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samedi 30 juin 2012

Un ex-président américain accuse Obama d’être un assassin (Le Grand Soir)

Coup de tonnerre sur Le Grand Soir !



Un ex-président américain accuse Obama d’être un assassin

Bill VAN AUKEN

La rubrique écrite par Jimmy Carter, le 39ème président des Etats-Unis, et publiée lundi dans le New York Times, constitue une condamnation exceptionnelle du gouvernement Obama, de sa pratique de l’assassinat, de ses violations criminelles du droit international et de la constitution américaine.

Dans sa rubrique intitulée « Un bilan cruel et inhabituel » Carter écrit : « Les révélations selon lesquelles des responsables de haut niveau ciblent des gens pour être assassinés à l’étranger, dont des citoyens américains, ne sont que la plus récente et inquiétante preuve de l’ampleur donnée à la violation des droits de l’Homme par notre pays. »

Faisant allusion aux dispositions tristement fameuses de la Loi d’autorisation de la Défense nationale (National Defense Authorization Act, NDAA), promulguée le 31 décembre de l’année dernière par Obama, Carter écrit : « Une récente loi a rendu légal le droit du président de détenir indéfiniment une personne parce qu’elle est soupçonnée d’affiliation à des organisations terroristes ou à ‘des forces associées’, un vaste et vague pouvoir qui peut donner lieu à des abus sans contrôle significatif des tribunaux ou du Congrès. » Il poursuit faisant référence à « des violations sans précédent de nos droits » au moyen d’écoutes téléphoniques et d’exploitation de données électroniques sans mandat.

Elaborant sur les frappes de drones américains, l’ancien président ajoute, « En dépit d’une règle arbitraire que tout homme tué par des drones est déclaré être un ennemi terroriste, la mort de femmes et d’enfants innocents se trouvant à proximité est considérée comme inévitable… Nous ne savons pas combien de centaines de civils innocents ont été tués dans ces attaques, chacune d’entre elles approuvées par les plus hautes autorités à Washington. Ceci aurait été impensable dans le passé. »

La rubrique de Carter est apparue le jour même où l’ambassadeur du Pakistan auprès des Nations unies témoignait devant la Commission des Droits de l’homme de l’ONU, pour dénoncer les attaques de drones américains sur son pays et lors desquelles « des centaines d’innocentes personnes, dont des femmes et des enfants ont été assassinées. » Il a dit que rien qu’en 2010, 957 Pakistanais avaient été tués.

Carter continue en dénonçant le gouvernement pour la poursuite des activités du camp de détention de la Baie de Guantánamo à Cuba où, souligne-t-il, sur 169 prisonniers « la moitié ont été déclarés libérables, et pourtant ils ont peu de chance de jamais obtenir leur liberté, » et d’autres « n’ont aucune perspective d’être jamais ni inculpés ou jugés. »

Dans les rares cas où des prisonniers ont comparu devant des cours martiales, remarque-t-il, les prévenus « ont été torturés plus de 100 fois par le « waterboarding » (simulation de noyade, n.d.t) ou ont été intimidés à l’aide d’armes semi-automatiques, de perceuses électriques ou on les a menacés d’abus sexuels à l’encontre de leurs mères. » Il poursuit : « Chose étonnante, ces faits ne peuvent pas servir pour la défense de l’accusé parce que le gouvernement prétend qu’ils se sont produits sous le couvert de la ‘sécurité nationale’. »

Mises à part les objections morales, et il n’y a aucune raison de douter qu’elles jouent un rôle important dans le cas de Carter, l’ancien président exprime de profondes inquiétudes comme quoi la criminalité flagrante des actions menées par le gouvernement américain mine la politique étrangère américaine. Non seulement ses méthodes attisent l’hostilité populaire dans le monde entier, elles privent encore Washington de la capacité de draper sa politique du prétexte des droits de l’Homme et de la défense de la démocratie, une méthode employée de manière significative par l’impérialisme américain depuis son avènement à la fin du 19ème siècle.

Carter, lui-même, avait joué de manière évidente la carte des « droits humains » durant son mandat présidentiel, alors même que son gouvernement tentait de soutenir le régime de torture du Shah en Iran, avait initié l’insurrection islamiste en Afghanistan appuyée par la CIA et affirmé le droit – dans la doctrine Carter – de l’Amérique d’utiliser la force militaire pour asseoir sa domination sur les réserves pétrolières dans le Golfe Persique.

On avait fait entrer Carter, ancien officier supérieur de la marine et spécialiste des sous-marins, à la Maison Blanche en 1977 pour restaurer la crédibilité et la renommée de la présidence américaine suite à la débâcle subie par l’impérialisme américain au Vietnam et à la criminalité révélée par le scandale du Watergate.

Et pourtant, près de quatre décennies plus tard, les méthodes extraconstitutionnelles et la criminalité à la Maison Blanche dépassent de loin tout ce qui avait été fait sous Richard Nixon.

Il n’y a aucun doute que Carter a soigneusement pesé chaque mot de sa rubrique en évitant toute exagération. En effet, le nom d’Obama n’apparaît pas. Avec les premiers mots de l’article, il a toutefois inséré un lien vers un article assez long paru le 1er juin dans le New York Times et qui documente comment Obama a personnellement dirigé la préparation de la « liste des personnes à tuer, » choisissant des victimes et apposant sa signature sur les frappes des drones alors qu’il est sûr que d’innocents civils seront tués.

Dans ce contexte, le recours de Carter au mot « assassinat » pour décrire les attaques de drones a une signification évidente. Le président des Etats-Unis, dit cet ancien président, est coupable de crimes de guerre et de meurtres.

A l’âge de 88 ans, Carter est un observateur impartial, plus préoccupé par son héritage que par un quelconque gain politique. Son témoignage est d’autant plus exceptionnel qu’il a occupé la même fonction qu’Obama, qu’il est du même parti et qu’il avait soutenu l’élection d’Obama.

Qu’est-ce qui l’a poussé à un peu plus de quatre mois des élections présidentielles, de lancer de telles accusations contre le candidat de son parti et le président en exercice ? Il doit croire que le système politique en Amérique est tombé tellement bas dans la criminalité et que la menace d’un Etat policier est tellement grande qu’il est essentiel pour lui de faire entendre sa voix.

Carter déclare que ces activités criminelles ont été commises avec le soutien « bipartite du pouvoir exécutif et législatif » et pratiquement « de façon unanime ». En effet, comme pour faire valoir son argument, ses propres commentaires dans la rubrique – qui ont une signification politique explosive – ont largement été ignorés par les médias de masse.

Douze ans après le vol des élections présidentielles en 2000, la principale leçon de cet épisode crucial de la vie politique américaine est démontrée de plus en plus fortement : il n’existe au sein de l’establishment patronal et politique américain aucune base pour la défense des droits démocratiques et des méthodes constitutionnelles.

Le gouffre sans précédent entre l’oligarchie financière dirigeante et les masses de travailleurs – qui s’est accru de manière continue durant cette période – est totalement incompatible avec de tels droits et de telles méthodes.

Les mots de Carter sont un avertissement. La menace d’un Etat policier américain et le recours aux méthodes meurtrières utilisées à l’étranger par l’impérialisme américain contre la classe ouvrière aux Etats-Unis mêmes, est réelle et grandissante. La classe ouvrière doit se préparer en conséquence en mobilisant son pouvoir politique indépendant contre le système de profit capitaliste duquel ces menaces découlent.

Bill Van Auken
http://www.wsws.org/fr/articles/2012/jui2012/cart-j28.shtml
(Article original paru le 27 juin 2012)
URL de cet article 17113
http://www.legrandsoir.info/un-ex-president-americain-accuse-obama-d-etre-un-assassin.html

Leros, ou la folie des maîtres du monde


C'est un appel au secours qui nous parvient. Un appel de Grèce, le beau pays qui inventa une forme de démocratie, autrefois. Aujourd'hui, par la grâce des financiers, il est en train de mourir. Mais les premiers qui en pâtiront, ce sont ceux qui sont déjà dans l'exclusion, les plus anciens, les malades, surtout les malades mentaux.

Leros, port de Lakki
Léros est une île où peut-être certains sont allés en villégiature. Mais cette île est surtout connue pour son hôpital psychiatrique. Il y a quelques dizaines d'années furent regroupés là les cas les plus difficiles. L'établissement a connu des fortunes diverses, accueillant (sic) même les opposants au régime sinistre des colonels. Aujourd'hui il est touché plus encore que le reste des structures publiques par les restrictions en médicaments, et même en nourriture.

