mercredi 2 janvier 2013

Lutte antiterroriste en France : cherchez l’erreur (Le Grand Soir)

Lutte antiterroriste en France : cherchez l’erreur

En France, on peut appeler à armer les rebelles terroristes en Syrie, diffuser leur propagande, maquiller ou justifier leurs crimes, organiser des collectes pour leur acheter des armes et même leur recruter des combattants. Par contre, l’expression d’une sympathie même la plus symbolique envers des rebelles réfractaires aux ordres du FMI et de l’OTAN peut vous conduire en prison. Quinze sympathisants d’un mouvement rebelle turc de gauche viennent d’être condamnés par le tribunal correctionnel de Paris à des peines d’une sévérité inouïe. Leurs crimes : distribution de tracts et de journaux, organisation de pique-niques, de concerts et de manifestations.
DHKP-C. Quatre consonnes se suivant dans l’ordre alphabétique, un tiret, puis un « c » qui, en turc, se lit « djé ». L’initiale « c » est celui de Cephe (lire Djép-hé), la forme turquisée du mot arabe « Jabha » qui signifie « Front ».

Le DHKP-C anatolien, c’est un peu le Front populaire des Palestiniens ou le Front sandiniste du Nicaragua : marxiste, laïc, patriotique, internationaliste, résistant.

Né au début des années 1970 dans les métropoles turques au lendemain d’insurrections étudiantes et ouvrières sans précédent, le DHKP-C a survécu à deux coups d’État militaires et à une répression féroce orchestrée par un régime allié de Washington depuis le début de la Guerre froide.

Discret et quasi méconnu à l’échelle internationale, le DHKP-C est parfois confondu avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement nationaliste kurde vaguement marxiste qui dispose d’une assise populaire et d’une puissance de feu autrement plus conséquentes.

Alliés brièvement au milieu des années 90, DHKP-C et PKK ne partagent pas pour autant la même conception du monde, de la Turquie et de la cause kurde, ni la même stratégie politique et militaire.

Que l’on apprécie ou pas ses idées et ses méthodes, de l’aveu même de la police turque, le DHKP-C ne s’attaque jamais à la population. Les rares fois où ce mouvement commet des bavures, il ne manque pas d’exprimer publiquement ses excuses aux éventuelles victimes collatérales.

Ses actions violentes ne prennent pour cible que les piliers du pouvoir ou les tortionnaires notoires.

En revanche, les soldats de l’armée régulière formée de conscrits ne sont jamais visés sauf en situation d’autodéfense.

La raison en est que les soldats sont considérés par le DHKP-C comme des « enfants du peuple » susceptibles de retourner leurs armes contre leurs chefs et d’adhérer à la révolution.

Si pour ce mouvement, la victoire est au bout du fusil, la lutte pour la démocratisation de la Turquie passe aussi par la voie pacifique. Les sympathisants du DHKP-C sont ainsi actifs sur divers fronts de lutte : syndical, culturel, juridique, associatif, médical, informatique, étudiant etc.

La méticulosité de ce mouvement rebelle dans le choix de ses cibles et l’importance qu’il accorde aux moyens démocratiques expliquent en partie le faible nombre de victimes dans le combat qui l’oppose aux forces gouvernementales.

En 43 ans de lutte armée, on dénombre en effet à peine quelques dizaines d’agents du régime tués pour 650 militants du DHKP-C morts au combat.

On ne peut en dire autant pour les rebelles syriens qui, mutatis mutandis, combattent eux aussi un régime sécuritaire.

En l’espace de quelques mois à peine, par leur discours sectaire et « alterophobe », les groupes rebelles armés, toutes tendances confondues, ont clivé la société syrienne sur une base ethnique et confessionnelle.

Cette polarisation sectaire est un fléau que le régime baassiste a âprement combattu, certes, pas toujours avec les moyens les plus adéquats.

Par ailleurs, aujourd’hui, on ne compte plus le nombre d’actes de sauvagerie commis par les rebelles : égorgements et décapitation rituels, dépeçages, tirs sur des quartiers résidentiels, attentats contre des civils, destructions de lieux saints, notamment des mosquées sunnites, chiites et des églises, actes de sabotage contre des lignes d’approvisionnement d’eau et d’électricité, pillages de récoltes, de bâtiments publics et d’habitations privées, démontages d’usines, enlèvement de civils moyennant rançons...

Dans la vidéo ci-dessous, on voit des rebelles incendier un Hussayniyah, c’est-à-dire un sanctuaire chiite consacré à l’imam Hussein (martyrisé à Karbala). Cette vidéo a été tournée dans le village de Zarzour en province d’Idleb à une jetée de pierre de la Turquie. L’un des terroristes insulte les chiites et les alaouites :
http://www.dailymotion.com/video/xvwf2p_yyyyyy-yyyyy-yyyy-yy...

En principe, aucun crime commis par l’État syrien ne devrait excuser de telles offenses qui indignent toutes les communautés, en premier lieu les sunnites syriens pris en otage par des terroristes incultes agissant en leur nom.

Pourtant, chez nous, on trouve ça et là, de vaillants pourfendeurs de dictatures, intarissables en leçons de morale, qui n’ont cesse de caresser le terrorisme anti-syrien dans le sens du poil de la barbe wahabo-fasciste.

Au lieu de favoriser le dialogue et la réconciliation pour limiter la casse, ils appellent à armer des barbares donc à augmenter la souffrance du peuple syrien et à détruire toujours plus ce pays, cela, au nom d’une « révolution » dont ils font mine d’ignorer la nature sectaire et sur laquelle ils n’ont pas la moindre influence politique.

