mardi 12 mars 2013

"Homo belli" ou les humains malades de la guerre

 Anatole France, dans une lettre à Marcel Cachin publiée dans l'Humanité en 1922, l'a énoncé en une phrase lapidaire.
"On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels"

En fait, les aventures militaires ne sont que des épisodes plus sanglants de la guerre que nos "élites" mènent pour le compte d'intérêts privés, depuis la nuit des temps en fait.  Ces intérêts privés étaient bien souvent ceux des chefs de guerre, en même temps fréquemment ceux-ci étaient aussi les souverains de territoires qu'ils mettaient en coupe réglée. Mais parfois la tête couronnée l'était en tant que chef spirituel, et un connétable se chargeait des batailles. Bien entendu les intérêts économiques commandaient d'abord, et il était souvent judicieux de simplement faire pression sur des voisins pour en obtenir un maximum, sans devoir financer plus ou moins des soudards chargés de ramener au renard principal les volailles du poulailler d'à côté.

Chefs spirituels. Ce concept n'a rien d'anodin. Les prétextes étaient aussi transparents qu'efficaces, quand un quelconque grand-prêtre jetait l'anathème sur l'édile de la tribu de l'autre côté de la colline, pour lui avoir manqué de respect. Et soumis, sous l'égide d'un fier à bras un peu plus hâbleur que les autres, les hommes du clan prenaient qui son bouclier, qui son bâton, qui sa lance pour aller rosser l'outrecuidant, molester ses chasseurs, et, pourquoi pas, croiser les sangs avec les dames du cru en "hommage" pour elles. Avec des variantes, n'était-ce pas ainsi ? On récupérait les troupeaux, les gardiennes de ceux-ci, les terrains de pâture et les sources alimentant le village annexé, rien n'était perdu excepté quelques vies.

Même Alexandre le Grand ne fut-il pas surtout l'organisateur de grandes routes de commerce, entre les extrémités de son empire parsemé de villes nommées Alexandrie : il y avait loin de celle du Nil à celle qui s'appelle aujourd'hui Karachi. Les expéditions sanglantes de Pizarro, Cortés, les "accords" comme celui de Fachoda avaient-ils d'autres buts ?

Allons plus loin : avons-nous déjà été en paix ? Ce n'est pas du tout certain. Simplement, cela se passait en-dessous du seuil de perception un peu borné des populations, borné le plus souvent parce qu'elles n'en étaient pas suffisamment (ou pas du tout) informées. On ajoute le genre de réaction "du moment que je (je, je, je) ne suis pas directement concerné, qu'ils (ils, ils, ils) fassent de ce qu'ils veulent", et même pendant un épisode assez récent de notre Histoire une proportion assez importante de la population française a joué le coup des trois singes.

Oui, avons-nous déjà été en paix ? Quand les "entrepreneurs" dans notre pays poussent  toujours plus loin leur emprise aux dépens de ceux qui les font (très bien) vivre, n'est-ce pas une forme de guerre ? Quand "les pays occidentaux" obligent les autres pays, en particulier ceux "du sud", à des accords léoniens, n'est-ce pas la guerre ? Quand par des manœuvres diverses ils s'emparent des ressources, en particulier pétrolières, d'un autre, n'est-ce pas la guerre, même si cela ne va pas aussi loin que le dépeçage de la Libye ? Mais aussi : quand un gouvernement a fait fi d'un référendum pour imposer des diktats en majorité commerciaux à ses administrés avec l'appui des "représentants du peuple" (tu parles !), n'était-ce pas la guerre ? Quand le gouvernement suivant a enfoncé le clou, n'était-ce pas la guerre ?

la bataille de Valmy, Horace Vernet
Allons plus loin. Quand l'Europe des rois et empereurs se ligua contre la toute neuve république française, ce fut un conflit entre deux conceptions du monde : d'un côté les vieux systèmes voulaient conserver leurs prébendes, leurs privilèges, leurs richesses. De l'autre en grande partie ce sont l'idée de liberté et de nouveaux concepts non mercantiles qui prédominaient. Provisoirement, ce sont les seconds qui gagnèrent. Et la République fut officialisée deux jours plus tard. Ce fut sans doute l'une des rares fois où la cupidité recula face au peuple.

Quand ce fléau finira-t-il ? Quand les agressifs, les rapaces seront-ils évincés au nom de la fin du PROFIT ? Quant aux prétextes, religieux, idéologiques, "d'honneur", "humanitaires", il ne sont que cela : des prétextes. On parle là, bien entendu, des prétextes pour attaquer, se défendre est légitime quand ce n'est que cela. Les attaques "préventives", elles aussi, ont bon dos. Certains pays, certains gouvernements en sont des spécialistes, et ne trompent personne.

A bon entendeur, salut.

4 commentaires:

  1. N'est-ce pas une sorte d'autre guerre, encore plus insidieuse, que livrent "des élus" envers les plus faibles ?

    Ce matin, " un billet de mon camarade le cri du peuple (un nom bien choisi) montre du doigt une cruelle indignité "institutionnalisée". Une parmi bien d'autres, hélas !

    RépondreSupprimer
  2. "Quand les agressifs, les rapaces seront-ils évincés au nom de la fin du PROFIT ?"
    Quand nous cesserons de nous comporter comme des moutons bêlants qui attendent tout de l'Etat, qui lui, n'est qu'au service de l'oligarchie, et ça urge.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout à fait d'accord avec toi, Anne-Marie.
      Que nous soyons bêlants ou ruminants, l'État nous mène à l'abattoir pour "l'oligarchie" comme tu dis, ou "les industriels" comme disait Anatole France.
      Et oui, "ça urge"... depuis la nuit des temps comme le laisse entendre Babel !

      Un ami, comme moi "Ancien Appelé en Algérie", me disait récemment à peu près ceci :"les gens se divisent en deux : CEUX qui ont directement souffert de la guerre, combattants ou pas, et CEUX qui se croient en paix chez eux, quitte à approuver des guerres lointaines (par ex. Syrie, Mali), en suivant les "doctes" avis des médias ou autres propagandistes d'États..."

      En fait on peut tout expliquer - les anarchistes conséquents le font - de la société humaine, de la nature de l'homme, à travers la permanence de l'état de guerre, larvée ou déchaînée, que ce font avec nos chairs les POUVOIRS... pouvoirs que nous, nous tous, avons eu la faiblesse de leur laisser !

      Babel, après et avant d'autres, le fait, en "polémologue" conséquent.
      Reste à ne plus avoir la faiblesse, tous, de ne plus laisser faire l'État, de le supprimer ainsi que toute industrie d'armement : abolition des armes !
      On règlera nos petits différents par quelques engueulades, au pire quelques coups de poings, et surtout le palabre collectif local...

      Supprimer
  3. Message perso :
    http://www.despasperdus.com/index.php?post%2F2013%2F03%2F12%2Fla-question#.UT9a8sZFykY.twitter

    RépondreSupprimer