Les données vraiment récentes manquent sur cet hôpital. Des bénévoles tentent actuellement d'aller là-bas, pour enquêter. Les navettes maritimes sont devenues rares, les avions quasi inexistants.

Voici malgré tout quelques données. Ainsi les Vregens tirent la sonnette d'alarme. D'autres apportent un son de cloche plus nuancé, mais aussi pessimiste. Alex Majoli en a tiré des photos jusqu'en 2004. En 2005, un petit film y a été tourné. Félix Guattari lui a consacré un livre. D'autres, français, habitant la Grèce, tentent d'en savoir plus. Y aller représente dix-huit heures de mer. Sans savoir si l'administration autorisera l'investigation.

Le but de ce billet est de crier : attention ! Que se passe-t-il là-bas ? Il faut souhaiter que la situation ne soit pas aussi mal que ne le craignent certains. Il s'agit de plus de mille patients coupés du monde, cependant. Et qui peut-être meurent lentement de manque de médicaments, voire de nourriture. Il semble que les habitants de l'île fassent leur possible pour pallier gratuitement à la pénurie de celle-ci (faute d'argent), mais jusqu'à quand pourront-ils le faire ?

Nul ne doit être exclus. Tous égaux, tous différents. Où finit la "normalité" ? Où commence la folie ? Souvenons-nous des sinistres établissements de ce genre dans l'URSS de Staline et ses successeurs, où finissaient les opposants.

vendredi 29 juin 2012

Au nouvel "homme fort" de la république : gouverner à gauche


Monsieur le président de la République,

Le 17 mai les urnes vous ont donné cette dignité, sinon légitimement, au moins constitutionnellement. Sur 46 066 307 inscrits (tant pis pour les non-inscrits) vous avez obtenu 18 000 668 bulletins, face à votre adversaire, 16 860 385 voix. Avec ces dix-huit millions de choix qui se sont portés avec plus ou moins de réticence sinon en votre faveur, au moins contre votre concurrent, vous n'hésitez pas à déclarer donner à notre pays l'orientation que vous avez décidée personnellement. Cela a été bien clair.

Or 3 982 822 suffrages se sont portés au premier tour sur une vision de l'avenir non seulement différente, mais disons-le tout net, opposée. Il se trouve que par discipline républicaine ces suffrages se sont reportés en grande majorité sur votre nom au second tour, face à ce qu'on pouvait à juste titre nommer "la Droite Dure". Sans eux, bien évidemment c'était l'échec assuré. Malgré tout, malgré votre détermination à mener la barque selon votre goût, ces voix vont vous demander des comptes. Il ne suffit pas de renvoyer dans les cordes l'adversaire, gouverner autrement est nécessaire.

Vous avez développé en 60 points votre projet de politique. Le moins qu'on puisse dire est qu'il est bien modeste sur tous les plans. Les volets les plus importants supposent l'accord de vos partenaires européens, accord que vous savez fort bien ne pas pouvoir obtenir. C'est facile. Ne restent que des retouches anecdotiques, que les médias se feront une joie de faire mousser.

Je ne vous ferai pas l'injure de penser que vous n'avez pas lu vous-même l'intégralité du programme du Front de gauche, abondamment diffusé depuis longtemps y compris dans toutes les librairies (le vôtre fut nettement plus tardif, et plus confidentiel). Point par point, vous noterez combien il diffère du vôtre. En particulier les citoyens sont bien plus mis en avant, et les institutions européennes mises en demeure d'accepter des différences de points de vues fondamentales, ainsi que les applications de celles-ci. Quitte à ce que ces applications aillent à l'encontre des traités, quitte même à casser ces traités inappropriés (pour prendre exprès un terme bien faible). J'ajouterai, et ceci est une touche personnelle, que pour moi ce programme "L'Humain d'abord" est sur certains points encore peu hardi.

"Votre" majorité parlementaire a récemment eu le courage insensé de s'abstenir au débat sur le MES, premier volet de la Nouvelle Austérité Perpétuelle. Que va-t-elle faire, alors qu'approche l'échéance du vote de ratification du TSCG qui bloquerait à jamais toute dérive même involontaire de la politique budgétaire des États européens ? Assuré d'avoir dans tous les cas une majorité qui vous est acquise, vous pliez la tête sous les injonctions de la chancelière allemande. Or elle est en mauvaise posture, avec le constat que toutes ou presque les élections régionales partielles conditionnant sa majorité au Bundesrat ont été pour elle de cuisants échecs. Elle sait aussi, ou elle devrait savoir, que la prospérité apparente non des citoyens allemands, aux conditions de salaire et d'emploi déplorables, mais des entreprises d'outre-Rhin, est due à la balance des paiements avec les autres pays européens pour une grande part. Si ces pays n'achètent plus, son pays aussi s'effondre. Lui rappeler ces vérités évidentes serait un grand service pour tous, à condition bien sûr que son obstination ne confine pas à un entêtement catastrophique.

Automobile Club de France, lieu rencontre du Siècle 1 fois par mois
Si vous tenez à être soutenu, par une Gauche qui est tout de même l'un des pôles de la nation, et qui représente des forces vives affaiblies considérablement par un contexte très défavorable, il est de l'intérêt de (presque) tous de relever le défi d'un vrai redéploiement drastique des richesses. Car des richesses, il y en a. Il suffit, mais il faut les mettre en œuvre quitte à tordre quelques bras trop luxueux, français ou étrangers. Quitte à désavouer dans les faits des actionnaires sans scrupules.

Quant à l'indépendance nécessaire à la sérénité républicaine, il faut la concrétiser en se retirant complètement d'une OTAN simple bras supplétif d'une politique agressive d'outre-Atlantique. C'est très important. Et cela fera bien entendu de substantielles économies. J'aurais bien aimé que vous soyez prêt à sortir aussi de ce salmigondis totalitaire qu'est la pseudo-Europe qu'on voudrait nous vendre à travers les médias, mais je crains que vous n'y voyiez quelque inconvénient pour des tas de raisons fort loin des intérêts de nos concitoyens. Ou du moins, de 99 % d'entre eux...

Ce que craignent les puissants: les "odeurs" de la canaille (De Cinq à Six)

Une découverte, ce blog "De Cinq à Six" ! Et une perle toute fraîche à l'intérieur !

 

28/06/12

Ce que craignent les puissants: les "odeurs" de la canaille


J'ai fait récemment une expérience intéressante. L'un des représentants de la classe dominante, rien qu'à me voir, semblait tenté de se planquer sous la table. Propriétaire exigeant qui n'entendait pas mes revendications pourtant pas bien méchantes (ne pas se mêler des affaires des résidents, les laisser faire leur propre police, etc.), il (en fait elle) ne supportait pas la vue d'un homme de l'autre bord (bord social et bord politique: je n'ai jamais caché le drapeau rouge accroché au mur). 
La barbe un peu longue et la fatigue au bout des yeux, je ne voyais pas la terreur que je lui inspirais. Plus tard, j'ai compris. Les odeurs de la canaille font frémir les puissants. Le simple fait de parler les renvoie à leurs propres angoisses: des dominés qui parlent, a contrario des enfants (infans, de in- négateur et fare qui signifie "parler") qu'ils souhaiteraient que nous soyons, voilà qui inspire la terreur des puissants qui cachent leur désir de contrôle derrière une éventuelle oppression paternaliste, qui se fait violence de classes dès lors qu'on refuse leur autorité.
Quand la canaille se met à donner du sens à sa propre condition, c'est toute la classe des bourgeois, des belles gens parfumées, des petits propres aux senteurs fleuries, des habillés qui n'ont jamais une tache sur leur culotte, toute cette classe qui frémit, se retranche dans ses appartements et ses châteaux. Le politique et le social sont liés par les peurs que s'inspirent chaque partie, chacune derrière son mur de protection appelé "lutte des classes" (chacun la sienne), celui qui permet à chaque classe de subsister dans un système de classes.
Les impôts qui augmentent pour les riches, c'est la même. Monsieur Copé qui parle d'une sale atmosphère de "nuit du 4 août" s'est fait le représentant des dominants, qui ne sont pas dominants pour un sou. Ou plutôt si: ils ne sont dominants que pour sauver leurs petits sous. La classe dominante a peur. Ils font la guerre contre la République, "la gueuse" comme ils disent, celle qui parle de l'intérêt général. "Mais non", dit le crasseux "à l’œil de hibou", "faut pas avoir peur. Nous ne voulons pas votre mort, seulement la République de la justice et du travail".
Du coup, n'ayez pas peur, vous les 99%. Ce sont eux qui ont peur, ce dont il faut rire. Nous avons pour nous le partage et la majorité. Pas besoin pour l'heure de sortir la guillotine. La violence symbolique du drapeau rouge et de la canaille qui défile à Neuilly-sur-Seine le poing levé, le gouvernement des Rouges sous le règne de "la gueuse" République suffira! La révolution citoyenne est affaire de fiscalité et de politique salariale.

