Il le faut. Je répercute ici un bilan écrit par Pierre Deruelle, de tout l'historique de Notre-Dame des Landes. Édifiant. Tout est vrai, mais tout est ici rassemblé dans un seul texte.
Voici ce texte exemplaire, à faire passer partout tant il explique tous les enjeux.
Notre-Dame-des-Landes : un projet de 1967 pour répondre aux défis de notre temps
Bon, c’en est assez. Moi ça me fait peine. Beaucoup trop de
contre-vérités sont énoncées quotidiennement sur l’affaire d’Aéroport
Grand-Ouest, appelé vulgairement NDDL par les supporters de la bande de
squatteurs basanés polygames crypto-anarchistes néo-staliniens qui ne se
lavent même pas tous les jours. Il est peut-être temps de prendre UN
PEU de hauteur, de dépassionner le débat, et de ramener UN PEU de
sérieux sur ce sujet de haute voltige.
Un peu d’histoire(s)
Le
site de Notre-Dame-Des-Landes fut choisi en 1967 (selon les normes
européennes environnementales et de préservation de la biodiversité qui
devaient à l’époque déjà probablement être les mêmes qu’aujourd’hui) par
le Service technique des bases aériennes, puis validé en 1970 par le
Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire pour remplacer le
“déjà” actuel aéroport de “Nantes Atlantique” notamment pour y
développer le fret, et aussi un peu pour pouvoir accueillir fièrement le
tout nouveau Concorde. Mais si, vous savez, cet avion qui a eu un petit
souci le 25 juillet 2000, tuant 113 personnes, et qui ressemblait à un
burn-out de cigogne sous extasy avec une paire de Ray-Ban.
S’il semble aujourd’hui – mais je m’avance un peu peut-être – que le
projet n’accueillera finalement pas le Concorde, dès mai 1967, les
autochtones du crû les plus civilisés pouvaient déchiffrer dans la
presse locale avec leurs quelques rudiments de langue française que “La
métropole Nantes-Saint Nazaire pourrait devenir le Rotterdam aérien de
l’Europe par la création d’un aéroport international de fret au nord de
la Loire”. Les hommes politiques et leurs experts avaient parlé. Et tout le monde sait ça, ils tiennent toujours leurs promesses.
En
1971, une vague histoire de choc pétrolier mit semble-t-il un peu de
sable d’embargo de pays arabes de l’OPEP dans le moteur du projet de
nouvel Aéroport à Notre-Dame-Des-Landes. Enfin, comme ces problèmes de
pétrole sont définitivement derrière nous, ne vous inquiétez pas,
l’histoire peut reprendre son cours.
Après ces quelques années de trafic stagnant, dans les années 80 la
CCI qui gérait Nantes Atlantique posa la question totalement saugrenue
de construire une nouvelle piste perpendiculaire à l’existante, qui eu
permis aux avions de ne plus survoler Nantes. C’était sans compter sur
l’avis du Conseil général de l’époque qui considéra qu’importaient peu
trajectoires rectilignes, sens des vents dominants, et beaucoup moins de
nuisances sonores sur la population : “Faisons au plus simple, de toutes façons, après, il y aura Notre Dame des Landes”.
La solution retenue par les experts fut donc de prolonger la piste
existante, très mal orientée selon les pilotes et par voie de
conséquence selon les riverains qui ne comprennent décidément rien aux
expertises des experts agrées par des hommes politiques experts dans
l’art d’agréer les experts des expertises.
Les
mêmes experts de prévisions de trafic de l’époque annonçaient donc
entre 5 et 9 millions de passagers pour l’an 2000, et comme vous l’avez
compris puisqu’ils ne se trompent jamais, l’aéroport de Nantes
Atlantique en accueille aujourd’hui 3,2 millions par an.
Heureusement, en 2000, sous le gouvernement Jospin, parce qu’on peut
être de gauche et moderne, le projet ressortit enfin des cartons.
Mieux qu’un aéroport de fret, un aéroport international ! Il
remplacerait partiellement l’existant restant en fonctionnement pour la
société Airbus, qui heureusement pour les riverains ne fait jamais
décoller d’avion. Quel rêve merveilleux pour les hommes politiques
locaux de s’imaginer accueillir à bras fiscaux ouverts les hommes
d’affaires du monde entier apportant la croissance et la mondialisation
dans leurs valises en descendant de gros aéronefs sur deux pistes neuves
! Et quel argumentaire économique merveilleux pour un programme de
réélection à un mandat local ! Faire décoller et atterrir des avions
c’est un peu magique non, vous ne trouvez-pas ?
