vendredi 13 décembre 2013

L'affaire des classes préparatoires et l'abolition des privilèges

Cela a l'air anodin : des profs de classes prépas se plaignent de l'intention du ministre de geler à dix heures non "déchargeables" en partie le temps d'enseignement hebdomadaire.

Voilà ce que nous dit un site officiel concernant les horaires d'enseignement dans le secondaire  (c'est un PDF, d'où le formatage bizarre) :


Un enseignant à temps complet est rémunéré, en moyenne, pour 19 h 20 de  cours, dont 18 h 46 en enseignement et 0 h 34 de décharge. Ces heures de cours dépendent fortement des obligations réglementaires de service (ORS) : il s'agit en général de 15 h pour un professeur agrégé et 18 h pour un certifié. Elles sont complétées par des heures supplémentaires pour 58,8 % des enseignants et, en moyenne, il s'agit de 1 h 26 supplémentaire par semaine, dont 1 h 07 en heure supplémentaire année (HSA) et 0 h 19 en heure supplémentaire effective (HSE). Les agrégés en effectuent le plus, avec 1 h 48 supplémentaire par semaine


École Polytechnique à Palaiseau
On notera la différence de traitement. Le but n'est-il pas de créer dans ces "prépas" une "élite" qui ira plancher dans les Grandes Écoles ? 

Or, l'expérience de chaque jour indique que les personnes passées par ces Grandes Écoles se retrouvent ensuite, soudées par des liens de fraternité (c'est important), dans la haute administration, dans l'encadrement supérieur des grandes entreprises plus ou moins multinationales. En somme, il s'agit là de renouveler cette "élite nationale" dont on dit pourtant tant de mal. Bien entendu, ces filières coûtent très cher au budget de l'État, au détriment des filières normales que sont les universités.

Au nom de l'égalité, c'est bien déjà en faisant disparaître ces Grandes Écoles et leurs classes prépa que l'on s'acheminera vers une meilleure éducation pour tous.  D'autant que les plus prestigieuses de ces Écoles, sont aussi les plus dangereuses. On le voit bien avec l'ENA, qui apporte à la haute administration ces personnes très correctement rémunérées (!!!) dont la politique nous fait si mal chaque jour. On le voit avec ces polytechniciens férus de nucléaire, qui avec leur courte vue sont en train de nous tuer tous. Leur lobby tapageur écrase toute contestation, quitte à causer de gros ennuis à leurs détracteurs pourtant armés de lourds dossiers à charge. Je ne parle même pas de la Caste des Phynances à genoux devant les diktats de Bruxelles, et qui ne peut même pas avouer son incompétence, puisqu'en principe "c'est elle qui sait".

Pour résumer, plus de grandes écoles, mais un recentrement des budgets vers la filière commune. Plus de corps de prestige, mais des citoyens plus ouverts qu'une caste imbue de ses privilèges. En somme, c'est à une nouvelle Nuit du 4 Août qu'il faut s'acheminer, dans le domaine de l'enseignement, mais à coup sûr dans bien d'autres domaines. Il y aura moins de prestige pour certains, mais un meilleur enseignement pour tous avec un budget global inchangé.

Quelque chose me dit, que ce que j'avance là ne plaira pas à tout le monde.

15 commentaires:

  1. Partant du principe qu'aucun État, quel qu'il soit, ne cherche pas à voir un peuple instruit s'épanouir par le savoir, ce qui, à terme, est dangereux pour sa pérennité, il ne peut qu'onduler au milieu du mensonge et la tricherie pour perpétuer les castes et donc les inégalités. Croire que les "socialistes" d'aujourd'hui vont remettre à plat ce système est aussi utopique que penser que Dieu pourrait venir y mettre de l'ordre dans tout ça.

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    1. C'est bien pourquoi "les socialistes " (bouh) sont à virer, au même titre que tout ce qui prône un quelconque élitisme.
      C'est Étienne La Boétie qui affirmait « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.", certes. Mais l'homme - et plus souvent encore la femme - à terre parce qu'elle-il y a été mis(e) a-t-il ou elle eu le choix ? Pour mémoire, voir le dernier billet du Partageux : édifiant. Il faut dire que certains se croyant sans doute importants, alors qu'ils ne sont que les larbins du système, en rajoutent pour écraser ce qui est encore plus maltraité qu'eux.