« l'Icône » AUNG SAN SUU KYI

C'est avec émotion que je retranscris ici un billet de mon ami Rem*, paru en premier sur "Ruminances". Qu'il en soit remercié. Grâce à lui, la Dame de Birmanie prend une dimension encore plus grande. J'y ai joint des réactions prises sur le site initial.

« l'Icône » AUNG SAN SUU KYI


Première difficulté : elle a un nom à coucher dehors, la Dame, surnommée «l'Icône de Birmanie ». C'est pourquoi, plus loin, je la nommerai « l'Icône » ou « la Dame » (majuscules justifiées!). 
 
La Dame a maintenant 67 ans et en paraît 10 ou 15 de moins. Son père, héros de l'indépendance birmane, fut assassiné un an avant l'Indépendance (enfin acquise en 1948), alors que sa fille avait 2 ans. Même sans souvenir physique de lui, elle a cultivé l'énorme héritage reçu de son père : intellectuel, politique et sentimental....

Mais c'est vers l'Avenir, celui de son peuple, que cette intrépide femme a toujours été orientée – et aujourd'hui plus que jamais. Avec une lucidité, une obstination et une courageuse conviction de non-violence qui fait qu'on la compare souvent au Mahatma Gandhi, dont elle reconnaît d'ailleurs la profonde influence philosophique... Alors qu'elle se revendique par ailleurs très fidèle à ses racines bouddhistes – mais sans trop s'attacher à ses rites vieillots qui font souvent classer le bouddhisme parmi les diverses religions (même sans « révélation divine », etc.). Mais, pour elle comme pour beaucoup, il s'agit bien plus d'une immense et sage «école de pensée», via la méditation, vers l’ÉVEIL de soi : « trouver sa voie »!... Sans hostilité ou mépris, mais avec compassion envers tout autre humain, athée ou d'une religion quelconque! Et envers toute vie, aussi!

Avant son actuelle prestigieuse tournée en Europe, il y a 25 ans qu'elle n'était pas autorisée à sortir de Birmanie, où elle a été 15 ans privée de liberté (par assignations à résidence). Elle eut pourtant une exceptionnelle permission de sortir, à la mort de son très cher mari, Britannique, dans son île natale : mais, héroïquement, elle refusa de quitter son pays, sachant que la Junte au pouvoir risquait fort de lui refuser de revenir en Birmanie!
Ce deuil cruel date de 1999, et cet homme admirable, féru de cultures asiatiques (dont elle a eu deux fils) lui a toujours a été d'un immense soutien, faisant mondialement publier et donc connaître son combat pacifique. C'est sans doute à partir de cette époque que les Birmans, même opposés à son orientation politique (celle de liberté du peuple, vaste programme!) ont été très respectueux de sa singulière et forte personnalité, au point de la surnommer « l'Icône du peuple ». 
 
Le livre « Freedom from Fear » («Se Libérer de la peur» : j'ignore si cela à paru en français) est, avec un recueil de ses « lettres ouvertes et discours », ce qui avait convaincu le comité scandinave de lui attribuer le Prix Nobel de la Paix en 1991. Bloquée en Birmanie, elle fut représentée à Oslo par son mari et leurs deux fils. 21 ans plus tard, il y a quelques jours, elle est venue « au jury des Nobel » faire son discours de remerciements : occasion (comme toujours) de plaider la cause non-violente du combat du peuple birman pour la justice sociale et la liberté!

Un exemple parmi d'autres de son « aura » populaire : tant qu'elle le put elle se déplaça un peu partout en Birmanie, bravant diverses intimidations de la Junte. Elle finit enfin par faire à Rangoon un discours vibrant, devant des milliers de personnes. Prise de panique, la Junte décréta une interdiction de rassemblement de plus de 4 personnes et la remit en étroite résidence surveillée. Cela gêna mais n'empêcha pas l'essor de son vaste et souple mouvement politique : c'était trop tard, elle trop intelligente et cultivée et la Junte trop bête et inculte!
*
Ce mercredi 27 juin, la Dame était une invitée bien exceptionnelle aux «matinales de France-Inter», applaudie à son arrivée! Elle a pu largement s'exprimer, répondre à d'intelligentes questions d'auditeurs. Ayant dit son admiration pour la langue française, qu'elle comprend et lit sans oser la parler, une journaliste lui a lu quelques lignes du très beau livre de Victor Hugo «l'Homme qui rit», qui semblent être écrites pour l'actualité du combat de « l'Icône »!...

Elle a conclu l'entretien en affirmant la fin prochaine de l'actuel Junte au pouvoir, qui a l'air très au bout du rouleau, en effet et enfin : mais la première vraie victoire populaire viendrait d'une Constituante capable d'abattre les carcans juridiques antidémocratiques, à commencer par le pire : «Le Chef des Armées peut prendre tous les pouvoirs»!!...

« La vérité, la justice et la compassion sont souvent les seules défenses contre le pouvoir impitoyable. » (Aung San Suu Kyi, « Freedom from Fear »)


Réactions

Une Dame admirable, en effet. Et un texte non moins admirable, de justesse et d'exhaustivité. C'est une Dame comme celle-là qu'il nous faudrait en Europe, et non ces apparatchiks le front courbé sous les injonctions de quelques banquiers harpagonides.

Bien sûr, nous avons des Alexis Tsipras, des Jean-Luc Mélenchon qui se battent eux aussi, mais ce sont ceux que le public pense être du même "bord" qu'eux qui les ont le mieux trahis (le KKE arc-bouté sur des principes sans avenir, le PS prolongement inconsistant de la droite et allié objectif du libéralisme). En revanche, leur combat est bien plus récent, et l'espoir est pour plus tard désormais. Ils ne sont pas parfaits, sans doute, mais c'est ce que nous avons de mieux sous la main.
Sur le Cri du Peuple, j'ai trouvé à l'instant un poème qui pourrait s'appliquer à cette Dame, en fait.

Et maintenant nous chanterons l’amour
Car il n’y a pas de Révolution sans Amour,
Il n’y a pas de matin sans sourire.
La beauté sur nos lèvres est un fruit continu.
Elle a ce goût précis des oursins que l’on cueille l’aube
Et qu’on déguste alors que l’Oursin d’Or s’arrache aux brumes et sur les vagues module son chant.
Car tout est chant – hormis la mort !
Je t’aime !
Il faut chanter, Révolution, le corps sans fin renouvelé de la Femme,
La main de l’Ami,
Le galbe comme une écriture sur l’espace
De toutes ces passantes et de tous ces passants
Qui donnent à notre marche sa vraie lumière,
À notre cœur son élan.
Ô vous tous qui constituez la beauté sereine ou violente,
Corps purs dans l’alchimie inlassable de la Révolution,
Regards incorruptibles, baisers, désirs dans les tâtonnements de notre lutte,
Point d’appui, points réels pour ponctuer notre espérance,
Ô vous, frère et sœurs, citoyens de beauté, entrez dans le Poème !

(extrait de Citoyens de beauté, par Jean Senac, poète algérien)

(proposé par Tom6775)

@ babelouest - A 5h du matin tu faisais, en 1° commentaire, le rapprochement entre « La Dame de Birmanie » et Alexis Tsipras ou Jean-Luc Mélenchon, qui sont, concluais-tu « ce que nous avons de mieux sous la main ».

D'accord, je te comprends – et j'y reviendrais -. Mais d'abord, une première réflexion, sur ce que tu écris plus haut : « C'est une Dame comme celle-là qu'il nous faudrait en Europe » : je pense que l'on a, plus ou moins (culturellement et politiquement) ce que l'on mérite : hélas, ici hier la Dame de Fer (GB) et aujourd'hui la Dame de Prusse & de l'€...! (laissons tomber les fariboles belles dames élyséennes). Je veux dire, plus sérieusement que, femme ou homme, le personnel politique important, en Asie, en Europe et partout, est toujours lié au contexte culturel régional : ici, peu à peu – et tant mieux! - nous nous sommes (un peu!) allégés du poids des traditions chrétiennes, cette chape de plomb qui, sous couvert de beau (exact!) message évangélique, avait hypocritement fait main-mise sur les affaires politiques, depuis... l'Empereur Constantin (c'est pas hier!), peu à peu (dont Franco, hier)!