L’actuel aéroport de Nantes Atlantique .
La France compte plus de 156 aéroports, contre 44 en Allemagne et 43 en Grande-Bretagne. S’il faut bien qu’on les batte sur quelque chose, c’est fait.
L’aéroport actuel de Nantes-Atlantique s’étend sur 320 hectares. Sa piste mesure 2.900 mètres par 45 mètres,
et a été bétonnée en 1939, parce que l’herbe, c’est quand même plus
pratique pour jouer au golf que pour faire atterrir mamie qui rentre des
Seychelles. Cette piste permettrait d’absorber 35 avions par heure, même s’il n’y en a que 10 à 12 actuellement, mais c’est un argument de gauchiste en tongs pas rasé.
Le décret n° 2001-705 du 31/07/2001 a inscrit l’aéroport de Nantes Atlantique parmi ceux sur lesquels l’Autorité de Contrôle des Nuisances Sonores Aéroportuaires (ACNUSA) a des compétences élargies (10 aéroports en France). Traduction : il casse les oreilles à 42 000 personnes,
mais comme le nouvel aéroport va arriver, on ne va surtout pas
construire une nouvelle piste orientée correctement, ni même régler les
questions de gestion du trafic aérien.
Forcément, il a toujours un collectif de crypto-anarchistes pilotes
de lignes doutant de la pertinence du projet de Notre-Dame-des-Landes
pour affirmer que “30 % des avions qui survolent le centre-ville pourraient l’éviter en passant par le sud de l’agglomération”.
Comment croire Thierry Masson, cet officier-pilote de ligne de 50 ans
basé à Nantes qui a tout du conspirationniste notoire quand il déclare :
“Deux tiers du trafic transitent par le sud-est de l’agglomération.
J’aimerais bien savoir pourquoi, en arrivant de Limoges, de Poitiers ou
de Bordeaux, il faut faire un détour par le nord-est de l’agglomération
et survoler le centre de Nantes”
Par sa superficie, Nantes-Atlantique a déjà la dimension d’un aéroport international.
En 2011, pour 60 800 mouvements (les décollages/atterrissages sont un peu les pompes/abdos du contrôleur aérien) l’aéroport à reçu 3,2 millions de passagers.
Sa surface est plus grande que celle de l’aéroport de Londres-Gatwick, qui, par comparaison, assure 280 000 mouvements par an et reçoit 31 millions de passagers, et quasi-égale à celle de l’aéroport de San Diego, en Californie (USA) qui voit passer annuellement 223 000 mouvements et achemine 17 millions de passagers. L’aéroport de Genève, qui ne possède qu’une seule piste, accueille 10 millions de passagers par an, 170 000 mouvements d’avions, et occupe 340 hectares.
En fait, ce qui sature un aéroport ce n’est pas le nombre de
passagers mais bien évidemment le nombre de décollages/atterrissages, et
sur ce point Nantes Atlantique est passé de 54 858 mouvements en 2007 à 60 800 mouvements en 2011.
En suivant cette courbe, Nantes Atlantique devrait atteindre les 200
000 mouvements en 2750 après la troisième apocalypse, quand Nantes sera
devenue la capitale du monde.
Du coup, Nantes-Atlantique a reçu le trophée ERA Award 2011-2012 du meilleur aéroport européen, ce qui est donc une excellente raison pour en construire un nouveau.
Cerise on the cup-cake, il y a donc une usine Airbus en bordure de la piste de Nantes-Atlantique qui emploie 2300 salariés
à la fabrication notamment des radômes (extrémités avant des avions) et
des caissons centraux de voilure de toute la gamme Airbus, pièces qui
partent pour assemblage à bord du Beluga, l’avion-cargo d’Airbus. Que se
passera-t-il pour Airbus si Nantes-Atlantique ferme ? Airbus ne va
quand-même pas délocaliser sa production ? La piste sera donc privatisée
pour son bénéfice ? A moins – idée lumineuse – qu’on refile l’un des
aéroports européens les mieux notés aux bons soins de Vinci, qui saura
bien en faire quelqu’usage rentable : les bâtiments de l’aéroport seront
peut-être transformés en skate-park, en agence Pôle-Emploi, ou en
crèche pour les futurs pilotes de ligne.
“Un aéroport qui réponde aux défis de notre temps”
[Jean-Marc Ayrault]
Suite à une enquête publique conclue fin 2006, la Commission d’enquête remit en avril 2007 un rapport au préfet de la région Pays de la Loire.
