On entend encore des gens, y compris
des journalistes, qui n'hésitent pas à classer le parti
présidentiel "à gauche". Pire, certains traitent même
ses membres de "gauchistes" : c'en serait risible, si
ce n'était aussi inexact. Plus fort, parmi les militants de base
certains s'imaginent encore avoir leur carte dans un parti "de
progrès" et "social". Ils ne doivent pas souvent
prendre le temps de la réflexion, ils ne doivent pas souvent
participer à des débats de sections, ils ne doivent pas souvent
attendre un retour depuis les instances supérieures des résultats
de ces débats.
Parfois, certains plus avertis vont,
prudemment, classer cette formation parmi les "centristes".
Euh... je ne mettrais pas le parti soumis au centre (sans doute parce
que je ne fonctionne peut-être pas de la même façon). Il est
seulement libéral dans le sens où ce terme est défini en Europe
continentale, l'inverse du sens donné aux États-Unis en fait.
C'est-à-dire qu'il privilège des solutions où les entreprises sont
libres de faire ce qu'elles veulent : en particulier les plus
importantes bien entendu, vu que les plus petites en sont souvent les
esclaves par le mécanisme de la sous-traitance.
Effectivement les termes droite-gauche
n'ont plus guère de sens aujourd'hui. Essayons de rappeler l'origine
de ces termes. À l'Assemblée Législative, en 1792, les Girondins,
dont le noyau dur était constitué majoritairement de députés de
la Gironde, siégeaient à droite de l'Assemblée (vue depuis le perchoir du président de séance), alors que les
Montagnards, souvent députés de Paris, prenaient place à gauche,
dans les travées les plus hautes. Le clivage alors était entre une
gestion décentralisée de la nation, contre une centralisation dite
jacobine. Les députés parisiens de la Montagne se réunissaient
habituellement au Club des Jacobins. Ces termes ont plus tard évolué,
pour tenir compte de ceux qui restaient plus ou moins attachés à l'ancien régime,
contre les plus révolutionnaires.
Aujourd'hui, les réalités sont plus
complexes, et s'enchevêtrent. Il faut seulement définir :
- les liens avec le profit, avec toutes
les nuances que cela peut comporter, face à ceux qui privilégient
le service public pour tous financé par l'impôt... et qui revient
moins cher si les contributions sont bien réparties en fonction des
richesses de ceux qui en sont assujettis. Les libéraux préfèreront
les impôts indirects, en particulier la TVA, que paieront même les
plus pauvres, alors que leurs adversaires vont privilégier l'impôt
sur le revenu, qui s'appuie plus lourdement sur ceux qui ont plus de
moyens.
- et puis les liens avec le
nationalisme, voire la xénophobie (le patriotisme, c'est encore
autre chose), un moyen en fait de détourner le regard des
défavorisés en montrant du doigt ceux qui sont venus d'ailleurs,
eux ou leurs parents, comme causes de leurs déboires. Le
patriotisme, au contraire, est une façon de défendre un modèle,
celui qui s'est affiné à partir des Lumières. C'est pourquoi les
libéraux font tout pour détruire ce modèle, qui freine leurs
ambitions ou celles de leurs "sponsors", et que le
patriotisme se retrouvera bien davantage au Front de Gauche, soucieux
de défendre le fruit d'un magnifique élan né à la fin de la
seconde guerre mondiale, qu'on a appelé le programme du Conseil
National de la Résistance.
- et puis les liens avec la laïcité,
source d'égalité et renvoyant les sensibilités philosophiques et
"religieuses" à leur place, la sphère privée et une
relative discrétion en vue d'éviter les heurts entre
communautarismes,
- et puis les liens avec la conception
du pouvoir....... sachant que la démocratie n'est qu'un mythe
commode qui n'existe guère, et encore partiellement, que dans un ou
deux cantons suisses aujourd'hui.