En réalité, nos plumitifs attitrés ne font rien de moins que de l’apologie du terrorisme et de l’incitation au terrorisme.

Et lorsqu’ils s’embarquent dans le camp rebelle pour nous rapporter leurs faits d’armes, ils participent concrètement et sciemment à une « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » comme dirait Thierry Fragnoli, le juge en charge du dossier DHKP-C.

Pourtant, au lieu d’être condamnés, ce que je ne leur souhaite pas, les amis français des terroristes syriens sont applaudis et parfois même récompensés, par leurs maîtres, entendons bien.

Pendant ce temps, la justice française s’acharne sur des communistes turcs dans l’indifférence générale.

Dame Thémis vient en effet de condamner quinze sympathisants du DHKP-C à des peines qui vont de 18 mois à 7 ans de prison ferme.

La morale de l’histoire est que dans la patrie des droits de l’homme, de la Commune et de la Résistance antifasciste, mieux vaut sympathiser avec les terroristes syriens qu’avec les communistes turcs.

Cherchez l’erreur.

L’un des condamnés, Nezif Eski, un militant souffrant d’une maladie grave appelée « algie vasculaire de la face » (AVF), m’a écrit après le verdict.

Absent à l’audience finale pour des raisons de santé, il attend ses geôliers, digne, résolu et serein, un peu à la manière de Boris Vian dans Le Déserteur lorsqu’il écrit :
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer

Nezif Eski est un prisonnier politique franco-turc et paradoxalement d’origine syrienne. Il est comme moi, originaire de la région d’Antioche, cette province syrienne chargée d’histoire et offerte par la France coloniale à la Turquie kémaliste en 1938 pour éviter qu’Ankara ne s’allie à l’Allemagne hitlérienne.

Nezif ne demande rien si ce n’est un acte de solidarité avec sa co-inculpée Zehra Kurtay, une ex-prisonnière politique exilée en France et désormais captive en France.

Zehra souffre du syndrome de Wernicke-Korsakoff, depuis qu’elle a été alimentée de force par les tortionnaires turcs pendant la longue grève de la faim de 2000-2007 contre l’ouverture des prisons de type F.

Voici le message de Nezif :

Bonjour,

Ce jeudi 20 décembre, le Tribunal correctionnel de Paris a prononcé son verdict dans l’affaire du DHKP-C.

Trois personnes ont été condamnées à 7 ans de prison ferme. Deux personnes dont moi-même, avons eu 5 ans de prison dont 4 ans ferme.

Les inculpés présents à l’audience se sont retrouvés directement entre les mains des gendarmes.

Le verdict a été prononcé à huit clos.
Zehra Kurtay atteinte de la maladie Wernicke Korsakoff, se trouve actuellement derrière les barreaux. Elle va purger une peine de 5 ans.

En ce qui me concerne, je n’ai pas pu, pour des raisons de santé, me rendre au tribunal. Je suis donc pour le moment toujours en « liberté ».

Un mandat d’arrêt a été lancé à mon encontre et contre ceux qui ne se sont pas présentés à l’audience.

Nous avons été condamnés pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».

Le souci est qu’aucune preuve matérielle n’a été présentée justifiant ces accusations.

Les seules « preuves » sont notre idéologie. Nous sommes anti-impérialistes, anticapitalistes et antifascistes. Nous défendons les droits et les libertés de chacun.

J’ai usé de ma liberté d’expression et d’opinion pour dire que j’ai de la sympathie pour le DHKP-C (Parti-Front Révolutionnaire de Libération du Peuple) une organisation militante de Turquie qui n’exporte sa lutte en aucun cas.

Ce procès est purement politique. Il avait pour but de faire plaisir au régime d’Ankara.

Je vous demande, cher(e)s ami(e)s d’envoyer des mails, des fax, des courriers, de téléphoner à la ministre de la justice Christiane TAUBIRA afin non seulement de protester contre ces condamnations mais surtout de demander la libération immédiate de ZEHRA KURTAY atteinte de la maladie Wernicke Korsakoff.

Ci-dessous les coordonnés de la Garde des Sceaux.
En vous remerciant d’avance.
Nezif ESKI

Ministre de la justice, Garde des Sceaux
Christiane TAUBIRA
13, place Vendôme
75042 Paris Cedex
Téléphone :
+33 1 44 77 0160 60

URL de cet article 18791

2 commentaires:

  1. Ouh là...ça fait peur...quand je pense que j'ai un sondage sur mon blog sur le thème: doit-on censurer les blogs d'extrême-droite? Regarde les réponses, en sachant que DGoux m'envoie beaucoup de ses lecteurs nationalistes sympathisants...Et bien, les résultats sont éloquents...

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  2. Oui, Rosa Elle. C'est éloquent. Comme est éloquent cette citation du texte plus haut,

    "En réalité, nos plumitifs attitrés ne font rien de moins que de l’apologie du terrorisme et de l’incitation au terrorisme.

    Et lorsqu’ils s’embarquent dans le camp rebelle pour nous rapporter leurs faits d’armes, ils participent concrètement et sciemment à une « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » comme dirait Thierry Fragnoli, le juge en charge du dossier DHKP-C."

    Les trois quarts des journaleux de première classe dans notre pays méritent amplement la prison, dans le cadre exact des attendus du juge.

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