quiconque n'adhère pas à la nouvelle croyance, et l'expose
littéralement à l'invective. Qui veut se démarquer du culte fédéral est
aussitôt tenu par les faiseurs d'opinion (...) au mieux pour un
contempteur de la modernité, un nostalgique ou un primaire, au pire pour
un nationaliste forcené tout prêt à renvoyer l'Europe aux vieux démons
qui ont si souvent fait son malheur…
Dès lors, le processus de l'union économique et monétaire mérite trois commentaires.
En
premier lieu, il renouvelle le choix d'une politique qu'on pourrait
qualifier de « monétarienne », qui est synonyme de taux d'intérêt réels
élevés, donc de frein à l'investissement et à l'emploi et d'austérité
salariale. Notons à ce propos l'hypocrisie fatale qui consiste à parler
de « franc fort » lorsque le refus de la dévaluation se paie du blocage
de l'investissement et de l'explosion du chômage. C'est très exactement
la réédition de la «politique du bloc-or » qui a conduit l'industrie
française à la crise au cours des années trente. Bonjour la modernité!
Maastricht,
c'est ensuite la suppression de toute politique alternative, puisque la
création d'un système européen de banque centrale, indépendant des
gouvernements mais sous influence du mark, revient en quelque sorte à
donner une valeur constitutionnelle à cette politique de change et à ses
conséquences monétaires.
Quant à ceux qui voudraient
croire qu'une politique budgétaire autonome demeurerait possible, je les
renvoie au texte du traité, qui prévoit le respect de normes
budgétaires tellement contraignantes qu'elles imposeront à un
gouvernement confronté à une récession d'augmenter les taux d'imposition
pour compenser la baisse des recettes fiscales et maintenir à tout prix
le déficit budgétaire à moins de 3 p. 100 du PIB.
Enfin,
et je souhaite insister sur ce point, la normalisation de la politique
économique française implique à très court terme la révision à la baisse
de notre système de protection sociale, qui va rapidement se révéler un
obstacle rédhibitoire, tant pour l'harmonisation que pour la fameuse «
convergence » des économies. »
La critique de
Philippe Seguin est encore plus radicale puisqu’il juge
inconstitutionnelle la décision de faire adopter le projet de loi
constitutionnelle nécessaire à la ratification du Traité par l’Assemblée
et non par un référendum populaire :
« C'est en tout
cas avec gravité que je viens inviter cette assemblée à opposer
l'exception d'irrecevabilité au projet de loi constitutionnelle que le
Gouvernement nous présente comme préalable à la ratification des accords
de Maastricht négociés le 10 décembre 1991 par les chefs d'État et de
gouvernement des pays membres des communautés européennes et signés le 7
février dernier.
Mon irrecevabilité se fonde sur le fait
que le projet de loi viole, de façon flagrante, le principe en vertu
duquel la souveraineté nationale est inaliénable et imprescriptible,
ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs, en dehors duquel
une société doit être considérée comme dépourvue de Constitution . » ( Le Traité lui-même a bien été ratifié par référendum avec 51,05% des voix).
On
n’a pas entendu Philippe Seguin en 2005 lors du débat sur le TCE mais
on peut penser que son discours pour la France a du lui chatouiller la
mémoire.
Nombre d’économistes s’interrogent aujourd’hui sur la
politique de l’UE et la pertinence de l’euro tels le groupe des
Economistes Atterrés ou le prix Nobel d’économie Paul Krugman.
Ce dernier,
dans ses chroniques à la radio et télévision belge RTBF, compare en effet les situations de l’Indonésie en 1998 et de la Grèce en 2008 :
«
Comparons maintenant avec les résultats de la Grèce, où sa production a
chuté de plus de 20% depuis 2007 et est toujours en chute libre.
Personne ne sait quand la relance va se produire et je suis d’avis que
peu d’observateurs s’attendent à voir l’économie grecque revenir à des
niveaux d’avant crise durant cette décennie…
Pourquoi les
choses sont-elles si terribles cette fois-ci ? L’une des réponses,
c’est que l’Indonésie avait sa propre monnaie et que la chute de la
rupiah fut finalement une très bonne chose. Pendant ce temps, la Grèce
est piégée par l’euro. Cependant, l’on peut ajouter que les dirigeants
politiques étaient plus souples dans les années 90 qu’ils ne le sont
aujourd’hui. Le Fonds Monétaire International demanda au départ de dures
politiques d’austérité en Asie, mais fit rapidement machine arrière.
Cette fois-ci, les exigences placées sur la Grèce et d’autres pays
endettés ont été dures et sans relâche, et plus l’austérité échoue, et
plus l’on exige que du sang soit versé. ».
On ne peut ignorer un tel avis sans d’abord prendre le temps d’en débattre.
Tous
ces débats sur la construction Européenne, sur le rôle de la BCE, de
l’euro, de la mondialisation dérégulée, ne peuvent plus être ostracisés
par la classe politique et médiatique dominante.
Il faudrait que
les futures élections européennes de 2014 permettent d’ouvrir de
véritables débats sur ces questions et que l’on oublie un instant le «
terrorisme intellectuel » évoqué par Philippe Seguin.
Sinon
le redoutable « homme providentiel » craint par Pierre Mendés France
pourrait bien revêtir la figure de Marine Le Pen et ce ne sont pas les
électeurs de Brignoles ni le tout récent sondage Ifop sur les européennes qui viendront le démentir.