Madame Silvia Cattori est journaliste. A l'époque où j'étais l'un des tenanciers d'un site connu, qui n'existe plus, elle nous faisait l'honneur de son amitié. Grâce à Cap2012, je découvre cette entrevue bouleversante qu'elle avait eue en 2006 avec Maître Jacques Vergès. Y sont évoqués beaucoup de faits plus ou moins oubliés. La lucidité de celui qui nous a quittés est toujours aussi acérée, et cela fait du bien, même si les solutions ne peuvent venir que d'un grand mouvement des peuples opprimés, dont le nôtre.
On notera qu'après ce TPI qualifié donc "d'illégal", d'autres TPI tout aussi douteux ont été dressés, pour juger des dirigeants africains dès qu'ils ne furent plus en grâce devant "l'Opinion Internationale", soit quelques chefs d'États "Occidentaux", toujours les mêmes. Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies, sorte d'Exécutif appliquant les décisions de l'Assemblée Générale, est devenu LE seul décideur, de la même façon que les présidents en France depuis quelques années. Avec les mêmes dérives naturellement. Notre Monde tel qu'il est, est décidément à bout de souffle. Ajouté à sa capacité d'autodestruction plus importante encore qu'au temps de la Guerre Froide, et plus déséquilibrée, ce constat ne laisse pas de mal augurer de l'avenir.
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Entretien avec Maître Jacques Vergès
A l’heure où tant de gens peinent à comprendre le
silence de leurs autorités face aux victimes qui, en Irak, en
Afghanistan, en Palestine, mais aussi chez nous, sont laissées sans
protection, nous croyons que des voix comme celle de Maître Vergès sont
importantes.
Silvia Cattori : Vous connaissiez M. Milosevic. Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de son décès ?
Jacques Vergès :
Je suis son avocat, un parmi d’autres. Qu’ai-je ressenti ? J’ai
ressenti de l’indignation parce que, manifestement, c’est une mort que
l’on a voulue. De ce point de vue, c’est un assassinat. M. Milosevic
était très malade. On lui a imposé des séances harassantes qui se
terminaient après l’heure de la promenade journalière, qui consistait à
faire les cent pas, dans la cour de la prison.
Au début de cette année il a été très malade ; il a demandé à se faire soigner en Russie. Nous ne sommes plus au temps de la guerre froide. Les Russes avaient promis de le garder entre les mains de la justice, de ne pas lui permettre de s’évader. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a refusé qu’il se fasse soigner en Russie. A cet homme qui avait besoin de soins urgents, on les lui a refusés, avec au bout sa mort.
Aujourd’hui, l’autopsie dit qu’il est mort d’un infarctus, que c’est une mort naturelle. Ce n’est pas vrai.
Des morts naturelles peuvent être provoquées. Pendant la guerre d’Algérie, j’ai été désigné par les nièces d’un Monsieur qui venait d’être arrêté. Je leur ai dit que j’allais intervenir auprès des autorités pour qu’il ne soit pas torturé et elles ont dit « mais il ne s’agit pas de tortures, il s’agit de sa vie, il est diabétique et a besoin d’une piqûre d’insuline tous les jours, sans quoi il meurt ». Il serait mort de mort naturelle.
Dans le cas de M. Milosevic, même si l’on ne trouve pas de trace de poison, il est mort d’une mort naturelle, mais d’une mort naturelle provoquée. On me dit : mais pourquoi ceci ? Parce que, premièrement, c’était un homme qui était courageux, qui se défendait seul devant le tribunal, et on voulait le briser, au risque de le tuer. Eh bien, on l’a tué. C’est pourquoi je dis que ce tribunal est un tribunal d’assassins.
Silvia Cattori : En
n’accordant pas au prévenu le respect auquel tout prisonnier a droit,
fut-il un criminel, Mme Carla del Ponte a-t-elle donc failli ?
Jacques Vergès :
Oui, on a refusé à M. Milosevic le respect que l’on doit à tout
prisonnier. En France, nous avons un ancien ministre, M. Papon, qui a
été condamné pour crimes contre l’humanité. Il s’est senti malade. Des
médecins ont fait leur constat, et on l’a mis en liberté. Il a été
traité humainement.
