lundi 1 juillet 2013

Légalisation de l'aide à la fin de vie : ce n'est pas pour demain

Une dépêche ce matin m'a fait bondir. C'est à propos de l'avis du Comité Consultatif d'Éthique. Même s'il n'est que consultatif, il s'est réuni à la demande du Président de la République, donc cet avis ne peut être anodin.


Un extrait :

Paris (AFP) le 01/07/2013 à 11h22 - La majorité des membres du Comité consultatif d'éthique (CCNE) recommande de ne pas légaliser l'assistance au suicide ni l'euthanasie, dans un avis rendu public lundi.
 
Pour la plus grande partie du CCNE, l'autorisation de l'"aide active à mourir" pourrait être perçue par des personnes vulnérables comme un risque d'être victimes d'abandon de soins et de voir abréger leur vie, souligne-t-il dans cet avis "Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir", sollicité par le président de la République.
Le Comité y émet aussi des propositions, adoptées à l'unanimité de ses membres, pour améliorer la prise en charge de la phase ultime de la vie.



Je n'ai pas hésité à écrire immédiatement au Comité dans le formulaire de contact, pour lui faire savoir mon opposition à son avis.


Bonjour Mesdames, bonjour Messieurs.
Ayant eu à connaître d'un cas douloureux, long (plus de 20 ans) et irrémédiable, d'une personne très proche, je me permets de lancer un avis né de mon expérience.

Le corps médical a bien trop de pouvoir concernant l'avenir d'une personne. Personnellement si c'était pour moi, je ne tolérerais pas, j'insiste, je ne tolérerais pas qu'un médecin (ou un aréopage de praticiens) décide à ma place ou à celle de mon entourage des traitements, des soins et d'autres dispositions.

Suis-je pour l'euthanasie ? Oui, et pas pour cette inutile, grotesque et avilissante solution d'endormissement profond liée à l'arrêt de toute sustentation : d'autant que quelque part le "patient" (je déteste ce terme) peut souffrir sans que le médecin ne s'en doute.

Oui, c'est en connaissance de cause que je précise ces mots, pour avoir vu des choses révoltantes au cours de ces longues années.

Je vous prie d'agréer, Mesdames, Messieurs, l'expression de ma considération distinguée.


Oui, pour moi il est clair que le médecin ne devrait pas être habilité à prendre des décisions sur ce genre de difficulté ô combien grave.  Seul le malade ou le blessé devrait avoir ce choix, y compris de décider d'en finir immédiatement. Bien entendu, s'il a nommé une ou des personnes de confiance, et que son choix n'a pas déjà été exposé par écrit, ce sont ces personnes qui devront statuer s'il n'est plus en mesure de s'exprimer, et uniquement dans ce cas-là. Mais généralement ces deux conditions vont de pair. Ce choix vaut aussi pour les adolescents faisant manifestement preuve de jugement.

Quant au bras chargé d'accomplir ces volontés, immédiatement je récuserais un membre du corps médical, par manque de confiance. J'avais pensé, pour ceux qui sont membres de l'ADMD, qu'un autre membre pourrait s'en charger, en attendant qu'un autre lui rende un jour le même service. Les praticiens ne pourraient qu'être témoins, chargés éventuellement de fournir les éléments matériels nécessaires au geste. Bien entendu (pour moi c'est évident), il faudrait au moins un autre témoin, totalement étranger au corps médical, en plus des membres de la famille désirant être présents. L'idéal serait un huissier de justice, qui pourrait ainsi donner un rapport légal de l'acte.

Oui, je redouble de précautions, afin que ce ne soit pas une manœuvre arbitraire comme certains le redoutent. Mais je pense que si les personnes du comité d'éthique sont si réticentes, c'est que leurs schémas de pensées sont biaisés par des considérations morales : je me trompe peut-être. En revanche pour la loi Léonetti j'ai moins de doute. C'est au point que j'avais écrit à ce Monsieur à l'époque où il n'était plus ministre : il ne m'a jamais répondu. Pourtant j'avais attendu presque un an après le décès de mon épouse pour lui exposer mes préventions contre sa loi. Ce n'était aucunement un coup de tête.

Je crains que certains, ayant des idées différentes parmi le corps médical de ce qui me paraît sensé, ne continuent à accomplir ce qui pourrait aller jusqu'à la torture, en toute bonne foi. Souvenons-nous tous de ce cas exemplaire que fut celui de Vincent Humbert. Largement médiatisé à l'époque, ce cas, et d'autres du même genre, n'est toujours pas résolu au niveau des responsabilités pénales. Souvenons-nous que c'est celui qui l'a délivré qui a eu des ennuis, alors que celui qui le laissait souffrir dans son service, le Dr Rigaux,  n'a même pas eu une réprimande, un blâme...  parce que la loi est ainsi faite. Les médecins ne peuvent-ils pas, ne veulent-ils pas comprendre qu'il est des douleurs morales pires que les souffrances physiques ?