Il y a certes ce genre d'hypocrites manœuvres en Asie (par ex. l'Empereur du Japon, déifié de par la religion locale, lointainement dérivée du bouddhisme mais dont elle a trahi l'esprit). Mais la très grande différence entre ces religions dogmatiques et les différentes « écoles de pensée » plus ou moins bouddhistes (même en Chine de Confucius ou Lao Tseu, ainsi qu'en Corée, Vietnam, Tibet, etc. et jusqu'en « hindouiste » Inde), c'est que ces « écoles de pensées » sont rarement (et par trahisons de l'enseignement bouddhiste) à la conquête du pouvoir : en tout, très loin de cet appétit de puissance politique si typique de la Papauté et autres « ayatollahs » genre Luther ou Calvin!!

Certes, « l'Icône birmane » est aux portes du pouvoir. J'ai lu quelque part cette réflexion futée à son propos : « elle a zéro pouvoir, donc elle a tous les pouvoirs! »... et cela va très loin!

Cela va de la vision « morale » dominante sur la vision « politique » ou de l'inverse : pas encore l'idéal utopiste (= à venir) qu'elle soit unifiée, c'est à dire humaniste, au sens strict.
C'est dire que « l'humain d'abord », du FdG ou le radicalisme du mouvement dirigé par Tsipras vont dans le bon sens de « moraliser la vie politique », au lieu de toutes les combines et corruptions des partis (droite et gauche) du grand marais central des crocodiles affamés de Pouvoir, de Puissance!

Dans ce sens, la Dame est plus proche du sage Gandhi, ou de Luther King, ou de Lanza del Vasto (qui fonda « l'Arche » au Larzac), ou de sages (comme Anté Diop, sauf erreur, de la tradition soufiste, etc.)... que de Mandela, à qui on la compare aussi : certes l'indomptable sud-africain est devenu un très grand sage, et bravo! Mais dans le contexte abominable de l'apartheid, il fut surtout un grand chef politico-militaire, à fond pour la lutte armée de libération. Comme le monde est petit, Gandhi avait commencé sa vie publique (et sa méditation) en Afrique, où, jeune avocat, il défendait la communauté immigrée indienne, coincée entre Blancs (dominants en pouvoirs) et Noirs (dominants en démographie) : vaste laboratoire d'expériences politique et morale qui l'a formé!

Comme il y a toujours exception à la règle, il y a en France « le cas de de Bollardière », le seul général qui dénonça la torture pratiquée par l'armée en Algérie et qui, depuis, évolua de sa tradition chrétienne et militaire à ...la non-violence et au bouddhisme! : mais stop, je pourrais (devrais?) en faire tout un article!!

note – j'ai été retardé dans ma réponse par différents soucis, notamment de soins (kiné...). Je pense toujours à finir et envoyer la bibiographie autour de « la dame », soit pour plus tard, soit demain!

jeudi 28 juin 2012

Lorsque Chomsky pleura

Vous ne connaissez pas Noam Chomsky ? Ou pas assez ? Je viens de lire dans "Le Grand soir" un billet sur lui qui m'a bouleversé, écrit par un de ses amis.

Lorsque Chomsky pleura

Fred BRANFMAN

Il y a quarante-deux ans j’ai vécu quelque chose d’inhabituel : je suis devenu ami avec Noam Chomsky. Je l’ai connu comme homme avant d’être tout à fait conscient de sa réputation et de l’importance de son travail. Depuis lors j’ai souvent repensé à cette expérience – d’une part en raison de la chance que j’ai de le connaître de près et d’autre part, le plus important, en raison de la grave crise qui aujourd’hui touche notre pays et le monde. Il a avec entêtement contribué à la dénonciation des dirigeants états-uniens qui traitent tant de peuples du monde comme des « non personnes », soit en les exploitant économiquement, soit en leur imposant des guerres, provoquant des morts, des mutilés, des sans-abris, plus de 20 millions de personnes depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale – plus de 5 millions en Irak et 16 millions en Indochine, selon les chiffres officiels du gouvernement états-unien.

Notre amitié s’est nouée, alors que nous portions la même attention au sort de ces « non personnes », lorsqu’il a visité le Laos en février 1970. J’habitais dans un village laotien non loin de la capitale Vientiane depuis trois ans, et je parlais laotien. Cinq mois avant j’avais été choqué lorsque j’avais dialogué à Vientiane avec les premiers réfugiés laotiens arrivés du nord du Laos, de la Plaine des Jarres, région qui était contrôlée par le Pathet lao (communiste) depuis 1964. Je m’étais rendu compte à ma grande stupéfaction que depuis cinq ans et demi le gouvernement états-unien bombardait ces villages pacifiques, ce qui avait poussé des dizaines de milliers de personnes à se réfugier dans des grottes, vivant comme des animaux.

J’avais su que de nombreuses grands-mères avaient été brûlées vives par le napalm, que des enfants avaient été enterrés vivants sous des bombes de 250 kilos, que des parents avaient été déchiquetés par des bombes antipersonnel. J’avais vu les éclats de ces bombes dans les corps des réfugiés heureux d’avoir survécu, j’avais rencontré des gens devenus aveugles à la suite des bombardements, j’avais vu des blessures provoquées par le napalm sur des corps d’enfants. J’avais appris que les bombardements états-uniens sur la Plaine des Jarres avaient dévasté une civilisation vieille de 700 ans – représentée par quelque 200 000 habitants –, et que les victimes principales étaient les personnes âgées, les parents et les enfants qui devaient rester à proximité des villages – et non pas les soldats communistes qui pouvaient se déplacer dans la jungle, pratiquement indétectables du ciel. Et j’avais vite découvert aussi que le gouvernement états-unien avait mené ces bombardements de façon unilatérale, sans même en informer le Congrès ou le peuple états-unien, pour ne pas parler de leur éventuelle approbation. J’étais bien conscient que ces réfugiés de la Plaine des Jarres détruite avaient eu de la chance. Ils avaient survécu. Les bombardements états-uniens non seulement se poursuivaient mais ils étaient de plus en plus intenses.

J’avais grandi en croyant aux valeurs états-uniennes mais ces bombardements de civils innocents violaient toutes ces valeurs. Voyant le gouvernement états-unien à partir d’un camp de réfugiés laotiens, j’avais compris en quelques semaines qu’il était l’ennemi de la décence humaine, de la démocratie, des droits humains et du droit international ; j’avais aussi appris que dans ce monde réel le crime pouvait apporter des bénéfices. Bien que beaucoup d’États-uniens crussent que l’Amérique fût « une nation de lois » et non d’hommes, chez eux ; au Laos c’était une nation de hors-la-loi violents et cruels.

Sans en prendre la décision tout à fait consciemment, je me suis retrouvé à faire tout mon possible pour essayer d’arrêter ces horreurs inimaginables. En tant que juif imprégné de l’Holocauste, je sentais que j’avais découvert la vérité d’Auschwitz et de Buchenwald dans les tueries qui se poursuivaient. Je faisais tout mon possible pour emmener dans les camps de réfugiés toutes les personnes que je trouvais – y compris des journalistes comme Bernard Kalb de CBS, Ted Koppel d’ABC, Flora Lewis du New York Times. Mon espoir était qu’ils fissent connaître au monde la vérité sur ces bombardements.

Un jour j’ai entendu parler de trois militants anti-guerre – Doug Dowd, Richard Fernandez et Noam Chomsky – qui devaient rester quelques nuits à l’Hôtel Lane Xang à Vientiane avant de monter dans l’avion de la Commission de contrôle internationale pour passer une semaine à Hanoï. C’était la seule façon d’aller à Hanoï à l’époque, en dehors de la route de Phnom Penh. J’ai appelé à l’une de leurs chambres, je me suis présenté, nous nous sommes rencontrés, et Noam est venu dîner le lendemain au village où j’habitais. Il devait se rendre à Hanoï le surlendemain.

J’avais passé les années 1960 au Moyen-Orient, en Tanzanie et au Laos, et je connaissais relativement peu Doug, Richard et Noam, mais je savais toutefois que Noam était un linguiste fameux et qu’il avait pas mal écrit sur la guerre d’Indochine. Mon objectif était alors de leur faire connaître la gravité des bombardements, dans l’espoir qu’ils pussent faire quelque chose.

Sur le plan personnel j’ai tout de suite apprécié Noam. Il était doux mais passionné – nous avions en commun cette dernière qualité – et il était très attentionné. J’avais été particulièrement horrifié par les bombardements parce que j’avais connu les Laotiens en tant que peuple parce que j’avais vécu dans un village ces trois dernières années ; j’avais notamment connu un vieux monsieur de 70 ans nommé Paw Thou Douang que j’avais fini par aimer comme un père de substitution. Il était gentil, doux et avisé. Et c’est la personne que j’ai le plus respectée de toute ma vie. J’avais été touché par la chaleureuse relation qui s’était nouée entre Noam et Paw Thou Douang lors de notre dîner chez lui avec sa famille. Noam avait immédiatement ressenti une affinité avec cette famille, ce que je n’avais pas observé chez les nombreux visiteurs que j’avais emmenés au village. Il montrait aussi de la curiosité sur les détails de ce qui se passait au Laos, curiosité que j’étais plus qu’heureux de satisfaire.