C’est monsieur Bernard Boucault qui était le préfet en poste à
l’époque à la préfecture de la région Pays de la Loire. Il avait à peine
eu le temps de lire le rapport et de reconnaître le projet d’utilité
publique qu’il fut nommé en juin 2007 directeur de l’ENA, jusqu’à 30 mai
2012 où il fut nommé au poste de préfet de police de Paris. Comme quoi
même faire les grandes écoles n’empêche pas de finir au poste.
C’est monsieur Bernard Hagelsteen qui lui succèda le 20 juin 2007
au poste de préfet de la région Pays de la Loire et préfet de la
Loire-Atlantique. Une carrière à talonnettes que celle de monsieur
Bernard Hagelsteen : en 1984 il devint secrétaire général de la
préfecture des Hauts-de-Seine, puis obtint entre 1989 et 1992 le poste
de directeur de la police générale à la préfecture de police de Paris,
et plus récemment celui de secrétaire général du Comité interministériel
de prévention de la délinquance. Proche collaborateur du ministre de
l’Intérieur de l’époque, un certain Nicolas Sarkozy, Bernard Hagelsteen
avait eu pour tâche de préparer et de défendre la loi sur la prévention
de la délinquance, promulguée en mars 2007.
Un mois après l’élection de Nicolas, Sarkozy, il était donc nommé au poste de préfet de la région Pays de la Loire et préfet de la Loire-Atlantique, et héritait donc du dossier du décret d’utilité publique de l’aéroport.
Ce fameux décret d’utilité publique est finalement publié le 10
février 2008, suite à une enquête publique dans laquelle 80 % des
contributions faites aux sept enquêteurs étaient opposées au projet.
Mais comme on arrête pas le progrès, l’enquête s’est quand même avérée
positive pour déclarer une DUP même si sur les sept enquêteurs qui ont
fait le travail, deux ont abandonné leur position avant la fin de la
commission d’enquête.
Et puisque la mode était à un truc médiatique appelé Grenelle de l’environnement, le décret comportait la réserve que cet aéroport soit de haute qualité environnementale (norme HQE).
Contesté par la suite devant le Conseil d’Etat, ce décret sera confirmé en 2009 et en 2010.
L’esprit mal tourné pourra s’indigner de ce que la présidente de la section des travaux publics au Conseil d’Etat fut Madame Marie Dominique Monfraix, épouse du préfet Bernard Hagelsteen
en charge du décret en question, alors qu’il s’agit bien évidemment du
fruit du hasard. Un hasard qui valait bien que Madame
Monfraix-Hagelsteen fut élevée au grade de Commandeur de la Légion
d’honneur le 13 Juillet 2009, ce qui n’a strictement rien à voir, nous
ne salirons pas ici la mémoire une femme irréprochable, décédée depuis.
Le
hasard total également si son époux désormais veuf monsieur Bernard
Hagelsteen a pris sa retraite le 1er décembre 2011 pour devenir non pas
conseiller à la Cour des comptes comme il l’avait annoncé initialement,
mais conseiller auprès du DG de Vinci Autoroutes, puis responsable des péages pour ASF, filiale de Vinci.
Vinci en charge du projet du nouvel aéroport. Tout ne peut pas être
dramatique, le hasard fait parfois bien les choses, n’en déplaise à la
loi dite de pantouflage concernant les représentants de l’état.
Les scénarios d’optimisation de l’aéroport existant de
Nantes-Atlantique n’ont pas été posés, les solutions alternatives n’ont
pas été étudiées : aucun intérêt, puisqu’on fait l’aéroport Grand-Ouest
de NDDL. Quand au Grenelle de l’environnement, qui préconisait l’étude
de solutions alternatives pour les projets à fort impact
environnemental, c’est de toute façon aujourd’hui un truc complètement
dépassé, d’ailleurs on en parle même plus à la télévision. J’en ai
discuté avec un lobbyiste du bétonnage pas cher, on vous jure mordicus
que la norme HQE ça sert à rien.
Alors certains viendront braire que la vraie motivation pour ce projet en 2000 a été de faciliter une opération de rénovation urbaine importante
dont une partie se situait dans le périmètre des nuisances sonores de
l’actuel aéroport. Et vont s’imaginer que pour ne pas s’embarrasser de
contraintes d’insonorisation trop fortes, on préfère se débarrasser de
l’aéroport et en construire un nouveau.