Aider un malade qui veut finir sa vie parce qu'elle est pour lui devenue insupportable, c'est s'exposer aux rigueurs de la loi. Le "meurtre avec préméditation" est considéré comme l'un des crimes les plus graves, même s'il s'agit en l'occurrence du plus grand acte d'amour qui se puisse concevoir. Ma femme ne m'a jamais demandé à l'aider à partir. Si elle l'avait fait, de façon claire et répétée, je n'aurais pas hésité, sachant ce qui m'arriverait ensuite. Vu que jusqu'au bout elle a eu une pleine intelligence, peut-être avait-elle saisi les implications qu'aurait causé sa demande, et s'est-elle interdit de formuler celle-ci.

4 commentaires:

  1. Ils peuvent pourtant voir que, dans les pays voisins où l'euthanasie est légalisée, il n'y a pas de dérive.
    Quelle frilosité dans votre pays pour les matières éthiques.
    "La liberté de mourir ou de vivre est la dernière et ultime liberté d'un individu, il est intolérable que la réponse à ce choix soit le fait d'autrui.
    Que ceux qui sont contre ne la pratique pas, je ne leur impose pas mes choix philosophiques je leur demande de faire de même."
    Mon époux (Français) a bénéficié d'une euthanasie à sa demande, en phase terminale d'un cancer, il ne voulait pas finir relié à des machines pour respirer.
    L'oncologue qui l'a soigné et l'infirmière en chef de l'hôpital de jour où il subissait ses chimio se sont déplacées à notre domicile, il y avait là aussi, notre meilleur ami.
    Il est mort sereinement, dans mes bras.
    Je ne remercierais jamais assez ces personnes pour leur humanité.
    Et même si je crève aujourd'hui encore du chagrin de son absence, je me souhaite, je souhaite à tous, cette mort sereine et digne.

    RépondreSupprimer
  2. Oui, merci Anne-Marie pour ce témoignage.

    Chez moi, le cauchemar aurait pu durer, durer... mais je pense que quelqu'un a aidé discrètement cette fin de façon indirecte, je n'en dirai pas plus. En revanche, d'autres ont été "des bouchers" inutilement, vainement, capricieusement, mais là aussi je ne dirai rien de plus.

    Je pense que pour contribuer pleinement à une vraie législation sereine et équitable sur cette question épineuse (par la faute de certains, j'en suis convaincu), il faut avoir vécu ce que j'ai vécu, donnant la "becquée" pendant environ 17 ans à quelqu'un qui ne bouge plus sur son lit, et soignant ce quelqu'un nuit et jour pour que la douleur soit moins intolérable.

    Un détail, qui va surprendre : pendant une période, loooongue pour qui la vit, j'ai utilisé jusqu'à onze tubes de Voltarène par jour pour soulager le pire grâce à des massages. Soit une quinzaine d'heures de massages journaliers. Seule la pose d'une pompe intrathécale a pu rendre cette "performance" moins utile.

    Mais qu'en savent des érudits livresques, qui n'ont pas connu cela ? Des clopinettes, "peanuts" comme diraient des anglophones. Sans vouloir me vanter, sur non pas la maladie, mais les malades, soit la seule donnée qui compte vraiment, j'en connaissais à la fin bien plus que la plupart des "spécialistes".

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Très utile et émouvant article sur ce grave sujet qui nous tant concerne chacun...
      Je regrette que tu n'aies pas été plus explicite (comme ci-dessus, dans les deux derniers paragraphes)dans ta digne lettre au CCNE... il faudrait qu'il soit assailli de telles lettres !
      J'ai vécu à Genève l'épreuve douloureuse de la fin de vie de ma compagne (cancer sournois)...mais, dans ce pays, elle a pu légalement "mourir dans la dignité"... alors que ma sœur a vécu cette épreuve avec son compagnon, bien plus longtemps et surtout très douloureusement pour eux deux...
      Merci, aussi, Anne-Marie, de ton témoignage.

      Supprimer
  3. On n'a pas fait des études pour ça...disent les toubibs
    Mais ils ont fait des études pour prescrire par exemple le médiator sans se soucier le moins du monde des effets mortels de ce médicament, effets qu'ils pouvaient découvrir en consultant la revue "Prescrire " indépendante des labos?
    Après le scandale j'ai demandé à mon généraliste si il consultait cette revue
    Réponse:non,pourquoi?

    RépondreSupprimer