Le lendemain les trois visiteurs ont reçu une nouvelle déroutante : le vol de la Commission de contrôle internationale était annulé et ils ne pouvaient donc prendre l’avion que la semaine suivante. Tous trois étaient très occupés et ils ont donc commencé à planifier leur retour vers les États-Unis. J’ai cependant suggéré à Noam de rester. Je lui ai dit que je pourrais lui arranger des rencontres avec des réfugiés ayant fui les bombardements, avec l’ambassade états-unienne, avec des membres du gouvernement laotien, avec le premier ministre Souvanna Phouma, avec un membre du Pathet lao et avec un ex-guérillero – c’est la même chose que je faisais avec les journalistes. De son point de vue c’était l’occasion unique de connaître la guerre secrète des États-Unis au Laos, et pour moi c’était l’occasion de faire connaître les bombardements, dans l’espoir de les interrompre.

Noam m’avait alors donné son accord et nous avons eu une expérience unique – lui à l’arrière de ma moto, moi le conduisant dans les rues de Vientiane, alors qu’il cherchait à en savoir le plus possible sur ce que faisaient les États-Unis au Laos, ce qui était presque complètement inconnu dans le monde. Ce n’est que le mois suivant que Richard Nixon a finalement reconnu pour la première fois que les États-Unis bombardaient le Laos, depuis six ans, même si lui et Henry Kissinger continuaient de mentir en disant que les bombardements ne touchaient que des cibles militaires.

J’ai en mémoire différentes expériences de ma semaine avec Noam. Je l’observais lire un journal. Il fixait une page, semblait la mémoriser, et dans la seconde qui suivait il tournait la page et fixait la suivante. À un moment je lui ai donné un livre de 500 pages concernant la guerre au Laos, il était dix heures du soir. Je l’ai revu le lendemain matin pour le petit-déjeuner, juste avant notre entretien avec un responsable politique de l’ambassade états-unienne, Jim Murphy. Lors de l’entretien la question du nombre de soldats nord-vietnamiens présents au Laos a été discutée. L’ambassade affirmait que 50 000 soldats nord-vietnamiens avaient envahi le Laos, alors que tout montrait qu’ils étaient au maximum quelques milliers. Je suis presque tombé de ma chaise lorsque Noam a cité une note de bas de page qui soutenait son argumentation ; cette note se trouvait dans l’ouvrage que je lui avais donné, il avait donc dû lire plusieurs centaines de pages. Je connaissais l’expression « mémoire photographique », mais je l’ai rarement vue pratiquée, ou en tout cas si bien pratiquée. Accidentellement Jim Murphy lui a montré des documents internes de l’ambassade qui confirmaient que le nombre le plus bas était correct, documents qui ont par la suite été cités par Noam dans le long chapitre qu’il consacre au Laos dans son ouvrage « Guerre en Asie ».

J’étais également étonné par sa modestie. Il détestait parler de lui-même – contrairement aux grands personnages du journalisme que j’avais rencontrés. Il n’était guère intéressé par les conversations oiseuses, les commérages, il ne parlait pas des personnes fameuses ; il restait concentré sur le sujet qui l’intéressait. Il ôtait toute importance à son travail dans le domaine de la linguistique, considérant que c’était sans importance comparé à son souhait d’arrêter les meurtres de masse qui se produisaient en Indochine. Il n’avait aucune envie de connaître la fameuse vie nocturne de Vientiane, les lieux touristiques. Il n’était pas intéressé par le repos au bord de la piscine.

Son objectif était clair, il était en mission. Il m’a impressionné comme un authentique intellectuel qui réfléchissait beaucoup. Et je pouvais comprendre. Je réfléchissais beaucoup aussi et j’avais une mission.

Mais ce qui m’a le plus impressionné, et de loin, c’est ce qui s’est passé lorsque nous sommes partis vers un camp de réfugiés provenant de la Plaine des Jarres. J’avais déjà emmené des dizaines de personnes, dont beaucoup de journalistes, pour visiter les camps. Presque aucune de ces personnes n’avait ressenti d’émotion devant la souffrance des réfugiés. Que ce soit Bernard Kalb de CBS, Welles Hangen de NBC ou Sydney Schanberg du New York Times, les journalistes écoutaient poliment, posaient des questions, prenaient des notes, puis retournaient à leur hôtel pour écrire leur article. Ils ne montraient guère d’émotion, guère d’intérêt, concernant le vécu des villageois, tout ce qui les intéressait c’était ce qui allait leur permettre d’écrire leur article. Nos conversations dans la voiture pour retourner à leur hôtel portaient généralement sur le dîner du soir, ou sur leur programme dans les jours à venir.

Une scène m’a beaucoup marqué. Alors que je traduisais les questions de Noam et les réponses des réfugiés je l’ai soudain vu craquer et fondre en larmes. J’étais frappé non seulement parce que aucun des autres visiteurs n’avait réagi de cette façon, tout compte fait la plus naturelle des réactions, la plus humaine. Jusque lors Noam m’avait semblé si intellectuel, si immergé dans le monde des idées, des mots, des concepts ; il avait montré si peu de sentimentalité. Je réalisais à ce moment que c’est son âme qui était visible. Et l’image de Noam pleurant dans le camp m’est toujours restée. Lorsque je pense à Noam c’est cette image que je vois. L’une des raisons pour lesquelles sa réaction m’a frappé c’est qu’il ne connaissait pas ces Laotiens. C’était relativement facile pour moi, ayant vécu parmi eux, ayant aimé des personnes comme Paw Thou, de m’engager pour essayer de faire cesser les bombardements. Mais j’ai été fasciné de voir ces gens, dont Noam mais pas seulement lui, ces milliers d’États-uniens qui ont passé tant d’années de leur vie à essayer de mettre un terme aux bombardements en Indochine pour des victimes qu’ils n’avaient jamais vues.
Alors que nous revenions du camp ce jour-là, il est resté calme, encore ému par ce qu’il venait d’apprendre. À ce moment-là il avait déjà beaucoup écrit sur la guerre états-unienne en Indochine. Mais c’était la première fois qu’il rencontrait des victimes. Et dans le silence, sans mot dire, un lien s’est forgé entre nous.

Lorsque je jette un regard en rétrospective sur ma vie je sens que j’étais une meilleure personne pendant cette période. Et j’ai réalisé qu’à cette époque nous venions tous deux du même endroit : face à l’inimaginable calvaire de ces gens innocents, gentils, doux – ainsi que tant d’autres – tout semblait trivial. Une fois que vous saviez que des innocents étaient tués, comment pouviez-vous faire autre chose que d’essayer de leur sauver la vie ?

Et j’ai réalisé dans le silence de la voiture qu’au-delà de la personnalité publique de Noam, l’intellectuel des intellectuels, qui s’appuyait sur les faits et la raison pour soutenir son argumentation, il y avait un être humain très sentimental. Pour Noam ces paysans laotiens étaient des êtres humains, avec des noms, des visages, des rêves, avec autant de droit à la vie que ceux qui les bombardaient. Pour beaucoup de ces journalistes de passage, pour ne pas parler des États-uniens en général, ces villageois laotiens étaient des « non personnes » sans visage, dont la vie n’avait de toute façon aucune importance.

Lorsque je suis retourné aux États-Unis Noam et moi sommes restés en contact pendant toute la durée de la guerre. J’ai été encore plus impressionné par Noam lorsque j’ai commencé à lire son travail et j’ai réalisé que personne d’autre n’avait écrit de façon si détaillée, de façon si logique, de façon si pénétrante, aussi bien à propos des horreurs de la guerre que du système qui les produisait. Mais ce qui m’a encore le plus impressionné avec Noam – tout comme pour son ami Howard Zinn – c’est qu’en plus des écrits et des discours ils s’exposaient physiquement pour faire opposition à la guerre.