Et pourquoi pas aussi fantasmer sur les soit-disant appétits
économiques des soit-disant lobbies du BTP, tout ça parce que les
Président et Directeur général de VINCI ont pu faire ensemble quelques
voyages au Cambodge avec monsieur Thierry Mariani.
Écoutez plutôt Jean-Marc Ayrault, un homme qui a eu une vision prophétique de la magnificence de Nantes et lui souhaite “un aéroport qui réponde aux défis de notre temps”.
Mais si, vous savez, Jean-Marc Ayrault, l’homme qui a réussi à rendre
François Fillon charismatique : ancien maire PS de Nantes depuis 1989,
ancien député, ancien président du groupe socialiste, il est aujourd’hui
conseiller municipal de Nantes, conseiller communautaire de Nantes
Métropole (qui participe au financement du projet) , et accessoirement
semble-t-il 1er ministre.
Nantes-sur-Ayrault la sublime, nouvelle capitale française : Pensez-donc, avec 1 650 hectares cet aéroport de Notre Dame des Landes (toutes infrastructures comprises) sera donc plus grand que la surface aéroportuaire de Roissy Charles de Gaulle qui accueille sur 1 400 hectares 540 000 mouvements d’avions et 55 millions de passagers par an (pour une surface totale de 3.257 hectares). Si avec ça Nantes-sur-Ayrault ne devient pas Nantes-sur-Ayrault-la-magnifique …
Veni, Vidi, Vinci
Donc, le 30 décembre 2010, Thierry Mariani, secrétaire d’Etat chargé
des transports, a paraphé le contrat de concession du nouvel aéroport
Grand-Ouest. Signé par la société concessionnaire des aéroports du Grand
Ouest, filiale de VINCI Concessions (85 %), en partenariat avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nantes (10%) et Entreprise de Travaux Publics de l’Ouest (ETPO – CIFE) (5 %), il est entré en vigueur le 1er janvier 2011.
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Vinci a obtenu la reprise de l’exploitation des aéroports de Nantes-Atlantique et de Saint-Nazaire Montoir, en plus de la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la maintenance du nouvel aéroport du Grand Ouest Notre-Dame des Landes pour une durée de 55 ans.
Ce projet ultra-moderne déposé par Vinci présente deux pistes de 2.700 et 2.900 mètres : trop courtes pour y faire atterrir des A 380,
mais comme les gros porteurs ne sont pas trop à la mode, on s’en
dénoyaute la cerise. Puisqu’on vous dit que c’est ultra-moderne. Faut
suivre un peu.
Deux pistes pour 4 millions de passagers. Une bande de sauvages autochtones qui vit là-bas, l’ACIPA (Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre Dame des Landes)
soutient qu’il n’existe aucune règle européenne allant dans ce sens.
Peut-être, mais qu’est-ce qui leur dit que demain on ne va pas
construire 8 pistes supplémentaires à Roissy, avec 60 millions de
passagers sur 4 pistes ? Le bon sens n’est pas toujours près de chez
vous, vous diront les experts.
Le projet devrait coûter 561 millions d’euros
(aucun budget de dépassement n’a été prévu vu que ça n’arrive jamais
sur des gros chantiers), ce qui heureusement en période de crise est une
somme tout à fait modeste parfaitement employée. Ce
n’est pas comme si avec 561 millions d’euros on pouvait créer des
logements, financer des projets écologiques, faire de la recherche… Une
paille donc, mais dans l’oeil.
La répartition de l’enveloppe globale s’établit comme suit :
- Vinci apporte autour de 310 M€ des 441 M€ évalués pour la réalisation de la plateforme aéroportuaire qui se répartit comme tel :
- 100 millions d’euros c’est le résultat du bénéfice fait sur Nantes Atlantique entre 2010 et 2017 (sic!)
- 100 millions d’euros empruntés sur les marchés financiers cautionnés par les collectivités locales, noir sur blanc dans le cahier des charges (re-sic!)
- 100 millions d’euros des actionnaires de Vinci avec un rendement annuel de 12 % imposé.(re-re-sic!)
- 100 millions d’euros empruntés sur les marchés financiers cautionnés par les collectivités locales, noir sur blanc dans le cahier des charges (re-sic!)
- 100 millions d’euros des actionnaires de Vinci avec un rendement annuel de 12 % imposé.(re-re-sic!)
