Le Maghreb au temps des Romains |
Un grand ami*, qui se trouve aussi être ami d'Olivier Lacour Grandmaison, s'est empressé de me communiquer une adresse que celui-ci a envoyée à notre président avant son voyage en Algérie. Il est vital que le maximum de lecteurs en prennent connaissance, ainsi que des enjeux que sous-entend cette visite si elle se veut profitable.
Voulez-vous parier ? Il ne se passera rien, que quelques phrases d'autant plus creuses que d'autres les auront proférées auparavant avec d'infimes détails de différence. Cela explique d'ailleurs la politique extérieure actuelle.
Les futurs ÉtatsUniens européens ont envahi à partir de la Nouvelle Amsterdam des territoires, détruit, tué et pourchassé ce qui les habitait déjà, animaux et personnes, cultures et nations. Les futurs Sud-Africains européens ont envahi à partir du Cap des territoires, détruit, tué et pourchassé ce qui les habitait déjà, animaux et personnes, cultures et nations. Les français, européens, ont envahi des territoires qui ne s'appelaient pas encore Algérie, détruit, tué et pourchassé ce qui les habitait déjà, animaux et personnes, cultures et nations, avant d'en partir, chassés à leur tour. Les futurs Israéliens européens ont envahi des territoires, détruit, tué et pourchassé ce qui les habitait déjà, animaux et personnes, cultures et nations.
Moralité ? Dans le langage des prédateurs du Nord, il ne s'est rien passé. Pourquoi parler de ce qui n'a pas eu lieu ?
* Rem* a connu O. L-G. en tant que membre de 4acg,
association venue soutenir non seulement Olivier mais les cinéastes René Vautier
et Mehdi Lalloui, qui avaient portés plainte collective contre une
vieille hystérique les calomniant "d'anti-France"... (procès à
Quimper, puis à Rennes en appel, où elle fut 2 fois condamnée à
amendes, en 2010/11).
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Brève missive à l’attention du chef de l’État sur son voyage en Algérie
18
décembre 2012 | - Mediapart.fr
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Monsieur
le Président, par la présente mon intention est « d’écrire
chose utile à celui qui l’entend » en m’inspirant,
fort modestement, du célèbre auteur de cette citation : le
très avisé Machiavel. Aux dires de certains, votre
prédécesseur socialiste à l’Elysée, François Mitterrand,
aurait été sensible à ses enseignements. J’ignore si le
Florentin, à qui l’on prête tant et plus, a effectivement
guidé les pas de celui qui fut votre mentor, mais cela
semble lui avoir réussi ; sa longue et méandreuse carrière
politique en témoigne.
>
Deux mois après le bref communiqué dans lequel vous
écriviez : « la République reconnait avec lucidité la
sanglante répression » du 17 octobre 1961 au cours de
laquelle des dizaines d’Algériens furent massacrés par des
policiers dirigés par le préfet Maurice Papon –ce que ce
texte ne dit ni ne nomme, hélas–, votre visite d’Etat en
Algérie peut être un événement. Il vous appartient de faire
en sorte qu’il en soit ainsi. Chez vos adversaires, ce
voyage alimente certainement quelques craintes, hypocrites
et feintes, puisqu’il sera pour eux l’occasion de vous
critiquer sans ménagement. Pour celles et ceux qui, de part
et d’autre de la Méditerranée, estiment que les crimes de
guerre et les crimes contre l’humanité, commis par la France
depuis 1830, doivent être enfin reconnus, votre déplacement
suscite au contraire des attentes nombreuses.
