2 octobre 2011
Ce jour-là, les parlementaires étaient invités à se réunir en Congrès à Versailles. Objet de ce déplacement : la modification de l'article XV de la Constitution française, ayant pour but de permettre l'application du traité dit de Lisbonne.
Le 29 mai 2005, le Peuple français avait été appelé aux urnes. Il s'agissait du référendum pour approuver ou non le TCE, le Traité pour la Constitution Européenne. Auparavant, un débat passionné avait secoué le pays entier, en particulier sur Internet. Comme d'habitude, à part certaines publications périodiques, la Presse faisait largement pression pour le Oui, selon les directives de ses patrons. Bien entendu, télévisions et radios renchérissaient dans le même sens. C'est donc sur la Toile que se sont levée des figures toujours ardentes aujourd'hui, comme Étienne Chouard. Les nombreux articles furent décortiqués un à un, pour en relever contradictions, faiblesses, tromperies latentes, vrais diktats et fausses assurances. Et parce que ce discours s'adressait non à une élite, mais à tous, de nombreux citoyens se sont pris au jeu, et ont cherché à comprendre, à expliquer à d'autres la lettre et l'esprit des propositions de ce traité.
Est arrivé ce 29 mai. Contrairement à leur habitude, et malgré le beau temps, les français étaient motivés, et se sont déplacés en masse. Soixante-dix pour cent d'entre eux se sont mobilisés, chiffre remarquable pour un texte aussi technique. Et, surprise, le NON est arrivé en tête avec 54,67 % des suffrages exprimés, malgré les pressions, malgré les médias, malgré les déclarations retentissantes des politiciens habituels. Défaite totale pour le gouvernement, et ses appuis nationaux et internationaux.
Or, ce traité, désavoué clairement, comportait tous les anciens textes : cela permettait de les réaffirmer de façon solennelle, dans l'esprit de ceux qui l'avaient écrit (dont Valéry Giscard d'Estaing, président du comité de rédaction). De fait, ce jour-là toutes ces ententes se sont trouvées compromises. Bien entendu, la claque du Pouvoir s'est déchaînée pour affirmer que non, ces textes demeuraient valables malgré tout. Cependant, le Pouvoir vacillait, se retrouvait en porte-à-faux.
C'était sans compter sur Nicolas Sarkozy, qui ne s'embarrasse d'aucun scrupule. « Le peuple a mal voté ? Dissolvons le peuple » . Sitôt dit, sitôt fait. Un comité Théodule « nouvveau » fut chargé de reprendre le projet, de le rendre abscons et illisible, de biffer quelques maladresses, de déplacer les sujets qui fâchent dans d'obscures annexes, voire d'ajouter de nouvelles contraintes. Ainsi cet article qui rétablit la peine de mort pour ceux qui affichent trop bruyamment leur opinion, dans une manifestation par exemple, et seulement pour ceux-là.
Ce nouveau projet de traité, dit de Lisbonne (signé le 13 décembre 2007) se devait d'être ratifié. Le peuple ayant « mal voté », eh bien on ne lui demanderait plus son avis ! Et comme les parlementaires réunis en Congrès peuvent modifier les détails techniques de la Constitution, ce sont eux qui devraient décider de passer outre ou non la volonté du peuple, sur une affaire aussi grave pour l'avenir de tous. De l'avis de certains contitutionnalistes, il s'agissait bien d'une outrepassation de droits. Mais en Sarkozie, ce genre de détail est sans importance.
C'est pourquoi, ce 4 février 2008, les environs du Palais de Versailles, où selon la Constitution les parlementaires se réunissent en Congrès, ne manquaient pas d'animation. Beaucoup de citoyens, de personnalités de gauche s'étaient déplacés pour encourager les opposants, et fustiger le gouvernement et ses soutiens, ses troupes élues, et les représentants susceptibles de voter contre la volonté de leurs mandants. Cela n'a pas empêché les résultats de tomber, accablants. Malgré le non de plusieurs parlementaires de droite, les voix se répartissaient entre 560 pour et 181 contre. Au PS, chez les Verts, outre quelques OUI, l'abstention fut massive pour des raisons obscures fleurant bon la magouille électorale. Et le Peuple fut désavoué de la pire façon.
Il s'est bien agi là d'un coup d'État*, accompli sans une goutte de sang, et avec une sorte d'assentiment tacite des défenseurs des citoyens que doivent être leurs représentants, en particulier à gauche. C'est d'ailleurs une façon très claire de faire comprendre à tous que le PS n'est pas la Gauche, justement, mais un appareil électoral comme un autre, comme l'UMP, avec moins de triomphalisme et plus de cynisme voilé. Ce jour-là, le lien entre les citoyens et leurs représentants, déjà lâche, s'est complètement rompu. Désormais, seule la force pourra porter les espérances du peuple, puisque le droit lui est dénié.
* Pourquoi un coup d'État ? Curieusement, il s'agit pour une fois d'une action parlementaire, qui a délibérément ôté au Peuple tout son droit fondamental de décision, pour le transférer à Bruxelles. Là, décident le Comité, formé des premiers ministres des pays "unis", donc de fonctionnaires, et la Commission, énorme amas de fonctionnaires "européens" détachés de toute nationalité, chapeautés par des Commissaires nommés au consensus, encore des fonctionnaires en somme. Quelqu'un a cité le mot "démocratie " ?
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