Je lisais ce soir un billet dans le Grand Soir, signé Sayid, intitulé La religion et la république. Prêtons-nous au jeu, après tout. Et raisonnons, nous aussi.
Merci à Sayid de remettre à nos
mémoires cette conversation tirée d'"Ainsi parlait
Zarathoustra". Il me rappelle de vieux souvenirs de l'oral
obligatoire au Bac Philo. Il me surprend, quand il veut rendre
compatible le gouvernant et la religion. J'espère que Nietzsche ne
m'en voudra pas.
A mon avis, ce dialogue est
complètement faussé.
Doit-on parler indifféremment de
religion, et de croyance ? Je ne pense pas. La croyance est
généralement dans l'humain, et ne concerne que lui, avec des
nuances qui lui sont propres en fonction de son caractère et de ses
expériences. La religion est un cadre imposé par des humains
("inspirés" ou non) à d'autres humains par divers moyens,
dont la persuasion, la force, et au bout d'un certain temps la
coutume dans laquelle baigne le nourrisson, qui grandit avec et la
fait sienne au moins au départ. La religion apporte des croyances,
mais aussi des rites, des règles. Ces rites et ces règles sont
nécessairement "humains", d'ailleurs ils découlent
généralement d'interprétations à partir de phrases souvent
vagues.
L'athéisme, selon Zarathoustra, serait
une croyance parmi d'autres. Je pense qu'il y a plusieurs formes
d'athéismes. Certains peuvent s'approcher de cette définition. Du
genre "Je crois qu'il n'y a rien".
Mais aussi il peut y avoir la démarche
pragmatique "Je décide qu'il n'y a rien, je pose un postulat en
ce sens, j'enterre le mot croire qui fausse les raisonnements."
Dans ce cas se posent trois propositions :
- soit par les études, qui le
prouvent, on sait
- soit, parce que la science n'a pas
suffisamment progressé, on ne sait pas
- soit parce qu'on a une idée, une
hypothèse est posée. Ensuite, quelqu'un prouvera que c'est vrai,
donc la proposition 1 est établie. Ou au contraire il est démontré
que c'est faux, et nous revenons humblement à la proposition 2
- il existe une variante à la
proposition 3 : celle où une chose se révèle indémontrable, soit
pour prouver sa véracité, soit pour infirmer celle-ci. Si cet
aspect des questions est fondamental pour quelqu'un, il est alors
érigé en postulat, qui n'engage personne, mais permet de vivre.
S'imbriquant avec celle de religion,
s'est imposée la notion de justice. Sans doute est-ce un problème
mal posé. Qui pourrait donner une définition vraie et acceptée par
tous de la justice ? C'est probablement un leurre.
Prenons les bases de la République.
Celle de France, qui se veut universaliste dans ses principes. Elle
met en avant la liberté, mais aussitôt après l'égalité et la
fraternité. La justice, s'il y en a une, est contenue dans ces trois
principes-là. Je l'ai souvent répété, l'égalité conditionne la
liberté, car sinon il y aura des gens plus libres que d'autres, et
libres d'empiéter sur la liberté de ces autres. Il s'agit bien
entendu d'une égalité en droits et en devoirs. Pour le reste, tous
égaux, nous sommes tous différents, et tous aptes à apporter
quelque chose, en toute fraternité, à l'ensemble. La fraternité
est le lien, le pacte qui scelle l'alliance entre tous les humains,
et entre ceux-ci et la terre qui les nourrit, et les porte tout le
long de leur vie.
La justice serait donc le constat que
le pacte est rempli, l'injustice la dénonciation de la tricherie
d'un ou plusieurs humains, tricherie volontaire ou pas. Ce n'est pas
quelque chose de naturel, mais un élément du "contrat social"
en quelque sorte, porté oralement ou sur les tablettes du tabellion,
peu importe. Il faudrait être bien malin, pour trouver une trace
divine là-dedans.
Pour résumer, dieu, ou pas dieu, et en
plus, lequel ?
Mais qu'importe ! A-t-il une vraie
utilité sociale ? Il semble bien que non. Qu'il reste au tréfonds
de ceux qui en ont besoin, pour dialoguer avec lui. Que des amis de
cette présence intérieure en discutent entre eux, il n'y a aucun
mal à cela. Mais que personne ne s'avise de l'imposer d'une façon
ou d'une autre, car c'est ainsi que s'instaure la tyrannie.
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