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    2. Parmi ceux qui "en rajoutent pour écraser ce qui encore plus maltraité qu'eux" il y a encore beaucoup trop d'hommes (soumis au patron) qui se croient "patron" de leur femme :
      " La femme est la prolétaire du prolétaire" disait un célèbre philosophe du XIX°siècle...

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    3. Et plus fort, ils considèrent cela comme "normal".

      N'aurions-nous pas régressé ? Autrefois, à la campagne, il y avait un partage net des tâches : l'homme aux champs, la femme à la maison, où c'était elle "la patronne". J'ai bien connu cette période, jusqu'à la fin des années 60. En revanche, "chez les bourgeois" c'était certainement différent. Il faut dire que le paysan avait une dignité, qui n'existe plus. Il n'y a plus que des esclaves, même parmi les "exploitants agricoles" exploités par les grainetiers, les fournisseurs de machines agricoles et... les banquiers !

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  2. Excellent, je partage complètement ton point de vue. Pour l'anecdote, il paraît que les vacances des élèves de l'ENA sont aux frais de l'état !

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  3. Je vais vous surprendre mais je suis complètement d'accord avec vous, alors que je suis sympathisant socialiste et que je suis passé par les classes prépa avant de devenir ingénieur ;-)

    Ce système à la française n'a plus lieu d'être et l'on devrait effectivement mieux soutenir l'université. Vincent Peillon s'y emploie à mon avis, contrairement à ce que vous pensez.

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    1. Merci François. Je pense que Vincent Peillon fait ce qu'il peut.

      Au départ, les Grandes Écoles étaient, dans le contexte d'il y a plus de deux siècles une grande idée. Voire une bonne idée. Avec le temps, elles ne furent plus que des "fabriques de l'élite", au lieu de rester des pépinières du génie. C'est bien pourquoi, aujourd'hui, leur présence n'a plus guère de sens. Et le fait, par exemple, que l'X soit un bastion des pro-nucléaire civil malgré l'évidence des dangers de plus prégnants de celui-ci, induit l'opinion que désormais ces écoles-là deviennent plus des inconvénients - chers - que des avantages pour notre pays. Cela est vrai également pour les écoles de commerce, qui persistent à enseigner un modèle proche de celui de l'école de Chicago, de sinistre mémoire.

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    2. Les grandes écoles, le lycée, les départements...sont des créations jacobines, ou du bonapartisme, visant à promouvoir l'égalité contre les féodalités d'Ancien régime. Ces créations, venues d'en haut, ont souvent été mises en œuvre par la force, et maintenues suivant le principe d'autorité. Car elles ne correspondaient pas toujours à une réalité sociale, ou elles avaient été pensées pour l'armée (le lycée, l'X...). Elles ont été, en leur temps, un progrès; elles ont contribué à cimenter la Nation (celle de Valmy...qu'on ne se méprenne pas), et à favoriser le mérite plutôt que la naissance. Or, elles ne sont plus adaptées aujourd'hui; nous subissons actuellement tout le caractère coercitif de ce système d'éducation (il y a un «moule», des autorités, de la hiérarchie et des distinctions), sans en avoir les avantages. Les recherches de Bourdieu ont montré qu'il y a objectivement, dans le cadre de ce système éducatif, des privilégiés, des statuts, des groupes qui se cooptent. Le bonapartisme est toujours là, ce qui n'est pas forcément très agréable à cause du déficit démocratique dont il est porteur, mais en plus les privilèges sont de retour - avouons que ça fait un peu beaucoup...et si on abolissait LES DEUX, bonapartisme et privilèges?

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  4. Bab, bien d'accord avec toi, mais c'est le système scolaire français dans son ensemble qui est à mettre en cause. Et pas seulement les classes prépa ou grandes écoles qui sont à supprimer. Nous avons un système schizophrène qui, sous couvert de "méritocratie" ou autre "excellence", conforte génération après génération le maintien des classes dirigeantes au pouvoir (politique comme économique).