- L’Etat (130,5 M€) et les collectivités publiques (115,5 M€) se sont engagés sur une contribution publique totale de 246 M€, financement partagé au travers d’un syndicat mixte comprenant :
- Les Conseils régionaux des Pays de la Loire (40,4 M€) et de Bretagne (28,9 M€),
- Le Conseil général de Loire-Atlantique (23,1 M€)
- Nantes Métropole (17,9 M€)
- La communauté d’agglomération de Saint-Nazaire (2,9 M€) et celle de La Baule-presqu’île de Guérande (2,3 M€)
- Le Conseil général de Loire-Atlantique (23,1 M€)
- Nantes Métropole (17,9 M€)
- La communauté d’agglomération de Saint-Nazaire (2,9 M€) et celle de La Baule-presqu’île de Guérande (2,3 M€)
On rappellera tout de même que lors du débat public de 2002-2003, le baril de pétrole (brent) était entre 30 et 40 dollars. Aujourd’hui c’est plutôt autour de 100 dollars le baril, mais ça n’a évidemment aucune sorte d’importance.
Cinq enquêtes publiques se sont déroulées du 21 juin au 7 août 2012. Quelque 400 contributions ont été déposées ou envoyées aux commissaires enquêteurs, et certains viendront chicaner sur “la
précipitation à organiser l’enquête pendant l’été, avant l’entrée en
application de la réforme des enquêtes publiques, ce qui a permis à
l’Etat d’organiser la procédure conformément à l’ancienne règle, alors
que la nouvelle aurait permis une instruction plus longue”.
Il y aura bien des pisse-froid pour venir arguer également que les
centaines d’hectares requis pour le nouvel aéroport sont des zones
humides, en tête de deux bassins versants, que leur artificialisation est contraire aux dispositions du SDAGE Loire Bretagne.
Que normalement ce projet ne peut satisfaire aux exigences de la loi sur l’eau, mais heureusement l’Etat et Vinci proposent une solution, dite loi-du-contournement-de-la-loi, qui permettrait de passer outre : le concessionnaire Vinci-Aéroport du Grand Ouest aurait recourt à des « unités de compensation zones humides » calculées selon des coefficients de 0,25 à 2 pour évaluer l’intensité de la réponse compensatoire des mesures.
Bon ok, c’est un peu violer la loi française et la directive européenne cadre sur l’eau,
parce que normalement une zone humide détruite doit être compensée par
deux hectares construits sur le même bassin versant, or ici toute la
zone du projet et ses alentours sont classés en zones humides. D’accord,
il n’est donc pas possible de compenser, l’approche retenue par AGO en
termes de fonctionnalités n’est pas viable, mais bon puisqu’on vous dit
que tout ça c’est pour le développement économique. L’état a bien le
droit de contredire ses propres directives, sans compter qu’en 2012, on
s’en fout de l’eau, après tout.
Les indemnités proposées aux propriétaires qui sont priés de dégager illico de la zone avant l’arrivée des pelleteuses sont de 16 centimes par m². Quand on sait que l’un d’eux a par exemple acheté son terrain 24 centimes par m² en 1977, ça laisse rêveur.
Il paraîtrait aussi que le marché des émissions de CO²,
qui renchérit le coût de l’aviation, a été omis dans les études. Comme
ces trucs de CO² sont encore de lubies de baba-cools avec des fleurs sur
leurs sandales en cuir, on en tiendra évidemment pas compte.
D’autres empêcheurs de bétonner en rond viendront pérorer que la concurrence du TGV n’a pas été prise en compte. Mais qui prend encore le TGV entre Nantes et Paris de nos jours ?
Et comme si la nouvelle liaison TGV Rennes-Paris prévue pour 2020-2025 allait inciter beaucoup de Rennais à prendre l’avion à Paris plutôt qu’à Notre-Dame-des-Landes. N’importe quoi.
D’autres encore vous expliqueront que la construction du tram/train depuis Nantes, estimée à 150 millions d’euros, n’est pas prise en compte dans le projet,
alors que ses effets sont inclus dans le calcul de bénéfices pour la
société Vinci. C’est juste parce qu’ils ne savent pas anticiper sur les
bénéfices que réalise le privé à partir des investissements des deniers
publics. En attendant, vous viendrez à l’aéroport en voiture et vous
paierez le parking, à Vinci bien sûr, qui a obtenu le passage dans le projet de 7 000 à 11 000 places de parking tandis que les pistes ont été revues à la baisse faute de moyens.