Silvia Cattori : N’avez-vous aucune considération pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ?
Jacques Vergès :
Ce Tribunal Pénal International est une institution illégale qui a été
décidée par le Conseil de Sécurité qui n’a aucun pouvoir judiciaire. On
ne peut pas déléguer un pouvoir que l’on n’a pas. Seule l’Assemblée
pouvait décider cela.
Deuxièmement, ce tribunal n’a pas de
loi. En France ou en Suisse, quand vous allez devant un tribunal, il y a
un code de procédure que l’on applique. Pour le TPIY, il n’y a pas de
code de procédure. Le TPIY change la procédure selon les besoins qu’il
éprouve. La procédure, en ce qui concerne M. Milosevic, a été changée
vingt-deux fois.
Troisièmement, ce tribunal s’occupe de
faits antérieurs à sa création, ce qui est illégal. Cela s’appelle « la
rétroactivité de la loi pénale », procédé qui est parfaitement contraire
à toutes les règles démocratiques. Ce tribunal admet que des témoins
puissent témoigner masqués. Quel débat contradictoire est-il encore
possible ? !
Ce tribunal dit que, dans certains cas, la rumeur publique suffira comme preuve. Or, nous savons à quel point la rumeur publique est lourde d’erreurs et de manipulations.
Enfin, pour couronner le tout, le tribunal accepte des dons : 14 % du budget du TPIY provient de dons. Par exemple, M. Soros, qui est un adversaire de la Serbie, contribue aux payements du salaire des juges. Que diriez-vous si vous deviez comparaitre devant un tribunal payé par une chaîne hôtelière ou par une chaîne d’épicerie ?
Silvia Cattori : N’y
a-t-il plus de légalité internationale ? Quelle confiance, par
conséquent, les faibles peuvent-ils encore avoir en la justice ?
Jacques Vergès :
Ecoutez, la légalité internationale ? Vous avez entendu parler de
Guantanamo. Quelle légalité ! ? Vous avez encore appris quelque chose
qui est pire que Guantanamo : que des services secrets américains
auraient, en Europe, des prisons où on envoie des gens pour y être
torturés sans que cela se sache. On a avancé les noms de pays comme la
Pologne et la Roumanie.
Silvia Cattori : Comment
cela se fait-il que la France ou l’Europe ne tapent pas du poing sur la
table face à la gravité des violations auxquelles le monde assiste ?
Jacques Vergès :
Là-dessus, le souhait que j’aurais est que des pays comme la France s’y
opposent mais, malheureusement, ce n’est pas le cas. Déjà, de sa part,
s’être opposé à la guerre contre l’Irak, je considère que c’est une
grande chose, c’est inespéré.
Les Etats- Unis détiennent des gens à
Guantanamo en-dehors de toute légalité. Ces détenus ne dépendent même
pas de la loi américaine. On a vu également, à la prison d’Abou Graib,
comment la torture n’était plus un instrument d’interrogatoire mais un
instrument d’abaissement de la dignité humaine. En Algérie, quand les
Français torturaient, ce qui était ignoble, c’était, disaient-ils, pour
avoir des renseignements. Mais quand, comme cela s’est vu, une jeune
Américaine rit en traînant par une laisse un homme nu agonisant, ce
n’est pas pour chercher des documents, c’est pour l’assimiler à une
bête. Là, nous assistons à une époque d’ensauvagement de l’humanité.
Silvia Cattori : En
ne condamnant pas les Etats-Unis et la Grande Bretagne, durant les
années où ces pays ont bombardé en Irak, en violation du droit, la zone
appelée « No fly zone », l’ONU ne s’est-elle pas rendue complice des
préparatifs de cette guerre ?
Jacques Vergès :
Bien sûr. Aucune instance n’a vraiment condamné les mauvais traitements
de ces prisonniers. Toutefois, la guerre contre l’Irak, l’ONU ne l’a
pas votée. Les Américains ont engagé cette guerre sur un mensonge. Tout
le monde savait très bien que Saddam Hussein n’avait pas d’armes de
destruction massive. Et la guerre a quand même été menée sous ce faux
prétexte. Et personne ne condamne les agresseurs.
