Merci à Eva, qui m'a relayé le lien vers cet article essentiel, écrit par Nadia Khost, traduit et publié chez Silvia Cattori
Nadia Khost dénonce le cynisme de l’Occident
Le terrorisme au nom de la « démocratie »
L’intellectuelle
Nadia Khost, figure très respectée et estimée en Syrie, est l’auteur de
ce texte dense, brillant, porté par le souffle de son indignation
vis-à-vis de ceux qui s’emploient aujourd’hui à détruire son pays et son
indépendance.- Silvia Cattori
10 février 2012
Se préparant à envahir l’Irak, Bush envoyait au monde ce message menaçant : « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous ! ». Cette même dictature brutale utilise aujourd’hui ce même langage sous prétexte de promouvoir la « démocratie ».
N’est-ce pas ce que signifie le « dégoût »
exprimé par la représentante des États-Unis, au sujet des vétos russe
et chinois ? Il n’est même pas permis à de grandes nations comme la
Chine et la Russie d’avoir une vision différente de celle des
États-Unis ! Quant au président français, Nicolas Sarkozy, il ne
reconnaît que la seule décision occidentale légitimant l’ingérence en
Syrie !
Conformément à cette vision de la « démocratie », le projet occidental a déterminé les caractéristiques de l’État Syrien qu’il veut fabriquer :
1) Il n’a pas exigé des élections qui révéleraient l’État que les citoyens Syriens acceptent et celui qu’ils refusent. Cela, malgré le fait que la nouvelle loi sur les élections a garanti le droit des représentants des candidats de surveiller les urnes du début des élections, jusqu’à l’ouverture des urnes.
2) Il ne s’est pas soucié des millions de Syriens qui ont manifesté en Syrie en criant « non à l’ingérence ! ».
1) Il n’a pas exigé des élections qui révéleraient l’État que les citoyens Syriens acceptent et celui qu’ils refusent. Cela, malgré le fait que la nouvelle loi sur les élections a garanti le droit des représentants des candidats de surveiller les urnes du début des élections, jusqu’à l’ouverture des urnes.
2) Il ne s’est pas soucié des millions de Syriens qui ont manifesté en Syrie en criant « non à l’ingérence ! ».
Ceux qui ont suivi les manifestations
savent que c’est la réponse des Syriens au projet de l’Occident et du
Golfe, et aux bandes armées. Ils remarqueront également que les femmes
au foyer ont participé avec ardeur à ces manifestations.
Les dirigeants occidentaux ont ignoré
les choix et les volontés du peuple syrien ; ils ont fermé les yeux sur
les gangs armés, même après que les observateurs de la Ligue arabe aient
consigné leurs crimes.
Une première manifestation de « démocratie » donnée par le Conseil de salut national d’Istanbul [1]
a consisté à frapper à coups de bâtons la délégation d’artistes et
d’intellectuels et la délégation des opposants syriens de l’intérieur, à
l’entrée du siège de la Ligue Arabe au Caire, parce que ces deux
délégations refusaient l’ingérence extérieure dans les affaires internes
de la Syrie.
Et à la suite du débat sur le dossier syrien au Conseil de sécurité de l’ONU, les partisans de ce Conseil d’Istanbul
ont attaqué les ambassades syriennes au Caire, au Koweït, à Athènes, à
Amman, à Berlin, à Londres. Ils ont saccagé ou pillé les locaux ; ils
ont frappé le personnel qui s’y trouvait.
Quelle belle expression de « démocratie » !
D’où viennent ces « démocrates » soudainement apparus ? La rue syrienne n’a pas entendu leur voix avant mars 2011 !
Alors que nous, les Syriens de
l’intérieur, nous avions critiqué la politique qui a conduit à
l’économie de marché, et les responsables de cette politique. Nous
avions souligné la continuité entre la politique et l’économie, et la
relation entre la position politique nationale et les droits de l’Homme.
Nous avions mis en garde quant aux conséquences dangereuses de la
privatisation. Et nous avions affirmé que le salut de la nation passe
par la garantie du secteur public.
Nous, les Syriens de l’intérieur, avions
également rappelé l’œuvre de Khaled ALAZEM, l’économiste de la
bourgeoisie patriotique qui, dans les années 50, avait participé à la
mise en place d’un système public puissant, avec l’aide de l’Union
Soviétique. Et nous avions dénoncé publiquement la tutelle exercée par
certains hauts fonctionnaires, notamment les maires, et combattu
l’expropriation des maisons privées.