En terme d’emploi, de drôles de sbires contestent l’étude estimant que 1000 emplois sont crées par million de passagers
tout ça parce qu’elle se base sur les statistiques des trois grands
hubs internationaux qui comptent également le fret, alors qu’en France,
pour les aéroport régionaux la norme est de 256 emplois par million de passagers. Les gens sont vraiment tatillons quand il s’agit de leur boulot, c’en devient pénible.
A contrario, l’étude de Déclaration d’Utilité Publique nous explique –
c’est un ravissement sans égal quand on fait de la politique – que
l’aéroport Grand-Ouest de Notre-Dame-des-landes rapportera entre 600 et 700 millions d’euros à la collectivité. N’en déplaise à l’étude du cabinet CE-Delft de 2011.
D’ailleurs
qui s’intéresse à l’avis d’un cabinet hollandais, organisme indépendant
de recherche et de conseil spécialisé dans les solutions innovantes aux
questions environnementales, qui alerte sur les risques d’un déficit entre 90 millions et 600 millions d’euros selon les scénarios,
et auteur il y a quelques années d’un rapport ayant contribué à
l’abandon de l’extension de l’aéroport d’Heathrow à Londres ? Surtout
quand il conclue que l’optimisation de Nantes-Atlantique apparaît plus
génératrice de richesses pour la France que la construction d’un nouvel
aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Franchement, on s’en fout un peu, qui va aller tenir compte de ça, sérieusement ?
Certainement pas Vinci, qui nous propose un monde merveilleux à Notre-Dame des landes :
De 4 millions de passagers à la mise en service, le trafic (actuellement 3,2 millions par an à Nantes-Atlantique) passera à “9 millions de passagers par an d’ici 2065” (ils sont aussi fins démographes). C’est promis. Vinci réduira aussi “la consommation d’énergie par 3 par passager”. Vinci utilisera des “techniques de construction innovantes pour l’ensemble du chantier”. Vinci aura un “bilan carbone positif sur la durée du projet en intégrant la construction”. Vinci est tellement balèze qu’à l’extérieur, “les jardins diffuseront les parfums spécifiques des essences locales”
(si si, c’est dans le projet). Comment ne pas être émerveillé par
l’odeur de la nature en patch ? Encore un peu de forcing et les
agriculteurs du coin pourront même peut-être négocier des horaires de
diffusion des odeurs de bouse de vache, ça leur rappellera le bon vieux
temps.
Libérer des terrains de l’aéroport Nantes-Atlantique, dans cette partie sud-ouest de l’agglomération répond surtout à une logique d’aménagement global (en fait l’aéroport nous emmerde un peu dans nos projets) : “Selon l’Insee”, répète le commandeur Jean-Marc Ayrault, “Nantes accueillera 150 000 habitants supplémentaires d’ici 2030”.
En urbanisme, on appelle ça régler le problème par le vide. En
politique et nombre de voix, on appelle ça régler le problème par le
plein.
Et qui vient d’obtenir la concession de cinq aéroports de l’Ouest, et aura le droit de construire de nouveaux quartiers sur les terrains libérés par l’ancien aéroport de Nantes Atlantique ?
Vinci, bien sûr. (Vous aviez deviné ? vous avez gagné le droit de financer le projet NDDL).
Décidément, nos politiques sont des génies, mais les gens de chez Vinci, ils sont vraiment trop forts.
PS : On me dit que sur place, le dialogue bat son plein, emmené par
un Manuel Valls grand amateur de débats démocratiques. Vous pouvez donc
dormir sur vos deux oreilles, en comptant les avions.
Ressources :
- Étude du CE-Delft pour le CEDPA
- Enquêtes DUP et compatibilité des PLU (pdf)
- VINCI : Concession du nouvel aéroport de la région nantaise : Dossier de presse
- Reporterre : « A Nantes, des tritons, pas des avions ! »
- Sud-Ouest : « Aéroport de Nantes : Notre-Dame-des-Landes, les clés pour comprendre »
- Rue89 Planète : « L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, projet inutile ou mégalo ? »
- Le site officiel du projet : http://aeroport-grandouest.fr
- L’ACIPA : Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre Dame des Landes et notamment la documentation
- le Cedpa, regroupant écologistes, Front de Gauche, NPA, MoDem, une moitié de locaux, une moitié de nationaux
- La pétition : http://www.aeroport-nonmerci.fr/
- Bastamag : Ces aéroports qui coûtent cher et ne servent presque à rien
- Aéroports allemands : http://www.informationen-reise.de/flughafen-deutschland/
- Aéroports français : http://www.aeroport.fr/
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