D’autre part, il y a eu l’embargo, entre les deux guerres ; embargo qui a causé la mort de cinq cent mille enfants. C’est l’OMS qui le dit. Quand on demande à Mme Albright ce qu’elle en pense, elle dit « C’est le prix de la démocratie ». Est-ce qu’un régime, quel qu’il soit, mérite le sacrifice de cinq cent mille enfants ? Les criminels contre l’humanité, c’est parmi les grandes puissances occidentales qu’on les trouve.
Silvia Cattori : Les
gens se souviennent de la période où les médias vous ont qualifié de
« nazi », de « terroriste », pour avoir défendu Barbie et Carlos. Cela
ne vous dérange-t-il pas quand on vous traîne dans la boue ?
Jacques Vergès : Non.
Silvia Cattori : Et quand on vous traite « d’antisémite » cela vous laisse-t-il indifférent ?
Jacques Vergès : Ecoutez, du moment que cela n’est pas vrai, cela me laisse indifférent.
Silvia Cattori : Mais la rumeur peut détruire des carrières !
Jacques Vergès :
Je vis dans un pays qui s’appelle la France. Il existe une tradition en
France : le Français a une tendance à se sentir seul contre
l’establishment. Il est pour d’Artagnan, pour Mandrin.
Un jour, je sortais de la cour d’Assise d’Aix. Je traversais le petit marché qui se tient aux abords du Palais de justice. Un confrère m’a dit : « Tu vois, quand les gens te reconnaissent cela ne m’étonne pas ; ce qui m’étonne c’est la manière dont ils te saluent ; ce n’est pas un notable qu’ils saluent, c’est un complice. Alors, Maître, on continue »
Silvia Cattori : A
part vous, il y a des nombreuses personnes qui sont accusées
« d’antisémitisme », d’être « anti-juives », qui est un délit qui pèse
plus lourd que si l’on est accusés de « racisme », d’être
« anti-arabes » !
Jacques Vergès :
Actuellement, on ne me traite plus d’antisémite. Ma plaidoirie a été
publiée et diffusée à la télévision ; on a bien vu que je n’avais pas
tenu de discours « antisémite ».
Le problème des médias, vous le connaissez : les médias hurlent avec les loups. Ils considèrent que c’est leur fonction. Je disais, au moment du procès Barbie, à un journaliste de télévision : le service que vous pourriez me rendre c’est de publier ma photo tous les jours dans votre journal en disant « cet homme est un salaud ». Les Français ne sont pas assez bêtes et ils décrypteront votre message et se diront : si on l’insulte tant c’est que c’est un type bien.
Silvia Cattori : Vous croyez vraiment que les gens soumis au matraquage médiatique savent faire la part des choses ?
Jacques Vergès : A la longue, oui.
Silvia Cattori : Vous
avez connu des personnalités comme Tarek Aziz que beaucoup
respectaient. Elles sont aujourd’hui traitées comme des chiens, livrées à
la torture. Comment vivez-vous, en votre for intérieur, cette violence
des Etats faite au nom « des droits humains et de la démocratie » qui a
déjà fait tant de victimes, causé tant de souffrances ?
Jacques Vergès :
Comme la grande imposture. Nous vivons une période de sauvagerie et
d’imposture. Saddam Hussein était l’allié de l’Occident puis, un jour,
on a pensé qu’il était trop fort et on a décidé de l’abattre. Et ensuite
on l’a abattu sur des mensonges. On le reconnaît aujourd’hui.
Et puis on nous dit que l’on se bat pour
les droits de l’homme mais on n’a jamais autant humilié et bafoué les
hommes que dans les prisons américaines, en Irak et à Guantanamo. On est
allé en Afghanistan pour vaincre les Talibans et le résultat est que la
production d’opium a été multipliée par dix.
On menace l’Iran, en disant que l’Iran ne doit pas avoir la bombe atomique. Il ne doit même pas être soupçonné d’avoir les moyens de faire la bombe nucléaire. Alors que l’Iran a deux voisins qui l’ont déjà : le Pakistan d’un côté et Israël de l’autre.