Et à cette époque, après avoir participé
à des congrès, à des réunions, ou après avoir écrit des articles, nous
rentrions chez nous en toute sécurité, même après minuit. Nous allions
au théâtre, à des conférences culturelles. Nous nous déplacions entre
Damas, Alep et Lattakié. Nous allions chercher l’eau pure de la source
Boukein, et cueillir les coings et les pommes de Zabadani. [2]
Tandis qu’aujourd’hui, grâce aux méfaits du projet de « démocratie »
occidental et Qatari, le citoyen syrien ne peut plus se rendre en
voiture à Alep, car les brigands armés les mitraillent et qu’ils
risquent de subir le sort des ouvriers du textile dont le car a été
soufflé à l’explosif à Idleb. Ou le sort de l’ambulancier tué à Rastan.
Ou le sort du médecin kidnappé à Hama. N’importe quel citoyen syrien
peut être tué, pendant que ses tueurs « démocrates » le filment et reçoivent, du Qatar ou de l’Arabie Saoudite, le salaire des images atroces qu’ils livrent à Aljazeera ou Al Arabiya [Leurs commentaires disant que ce sont les forces de Bachar el-Assad qui les ont tués. -NdT].
La Syrie n’a jamais connu un tel mépris de l’être humain !
Et l’Occident et ses laquais du Golfe prétendent débarrasser son peuple d’une dictature ?
Pourquoi donc ne connaissions-nous pas la peur avant mars 2011 ?
Nous nous promenions sans peur. Nous
allions de Damas à Lattakié, sur la route de Bloudan [la même route qui
conduit à Zabadani – Ndt] embouteillée par les sorties du week-end. Nous
allions nous promener à la Ghouta [les vergers autour de Damas – Ndt]
durant la floraison des pêchers et subissions parfois les embouteillages
sur la route de Lattakié à Damas.
Pourquoi cette « démocratie »
est-elle venue semer la peur avec ses tirs, ses explosifs, nous
interdisant de voyager, de sortir en excursion en fin de semaine ?
Pourquoi répand-t-elle la terreur sur la route aux environs de
Talkalakh, en ces lieux où des gangs de tueurs et de trafiquants d’armes
peuvent à tout moment attaquer les voyageurs ?
Pourquoi les hôtels de la côte et les
routes verdoyantes sont-ils maintenant désertés ? [dans le nord de la
Syrie - Ndt] Pourquoi n’avons-nous plus de soirées pour agrémenter nos
nuits ? Même dans le quartier paisible de Mezzé, [banlieue résidentielle
de Damas – Ntd], une voiture piégée a été déminée hier.
Qui peut oser s’opposer aux bandes
armées là où elles déploient leur menaçante influence ? Combien de
commerçants dans la banlieue de Damas n’ont-ils pas été tués parce
qu’ils ont refusé de fermer leur commerce de manière à simuler une grève
générale spontanée contre le régime ?
Nous découvrons, sur les écrans télévisés, qui sont ces opposants qui, en Syrie, mettent à exécution par les armes le projet « démocratique » programmé par les pays du Golfe et l’Occident.
Voici par exemple le cas d’un Libanais
qui vivait de la contrebande de marchandises vers la Syrie et qui a
perdu son « travail » suite à la crise au Liban. Un autre libanais lui a
alors proposé un trafic d’armes et de drogue vers la Syrie. Trois
transports lui ont rapporté la somme de 20 000 livres syriennes !
Il y a de quoi méditer sur la situation
de détresse, de pauvreté et d’ignorance qui conduit un homme à accepter
de devenir une machine à tuer, pleine de haine. Consacrées au
financement de projets constructifs, les sommes versées à des bandes
armées par les pays du Golfe auraient pu arracher à la misère cette
classe sociale déchue.
Aucun doute possible : ces gangs ne sont pas une « armée libre » qui se sacrifie pour sa patrie. Ce sont des criminels ; des mercenaires. A-t-on jamais vu une « armée libre » se réjouir en démembrant ses frères et sœurs, ou en les jetant dans le fleuve Oronte, têtes coupées sanguinolentes ?
A-t-on jamais vu dans l’Histoire humaine une « armée libre »
faire exploser des trains, détruire des gazoducs, des oléoducs, des
réseaux d’électricité, brûler les immeubles, les biens publics, piller
des camions transportant du sucre, du riz ou du mazout, au détriment de
son peuple ? A-t-on jamais vu une « armée libre »
assassiner les techniciens, médecins, scientifiques, et professeurs
d’Universités ; enlever leurs frères et sœurs pour ensuite demander à
leurs pauvres parents une rançon en contrepartie de leur libération ?