>
Pour ne pas provoquer l’ire des premiers et la déception des
seconds, vous avez beaucoup consulté, et je ne doute pas que
de sages conseillers, officiels et officieux, vous ont
recommandé la prudence. Selon eux, elle seule permettrait de
ménager les uns et de satisfaire en partie les autres. En
cette matière, j’ai la faiblesse de croire qu’ils se
trompent, et vous trompent. Quoique vous direz sur les
« événements » et « la présence française » en Algérie,
comme certains l’écrivent encore en usant d’une rhétorique
forgée à l’époque de la République coloniale,
l’extrême-droite et l’UMP, que l’on peine à distinguer sur
ce sujet et quelques autres, protesteront de façon véhémente
et convenue. Nul besoin d’être grand clerc pour deviner la
teneur de leurs communiqués. Tous vous accuseront de « céder
aux sirènes de la repentance, de ternir l’image de la
France, de porter atteinte à l’honneur des milliers de
soldats qui ont combattu avec courage la terreur du FLN, et
de diviser nos compatriotes en ouvrant de nouveau les plaies
du passé ». Quant aux vociférations pavloviennes de
messieurs Fillon et Copé, et de leurs lieutenants
respectifs, elles seront d’autant plus bruyantes qu’ils sont
engagés dans la bataille fratricide que vous savez. Quelle
aubaine, pour eux, de pouvoir la faire oublier un instant en
donnant l’image d’une organisation enfin rassemblée pour
défendre « l’unité et le drapeau de notre beau pays ! » Seul
votre silence pourrait les satisfaire, ce à quoi vous ne
sauriez vous résoudre sauf à trahir les espoirs de celles et
ceux qui attendent une déclaration précise et forte.
>
Sur cette question en particulier, « j’ai opinion qu’il
soit meilleur d’être hardi que prudent », comme
l’écrit aussi le précieux Machiavel, car vous n’avez rien à
gagner en cédant si peu que ce soit à vos adversaires.
Jamais ils ne vous en seront reconnaissants et toujours ils
vous combattront avec acharnement cependant que les femmes
et les hommes, qui espèrent de ce voyage officiel, verront
dans ce geste un compromis inutile et une opportunité gâchée
en raison de craintes sans fondement. En persévérant dans
cette voie, que l’on doit vous présenter comme la seule
raisonnable, vous risquez de perdre sur de nombreux
tableaux. A droite, pareille position ne fera pas taire ses
représentants revanchards et obtus. A gauche, elle décevra
ceux qui estiment que la reconnaissance explicite des crimes
coloniaux est un acte de justice et de vérité que la
République doit aux nombreuses victimes, et à leurs
descendants français et algériens. Je sais que dans les
heures qui ont suivi la publication du communiqué consacré
au 17 octobre 1961, vos amis et quelques autres ont salué
votre courage exemplaire. Pardonnez-leur, ils ne savent pas
ce qu’ils disent.
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En ces matières, le pays que vous présidez se signale par la
pusillanimité réitérée de ceux qui l’ont dirigé. Pour en
prendre la juste mesure, il faut s’affranchir du
francocentrisme partagé par beaucoup de fiers républicains,
à droite comme à gauche, qui entretiennent sans fin le mythe
de l’exception française. A preuve le discours du premier
ministre australien qui, en 1992, a reconnu les « dépossessions »,
les « discriminations » et les « crimes »
commis à l’encontre des Aborigènes lors de la colonisation
de ce territoire. A preuve, aussi, à l’occasion du
centenaire du massacre des Hereros, perpétré en 1904 par les
troupes du général Lothar von Trotha, la déclaration du
ministre allemand de la Coopération économique et du
Développement. A preuve, enfin, l’inauguration à Washington,
en septembre 2004, du Musée national des Indiens d’Amérique
au cours de laquelle, son directeur, d’origine cheyenne, a
rappelé que « la rencontre » avec « l’homme
blanc » avait été une tragédie pour les peuples
autochtones. Par sa bouche, les autorités admettaient ce que
de nombreux historiens avaient établi depuis longtemps.
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Monsieur le président, j’ai ouï dire que vos distingués
conseillers ont dépensé des heures précieuses pour trouver
un cadeau à offrir à votre homologue algérien en signe de
réconciliation et d’amitié, et qu’ils se sont heurté à de
nombreuses difficultés juridiques et pratiques. Très
humblement, comme il se doit, je me permets de formuler
cette proposition susceptible de tirer les premiers de leur
embarras et de vous faire entrer dans l’histoire comme
l’homme du courageux discours de Tlemcen. En des termes
simples et clairs, dites que vous reconnaissez les crimes
coloniaux commis par la France ; il n’est pas de présent
plus précieux, ni de plus attendu.
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O. Le Cour Grandmaison, dernier ouvrage paru : De
l’indigénat. Anatomie d’un « monstre » juridique. Le droit
colonial en Algérie et dans l’empire français, La
Découverte/Zones, 2010.
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