Pourquoi ces deux pays ont-ils droit à la bombe et l’Iran non ? Ne cherchez pas de réponses. Ce sont des décisions des puissants du moment.
Silvia Cattori : Imaginez-vous que l’on puisse modifier le cours des choses ?
Jacques Vergès :
En 1941, en Europe, on pouvait prévoir que les choses changeraient si
Hitler faisait une folie. La folie, il l’a commise : il a attaqué
l’Union soviétique et il a été vaincu.
Je pense que tout cela va se terminer
par une folie et, malheureusement, un grand massacre. A ce moment là, il
sera mis fin à cet état d’hypnose dans lequel vit le monde. On sait
très bien, par exemple, que, si les Etats-Unis attaquent l’Iran, nous
assisterons à une confrontation extrêmement grave dans tout le
Moyen-Orient. Avec même des conséquences dans les pays occidentaux, avec
le cours du pétrole. C’est pour cela du reste qu’ils hésitent
tellement !
Silvia Cattori : Donc
ces guerres « dites préventives », voulues même par des personnalités
qui se disent humanitaires, comme Pascal Bruckner et Bernard Kouchner,
par exemple, ne mènent pas vers le meilleur des mondes !
Jacques Vergès :
Non. Vous n’avez qu’à voir, actuellement, cette prétendue « guerre
contre le terrorisme ». Qu’est-ce que c’est que le « terrorisme » ? Ce
n’est pas une entité.
J’ai fait la guerre dans l’armée française libre ; j’étais artilleur. L’artillerie n’était pas une entité. Il n’y avait pas une artillerie contre une infanterie. Il y avait une artillerie allemande et une artillerie française.
Les « terroristes » sont différents entre eux. Les gens de l’IRA et les gens d’Al Quaida ne sont pas les mêmes. Les gens de l’ETA et les Corses ne sont pas les mêmes. Mais, au nom du « terrorisme », on justifie tout.
Silvia Cattori : Pour les peuples sous occupation ou agressés, n’y a-t-il pas un droit international à se défendre ?
Jacques Vergès :
Cela s’appelle la résistance. Le mot terrorisme a été utilisé pour la
première fois, en France, par les Allemands, pendant l’occupation.
Silvia Cattori : Comment
expliquer, dès lors, que le Parlement européen ait inscrit - avec
l’accord de tous les partis, de l’extrême gauche à la droite - le
mouvement du Hamas sur la liste des « organisations terroristes » à la
demande d’Israël et des Etats-Unis ?
Jacques Vergès :
Parce que, à mon avis, on vit sur une équivoque. Quand on examine les
crimes de l’Allemagne nazie, je disais, au cours du procès Barbie :
« avant de le juger, essayez de balayez devant votre porte ». La Gestapo
a commis moins de crimes en France que la France n’en a commis en
Algérie. Ou bien que les Russes n’en ont commis en Afghanistan, ou que
les Américains n’en ont commis au Vietnam. Et on me répond « non, nous
sommes une démocratie ».
Mais une démocratie est capable de crimes. Il y a cette équivoque : la démocratie ne serait pas capable de crimes ! Au contraire. Près de la Nouvelle Zélande, vous avez une île qui est plus grande que la Suisse, la Tasmanie ; il n’y a plus de Tasmanie. La dernière tasmanienne est morte en 1977, détruite par les colons anglais. Prenez les Peaux Rouges, les Incas, les Aztèques, tous ont été détruits ; c’étaient des civilisations florissantes.
Donc, les démocraties sont capables de crimes aussi bien que les dictatures. Avec des circonstances aggravantes dans le cas des démocraties : c’est que l’opinion est avertie. On me dit « mais il y a la liberté de la presse ». Mais alors, cela aggrave la responsabilité de l’opinion.
Silvia Cattori : Je crois que l’opinion n’est pas avertie !
Jacques Vergès :
Pendant la guerre d’Algérie, la torture, nous la dénoncions. A Abou
Graib, tout le monde est censé savoir ce qui s’est passé, les photos
sont passées sur les télévisions.
