27 janvier 2016
Le néolibéralisme c’est la bureaucratie totale
2ccr
Paperasse et formulaires ont envahi nos vies, et de plus en plus
de gens pensent que leur travail est inutile, n’apportant aucune
contribution au monde. Malgré ce que martèlent les ultralibéraux,
ce n’est pas la faute de l’Etat et de ses fonctionnaires, mais
celle des marchés et de leur financiarisation.
« Toute réforme pour réduire l’ingérence de l’État
aura pour effet ultime d’accroître le nombre de règlementations
et le volume total de paperasse », explique ainsi David
Graeber, anthropologue états-unien et tête de file du mouvement
Occupy Wall Street, dans son nouvel ouvrage Bureaucratie.
Il suffit de mesurer le temps que nous consacrons à remplir des
formulaires. Quelqu’un a calculé que les citoyens étasuniens
passent en moyenne six mois de leur vie à attendre que le feu passe
au vert. Personne n’a calculé combien de temps nous passons à
remplir des formulaires ! Peut-être une année entière...
C’est la première fois dans l’histoire que nous atteignons ce
niveau de bureaucratie.
Le sociologue Max Weber affirmait déjà que le XIXe siècle
avait inauguré l’ère bureaucratique. Mais aujourd’hui, la
différence, c’est que la bureaucratie est à ce point totale que
nous ne la voyons plus. Dans les années 1940 et 1950, les gens se
plaignaient de son absurdité. Aujourd’hui, nous n’imaginons
même plus une manière d’organiser nos vies qui ne soit pas
bureaucratique ! Ce qui est également nouveau, c’est la
création de la première bureaucratie planétaire. Un système
d’administration que personne n’identifie pourtant comme une
bureaucratie, car il est surtout question de libre-échange. Mais
qu’est-ce que cela signifie réellement ? La création de
traités internationaux et d’une classe entière d’administrateurs
internationaux qui régulent les choses, tout en appelant ce
processus « dérégulation ».
C’est amusant, parce que ça me rappelle un truc, que j’ai dû
lire je ne sais pas trop où, il y a au moins 20 ans, qui affirmait
que les dérégulations thatchériennes au Royaume Uni, et en
particulier la privatisation des services publics (électricité,
gaz, chemins de fer...), avaient eu pour effet l’embauche d’une
pléthore de fonctionnaires pour vérifier que la libre concurrence
et la main invisible « du dit marché » jouait bien son
rôle d’allocation optimale des ressources !
De même, il faudrait vérifier, mais il semble bien que la
libéralisation administrative de nos hôpitaux (paiement aux soins
pour mesurer la rentabilité d’un hôpital, concept complètement
abscons digne d’un énarque ultralibéral caricatural), a entrainé
l’embauche de plus de personnel administratif que de personnel
soignant nécessaire au bon fonctionnement des dits hôpitaux, le
personnel administratif en question n’ayant eu de cesse de rogner
les embauches et conditions de travail des personnels soignants afin
de financer sa propre utilité administrative, il me semble. Je ne
suis pas familier de ce milieu, mais c’est ce que j’en perçois,
et ce que j’ai compris de la révolte de l’APHP.
Dans de nombreuses « grandes » entreprises, il y a de
plus en plus de personnels administratifs par rapport aux personnels
qui travaillent sur les chantiers ou dans les ateliers. Il y a 30
ans, dans un service ou un atelier, pour une quinzaine d’ouvriers,
de salariés ou d’employés, vous aviez un chef d’équipe, lui
même chapeauté par un contremaître, qui chapeautait 3 ou 4
services avec l’aide d’un assistant et d’une secrétaire.
C’est à dire que pour 45 à 60 personnes qui travaillaient et
produisaient réellement de la « richesse » il y avait 5
à 6 personnes pour manager, organiser, contrôler. Les rapports
entre les salariés et les chefs d’équipe étaient rapides et
simplifiés, comme les rapports entre les chefs d’équipes et le
contremaitre. Les réunions entre ces intervenants étaient
régulières et concrètes.