Noam et Howard faisaient partie de mon groupe d’amis lors des manifestations du 1er mai, des milliers de personnes avaient été arrêtées et nous nous sommes trouvés dans des cellules voisines à Washington à la suite des actions de désobéissance civile de Redress. J’ai aussi vu Noam être l’un des dirigeants de Resist, une organisation qui défendait les objecteurs de conscience contre l’engagement militaire et qui promouvait le non paiement des impôts pour s’opposer à la guerre. Ne fût-ce l’Offensive du Têt ils se seraient retrouvés devant les tribunaux. Il s’était exprimé contre la guerre à partir de 1963, avant que la plupart d’entre nous en aient même entendu parler. Il a reçu des menaces de mort et a dû faire face à pas mal d’autres problèmes – à tel point que son épouse Carol est retournée en cours pour pouvoir travailler au cas où il arriverait quelque chose à Noam qui l’empêcherait de maintenir leurs trois enfants.

Lorsque la guerre finit j’ai pris une décision fatidique. Au lieu de m’opposer au prochain épisode des horreurs provoquées par les dirigeants états-uniens, j’ai décidé de travailler au pays pour essayer de remplacer nos dirigeants par une nouvelle génération de dirigeants qui s’étaient opposés à la guerre et qui défendaient la justice sociale. Les quinze années suivantes j’ai donc travaillé sur les questions de politique intérieure – avec Tom Hayden et la Campagne pour la démocratie économique, comme conseiller du gouverneur Jerry Brown, dans le think tank du sénateur Gary Hart, à la direction de Rebuild America, recevant les conseils des meilleurs économistes et des plus grands hommes d’affaires états-uniens.
Je n’avais que des contacts sporadiques avec Noam pendant cette période, en partie parce que nos points d’intérêt divergeaient nettement. Il a continué à écrire de nombreux articles et des livres et de donner des conférences. Il s’est opposé à la criminelle politique états-unienne au Timor oriental, aux guerres terroristes de Reagan en Amérique centrale, à la désastreuse politique économique de Clinton en Haïti et dans d’autres pays du tiers-monde, aux bombardements du Kosovo ; en plus du sujet qui semble le passionner : le soutien états-unien à Israël qui opprime les Palestiniens. Ces sujets ne faisaient pas partie de mes centres d’intérêt, concentré que j’étais sur les questions électorales et la politique intérieure, comme l’énergie solaire ou le développement d’une stratégie économique nationale.

Lorsque je regarde en arrière aujourd’hui, je réalise l’importance d’un facteur inconscient : Je tendais à éviter Noam parce que j’imaginais qu’il me considérerait comme quelqu’un d’immoral ayant renoncé à sauver des vies pour préférer entrer dans ce système si corrompu. Je me suis trouvé dans des dialogues imaginaires avec lui, me trouvant sur la défensive, essayant de justifier ce que je faisais – ce qui était devenu difficile dans le mesure où mes efforts dans la politique électorale ont été vains, et je me trouvais beaucoup plus égoïste que pendant la guerre.

Plus de dix ans après, je me trouvais à Boston et j’ai appelé Noam. Il m’a chaleureusement invité à passer chez lui et nous avons conversé un moment. Je lui ai finalement demandé ce qu’il pensait du choix que j’avais fait de m’engager dans la politique électorale. Je lui ai également dit que je me trouvais alors chez un ancien ami de gauche qui travaillait pour une grande banque qui m’avait dit ce matin-là qu’il ne voulait pas rencontrer Noam parce qu’il imaginait que ce dernier le lui reprocherait. Noam était vraiment choqué par l’anecdote. « Pourquoi donc ? Nous sommes tous compromis », dit-il. « Regarde mon cas. Je travail au MIT, qui a reçu des millions du ministère de la Défense. » Il semblait vraiment perplexe, choqué parce que mon ami et moi avions pu penser qu’il nous aurait dénigré pour ce que nous faisions.

Ces dernières années j’ai été en contact régulier avec Noam, principalement par courrier électronique. Mais je suis aussi resté dix jours chez lui avant l’hommage rendu à Howard Zinn le 3 avril 2010. C’était très émouvant pour nous deux, particulièrement pour Noam, qui était très lié à Howard, et cette visite m’a beaucoup marqué.

J’ai globalement trouvé le même Noam que j’avais connu quarante ans plus tôt. Aucun intérêt pour les conversations oiseuses. Grande modestie. Grande contrariété devant le refus des intellectuels et des journalistes états-uniens de prendre position contre les crimes de guerre des dirigeants du pays. Les grandes thèmes moraux de notre époque. Un type sympa, qui me propose de me ramener d’un meeting à Cambridge, ou qui va chercher quelques courses au supermarché pour notre repas.

J’ai demandé à Noam comment il vivait le fait d’être en permanence critiqué parce qu’il s’intéresse principalement aux crimes commis par les dirigeants états-uniens et non pas à ceux d’autres pays. Il m’a dit que cela était normal dans la mesure où il est citoyen états-unien et les dirigeants états-uniens ont commis davantage de crimes à l’étranger depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Effectivement, et j’ai relevé qu’il y a beaucoup d’intellectuels et de journalistes qui critiquent les dirigeants étrangers, alors que très peu ne s’avisent de critiquer les crimes commis par leurs propres dirigeants.

Et, tout comme quarante ans auparavant, j’ai été particulièrement frappé par sa constante activité. Il passait presque tout son temps à lire, à écrire, à donner des interviews sur place ou au téléphone, à parler. Et avec cette générosité qu’on lui connaît il répond à un flot ininterrompu de courriers électroniques – parfois durant cinq ou six heures par jour.
J’ai également découvert qu’il continue de parler partout aux États-Unis et dans le monde, si bien que son agenda est déjà rempli plusieurs années à l’avance. À 82 ans il conserve un emploi du temps qu’une personne quarante ans plus jeune ne pourrait pas supporter.
Son ascétisme m’a frappé également. Lorsque je lui ai téléphoné j’ai réalisé qu’il avait toujours le même numéro de téléphone et qu’il vivait dans la même banlieue modeste que quarante avant. Il porte des jeans, et il ne s’intéresse quasiment pas à l’alimentation ou aux biens matériels. Il reçoit des visites de sa famille ou d’amis, voilà tous ses loisirs.

Un soir j’ai été particulièrement troublé, lorsque nous dînions, je pensais à l’énorme distance qu’il y a entre ce que Noam sait des massacres que nos dirigeants commettent dans le monde et ce que les gens savent. J’ai soudain pensé au Winston Smith du « 1984 » d’Orwell, qui n’a guère d’espoir de changer la société et qui se limite à essayer de rester en bonne santé et à coucher la vérité sur le papier dans l’espoir qu’un jour les générations futures en soient informées. J’ai dit à Noam que pour moi il était comme Winston Smith.
Je me souviendrai toujours de sa réaction. Il m’a regardé. Et il a sourit tristement.

Noam peut être très dur à l’encontre de ceux qui soutiennent les guerres états-uniennes, mais il est encore plus dur envers lui-même. Une fois j’ai raconté que j’avais interrogé un militant de toute une vie avec qui nous étions tous les deux en bons termes, je lui ai demandé s’il avait des regrets sur la vie qu’il avait eue. Notre ami a répondu qu’il aurait dû passer davantage de temps avec sa famille, et qu’il aurait dû donner suite à certains de ses projets en dehors de la politique. « As-tu des regrets ? », ai-de demandé à Noam Chomsky. Sa réponse m’a frappé. S’adressant plus à lui-même qu’à moi : « Je n’en ai pas fait assez ».
Une autre fois j’ai demandé à Noam quelle satisfaction il ressentait d’avoir écrit tant de livres, d’avoir fondé une nouvelle branche de la linguistique, d’être si influent dans le monde. « Aucune », a-t-il répondu d’un air contrarié, ajoutant qu’il n’avait pas réussi à faire comprendre le traitement barbare que les dirigeants états-uniens réservent aux non personnes dans le monde. Il ressentait un sentiment de frustration, par exemple, dû au fait que la plupart des gens ne comprennent pas que les assassinats de centaines de milliers de personnes innocentes commis par nos dirigeants et la destruction de la société sud-vietnamienne signifiaient en fait que nos dirigeants avaient gagné la guerre d’Indochine, parce que la possibilité d’un modèle économique et social alternatif à celui des États-Unis avait été éliminée.

Un soir comme je montais l’escalier pour aller à ma chambre j’ai jeté un coup d’œil dans le bureau de Noam. À la maison il passe sont temps assis dans une grande chaise devant son ordinateur ; et sa posture ressemble beaucoup à celle d’un moine bouddhiste en méditation.
Et cela m’est venu soudain. Soudain j’ai réalisé. « Ainsi Noam a vécu, comme je l’ai fait assez brièvement durant la guerre, pendant ces quarante dernières années. Il a travaillé des journées entières, lisant, écrivant, donnant des conférences, sans gaspiller une minute, dans un effort de concentration pour essayer d’arrêter les massacres commis par les États-Unis, pour forcer les gens à entendre la voix des non personnes ».