A-t-on jamais vu dans l’Histoire humaine, des princes et des tyrans financer une « armée libre »
patriotique ? Est-il pensable qu’une armée arabe patriotique puisse
être équipée d’armes fabriquées par l’État d’Israël qui occupe le Golan
syrien ? Est-il acceptable que des chaînes télévisées étrangères se
consacrent à filmer et présenter des criminels d’une prétendue « armée libre » sous un angle élogieux !?
Radwan Zyiadé, membre du Conseil de
salut national, a demandé que le dossier Syrien soit étudié sous
l’article 7 [de la Charte des Nations Unies –Ndt], qui autorise une
intervention militaire étrangère contre la Syrie. Y a-t-il jamais eu des
mouvements de libération dans le monde qui ont vu leurs dirigeants
réclamer une intervention militaire contre leur propre pays ?
Tout au contraire, les mouvements de libération ont été créés pour empêcher l’ingérence !
Donc, le différend entre la Syrie, les
dirigeants occidentaux et leurs acolytes syriens, ne porte pas sur la
démocratie. Ces États, qui soutiennent les régimes tyranniques du Golfe,
qui ont envahi la Lybie, qui ont commis des crimes à Abou Ghraïb, qui
ont tué plus d’un million d’Irakiens, et qui garantissent l’impunité des
criminels de guerre israéliens, ne défendent pas la démocratie.
Le célèbre journaliste Mohamed Hasanein Haikal nous dit : «
Ce que vit le monde Arabe actuellement n’est pas un printemps, c’est un
nouveau Sykes Picot pour le diviser et se partager ses richesses et ses
positions stratégiques. »
Je puis en témoigner. Je fais partie des
onze membres, d’horizons différents, qui ont rédigé la nouvelle loi sur
les médias ; le premier résultat obtenu sur le chemin des réformes.
Nous nous sommes inspirés des lois établies en Occident pour garantir le
respect de la liberté de l’information qui, découvrons-nous, ne sont
pas respectées par les médias occidentaux qui cachent à leurs peuples la
vérité sur les événements en Syrie. Nous avons entendu des
représentants des Nations Unies, et des médias égyptiens et libanais.
Nos réunions étaient très animées, les différents avis s’affrontant.
Nous avons su nous mettre d’accord sur la loi qui garantit le droit à
l’information, l’interdiction d’emprisonnement. Et qui exige la
transparence et la déclaration du financement des médias et
l’interdiction d’autorisation à n’importe quel média qui serait fondé
sur des bases confessionnelles ou ethniques. Et nous nous sommes mis
d’accord pour que la relation avec les chaînes, les journaux et les
radios ne dépende plus du Ministère de l’information, mais d’un « Conseil national de l’information à créer ».
Ce conseil a vu le jour le 20
novembre2011. Il est composé de personnalités variées ayant une
expérience dans les médias, et qui partagent l’objectif de protéger la
liberté d’expression sous le toit de la patrie. Ce conseil a organisé
des rencontres avec diverses personnalités médiatiques, qui ont fait
part de leur expérience et de leur critique pointue de la réalité
médiatique et politique, et qui ont exprimé leurs points de vue et
leurs propositions. Le Conseil a pris note de tout cela pour en tenir
compte dans la rédaction de la politique relative aux médias.
Dans le bâtiment où nous nous
rencontrions, se réunissait aussi la commission chargée de la rédaction
de la nouvelle Constitution, composée de personnalités venues de la
société civile, des partis politiques ainsi que de techniciens et de
spécialistes. Des articles que l’ont croyait intouchables ont été
complètement modifiés. Le texte de la nouvelle Constitution sera publié
et soumis à référendum.
Pendant ces mois orageux, a été rendue
publique la Loi sur les partis qui interdit qu’ils soient créés sur des
bases religieuses, confessionnelles ou ethniques, et qui exige la
transparence de leur financement. Quatre nouveaux partis ont été
constitués. La loi sur les élections a déjà été publiée. Ces lois sont
les bases d’une nouvelle vie politique. Pouvons-nous l’ignorer ?
Nous ne pouvons pas ignorer non plus un
événement d’une grande importance : la rencontre consultative qui a
réuni 200 personnalités syriennes, représentant les divers courants
politiques et idéologiques, présidée par le vice-président de la
République. J’y ai participé en tant qu’écrivain indépendant. Nous avons
entendu des interventions que, je pense, aucune institution politique
arabe dirigeante ne supporterait. Certaines ne réclamaient pas
seulement la suppression de la constitution du paragraphe relatif à la
gouvernance du pays par le parti Baath, mais demandaient la suppression
du parti lui-même, en feignant d’ignorer ce que ce parti a apporté en
matière de santé publique, d’éducation nationale et d’aide économique
dont jouit le peuple syrien, sans oublier sa politique étrangère
d’indépendance nationale et patriotique… en feignant aussi d’ignorer
les bandes armées qui sévissent actuellement sur notre territoire !