Aujourd’hui on a l’impression que le nombre de ceux qui
produisent réellement les richesses a chuté, alors que les chefs,
sous chefs, contremaîtres, directeurs techniques, ou de
communication, directeurs transversaux ou longitudinaux a explosé.
Concrètement, s’il y avait 1 personne non productive pour 10
productives, maintenant il y a 4 personnes non productives pour 10
productives. Les réunions sont de plus en plus nombreuses et
débouchent de moins en moins sur du concret, si ce n’est pour
définir la date de la prochaine réunion et bien sûr des rapports
de réunion en X exemplaires, corrigés, annotés et enfin édités
et classés dans leurs versions finales.
Et je m’interroge depuis longtemps sur la nécessité de toutes
ces écoles de commerce plus ou moins bidons qui délivrent
(vendent ?) les diplômes idoines pour effectuer ce genre de
tâche, Ô combien nécessaires, bien sûr... Même les armées ne
sont pas épargnées, si il y a quarante ans il fallait trois
personnes a « l’arrière » pour un soldat au front,
aujourd’hui on est a un ratio de sept pour un !
D’ailleurs, je perçois une réelle convergence entre le
système néolibéral et le système soviétique. Obsession de la
gestion “scientifique” et de l’évaluation (flicage), avec
l’inflation bureaucratique nécessaire à ces contrôles
permanents. “надо выполнить план”, “Nada
vypolnits’ plan”, expression bien connue de l’époque
soviétique : Il faut accomplir le plan. Il faudrait même dire
les normes du libéralisme façon soviétique. Nous avons importé
la bureaucratie, apanage de la méthode soviétique, alors que la
Russie s’en libère !
Tout cela ayant en partie pour cause une absolue méfiance envers
l’honnêteté des employés, qui, bien sûr, ne peuvent faire un
travail convenable que sous la contrainte, les sociopathes qui nous
dirigent, n’imaginant pas une seconde qu’un employé puisse
effectuer correctement sa tache sans un système de répression
centralisé (cette bande de cinglés voyant le monde à son image).
Résumer en une phrase cette situation ubuesque serait :
« comment employer une moitié de la population à surveiller
l’autre moitié pour vérifier qu’elle travaille bien selon les
normes du libéralisme ». Bienvenue chez les fous, ou les
fameux Shadoks ! Bienvenue dans le futur ! Wells, 1984, Huxley, le monde parfait... vous connaissez ? On y va droit
dedans avec en primes des améliorations auxquelles je n’ose pas
penser !
« Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des
méchants ; c’est l’indifférence des bons »...
Martin Luther King
URL de cet article 29857
La toute première boîte où j'ai bossé comptait trois personnes "au bureau" comme on le disait alors. Le patron qui cherchait le boulot et faisait les devis, la patronne qui faisait la comptabilité et les fiches de salaire à la main, et une secrétaire qui répondait au téléphone, tapait le courrier et les devis. Une soixantaine d'ouvriers dont trois ou quatre chefs d'équipe sur les chantiers et à l'atelier assurait la production de tous nos machins en ferraille.
RépondreSupprimerAujourd'hui, dans ce qui est maintenant une énorme boîte internationale après des myriades de rachats, mon copain Thierry me dit qu'il a deux contrôleurs de gestion sur le dos, dont un à temps plein, pour son équipe de quatre-cinq gars. Coût de l'heure de main-d'œuvre de son équipe : 55 euros HT. Avec le contrôle de gestion : 95 euros HT...
On nage dans l'aberration..... le vrai constructif est banni, au profit de la bureaucratie pure et dure. Et on se gaussait de l'union soviétique ! (pas moi, mais bon...) Je compare : j'ai bossé à la banque dans une structure où il y avait pas loin d'une centaine de petites mains qui n'arrêtaient pas. Aujourd'hui, je pense que c'est remplacé par deux ou trois comptables de base, avec autant de supérieurs directs, et plus encore de surveillants indirects. Des surveillants (audit et autres) qui ne savent même pas ce qu'ils surveillent vraiment.
RépondreSupprimerL'UESS (union européenne des stupides soviétiques) est au plus mal.