Silvia Cattori : L’opinion a été pré-conditionnée : ne lui a-t-on pas présenté la guerre comme « un moindre mal » ?
Jacques Vergès :
Mais l’histoire « du moindre » mal n’excuse pas cette inhumanité
gratuite, et l’opinion le sait, et l’opinion démocratique n’a pas réagi.
Silvia Cattori : Auriez-vous pu imaginer, il y a quinze ans, que les choses se passeraient de la sorte ?
Jacques Vergès :
Oui, à partir de la chute du mur et de la chute de l’URSS, où les
Etats-Unis se retrouvaient être les seul maîtres, avec, à leur tête, des
dirigeants incultes.
Ce n’est pas étonnant que les dirigeants allemands et français aient été contre la guerre en Irak. La France et l’Allemagne ne sont pas des îles. Chirac a une expérience du monde arabe. Il était officier en Algérie, il sait ce que c’est qu’une guerre de libération.
Les Américains ne savent pas. L’Amérique est une île. La couche éclairée de la côte Ouest et Est, peut-être, le savent. Mais l’Amérique profonde, du Nebraska à l’Arkansas, l’ignore. Je disais à des Serbes, à Belgrade : comment voulez-vous expliquer à un type de l’Arkansas que le Kossovo est le berceau de votre nation ? Eux, ils n’ont pas de nations. Ils n’ont pas d’histoire.
Silvia Cattori : Voulez-vous dire que les barbares sont de retour ?
Jacques Vergès :
Oui, bien sûr. Je pense que jamais l’humanité n’a vécu une époque aussi
sauvage qu’aujourd’hui. En Europe, il y avait certaines règles ;
aujourd’hui on ne les respecte plus.
Silvia Cattori : Qui peut faire contrepoids à l’unique superpuissance américaine ?
Jacques Vergès :
Au point de vue militaire, personne. Mais au point de vue économique,
beaucoup de pays le peuvent. La guerre n’est plus seulement militaire
aujourd’hui, elle est hors normes. Il suffit que deux tours s’effondrent
à New York, sous les coups d’une organisation qui n’a pas de
territoire, pour que les compagnies d’aviation américaines déposent leur
bilan. Il suffit qu’il y ait des manœuvres chinoises sur le détroit de
Formose pour que la bourse de Taipei s’effondre.
A la fin, mêmes soumis, la télévision, les journaux, devront dire certaines choses. L’opinion est très lente à changer de point de vue, mais elle se réveillera. Un jour, elle changera de point de vue.
Silvia Cattori : Qui
sont les propriétaires des démocraties occidentales aujourd’hui ? Qui
commande réellement ? Vers qui les peuples opprimés peuvent-ils encore
se tourner ?
Jacques Vergès :
Dans nos démocraties, ce sont les dirigeants des grandes sociétés.
L’exemple est typique : quand les biscuiteries « LU » licencient leur
personnel, les grévistes s’adressent à M. Jospin, qui était alors le
premier ministre, et celui-ci leur répond « Que puis-je faire » ?
Effectivement, il ne pouvait rien faire dans le système actuel.
Silvia Cattori : Donc les gens ne peuvent plus rien y changer ?
Jacques Vergès : Si, mais pour changer il faudra vraiment de grands bouleversements.
Silvia Cattori : Actuellement,
le rapporteur spécial du Conseil de l’Europe, le procureur suisse Dick
Marti, chargé de faire la lumière sur l’existence des « prisons
volantes » de la CIA, se débat avec les gouvernements qui sont réticents
à lui fournir les informations. Pensez-vous qu’il va pouvoir arriver au
bout de son enquête ?
Jacques Vergès :
S’il le veut, il peut y arriver. Quand on s’acharne, la vérité finit
toujours par éclater : il y a toujours des témoins. Il réussira à
condition qu’il accepte d’être isolé et d’être insulté. Je lui souhaite
beaucoup de chance.
Silvia Cattori
Merci d'avoir relayé cet interview. C'est radical et juste : la "démocratie" n'est qu'un masque de la dictature supra-légale, surtout maintenant qu'elle est de fait dirigée par le big business !
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