- et puis les liens avec la notion
assez nouvelle d'écologie, apparemment indépendante des vieux
clivages... mais apparemment seulement.
- et enfin certains choix de société, qui parfois vont de pair ou non avec la laïcité, et avec le repli sur soi "identitaire", comme la prise en compte des homosexualités, ou celle de l'euthanasie, celle du droit à l'avortement...
Le mélange de tous ces critères, avec
toutes les nuances intermédiaires pour chacun d'eux, dresse la fiche
non d'un parti (à moins qu'il ne soit particulièrement
monolithique), mais de ceux qui veulent apporter quelque chose en
politique. Car il y a aussi ceux qui s'en fichent. C'est dire comme
le clivage droite-gauche ne représente rien.
Le classement entre toutes les
sensibilités et toutes les nuances est bien complexe, même si, dans
les faits, certains de ces critères se retrouvent assez fréquemment
de façon commune : ce qu'on appelle encore la gauche regroupera
souvent (mais pas toujours) le souci d'un bonne répartition des
richesses, avec un minimum vital face au "chacun pour soi"
libéral, le souci d'un avenir pour les descendants, avec des prises
de positions écologiques (eh oui, pas toujours, c'est dire comme
l'affaire est complexe), laïques ; en revanche on notera plus
que des nuances concernant le type de gouvernement souhaité, et même
concernant un patriotisme centré sur les valeurs du CNR, ou sur une
conception européenne, plus élargie. De quoi y perdre son latin.
Sur ces bases, reprenons le cas du parti de Solférino. Il est très clair qu'il obéit sans murmurer aux injonctions des banques, des critères de Bruxelles, qu'il n'hésite pas à faire primer les profits d'une société privée face à un défi écologique (Iter, EPR, LGV, aéroports), ce qui le classe à coup sûr dans le camp libéral. Il continue la politique de rejets des demandeurs d'asile, des Rroms, avec un tout petit peu plus de souplesse il ne facilite pas la présence de jeunes étrangers en cours d'études, ce qui le place parmi les nationalistes. Il mène une certaine ouverture envers les homosexuels, ou envers le planning familial, mais cela est mené vraiment du bout des lèvres. Dans les faits, autoritaire, il ne tient aucun compte des espoirs démocratiques des citoyens, comme on l'a vu pour le vote du TSCG, et d'autres votes antérieurs. En résumé, classer ce parti à gauche relève au moins d'un vœu pieux, au plus d'une erreur d'appréciation fondamentale.
Droite-gauche ? Il n'y a que les
journalistes, par paresse, qui vont encore en parler comme s'il
s'agissait d'une réalité : ils ne sont plus "dans le
coup" !
Beau papier Bab.
RépondreSupprimerMerci Candide. N'hésite pas à apporter tes remarques !
RépondreSupprimeraahhh ! ça s'améliore par ici, visuellement... Beaucoup plus sympa. Ya même des illustrations maintenant, c'est mieux. Quand au fond... Pourquoi crois tu que j'ai choisi ce pseudo ? Un pugilat, vous dis-je, mon cher ! Et ce n'est pas parceque le aprti présidentiel trahit les valeurs de gauche qu'il faut pour autant dénier toute réalité à ce concept. Tiens, bab, va donc voir du côté des montagnards, et pourquoi ils étaient placés ainsi, dans illustre assemblée... Et ce qui les en a fait descendre, il y a plus de 200 ans !
RépondreSupprimerBien d'accord, vieux complice. Le FdG est bien ancré à gauche, bien que parfois je critique les positions pas vraiment écolos de certains communistes, et le côté un peu roide de certains mouvements, incontestablement de gauche pour le reste.
RépondreSupprimerRestons Montagnards dans le cœur, même si je suis natif d'une micro-région dont le point culminant annonçait le score de 36 mètres d'altitude... et selon la légende avait été formé de la terre dont Gargantua avait délesté sa semelle de chaussure.