Et je suis bien embêté de dire que j’ai ressenti un grand amour pour lui à ce moment-là. Depuis que j’avais entendu parler du « Mahatma » Gandhi, je me demandais ce que l’expression « grand esprit » signifiait réellement. Et à ce moment-là j’ai compris. Si être un « grand esprit » c’est de répondre à la souffrance des sans voix, et d’engager tout son esprit, son corps et son âme pour essayer de la réduire, j’en avais enfin rencontré un. La tradition juive le dit de façon différente, dans la légende des 36 Justes qui, chacun à un moment donné, sans en être conscient, assurent la survie de l’humanité. Si Noam n’est pas l’un de ces 36, je me suis demandé, qui l’est ? Je me suis souvenu des personnes qui ont comparé Noam à des prophètes de l’Ancien Testament, comme Amos ou Jérémie, lesquels avaient aussi dénoncé les dirigeants corrompus de leur temps et dont nous avons oublié les noms.
Bien que certains pourraient être en désaccord avec certaines positions de Noam ces quarante dernières années, j’ai senti à ce moment, dans cet escalier, que de telles controverses semblent sans intérêt pour apprécier qui il est et ce qu’il représente. Cependant que, comme tout le monde, je m’étais parfois intéressé aux cris des victimes innocentes des guerres états-uniennes, Noam avait continûment été à leur écoute.

Lorsque je me trouvais chez Noam il a reçu la visite de la fameuse auteure indienne Arundhati Roy qui, comme tant de personnes en dehors des États-Unis, partout dans le monde, ressent un grand respect, de l’admiration et de l’amour pour lui. J’ai compris ce qu’il représente pour elle, lorsque j’ai lu ces mots qu’elle a écrits dans le chapitre « La solitude de Noam Chomsky » : « Chomsky révèle le cœur impitoyable de la machine de guerre états-unienne... capable d’annihiler des millions d’êtres humains, des civils, des militaires, des femmes, des enfants, des villages, des écosystèmes entiers – recourant à la violence avec une précision scientifique. Lorsque le soleil se couchera sur l’empire états-unien, comme cela se produira, comme ça doit arriver, le travail de Noam Chomsky demeurera... En tant que personne qui pouvait être une sale asiate, comme sale asiate en puissance, pour une raison ou pour une autre, presque tous les jours j’ai l’occasion de penser ’’Chomsky Zindabad’’ (’’Vive Chomsky ! ’’) ».

Je me demande pourquoi Chomsky est si affecté par la souffrance des victimes des dirigeants états-uniens. Cette dernière décennie je me suis intéressé de près à la psychologie, laquelle considère que l’explication de notre comportement se trouve globalement dans la façon de faire face aux traumatismes de notre enfance, notamment quand nous apprenons que nous allons mourir au cours de notre vie adulte. Et je pense à ce que cela signifie pour la personne de Noam Chomsky.

J’ai appris que nos vies sont largement déterminées par les défenses inconscientes que tôt nous développons contre les douleurs émotionnelles. Et il est clair pour moi qu’une clé pour comprendre Noam c’est que pour une raison ou pour une autre il a moins de défense que nous autres contre les douleurs du monde. Il n’a pas de « peau ». Il est tourmenté, comme je l’étais au Laos par la souffrance des « non personnes » – et il travail sans interruption pour tenter d’y mettre fin.

Et inversement c’est lorsqu’il se trouve avec eux qu’il se sent vraiment vivant et les sentiments intimes jaillissent de son être intellectuel.

Lorsque je me trouvais chez lui j’ai demandé à Noam qui il admirait le plus dans le monde. Il a répondu en disant qu’il s’est récemment rendu chez des paysans colombiens qui luttent dans des zones rurales pour protéger la jungle de la déforestation. Noam a passé plusieurs journées à discuter avec eux, faisant des enregistrements de leurs récits, prenant connaissance de leur grande souffrance et leur grand courage. Lors de sa dernière visite ils sont montés au sommet d’une colline et là les chamans ont dirigé une cérémonie pour qu’une forêt soit dédiée à Carol. Je ne l’avais jamais vu si ému, si vivant, depuis son séjour au Laos quarante ans plus tôt.

Je me suis souvenu récemment de Noam pleurant dans un camp de réfugiés au Laos et je me demande une fois de plus pourquoi il est comme ça. Qu’est-ce qui dans son enfance ou durant sa vie pourrait donner une explication ? Il est cependant difficile de trouver une réponse satisfaisante. Noam non seulement négligent les considérations d’ordre privé, il s’intéresse peu aux explications psychologiques ou spirituelles du comportement humain. Bien qu’il admette que la thérapie ait été utile pour des personnes qu’il connaît il considère les tentatives d’explication du comportement humain comme autant de « récits ». Il pense qu’il y a trop de variables impliquées pour comprendre l’être humain, pour appréhender l’esprit humain – pour ne pas parler de l’impossibilité de mener des expériences qui pourraient donner des réponses scientifiques.

Et on peut imaginer qu’il considère que le temps passé à ces « récits » est du temps perdu alors que tant de vrais êtres humains souffrent et la construction de mouvements de masse est le seul espoir qui puisse les sauver.

Si assez de personnes parmi nous avaient travaillé comme Noam pour obliger les dirigeants états-uniens à arrêter les massacres et l’exploitation ces quarante dernières années, après tout, beaucoup de gens auraient été sauvés, et les États-Unis et le monde seraient non seulement plus riches, plus pacifiques et plus justes, mais en plus on serait pas aujourd’hui en train d’avancer vers la fin de la civilisation provoquée par le changement climatique. Noam pense que la principale responsabilité sur ce point revient au système qui est mu par les considérations à court terme des grandes entreprises qui voient le changement climatique comme une « externalité », soit un problème dont quelqu’un d’autre doit s’occuper. Il est clair que le problème c’est que trop peu de personnes, moi compris bien entendu, réagissent de façon appropriée face à la probabilité de la mort de la civilisation.
Et finalement je réalise que la question importante n’est pas pourquoi Noam réagit de cette façon à la souffrance de personnes innocentes sur la planète. La question importante c’est pourquoi tellement de personnes ne font pas de même.

Le 18 juin 2012
Fred Branfman
Traduction : Numancia Martinez Poggi
Source : http://www.zcommunications.org/when-chomsky-wept-by-fred-bra...
Version espagnole : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=151694&titular=vi...
URL de cet article 17100
http://www.legrandsoir.info/lorsque-chomsky-pleura.html

mercredi 27 juin 2012

TROP , c'est trop .. J'ACCUSE !!!! (Marie-caroline Porteu)

 Notre amie M art'IN, sur le site Ruminances, nous fait part d'une info plutôt renversante, découverte sur un blog de Médiapart. L'auteur encourageant la reprise de ce billet très documenté, le voici ici. On lira avec intérêt également les commentaires, sur le blog lui-même, où il semble que la Hasbara tente avec peine de contrer la diffusion de la nouvelle en déviant ailleurs la conversation.

 

TROP , c'est trop .. J'ACCUSE !!!!

Trop , c'est trop !! J'accuse 

Voici quelque mois , j'ai écrit un billet intitulé Décolonisons l'Europe de l'Occupation Financière .. 

Il y a quelques semaines j'en ai écrit un autre intitulé : Ceci n'est pas un complot mais une stratégie . 

Je ne pensais pas avoir ce matin une démonstration aussi éclatante de la réalité de ces deux observations.

La Grèce a visiblement dans ses eaux maritimes des gisements pétroliers et gaziers d'une importance et d'une richesse exceptionnelles.

Cette nouvelle devrait faire la une de tous les journaux  et un article remarquablement détaillé a été écrit sur le sujet par F. William Engdahl en Mars 2012, journaliste américain, spécialiste des questions énergétiques et géopolitiques. 

Depuis des millénaires, les richesses d'un sous sol ou des eaux territoriales d'un pays appartiennent au pays lui-même et à son peuple . Il n'y a même pas besoin de se référer à une quelconque doctrine idéologique pour le savoir et le constater ..Ces gisements seraient visiblement totalement suffisants pour permettre à la Grèce de se désendetter . 

Foskolos déclare qu' il y aurait 22 milliards de barils de pétrole au sud de la Crète; il estime les perspectives de développement en la matière à 2016-2017, et déclare que le sud de la Crète est aussi riche que l’Iran.

Les lois édictées par la Commission européenne en 2007 , concernant la libéralisation du marché de l'énergie et la  possibilité de privatiser les entreprises publiques exploitant et distribuant ces ressources  ont permis aux  banques d'investissement américaines de s'approprier en toute impunité , en profitant d'un marché totalement déstabilisé par la soi-disant Crise des dettes souveraines Européennes , d'une partie des infrastructures européennes de transport d'énergie .. 