N’importe quel politicien objectif ne
peut ignorer que le parti Baath est la colonne vertébrale de la vie
politique syrienne aujourd’hui, et que sa suppression ou sa dissolution
entraînerait un chaos semblable à celui qu’a connu l’Union soviétique
après sa chute. Ceci ne nie pas la nécessité nationale de l’épurer des
opportunistes et des corrompus. Et ceci s’applique aussi aux autres
partis.
Et c’est ainsi que se sont déroulées,
durant les derniers mois, des réunions pour étudier les événements en
Syrie, dont une réunion rassemblant environ 400 anciens diplômés de
Russie et des États de l’ex-Union soviétique, dont beaucoup se sont
exprimés avec extrémisme et dureté. J’ai parlé du libéralisme économique
qui a créé une couche sociale pauvre que l’ingérence étrangère a
instrumentalisée. J’ai critiqué les partis politiques qui se sont
éloignés du peuple, le laissant aux mains des imams des mosquées. J’ai
demandé la mise en jugement du ministère du tourisme, de l’ancien
gouverneur de Homs, et la mise à l’écart du président de l’Union des
écrivains.
Malgré tout cela, nous sommes rentrés chez nous en toute sécurité.
J’ajoute que je suis intervenue dans les
congrès des écrivains, critiquant la manière de diriger le pays, les
membres de cette direction, et la corruption. Nous étions de nombreux
écrivains à aller dans le même sens lors du dernier Congrès des
écrivains, avant les événements. Dix sept écrivains ont critiqué sans
réserve les institutions politiques.
En outre, nous avons combattu
l’expropriation de la rue du Roi Fayçal par la municipalité qui voulait
tout démolir. Nous avons arrêté le projet. Nous avons arrêté la
destruction d’un ancien quartier arabe que les Français connaissent et
étudient, au cœur de la ville moderne de Damas.
Nous combattons les promoteurs, la
corruption des mairies, et l’infiltration sioniste par des prix
attribués à l’élite culturelle de Damas.
il y a une formidable intox dirait-on...
RépondreSupprimerVoilà un long exposé qui souligne certes des vérités politiques sur la situation syrienne, mais reste aussi bien insuffisant - pas un mot sur les férocités de l'armée syrienne, sous-entendant qu'elles seraient toutes le fait des "bandes de gangsters et infiltrés étrangers, contre-feu bien connu...
RépondreSupprimerJe connais mal la complexité de la société syrienne, mais mieux celle (compliquée aussi) de l'Algérie, lors de la sanglante guerre civile des "islamistes terroristes" et du pouvoir, toujours en place à Alger.
Et c'est cette déclaration qui me rappelle le rapprochement à faire : j'ai connu des démocrates algériens qui pensaient pouvoir réformer le FLN, tout en reconnaissant qu'il est bien "la colonne vertébrale" de l'Algérie, comme le Baath l'est pour la Syrie. Oui, certes, mais ce n'est plus un Baath que de nom (qui signifie l'unité arabe), comme le FLN n'est plus que la négation même du "Front" d'autrefois ! (en France on connait cette dégénérescence, par exemple du PS)...: bref, la "colonne vertébrale" est vermoulue !
Elle écrit aussi "les partis se sont éloignés du peuple, le laissant aux mains des imams des mosquées." C'est exact, mais cela s'applique surtout au parti très largement dominant, le Baath, qui ne semble pas être inclus dans cette phrase ! Et c'est bien ce qui s'est passé aussi en Algérie... et un peu partout où des partis, d'abord très populaires (Le Fatah, le parti de Nasser au début, etc) se sont laissés aller (corrompre aussi) à des dérives de plus en plus autoritaires : on connaît cela partout, par exemple la dérive de feu le gaullisme...
D'autre part cette dame syrienne qui critique à juste titre "les partis éloignés du peuple" (et par ailleurs met le Baath sur un piédestal immérité) semble elle-même bien éloignée du peuple, comme le révèle bien des détails donnés ingénuement sur sa vie bourgeoise... Bourgeoise cultivée et engagée certes (comme mes interlocuteurs algériens d'hier) mais sur son doux réformisme type "les écrivains ont critiqué les institutions politiques"... Bon et alors?... Il faut continuer ainsi, pendant que le peuple (islamisé) dérouille et que les révoltes populaires éclosent un peu partout contre les piliers militaires de régimes vermoulus ?...
Non, madame, je suis certes à fond contre l'ingérence, notamment occidentale, en Syrie, mais certes à fond contre de tels "paravents" (Baath ou FLN), contre de telles dictatures militaires !