    Olivier Revol, un pédopsychiatre spécialiste de l'échec scolaire, dit que l'école française est bien adaptée à environ la moitié des élèves. Les autres n'ont qu'à se démerder…

    Un enfant d'enseignant a quatorze fois plus de chances d'obtenir le bac qu'un enfant d'ouvrier (que l'on prétend) non qualifié. Et tout, dans le système scolaire, semble fait pour maintenir et conforter la chose… Je crains fort que ce ne soit pas demain la veille que nous ayons enfin des écoles suffisamment diversifiées pour s'adapter à chaque segment de la population.

    Je raconte parfois qu'aux Pays-Bas on a ouvert par milliers des écoles primaires en arabe du Maroc, en turc, en chinois, etc. pour ne plus avoir un taux d'échec scolaire supérieur dans les familles issues de l'immigration. On ne semble pas encore prêt en France à suivre ce chemin d'écoles adaptées à chaque type d'enfant. On ne semble pas prêt à avoir ce qu'aux Pays-Bas on nomme une "mosaïque" pour définir un système d'écoles très différenciées.

    Voir ainsi les débats débiles sur l'enseignement de la lecture avec opposition entre tenants des méthode syllabique et globale. Comme si la clé de treize était l'unique taille pour serrer un boulon ! Ça vaut la peine d'assister à une réunion entre équipe enseignante, médecin, infirmière, psychologue, etc. qui s'interroge sur la méthode (globale, semi-globale, syllabique, graphémique, Alphas, etc.) qui sera la mieux adaptée pour le cas de tel enfant "différent" de la moyenne. C'est ce cousu-main qui manque complètement en France et semble même être encore refusé alors que le système scolaire fait eau de toute part.

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    1. Que veux-tu, c'est le jacobinisme triomphant qui oblige à cela, c'est valable pour l'école, mais pour bien d'autres choses. Parfois, cela a des avantages, comme notre unification des poids et mesures si bien faite que le monde entier s'en est saisi sauf les États-Unis, et en partie la Grande Bretagne.

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    2. Dans un [url=http://sarkostique.fr/index.php?topic=1472.msg42800#msg42800]échange à ce sujet[/url] sur notre forum, j'ai appris que "Astreints à seulement 8h de cours par semaine, des cours magistraux pépère, les profs affectés aux prépas complètent avec des "colles" et peuvent se faire facile plus de 10 000 euros par mois" !!!!

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    3. Bouhhh.... on va les plaindre !

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  5. Hubert, je ne sais si c'est La solution.

    Il y a un encadré dans le dernier numéro de Fakir qui relate une expérience menée aux USA. Ils sont pris deux groupes de jeunes et les ont suivi sur quasiment toute leur vie, l'un bénéficiait de moyens importants à l'école, et l'autre des moyens habituels. Il ressort de cette étude que les enfants du 1er groupe ont bien plus réussi que les autres tant au niveau des études que de l'insertion professionnelle.
    Evidemment au départ, investir dans l'éducation pour des enfants de milieux défavorisés a un coût important, mais finalement bien moindre que ne pas investir du tout ou de manière habituelle au regard de toute une vie. Le coût de départ est un investissement qui réduit des coûts bien plus importants par la suite (vandalisme, aide sociale, délinquance, prison)...

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  6. Une fois de + , comme tu le laisses pré-sentir , "on" essaye ( mais nous ne sommes pas dupes ) de noyer le poisson en tentant de nous faire nous-questionner sur la triste condition de ces "pauvres" profs de classes de prépa - histoire de nous distraire de la sinistre réalité de ceux et celles qui ne peuvent pas étudier - que ce soit pour toutes les raisons que l ' on puisse imaginer - dans les classes-prépa !
    Horrifiante image de c ' est qu ' est la civilisation occidentale , qui semble bien contaminer le reste du monde ...
    Tout le reste du monde ?
    NON !
    d ' irreductibles Gaulois , celtes , catalans , indiens , arabes , africains , asiatiques , .. résistent !
    LovE -

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