L'Europe colonisée est en train de franchir une étape de plus , puisque la Société Noble Energy , qui n'a même pas été à l'origine des découvertes des gisements grecs  (c'est l'État grec lui même qui a fait visiblement faire ces recherches) , revendique 60% de cette future production . 

Selon un rapport de l’analyste politique Aristote Vassilakis publié en juillet 2011, l’objectif de Washington en poussant ainsi la Grèce et la Turquie à unir leurs forces sur le pétrole et le gaz réside dans le partage prévu des revenus de ces exploitations. Selon son rapport, Washington propose que la Grèce obtienne 20 % du chiffre d’affaires, la Turquie 20 % et la société états-unienne Noble Energy, société qui a déjà assuré le forage dans les eaux israéliennes et au large des cotés grecques, obtiendrait la part du lion, c’est à dire 60 % [12].

Bill, l’époux de la secrétaire d’État Hillary, est lobbyiste à Washington pour le compte de Noble Energy. [13]

Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter beaucoup de commentaires à cet invraisemblable escroquerie dont le peuple Grec risque de se retrouver une fois de plus la victime ..sachant que récemment , l'Allemagne , par la voix du PDG de la Deutsche Bank demandait l'accélération des privatisations de services publics Européens . 

L'omerta médiatique ne devient  rien d'autre qu'une  complicité active de crimes  insensés . Je ne sais plus qui parlait de génocide financier concernant la Grèce ou l'Europe .. mais on peut désormais ajouter le terme de colonisation et d'occupation , favorisée par nos médias et bien sûr par les membres de la commission Européenne .  L'allemagne avait d'ailleurs prévu un plan de relance pour la Grèce, incluant des zones franches favorisant les investissements étrangers  avec une dérégulation totale du marché de l'emploi Grec..  : nouveaux camps de travail européens ? 

Si cette information avait été un minimum relayée par les médias , les taux d'emprunt de l'Etat Grec seraient sans doute au même niveau que ceux de la France et de l'allemagne . Les intérêts financiers prélevés sur les grecs , comme les plans d'austérité , ne sont donc que les conséquences d'une immense escroquerie , à laquelle les médias ont participé par leur silence . 

La Grèce est le pays le plus riche de toute l'Europe  !!! Ses taux d'emprunt d'état devraient être inférieurs à ceux de l'Allemagne !!!!  

La prochaine étape : ce sera une taxe perçue par les entreprises américaines sur l'air qu'on respire ??  La taxe carbone étant déjà dans leurs mains comme le montre les acteurs financiers du Carbone Disclosure Project .. qui sont :  
HSBC, JPMorgan Chase, Bank of America, Merrill Lynch, Goldman Sachs, American International Group, and State Street Corp.

Ne vous demandez d'ailleurs pas qui a intérêt à la nouvelle campagne de désinformation sur la pollution des diesels . 

Trop c'est trop .. et je pense qu'il n'est pas besoin de beaucoup de mots pour montrer que la seule priorité est de mettre fin à cette colonisation et à ce hold up  inadmissible , qui se fait de plus avec la complicité de ceux qui sont supposés servir les intérêts des européens  .. Je n'appellerais pas mon billet l'Europe des Vendus , mais je pense que ce titre serait tout à fait pertinent . 

Une information était sortie le 13 Janvier 2012 sur ces découvertes ... AUCUN MEDIA n'a trouvé jugé utile de la relayer alors qu'elle était d'une importance capitale . Ou sont les appels d'offre ?? 

Modification effectuée le 24 JUIN : l'horizon se dégage pour savoir qui fait quoi : 

La Société Latsis  visiblement majoritaire dans le Groupe Hellenic Petroleum , également actionnaire de la Société Energean qui exploite déjà deux forages en Grèce , cherche activement des partenaires pour ces forages et ces explorations :

From the local energy market, however, interest has been shown by Hellenic Petroleum, which, according to a previous statement by CEO Yiannis Costopoulos, will be participating in the tender either independently or with a partner. The group is apparently already in search of a partner as, according to sources, it extended an invitation to potential investors for the exploration and production of hydrocarbons at a recent presentation in London.

The Latsis Group, which owns a majority stake in Hellenic Petroleum, appears to be moving in this direction too, following its withdrawal from the natural gas market.
Its interest in the reserves found in Katakolo, western Greece, has also been made public by Energean Oil & Gas, which is currently developing the Prinos oil field in the northern Aegean.

Last but not least, Greek construction firm J&P Avax has apparently held exploratory talks for participating in the conceded areas of Ioannina, Katakolo and the Gulf of Patra, while it also seems that the hydrocarbon market has left Motor Oil, which is active in North Africa, unmoved so far.

Il semble utile de préciser à ce stade que Latsis entretien des relations très étroites avec Barroso , ce qui peut éclairer les décisions de la Commission Européenne  .. et je ne peux que recommander la lecture du fabuleux Billet de Vivre est un village sur ce sujet précis :

Ils ont aussi - et surtout - découvert que les entreprises de Spiro Latsis avaient eu au moins à six reprises, depuis 1999, les honneurs de la Commission européenne dans ses avis ou décisions. Ainsi, de 1999 à 2004, la banque du groupe grec, EFG Eurobank, a été choisie par la Commission pour faire transiter l’argent des financements européens en Grèce. De même, l’exécutif européen a autorisé plusieurs rapprochements entre le groupe Latsis et des banques ou entreprises grecques. (…) Enfin, pour tout arranger, Barroso, une fois installé à la tête de l’exécutif européen, a nommé conseiller spécial à la Commission un certain Dusan Sidjanski, également patron du Centre européen de la culture [le CEC fondé par Denis de Rougemont], un machin largement financé par… le groupe Latsis. »

Alors Oui :
J'accuse nos technocrates de brader les intérêts des Européens 

J'accuse les politiques élus de leur faciliter la tâche 

j'accuse nos médias , par leur silence indigne, de participer activement à ce dépeçage . 

Et je ne dirais pas : Bon appétit Messieurs .. !!!! MAIS plutôt , l'heure est venue de rentrer en Résistance . 

P.S. n'oubliez pas de recommander ce billet pour qu'il ait la plus large diffusion possible . Merci 

Sources 
Traduction par le réseau Voltaire : Découverte des gisements gaziers et pétrolifères Grecs 
Grèce l'espoir de l'Or noir sur word presse . http://bit.ly/Mh0j2l 
Actionnaires de Noble Energy : tous les fonds de pension Américains et des hedge funds : http://fr.finance.yahoo.com/q/mh?s=NBL
Capital World , Vanguard, Fidelity , Black Rock, Oppenheimer Funds, State street, Eagle Capital 

Campagnes électorales et "démocratie"


Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle aux quatre millions de voix, candidat à la législative de la Onzième du Pas-de-Calais, fait un bilan de ces mois de campagne et de leurs résultats.

C'est ici, sur iTélé et Europe1.

Tout est dit. Avec ses 577 campagnes, aux stratégies nécessairement différentes, le Front de Gauche a perdu l’élan de la présidentielle. Y a-t-il eu, à l’échelon de décision collective nationale, des raisons à ce choix ? C’est probable. Un Front, par sa nature même, n’a pas le côté monolithique d’un parti charpenté et figé : c’est à la fois sa force et sa faiblesse. Ce choix fut pris et assumé. Le candidat Mélenchon, envoyé « au casse-pipe » là où il le fallait, a fait largement ce qu’il a pu, il n’a pas démérité.

En face, l’opposition fut rude, rocailleuse, dangereuse. Celle des solfériniens n’étant pas la plus négligeable. La seule formation dangereuse, vue de Canary Wharf et du 200 West Street, Manhattan, a été tirée à boulets rouges, et à bout portant par toute la classe politique « sérieuse ». Le groupement « à la flamme » ne servait pour cette classe que de dérivatif pour sa propre promotion, sans pour autant le critiquer outre mesure : les voix de ses adeptes étaient courtisées par tout le monde.

Que sera l’avenir ? Ce Front tiendra-t-il la distance, malgré des mouvements centrifuges habituels quand ne règne pas la dictature interne d’un parti ? On peut le penser malgré tout. Des redistributions vont se faire, des assainissements locaux interviendront, mais surtout restera une ligne commune qui s’infléchira sans doute sur quelques points, en fonction des évènements. A moins…

A moins que le parti servile, par des manœuvres diverses, ne réussisse à convaincre quelques pontes de chez Fabien à se rapprocher de lui. Malgré la bonne foi de ceux-ci, je précise.